Le Roi des gueux
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Le Roi des gueux

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Durant le regne de Philippe IV, deux femmes venant d'Estremadure entrent a Séville, de nuit. Elles ne savent pas encore que de nombreuses intrigues et complots les y attendent...

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Information

Partie 1
LE DUC ET LE MENDIANT

Chapitre 1 UNE NUIT À SÉVILLE

En ce temps, Séville était encore la reine des Espagnes, malgré la suprématie politique accordée par Philippe II à Madrid la parvenue. La capitale nouvelle avait la cour et donnait son nom aux actes de la diplomatie péninsulaire depuis la fin du règne de Charles-Quint ; mais, pour le peuple espagnol, Séville restait toujours la ville royale. Ses mosquées transformées en basiliques, son palais maure qui ne le cède qu’à l’Alhambra, ses campagnes fécondes et embaumées, son fleuve magnifique, sa gloire resplendissante, jetaient un facile défi à ce pauvre et aride coteau, baigné par ce ruisseau bourbeux, le Mançanerez, où s’étageaient les vaniteuses masures madrilènes, comme le mendiant de Castille redresse son incorrigible fierté sous les lambeaux de sa cape criblée.
Ce n’était pas de Madrid qu’on aurait pu chanter, de Bilbao à Tarifa l’Africaine, et de Valence à Lisbonne, capitale d’un tout jeune royaume :
Quien no ha visto a Sevilla
No ha visto a maravilla.
(Qui n’a vu Séville n’a vu de merveille.)
Philippe IV aimait Séville. Au moins une fois chaque année, les riches tentures de l’Alcazar voyaient le jour et secouaient leur poussière pour fêter la bienvenue du souverain. Ce prince, aussi malheureux que faible, avait déjà perdu le Portugal, qui avait proclamé son indépendance et choisi pour roi, Jean de Bragance, héritier par les femmes de Jean Ier ; il était en train de perdre la Catalogne, et ses ambassadeurs, comme ses armées, pliaient partout devant le génie ennemi de Richelieu ; mais il ne puisait dans ses revers aucune résolution mâle.
Son ministre favori était chargé de voir, d’entendre, de penser et d’agir pour lui. Fuyant les affaires, cherchant le plaisir, il fermait incessamment l’oreille au grand murmure de la nation espagnole, qui accusait hautement le ministre d’impéritie ou de trahison.
Partout fermentait le mécontentement. Les provinces, ruinées par la guerre et attaquées dans leurs privilèges constitutionnels par les capricieuses réformes du favori, commençaient à refuser la taxe. Les séditions se multipliaient, éclatant à la fois sur les points les plus opposés du royaume. À Madrid, à Valladolid, à Tolède, on avait vu des processions moqueuses courir les rues, lors du dernier carnaval, escortant une bannière ainsi blasonnée, contre toutes les règles de la science héraldique : « De sable, au fossé du même », avec cette devise cruelle qui faisait allusion aux pertes récentes de Philippe IV et au surnom de Grand que le ministre favori lui avait décerné de sa propre autorité : Plus on lui prend, plus il est grand.
À Séville enfin, à Séville, si fière de son titre de ciudad leal (cité loyale), on avait trouvé, placardée à la porte de l’Alcazar, une variante plus insolente encore du même thème. Au lieu de l’écusson, c’était une estampe représentant toujours le fossé symbolique autour duquel se groupaient cinq fossoyeurs : l’Anglais, le Français, le Hollandais, le Portugais et le Catalan. La légende amendée portait : Agrandissement de la Maison d’Autriche.
La cour se divertissait cependant, et les dernières courses de Saragosse avaient été splendides.
La nuit du 28 au 29 septembre 1641 avait été marquée à Séville par un mouvement inaccoutumé. Après les réjouissances de la Saint-Michel, dont l’hermandad d’Andalousie et le bureau du saint-office avaient permis la prolongation jusqu’à onze heures avant minuit, tous les logis s’étaient fermés comme d’habitude, et de la Juiverie silencieuse au bruyant quartier des Gitanos, au-delà du fleuve, la ville était devenue muette. C’est à peine si les serenos, dormant debout et balançant leur petite lanterne au bout de la longue hallebarde, entendaient çà et là, dans leur promenade solitaire, quelque chant attardé derrière les jalousies tombées des maisons de délices, tolérées, moyennant larges finances, par la Très Illustre Audience. Il suffisait alors d’un petit coup frappé aux carreaux pour faire taire romances et guitares.
