Acadie 72
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Acadie 72

Naissance de la modernité acadienne

David Lonergan

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Acadie 72

Naissance de la modernité acadienne

David Lonergan

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En décembre 1972, le premier ouvrage des Éditions d'Acadie est lancé, un tout petit recueil d'un animateur communautaire gauchiste: Cri de terre de Raymond Guy LeBlanc. Aujourd'hui, le milieu littéraire acadien identifie cette publication avec l'émergence de la modernité en Acadie. Et l'année 1972 comme l'année culturelle de référence. Pourquoi?Pourquoi cette manifestation - une publication - a-t-elle été si porteuse, bien au-delà de l'ouvrage lui-même? À force de creuser cette question, David Lonergan s'est aperçu que plusieurs poèmes de Cri de terre avaient été publiés en août 1969 dans la revue Liberté à l'occasion d'un « spécial » Acadie. Que 1969 avait également été marquée par la dernière vague de manifestations étudiantes commencées l'année précédente, ce dont témoigne le film L'Acadie, l'Acadie de Michel Brault et Pierre Perrault. Qu'en 1972, Raymond LeBlanc est un pianiste qui accompagne les chansonniers, Herménégilde Chiasson est un artiste visuel qui écrit de la poésie, Léonard Forest, un cinéaste et poète, que Jacques Savoie compose aussi bien des poèmes que des chansons...David Lonergan démontre, dans Acadie 72, comment la naissance des Éditions d'Acadie marque l'aboutissement d'une suite d'événements, d'un ensemble de démarches commencées plusieurs années auparavant et qui convergent vers ce point unique. Chaque événement est ici présenté dans son contexte et en lien avec ce qui a précédé.

