Autres poèmes / Other Poems
Initium
Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes,
Et le bal tournoyait quand je la vis passer
Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes
De son oreille où mon Désir comme un baiser
S’élançait et voulait lui parler sans oser.
Cependant elle allait, et la mazurque lente
La portait dans son rythme indolent comme un vers,
—Rime mélodieuse, image étincelante,—
Et son âme d’enfant rayonnait à travers
La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts.
Et depuis, ma Pensée—immobile—contemple
Sa Splendeur évoquée, en adoration,
Et, dans son Souvenir, ainsi que dans un temple,
Mon Amour entre, plein de superstition.
Et je crois que voici venir la Passion.
Initium
With the song of the flutes the violins mingled their laughter,
And the dance spun around me when I saw her pass,
Her blonde hair playing on the whorl of her ear
Where my Desire darted like a kiss
And wanted to speak to her but did not dare this.
Yet it seemed that the slow mazurka, in her going,
Carried her in its languid rhythm like a verse,
—Rhyme melodious, image dazzling—
and her child’s soul was
shining through the sensual fullness of her gray-green eyes.
And ever since, my Thought gazes—immobile—
At her recalled Splendor, in adoration,
And into the Memory of it, as if into a temple,
My Love enters, full of superstition.
And I believe that it is coming, Passion.
Çavitrî (Mahabharata)
Pour sauver son époux, Çavitri fit le vœu
De se tenir trois jours entiers, trois nuits entières,
Debout, sans remuer jambes, buste ou paupières:
Rigide, ainsi que dit Vyaça, comme un pieu.
Ni, Çurya, tes rais cruels, ni la langueur
Que Tchandra vient épandre à minuit sur les cimes
Ne firent défaillir, dans leurs efforts sublimes,
La pensée et la chair de la femme au grand coeur.
—Que nous cerne l’Oubli, noir et morne assassin,
Ou que l’Envie aux traits amers nous ait pour cibles,
Ainsi que Çavitri faisons-nous impassibles,
Mais, comme elle, dans l’âme ayons un haut dessein.
Savitri (Mahabharata)
To save her husband, Savitri promised
To stand upright for three whole nights, three whole days,
Her legs, her chest, even her eyelids motionless:
Stiff, according to Vyasa, as a post.
Neither, Surya, your cruel rays, nor the languor
That Chandra spreads at midnight on the peaks
Could by their sublime effort once make weak
This woman great-hearted in flesh and idea.
—Let Oblivion surround us, black and gloomy assassin,
Or let bitter Longing make us its target,
Like Savitri let us be impassive, yet
Like her, in our soul let us bear a great design.
Sub Urbe
Les petits ifs du cimetière
Frémissent au vent hiémal,
Dans la glaciale lumière.
Avec des bruits sourds qui font mal,
Les croix de bois des tombes neuves
Vibrent sur un ton anormal.
Silencieux comme les fleuves,
Mais gros de pleurs comme eux de flots,
Les fils, les mères et les veuves,
Par les détours du triste enclos,
S’écoulent,—lente théorie,—
Au rythme heurté des sanglots.
Le sol sous les pieds glisse et crie,
Là-haut de grands nuages tors
S’échevèlent avec furie.
Pénétrant comme le remords,
Tombe un froid lourd qui vous écoeure,
Et qui doit filtrer chez les morts,
Chez les pauvres morts, à toute heure
Seuls, et sans cesse grelottants,
—Qu’on les oublie ou qu’on les pleure!—
Sub Urbe
The cemetery’s small yews
Tremble in the glacial light,
In the wintry breeze.
With muffled sounds that hurt,
On the new graves wooden crosses
Irregularly vibrate.
Silently as rivers,
But swollen with tears like a flood,
The sons, the widows and mothers,
Along the curves of the sad
Enclosure—in a slow cortège—disperse,
To the rhythm of sobs interrupted.
The earth beneath their feet slips and cries,
While huge twisted clouds overhead
Wildly dishevel themselves.
Piercing as remorse, a heavy cold
Descends that sickens you,
And that must seep down to the dead,
To the poor dead who
Are always alone and shivering
Endlessly—Whether we forget them o...