Mais entre deux et trois heures du matin on aurait pu entendre au delà des murailles du nord, le bruit d’une nombreuse cavalcade arrivant par la route de Lerena ; la Puerta del Sol, où se voit encore ce beau soleil peint à la détrempe avec sa chevelure ébouriffée de rayons d’or, leva sa herse et ouvrit ses deux battants à l’appel impérieux de deux cavaliers de la Très Sainte Confrérie parlant au nom du roi catholique.
Trois gardes et un alferez moitié endormis se rangèrent sous la voûte au port d’armes, après avoir lancé pour la forme le : Qui vive ? auquel il fut répondu :
– Sauf-conduit royal !
L’alferez jeta un coup d’œil sur le parchemin déplié à la lueur des torches que portaient les deux premiers cavaliers. Il mit aussitôt la main à la demi-salade qui lui couvrait la tête, et se recula respectueusement.
La cavalcade s’engagea sous la voûte.
Elle était composée d’un nombre assez considérable de gens armés qui semblaient, pour la plupart, des serviteurs de noble maison, et de cinq ou six femmes, dont deux, montées sur de superbes genêts et voilées de la tête aux pieds, étaient évidemment des personnes de haute qualité. Autant qu’on en pouvait juger sous l’ampleur de leurs voiles, l’une atteignait déjà le milieu de la vie, tandis que l’autre était une toute jeune fille. Les duègnes et suivantes qui les accompagnaient avaient des mules pour monture.
La cavalcade venait de loin, sans doute. Les manteaux des gens de l’escorte étaient tout gris de poussière.
Les archers de la confrérie s’engagèrent les premiers dans la rue étroite et tortueuse qui fait suite à la porte du Soleil. Leurs torches éclairaient en passant les maisons hautes et sombres qui semblaient toutes s’incliner en avant, à cause des appentis sur consoles qui s’ajoutent d’étage en étage aux logis de l’Espagne méridionale, et qui donnent aux rues l’aspect uniforme d’une voûte à gradins renversée, fendue à sa clef pour laisser voir une étroite bande du ciel. D’autres contrées cherchent des armes contre le froid ; ici, tout est calculé pour détourner les rayons trop ardents du soleil.
Le pas des chevaux allait tantôt sonnant, tantôt s’étouffant, selon que la voie capricieuse était ferrée de petits cailloux ou défoncée et recouverte d’un épais tapis de poudre. La rue tournait à chaque instant. La lueur des torches prolongeait l’ombre grêle des portiques musulmans, ou arrachait quelque faible étincelle aux bizarres magnificences des fenêtres mauresques ; puis tout à coup, derrière ces légères et féériques perspectives, se carrait le lourd profil d’une maison espagnole.
Pas une parole n’était prononcée dans l’escorte. De temps en temps, sur son passage, quelque croisée curieuse s’ouvrait, car ce n’était point chose ordinaire que de voir semblable cortège dans les rues de Séville, à cette heure. Au travers des planchettes de quelque jalousie baissée, un long regard suivait les deux torches qui échevelaient dans la nuit leurs flammes fumeuses et rouges.
Qu’était-ce ? Une mystérieuse cérémonie du saint-office ? La maison du comte-duc venant rejoindre le roi ?
On ne savait. Les cavaliers étaient trop peu nombreux pour escorter la reine. Et d’ailleurs, pourquoi la fille de Henri IV de France, aimée et respectée du peuple espagnol, eût elle choisi les heures nocturnes pour faire son entrée dans la loyale cité de Séville ?
On ne savait, en vérité. Les fenêtres se refermaient. La cavalcade muette poursuivait son chemin.
Après un quart d’heure de marche environ, les deux archers de la confrérie s’arrêtèrent en même temps à l’entrée d’une petite place de forme irrégulière, fermée d’un côté par une massive construction d’aspect monumental et sombre, de l’autre par des arcades mauresques dont quelques-unes tombaient en ruine.
L’extrémité opposée de la place s’ouvrait sur une rue courte et large, dont le développement laissait voir le portail gothique d’une église.
L’un des archers dit :
– C’est bien ici la maison de Pilate. Voici le Sépulcre à gauche. Nous sommes sur la place de Jérusalem.
– Si la senora duchesse n’a pas eu à se plaindre de ses fidèles serviteurs, ajouta l’archer en portant la main a son morion de cuir, nous nous recommandons à sa munificence.
La plus âgée des deux dames voilées jeta une bourse, qui fut adroitement saisie au passage.
Et les deux archers, a l’unisson :
– Que Dieu, la Vierge et tous les saints soient à tout jamais les protecteurs de sa seigneurie, très noble, très illustre et très généreuse !
En Espagne, les superlatifs ne coûtent pas plus qu’en Italie.
– Frappez, Savinien ! ordonna celle qu’on appelait la duchesse.
Un vieux valet, armé jusqu’aux dents et portant sur l’épaule gauche une rondache du temps du Cid Campéador, descendit de cheval et s’avança vers la porte principale de ce grand bâtiment noir désigné sous le nom de « la maison de Pilate. » Il souleva un énorme marteau de fer ciselé qui, retombant de son poids sur la plaque, fit retentir tous les échos des alentours.