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Información

Año
2013
ISBN
9782894238707

1. Prémices

Il suffit parfois de peu de chose pour que s’effectue un changement fondamental. Ce mercredi 13 septembre 1972 n’a en apparence ni plus ni moins d’importance que les autres jours. Un petit groupe de professeurs de l’Université de Moncton discutent d’édition. Ils parlent haut et fort. Ils rêvent à ce que pourrait être une maison d’édition en Acadie. Après tout, ils sentent autour d’eux une ébullition, une excitation qui court dans toutes les directions et sur toutes les facettes de la vie. L’Acadie se transforme et pas seulement parce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a proclamé la Loi sur les langues officielles quelques années auparavant. Quelque chose de plus profond, de plus diffus émerge, spontanément semble-t-il, du milieu culturel en particulier, et ces hommes ressentent plus qu’ils n’analysent ce qu’ils perçoivent. Durant cette réunion, ils se constituent en conseil d’administration provisoire des Éditions d’Acadie, conscients de fonder ainsi la première véritable maison d’édition littéraire en Acadie.
Le 23 janvier 1973 a lieu, à l’Université de Moncton, la conférence de presse annonçant la fondation des Éditions d’Acadie. L’Évangéline rapporte l’événement en première page le lendemain : un court entrefilet et une petite photo, où posent certains des fondateurs. La manchette du jour affirme que « la paix au Vietnam sera signée samedi ». En page 3, un article précise que les Éditions d’Acadie veulent publier au moins trois ouvrages par an et que le premier sortira dans quelques jours.
Le principal instigateur du projet, Melvin Gallant, en est le président, Gérard LeBlanc, le vice-président, Pierre Gérin, le secrétaire ; Pierre-André Arcand, Bernard Émont, Gérard Étienne, Laurent Lavoie, Pierre L’Hérault et Gérard Snow complètent le conseil. Puisque tous ces hommes sont professeurs à l’Université, qui devient de facto l’adresse de la maison, L’Évangéline ira jusqu’à affirmer que c’est le département de français de l’université qui a mis sur pied les éditions1.
À la suite d’une recommandation de Melvin Gallant, docteur ès lettres mais aussi bachelier en sciences commerciales, les fondateurs ont choisi de se structurer en société par actions et visent à se doter d’un capital de 10 000 $, chaque part valant dix dollars. En ce 24 janvier, ils ont amassé 2 500 $ mais, comme le souligne Gallant, la maison d’édition « ne vise aucun objectif financier, elle a pour but de promouvoir la créativité en Acadie et de défendre la culture française ». Gallant ajoute qu’« il existe un potentiel d’auteurs en Acadie. Ils attendaient une maison d’édition pour être publiés » et que « nous nous adresserons essentiellement aux professeurs et aux étudiants. Pour commencer. D’ailleurs, un grand nombre de ces professeurs veulent faire étudier des textes acadiens à leurs élèves2. » Par la suite, il précise le mandat de la maison : « Nous voulons jouer, en quelque sorte, le rôle d’un catalyseur, c’est-à-dire promouvoir cet élément créateur qu’il y a en tout homme afin de déclencher un processus qui le mènerait à une plus grande réalisation de lui-même et par là même du peuple dont il est issu3. »
Les Éditions d’Acadie veulent publier sinon tout ce qu’elles jugent intéressant, au moins un peu de tout. Durant l’automne 1972, le conseil d’administration avait défini le mandat de la maison, dont on retrouve l’énoncé dans son premier catalogue, en 1978 : « promouvoir la création littéraire en Acadie et répondre aux besoins du milieu dans tous les domaines où le livre doit jouer un rôle indispensable : histoire et civilisation acadiennes, réalités sociales et politiques, éducation, recherche » et, pour s’assurer que l’on n’exclut rien, on ajoute un « etc. » en précisant que « les Éditions d’Acadie publient en priorité du matériel acadien, sans exclure la publication d’auteurs et d’œuvres non acadiens ».
Liberté
Trois ans auparavant, la revue québécoise Liberté avait consacré son numéro du mois d’août 1969 à l’Acadie. Ce numéro se divise en trois parties : une est consacrée à une série d’articles sur l’histoire, la situation sociopolitique et les arts visuels, une deuxième aux textes de création, et une troisième à une évocation du mythe d’Évangéline et au journal de voyage en Acadie de Jean-Guy Pilon, responsable de la revue. Plus de 150 pages denses, pertinentes, percutantes, qui posent sur l’Acadie un regard résolument tourné vers l’avenir, et qui sont nettement orientées vers la gauche de l’échiquier politique.
Cette publication arrive alors que l’Université de Moncton (fondée en 1963) vit les derniers soubresauts d’un mouvement de contestation qui avait commencé par la grève des étudiants en 1968 et se terminera par la fermeture du département de sociologie (ouvert en 1966) et par l’implantation de mesures disciplinaires contre les leaders étudiants, en 1969.
En arrière-fond de cette contestation, la montée des nationalismes, la guerre du Vietnam, le printemps de Prague, le mouvement international étudiant (mai 1968) et les profonds changements vécus au Canada : la Révolution tranquille (1960) et la fondation du Parti Québécois (1968) au Québec, le programme « Chances égales pour tous » du gouvernement libéral de Louis Robichaud (élu en 1960) au Nouveau-Brunswick, la Commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme au Canada (1963)… Le Canada vit une frénésie aentée par des jeunes gens qui ont découvert une autre façon de voir le monde sur les bancs des universités. En Acadie, cette ébullition se manifeste en particulier à l’Université de Moncton et dans le milieu socioculturel : des groupuscules plus ou moins organisés et des individus « progressistes » s’appuient sur le marxisme et le socialisme ou s’en inspirent dans leurs actions d’animation sociale et culturelle.
Dans son article « La récupération d’un passé ambigu », paru dans Liberté, Camille Richard expose la problématique : « Le présent pour l’Acadien paraît parfois ambigu à souhait. Il lui reste bien sûr le passé et l’avenir, mais selon l’âge, on choisit souvent l’un ou l’autre, rarement l’un et l’autre4. » Pour celui qui avait été un des animateurs au département de sociologie et qui choisira l’exil à la suite de sa fermeture, « récupérer les valeurs de la tradition ne doit pas signifier cependant restaurer le passé : ce serait tomber dans du traditionalisme à outrance. Il s’agit plutôt de réassumer ce passé afin de récupérer le sens de la continuité historique. […] Projet qui s’enracine fatalement dans une double dimension temporelle : la tradition et l’avenir5. »
