Aventurier et ambassadeur
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Aventurier et ambassadeur

Gilles Duguay

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Gilles Duguay

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Gilles Duguay a voué sa vie professionnelle à la défense des intérêts du Canada à travers le monde. Le métier d'ambassadeur n'est pas anodin, il offre à celui ou celle qui l'embrasse l'occasion de côtoyer des personnages importants, de tirer les ficelles en coulisse, mais aussi de vivre des aventures hors du commun. Dans un exercice peu fréquent pour un haut fonctionnaire, il nous livre ses souvenirs sans filtre et sans tabou, dans un récit enlevant truffé d'histoires et d'anecdotes.Il a longtemps travaillé pour le service diplomatique canadien auprès des États d'Afrique francophone. Il a également été en poste à titre d'ambassadeur au Cameroun, au Maroc, en Roumanie et en France. De retour au Canada, il sera vice-président de Montréal international, professeur de relations internationales dans trois universités ou encore juge de la citoyenneté.Lire Gilles Duguay, c'est aller à la rencontre de l'histoire diplomatique et politique canadienne de la seconde moitié du XXe siècle. C'est aussi aller à la rencontre d'un homme, de sa sensibilité, de son intelligence et de son audace, d'un homme qui n'est pas fait de bois et qui humblement vous ouvre les pages de sa vie.Officier de marine, avocat, boursier Rhodes à Oxford, GillesDuguay a débuté sa carrière comme professeur au Zaïre et au Rwanda. Il est entré dans le service diplomatique canadien au moment de l'affaire de Gaulle. Nommé à Dakar, puis en Turquie, il revient au Sénégal comme conseiller régional itinérant auprès de vingt-deux chefs d'État d'Afrique francophone. Ambassadeur du Canada au Cameroun, au Maroc et en Roumanie, il a également été en poste à trois reprises à Paris. Il a ensuite enseigné aux universités de Montréal, Concordia et McGill. Il a publié Le Triangle Québec-Ottawa-Paris au Septentrion en 2010.

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Información

CHAPITRE 1
N’Djaména, capitale du Tchad
Rendez-vous avec la mort
Dji ! Dji ! Dji ! Klak klak klak, woush woush woush ! J’entends les trois bruits en même temps. Sensation de folie. Une mitrailleuse ou deux claquent, aboient clairement, craquant l’air d’éclats, jappant, éclaboussant d’eau brune la barque filant sur l’eau sombre. Je regarde mécaniquement la grève vaseuse, noiraude, piétinée, où j’étais il y a quatre ou cinq minutes. Par-dessus les yeux fous et le visage verdâtre du grand noir à turban qui pousse l’aviron, je vois deux camionnettes cabossées, vert et rouge, à cinquante mètres l’une de l’autre, en parallèle. Des soldats s’agitent, nous crient d’arrêter, font signe de revenir, pendant que d’autres tiennent voluptueusement de grosses cartouchières jaunes qui brillent au soleil couchant, autour de leur cou.
Je suis mouillé. Bêtement je passe la main sur mon costume sombre de diplomate, mon porte-documents noir à mes pieds. Dji ! Dji ! Dji ! Klak klak klak, woush woush woush ! Les machines crachent, les balles frappent, plus près, à cinq mètres maintenant, l’eau retombant sur mon visage, venant des deux côtés. Les prochaines rafales vont grignoter la barque vermoulue, le piroguier aura la tête éclatée et je recevrai des coups de hache dans le dos, silencieusement, à moins qu’une balle folle me perce le cervelet pour ressortir gentiment par la bouche ? Elle est en route, elle vrille l’espace si court entre la vie et ma mort, ici au milieu du Chari, au Tchad, au cœur de l’Afrique sahélienne, à 17 h 55, dans l’indifférence totale de cette belle planète qui tourne, bleutée, dans le cosmos. C’est donc ça mourir ?