L’escorte entière, à ce moment, avait quitté la rue et se développait sur la place.
– Je me nomme Pablo Guttierez, et je suis de Santarem, dit celui des deux archers qui avait parlé le premier. Mon camarade a nom Sancho tout court et sa naissance est un secret de famille ; il est de Ségorbe. Que la très illustre senora duchesse daigne ne point oublier les noms de ses fidèles serviteurs, au cas où ils auraient besoin de sa protection puissante.
Ils s’inclinèrent tous les deux jusque sur le garrot de leurs chevaux ; mais, au lieu de s’éloigner après ce salut, ils levèrent leurs torches et se prirent à compter à voix haute le nombre des serviteurs composant l’escorte.
La duchesse dit :
– Savinien, frappez plus fort.
Le vieux valet obéit à tour de bras, et l’on entendit dans la cour intérieure, ou patio, les aboiements essoufflés d’un vieux chien.
– Zamore a entendu, murmura la duchesse, d’une voix changée par l’émotion.
En ce moment Pablo Guttierez s’écria :
– Il y avait quinze hommes d’escorte à la porte du Soleil ; je n’en trouve plus que treize. La senora duchesse peut-elle m’expliquer ce mystère ?
Sancho, l’autre archer, comptait à haute voix de un jusqu’à treize.
– Que veut dire cela ? demanda la duchesse ; ne manque-t-il aucun de nos hommes ?
– Aucun ! répondit un grand beau cavalier vêtu en gentilhomme et qui avait l’honneur d’être le premier écuyer de sa seigneurie, mais il y avait ces deux voyageurs…
– Quels voyageurs ? fit la duchesse avec impatience. Frappez plus fort, Savinien !
La porte antique sonna une troisième fois sous les coups répétés du marteau.
– On y va, Vierge sainte ! gronda une voix cassée dans la cour. Les Maures ont-ils repris Séville ?
Pendant cela, Osorio, le premier écuyer, répondit à sa noble maîtresse :
– S’il plaît à Votre Seigneurie, je parle de ces deux voyageurs qui nous suivent depuis Valverde. Peut-être, pour traverser la campagne de Séville qui n’est pas sûre, s’étaient-ils glissés parmi notre escorte.
La plus jeune des deux dames n’avait pas encore prononcé une parole. Elle était immobile sur son joli cheval. Elle détourna la tête aux derniers mots d’Osorio, et se dirigea vers la porte, dont la grosse serrure criait. La duchesse voulut suivre cet exemple ; mais les deux archers, sans rien perdre de leurs formes respectueuses, lui barrèrent formellement le passage.
– Très puissante senora, dit Pablo Guttierez, nous étions honnêtement couchés dans nos lits, au Berrocal, mon camarade et moi, quand l’alguazil mayor nous a requis de vous faire escorte jusqu’à la maison de Pilate, au haut de la rue des Caballerizas, à Séville. Nous retournons de ce pas au Berrocal. Faudra-t-il garder le silence, ce qui est pécher par omission et mérite, pénitence marquée au neuvième titre de la formule ? Faut-il avouer à l’alguazil mayor que, dans ces malheureux temps de troubles, nous avons fait ouvrir nuitamment la porte de Séville à deux inconnus, mal intentionnés peut-être ?
Les deux battants de la porte grinçaient en roulant sur leurs gonds, le vieux chien geignait ; en se hâtant, la voix cassée de l’intérieur dit, avec cette emphase qui ne manque jamais aux discours andalous :
– Entrez, qui que vous soyez, et tous tant que vous êtes. Chez Medina-Celi, la porte s’ouvre à toute heure. Le maître est prisonnier, la maîtresse est dans l’exil, mais la maison reste, et jamais on n’a demandé à l’hôte que Dieu envoie : Qui êtes-vous ?
C’était une grande femme, un peu courbée par l’âge. La lueur des torches montrait ses cheveux gris épais, ses traits rudement accusés et l’éclat perçant de ses yeux noirs.
– Osorio, commanda la duchesse, donnez encore dix pistoles à ces bons chrétiens, pour le repos de leur conscience, et qu’ils retournent d’où ils sont venus.
Il paraît que Pablo Guttierez et même Sancho tout court n’en demandaient pas davantage, car ils ne protestèrent plus, et, à peine le premier écuyer leur eut-il compté les pistoles, qu’ils tournèrent bride en appelant sur lui toutes les bénédictions célestes.
La jeune dame, cependant, passait à cheval la porte haut-voûtée de la maison de Pilate. La senora duchesse la suivait de près. Vous eussiez vu sur le seuil cette grande femme à la taille courbée, qui, redressée à demi et la bouche entr’ouverte, soulevait d’une main sa lanterne, tandis que s...

Table of contents

  1. Titre
  2. Partie 1 - LE DUC ET LE MENDIANT
  3. Partie 2 - LES MEDINA-CELI
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