Richard pose ensuite une série de questions qui non seulement se retrouveront au cœur du débat de société, mais aenteront le discours de nombreux artistes qui émergent au même moment, que ce soit en cinéma, en arts visuels, en poésie, dans le roman, le théâtre ou la chanson populaire : « comment oublier son défaitisme séculaire ; comment s’arracher d’une histoire de repliement, de passivité et de pauvreté ; comment séculariser ou laïciser une culture qui a accordé une si large part au religieux ; comment urbaniser un monde dont les racines s’agrippent toujours solidement en pleine terre rurale ; comment en somme rompre avec un passé si lourd sans risquer un déracinement total, sans hypothéquer et déposséder pour des générations à venir tout un monde en droit de s’exprimer, de vivre? Le problème n’est plus, s’il le fut déjà, de permettre à l’Acadie de sauver une langue encore trop souvent “bâtarde”. Le défi du moment, c’est de construire une culture qui soit un lieu habitable pour les générations de demain, un monde où la langue sera porteuse de valeurs authentiques6. »
Espoir que ne partage pas Michel Roy dans son « Survol historique de l’Acadie », où il conclut : « Aujourd’hui les Acadiens des Maritimes sont à un tournant dramatique de leur histoire. Les facteurs traditionnels de survie : l’isolement, le type de vie rural, la force du concept “langue religion”, l’illettrisme, l’absence de mobilité personnelle, la famille-troupeau, ces facteurs et quelques autres jouent de moins en moins en faveur de la survivance7. »
Roy constate que les Acadiens sont divisés sur certaines orientations politiques : une « certaine élite tente désespérément d’ériger la future capitale de tous les Acadiens des Maritimes » à Moncton, et si « l’union politique des provinces maritimes favoris[ait] la réalisation d’un tel projet », Michel Roy croit que « la dilution des forces françaises dans le grand Tout loyaliste des provinces maritimes » ne peut conduire qu’à un cul-de-sac ; les Acadiens ne sont pas assez nombreux dans les trois provinces pour avoir une réelle force politique. À l’opposé de ce courant favorisant l’union, « dans la région du nord-est de la province un courant pro-québécois se dessine avec une précision de plus en plus nette. Beaucoup d’étudiants refusent l’option Moncton et tendent à identifier leur avenir à celui du Québec. » Michel Roy ne perçoit pas de solution.
Dans l’entrevue qu’il avait accordée à Dorval Brunelle pour l’émission radiophonique Tel Quel en août 1968 et que publie Liberté, Michel Blanchard pose en termes plus crus les « problèmes qui tiennent à la difficulté d’intégrer le développement de la “culture acadienne” au développement du Nouveau-Brunswick8 » : « Jusqu’à cinq ans passés, les Anglais et les Français s’entendaient bien à Moncton, c’est vrai parce que les Français parlaient anglais, “c’tait du ben bon monde”, on s’organisait bien, mais depuis que les Français ont décidé qu’ils n’étaient pas pareils, exactement identiques aux Anglais, là c’est pas si beau, ça marche pas si bien9. »
Mais le conflit linguistique n’est pas l’unique problème des Acadiens. Dans son article « La répression en Acadie », Roger Savoie met en cause le rôle de l’élite acadienne : « Ce qui se passe aujourd’hui n’est que la suite logique d’une politique obscurantiste qui sévit en terre acadienne depuis toujours. Un cat de répression et de peur, créé par une élite dominatrice, paternaliste et ignorante. […] La pseudo-élite acadienne souffre d’une suffisance intellectuelle doublée d’une insuffisance culturelle indécrottables. Elle ne semble avoir qu’une seule préoccupation : ne pas faire d’histoire, ne pas déranger l’ordre établi et le savoir reçu10. »
L’article « L’art en Acadie » de Pierre Villon retrace l’évolution de la production des artistes depuis 1961. Villon a choisi de laisser la parole à Claude Roussel, « l’homme-orchestre des beaux-arts acadiens, artiste résident et professeur à l’Université de Moncton », à Ghislain Clermont, professeur d’histoire de l’art à la même Université, et à Herménégilde Chiasson, jeune bachelier. Si en 1961, Roussel déclarait que « c’est pénible à dire qu’à mon avis l’art acadien n’existe pas encore11 », en 1965, alors qu’il organise à la Galerie d’art de l’Université de Moncton l’exposition Sélection ’65 ; il note : « ce qui est encourageant, c’est de voir que nos artistes ne sont pas fermés sur eux-mêmes en étant étroitement régionalistes, mais qu’ils s’identifient aux grandes recherches qui se font partout dans le monde12 ». Sélection ’67 suit, qui regroupe neuf artistes dont Herménégilde Chiasson, Georges Goguen, Claude Roussel et Roméo Savoie. Mais, comme Herménégilde Chiasson le confie à Villon en mars 1969, cette volonté de faire de l’art contemporain est le fait d’une poignée d’artistes : « Devenir artiste en Acadie, ça correspond peut-être à un certain sens du masochisme13. »
Les textes littéraires suivent : un très doux poème de Léonard Forest qui lie mer, Acadie et espoir, les premiers chapitres du roman Don l’Orignal d’Antonine Maillet, les suites poétiques nationalistes de Raymond LeBlanc et de Roger Savoie, plus politiques chez le premier et humanistes chez le second, quelques poèmes de Marie-Josée Marcil, Herménégilde Chiasson et Roméo Savoie et, en finale de cette section, la réflexion mobilisatrice de Léonard Forest sur l’Evangeline de Longfellow : « L’Acadie – celle du Nouveau-Brunswick surtout – n’est plus à l’heure du silence. L’Acadie fait du bruit et laisse tomber les longues jupes de la pudeur dans lesquelles mijotait un mélange de patience, de peur et de passivité. Cette Acadie nouvelle conteste sa propre fidélité. Elle l’interroge, la secoue, la redéfinit au futur. Dans ce débat souvent douloureux, parfois violent, on ne veut plus entendre les soupirs de celle qui fut, pendant un siècle, à la fois l’héroïne et la sainte, à la fois souvenir et symbole d’espoir, à la fois fierté et honte. Évangéline est l’image même de la fidélité, mais la jeune Acadie veut descendre de son socle la fidélité14. »
Ce texte est comme un écho à la conférence qu’avait donnée Roge...

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