Cahiers Charlevoix 10
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About this book

Ce dixième volume des Cahiers Charlevoix regroupe cinq études sur l'Ontario français, qui traitent du diocèse de Sault-Sainte-Marie dans le conflit franco-irlandais entre 1904 et 1934; des perspectives amoureuses et conjugales des jeunes du nord-est de l'Ontario; des aspects de l'histoire des Franco-Ontariens du Centre et du Sud-Ouest de 1970 à 2000; de l'art perdu de « faire des chansons » de la région du Détroit ainsi que des propos et confidences du jésuite ethnologue Germain Lemieux.
- Ce livre est publié en français.

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L’art perdu de « faire des chansons » :
la chanson de composition locale
dans la région du Détroit

MARCEL BÉNÉTEAU

Département de folklore et ethnologie
Université de Sudbury

SOMMAIRE

I – UNE FORME NÉGLIGÉE SUR UN TERRAIN MAL CONNU
II – FAÇONS DE FAIRE DES CHANSONS
III – LA COMMUNAUTÉ DU DÉTROIT VUE PAR LES CHANSONS
ANNEXE

L’art perdu de « faire des chansons » :
la chanson de composition locale
dans la région du Détroit

I – UNE FORME NÉGLIGÉE SUR UN TERRAIN MAL CONNU

La chanson de composition locale

Les folkloristes du Canada français ont démontré peu d’intérêt pour les chansons de composition locale. Les préjugés contre la forme sont de longue date. En 1919, Marius Barbeau écrivait :
Il faut établir une distinction entre les pièces qui viennent de France et celles – relativement peu nombreuses – qui furent composées au Canada […] Tandis que la plupart des chants venus de France prirent naissance à une époque où les jongleurs (chanteurs ou compositeurs populaires) possédaient encore une éducation artistique particulière, les compositions canadiennes, elles, sortirent surtout de la classe des illettrés, ce qui explique sans doute la différence assez sensible que l’on remarque dans leur valeur littéraire1.
Plus tard, il proposera que « [c]es manifestations d’art rustique, tout intéressantes qu’elles puissent être, sont dépourvues de style autant que de grammaire. » Il cite à l’appui un collaborateur, l’abbé Pierre-Paul Arsenault, qui lui avait fourni de nombreuses pièces : « Il va sans dire que plusieurs de ces chansons feraient peut-être mieux de mourir dans l’oubli2 ». Carmen Roy n’est guère plus élogieuse sur cette partie du répertoire :
Dans l’ensemble, on peut dire que la chanson née au Canada, et retenue par la tradition, est une chanson d’origine populaire, en général assez gauche, composée par des chanteurs de village, sur un air déjà existant et très connu. Des copies manuscrites de chansons circulent et, pour cette raison, elles ne « folklorisent » guère3.
En Ontario, Germain Lemieux en a à peine enregistré, préférant, comme ses maîtres, cataloguer l’héritage des anciennes chansons françaises sur le territoire nord-américain. On pourrait conclure à partir de son œuvre monumentale que ce genre de chanson n’a guère existé en Ontario français. Pourtant, le classement de la vaste collection de chansons recueillies par les étudiants du département de folklore de l’Université de Sudbury depuis 1980 relève un grand nombre de chansons de composition locale, attestant de la vitalité de la forme dans le nord ontarien. Il en est de même dans plusieurs autres régions du Canada, notamment en Acadie.
En dépit de leurs supposées insuffisances poétiques et musicales, ces objets culturels nous fournissent une occasion parfaite d’observer le processus dynamique d’une communauté en interaction avec la tradition. On peut les considérer comme éléments d’un « ethnotexte », concept développé au Cnrs par Jean-Claude Bouvier et ses collaborateurs pour décrire l’ensemble des traditions orales reçues, façonnées et transmises par une communauté4. L’ethnotexte comprend les chansons, les contes, les proverbes, les légendes et les récits de vie, ainsi que le parler régional qui les véhicule ; ce métatexte comporte effectivement ce que Bouvier appelle « le discours oral global qu’une communauté – rurale ou urbaine – tient sur elle-même, son passé, son présent5 ». Je proposerais que la chanson locale occupe une place privilégiée dans ce discours, donnant aux membres de la communauté un mécanisme qui leur permet de commenter directement les réalités de leur milieu en leur fournissant un moyen de réduire certains écarts entre l’identité locale et l’appartenance culturelle.
Malgré la vitalité de la chanson locale ailleurs en Amérique française, mes propres enquêtes dans le sud-ouest de l’Ontario suggèrent que la tradition de « faire des chansons » est à toute fin pratique éteinte chez les francophones de cette région. Mais certaines sources historiques indiquent que ce ne fut pas toujours le cas ; des documents manuscrits et imprimés des xixe et xxe siècles révèlent que la pratique de composer des chansons au sujet de personnes et d’événements dans la communauté a longtemps eu cours dans la plus ancienne colonie française de l’Ontario. C’est en suivant ces pistes que je vais tenter de recréer ce répertoire et de développer une analyse de la forme et de la signification des chansons de composition locale.
Le présent article se propose de définir cette catégorie de chansons et de la situer dans le contexte général des études sur la chanson de tradition orale et, plus spécifiquement, de déterminer la place qu’elle occupe dans le répertoire du sud-ouest ontarien. Je vais ensuite examiner la forme et le contenu des chansons locales ainsi que le rôle qu’elles jouent dans une communauté. L’analyse portera sur une vingtaine de chansons recueillies sur le terrain ou tirées de sources manuscrites ou imprimées. En guise de conclusion, j’offrirai quelques commentaires sur ce qui semble être la disparition imminente de cette ancienne pratique sur le terrain du Détroit : pourquoi est-elle en train de disparaître ? Pourquoi les gens arrêtent-ils de « faire des chansons » ? Qu’est-ce qui est perdu avec la mort de cette tradition ? Qu’est-ce qui la remplace ?

Le terrain d’enquête

Avant d’aborder le sujet, il convient de situer le terrain en question. Notre champ d’enquête se situe dans les commu...

Table of contents

  1. La Société Charlevoix
  2. AVANT-PROPOS
  3. ÉTUDES
  4. L’évêque Scollard et la question canadienne-française. Le diocèse de Sault-Sainte-Marie au cœur du conflit franco-irlandais (1904-1934)
  5. L’évêque Scollard et la question canadienne-française. Le diocèse de Sault-Sainte-Marie au cœur du conflit franco-irlandais (1904-1934)
  6. Germain Lemieux par lui-même (1952-1995)
  7. Les perspectives amoureuses et conjugales chez les jeunes du nord-est de l’Ontario
  8. Aspects de l’histoire des Franco-Ontariens du Centre et du Sud-Ouest, 1970-2000
  9. L’art perdu de « faire des chansons » : la chanson de composition locale dans la région du Détroit
  10. CHRONIQUE