Je me lève, les bras au ciel ; je me tourne, je fais des signes ; j’ai ramassé mon porte-documents que j’agite avec facilité. Je parle : « Ohé ohé, je suis Canadien, je suis diplomate ! » Les soldats s’arrêtent, se regardent, ont peur de ce fou blanc, couleur de la mort en Afrique, qui rit, qui les salue. Ils ne comprennent pas. Le chauffeur de la limousine de l’ambassadeur de France gesticule et ils sont tournés vers lui.
Au ralenti, des femmes africaines serrent leur pagne à la taille, essaient de ramasser quelques poissons fumés, des écuelles en émail, colorées, made in China. De quoi ont-elles peur ? Où vont-elles si lentement ? Cette image va se figer, se fixer hors du temps, ce sera une dernière image et elle s’éteindra comme la pellicule d’un film brûlé.
Je vérifie que l’adolescent mince qui était assis devant moi n’a pas encore reçu des éclats de mon crâne, comme le mercenaire Eugène Otten à Nsingu au Nord Kasaï, en 1965, il y a si longtemps, quand je voulais savoir ce qu’était la peur. Peur de quoi ? C’est si facile de mourir, on se lève, une belle balle cuivrée caresse votre épine dorsale ou vous mouille la langue et sort de votre bouche qui sourit ou qui crie. Qu’importe : ma vie défile comme un film qui file, file, se dévide comme on nous l’a toujours dit. Quelle belle vie j’ai eue : la France des ancêtres romains, en toge, l’Atlantique verte, la neige, ma mère Blanche, les corps des femmes, les cheveux blonds de mes enfants, l’Afrique noire comme de la mélasse, le poème de Senghor : « Femme nue, femme noire, vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté… » On a de la mémoire même quand on est mort ? Au ministère, on dira « c’était une tête brûlée ». Cette fois ils auront raison. Est-ce qu’il y aura suffisamment d’assurances pour qu’Annouchka puisse éduquer nos enfants ? J’ai honte d’être mal organisé. Même pas de valise et quelques francs CFA que l’ambassadeur vient de me donner. Est-ce que ma mort sera indigne, ridicule ? J’ai toujours voulu être noble, bien finir, comme un Miura auquel on offre un tour de piste, alors que son œil tourné vers moi seul se voile, pendant qu’il galope dans l’éternité, en donnant de furieux coups de tête, sa queue s’agitant dans la poussière du soleil, pendant que de belles femmes rient en offrant leur poitrine à qui veut y mordre, plus tard, au son des guitares. Je suis estoqué et il y avait tant de choses à faire, à savoir ! Le jazz accompagne ma chute.
D’un coup, tout est silence. Je prends de l’argent dans ma poche, le donne au piroguier qui sourit. Pourquoi ? La rive camerounaise, boueuse et molle, s’approche. Je me retourne, suis-je encore vivant ? Les Tchadiens ont aimé mon geste, mon salut, l’allure diplomatique de cette silhouette en costume noir. Ils rient. Les femmes, sur la berge, ont arrêté de courir. Le chauffeur de l’ambassadeur me salue, au loin. La pirogue s’enlise dans un bruit de caresse. J’essuie mon costume. La mallette est à mes pieds. Je suis Orphée, je chante le monde. Je dois même être beau, vieux rêve. Le piroguier tient les billets : « C’est trop, patron, c’est trop ! Reprends la moitié. Patron, tu es arrivé au Cameroun. Ici tu es un grand roi, un lamido, tu es chez toi. Là-bas, tu as vu, ça ne va pas ! Tu as la baraka. Là-bas, tout le monde va mourir, car c’est la guerre ! »
Rimbaud disait : « J’irai en Afrique. Je serai cruel. Les femmes m’aimeront. » C’est mon heure de vérité. Oui, je suis Orphée. Je retourne chez Hadès en face, ou je marche dans la boue, de ce côté ici ?
Un énorme douanier en tenue grise patauge férocement dans la glaise. Je le vois se préparer, sourcils froncés, à me faire toute une scène, car il y a des témoins. Un Blanc qui arrive chez lui, en plein couvre-feu, qui provoque une escarmouche sur le fleuve, ose s’approcher du Cameroun ! Il pense : « Un Libanais, un marchand d’armes, un Blanc à mallette, sans bagages ! Il doit être riche ! Je vais le coincer, le terroriser, car c’est moi ici qui suis le “Big Boss” et ce petit Blanc qui doit sentir mauvais comme tous les Blancs, qui doit avoir un tout petit sexe caché dans ses vêtements de Blanc, je vais m’en occuper ! » À chaque pas un mauvais scénario se précise. Il faut réagir.
Je mets les pieds dans la vase où je m’enfonce jusqu’à la cheville. Surtout ne pas perdre une chaussure dans ce merdier. L’animosité de l’officiel furieux me parvient comme un projectile. Je m’arrête et je lui lance : « Alors, vous n’êtes même pas capable de m’aider ! Prenez un ou deux adjoints avec des planches, une pelle, une brouette, ce que vous voulez ! Dépêchez-vous, si on me tire encore dessus de l’autre côté, vous serez responsable de ma mort et une balle perdue peut même vous atteindre. Alors on n’a pas de temps à perdre ! Grouillez-vous ! »
Le douanier est pétrifié. On lui donne des ordres ! Il fait signe : un ou deux soldats arrivent pieds nus, en courant, pour aider le Blanc, qui garde sa mallette avec sérieux à ses côtés. La pirogue est tirée sur le rivage pour la nuit et mon piroguier a l’air soulagé. « Je suis l’ambassadeur du Canada ici, au Cameroun. Votre président, Ahmadou Ahidjo, qui est un homme du Nord comme vous, m’a promis que lui-même et tous ses fonctionnaires sont là pour m’aider à remplir ma mission, oui, ma mission. En plus, il est devenu un ami. Je lui dirai que c’est grâce à vous que j’ai évité le pire aujourd’hui. Allons à votre bureau, pour me nettoyer. Je vous montrerai mon passeport diplomatique. Vous êtes un homme compétent et je vous remercie déjà pour tout ce que vous avez fait et ferez encore. »
Le douanier s’est calmé ; ses adjoints ont nettoyé la glaise incrustée dans mes souliers. De ses bureaux on a appelé le gouverneur de la province, qui arrive en Mercedes. Il s’excuse, comme si la traversée dangereuse était de sa faute : « Excellence, c’est la guerre civile en face depuis le départ de François Tombalbaye. À l’époque, on allait de l’autre côté comme à Paris : rues propres, fonctionnaires efficaces, l’armée française dans les rues, à cause des accords militaires. Eau Perrier et pastis dans les bars. Le Monde et Paris Match jamais en retard. Restaurants, bistrots. L’hôtel La Tchadienne bien tenu, cuisine de qualité. Un évêque blanc à la grande cathédrale, des courses de chevaux avec des milliers de spectateurs tous les dimanches. Puis Hissène Habré s’est emparé de la ville, qu’il tient pour moitié, au Sud. Au Nord, vous avez rencontré, je suppose, Goukouni Oueddei, l’homme du Tibesti, ancien compagnon d’armes d’Habré quand il fallait faire tomber le général Malloum. Ils sont du Nord, ils sont musulmans. Les chrétiens de l’ancienne ville de Fort-Lamy [devenue N’Djaména] sont en retrait, vers le sud, à Moundou, où il y a deux évêques canadiens. Vous connaissez tout cela j’en suis sûr. »
Il m’observe, trop poli pour demander directement d’où je sors, pourquoi je suis chez lui, chien perdu sans collier, à sept heures du soir. Je dois m’expliquer : « Gouverneur, merci de m’avoir récupéré au poste-frontière. Votre agent a été impeccable et j’aimerais qu’on le récompense, ne serait-ce que par une parole, pour ce qu’il a fait pour moi. Je suis en poste à Yaoundé, mais aussi accrédité au Tchad. Je suis venu ici, en 1972. J’étais ce matin à la Tchadienne, à la fin de ma tournée annuelle, mais l’avion de la Camair vient de décoller sans moi et le prochain avion pour Yaoundé, c’est dans une semaine. Seule ma valise est à bord de l’avion et arrivera à Yaoundé à l’heure… »
Le gouverneur me regarde, intrigué : il ne sait s’il doit rire ou s’il doit démontrer une compassion sérieuse, s’excuser pour la Camair – compagnie camerounaise – qui m’a fait faux bond, de l’autre côté du Chari, où le soleil rouge comme braise laisse traîner une lumière étrange. Je lui explique ce qu’a été ma journée : rencontre avec l’ambassadeur de France, Marcel Beaux, bureaux climatisés, portrait de Valéry Giscard d’Estaing au mur. L’ambassadeur, cheveux argentés, s’était avancé pour me serrer la main : « Soyez le bienvenu. Café, eau minérale ? Je vous en prie, prenez place ! » Un signe de la main et nous sommes seuls. « Alors, comment se passe votre séjour ? Mon collègue Dubois, de Yaoundé, m’a parlé de vous, en bien, rassurez-vous, ce qui m’a fait plaisir, car j’aime beaucoup le Québec… »
Je lui réponds : « Excellence, merci de votre accueil. J’aurais dû venir vous voir dès mon arrivée, pour bénéficier de vos conseils et de votre appui. J’aime N’Djaména et j’espère y venir souvent, mais ce n’est pas toujours facile, vous le savez. On est plein de bonnes intentions, puis la réalité s’en mêle. Je couvre le Tchad, le Gabon, la Centrafrique, en plus du Cameroun bien sûr, qui est très grand, complexe, bilingue, et j’irai bientôt à l’archipel de São Tomé-et-Príncipe. Je n’ai pas une grosse équipe, plusieurs programmes à gérer ! »
Marcel Beaux me regarde : « Mon cher, comme j’aime votre accent et combien je retrouve en vous ce Québec que j’aime. Pendant ces années à Québec, j’ai appris à mieux connaître votre histoire et à mieux comprendre les problèmes actuels de la Confédération canadienne. Vous êtes diplomate canadien et je sais que vous êtes familier avec les complexités du triangle Paris-Ottawa-Québec. Nous en parlerons au déjeuner. Si vous préférez qu’on parle du Tchad ce matin, je suis à votre disposition. »
Plus tard, à 17 h 25, devant sa résidence, l’ambassadeur me voit descendre d’un taxi jaune, brinqueballant et poussiéreux, dont les sièges de plastique éventrés laissent apercevoir les ressorts. Par un geste il dit à son chauffeur, bien vêtu et souriant, de régler le taxi. « Cher Duguay, que se passe-t-il ? L’avion est parti sans vous ou ne partira que demain ? »
Je lui explique : « Monsieur l’Ambassadeur, la Camair est partie sans moi, j’ai encore une semaine ici ! Ma valise arrivera avant moi. En fait, je suis sans ressources et je voudrais traverser en face dès ce soir, malgré tout. »
L’ambassadeur Beaux rit gentiment : « Mon cher, prenez tout l’argent que j’ai ici, vous compterez plus tard et vous me rembourserez par mon ami Hubert Dubois à Yaoundé. Mon chauffeur vous conduit au débarcadère. Il vous reste vingt minutes pour trouver une pirogue et traverser. Bonne chance, “à la revoyure” comme on dit au Québec ! »
La belle limousine arrive en quelques minutes au bord du Chari. Le chauffeur me trouve une barque plutôt graisseuse, basse, sans moteur, me dit de payer le piroguier 100 000 francs CFA de l’autre côté, pas avant. On se serre la main, on est amis. C’est l’Afrique.
Retour nocturne au Cameroun
Le gouverneur camerounais m’avait écouté en silence, e...

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