L'Allume-cigarette de la Chrysler noire
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L'Allume-cigarette de la Chrysler noire

Serge Bouchard

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L'Allume-cigarette de la Chrysler noire

Serge Bouchard

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Qu'avons-nous fait du passé, de l'héritage de nos parents, des premiers peuples qui ont habité notre pays? Que faisons-nous de la nature qui nous entoure et nous nourrit? Quel sens avons-nous aujourd'hui de notre humanité? Et qu'en est-il des grandes énigmes liées à l'infini du temps, à la beauté, à l'amour, à la parole humaine, à l'âge qui vient, à la mort qui nous attend? Ces questions, Serge Bouchard ne les aborde jamais de haut, en théoricien ou en professeur de morale, mais au plus près de lui-même et de sa vie, comme des thèmes existentiels pour l'élucidation desquels il convoque ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, ses voyages, ses découvertes, ses lectures ou ses enquêtes d'anthropologue du concret, et toutes les leçons de tendresse, de lucidité et d'ironie que ces expériences lui ont apportées. Ainsi les pages de ce nouveau recueil forment-elles en même temps une sorte d'autobiographie en pièces détachées, où apparaît peu à peu le portrait d'un homme qui a beaucoup vécu, beaucoup réfléchi, reçu sa part de joie comme sa part de chagrin, et qui n'a jamais cessé de chercher partout les traces de cette simplicité, de cette modestie et de cette lenteur qui à ses yeux font toute la valeur de l'humain. C'est une partie de ces réflexions que Serge Bouchard nous livre ici, à travers cette prose à la fois limpide et poétique que nous lui connaissons, une prose où s'entendent les inflexions d'une voix unique, absolument singulière, qui nous parle de près, de tout près, comme à des proches.

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Información

Año
2019
ISBN
9782764646069
Le point de vue d’Élisabeth
Le point de vue d’Élisabeth
J’ai toujours aimé les femmes. Elles me sont apparues dans bien des rôles, surtout celui de chef. Cette observation n’engage que moi, je n’en ferais pas une thèse, il suffit que j’en aie fait ma vie. Des maîtresses d’école, des collègues, des chercheures, des écrivaines, des poètes, des vieillardes innues, ma docteure, les infirmières, ma sœur, ma mère, ma belle-mère, des tantes, des marraines, des voisines, ma fille, mes petites-filles, ma première femme qui n’est plus de ce monde, mais qui en fut tellement, et ma deuxième, fascinante, drôle, absolue, qui invente avec moi l’espace, le plaisir et le temps, mes cousines, mes amies, celle qui tenait son restaurant de camionneurs à Saint-Jovite de l’ancien temps, et celles que je n’aurai jamais connues mais seulement aperçues, elles m’auront grandement impressionné. Tout homme que je suis, voilà que j’appartiens aux femmes de ma vie, ce sont elles qui m’ont littéralement élevé, dans le sens de construit, modelé, créé. Si j’avais été laissé aux hommes, j’aurais assez mal tourné, je le sais. Batailleur, tricheur, ratoureux, j’aurais fini en prison, ou grand patron de quelque chose, ce qui revient au même. Je m’estime chanceux d’avoir ainsi appris très jeune, de la part des bonnes femmes, comment éviter les mauvaises… et comment éviter les mauvaises rencontres tout court.
Ma mère, dont je parle souvent dans mes textes, n’a jamais reculé devant qui que ce soit. Elle nous a enseigné à la maison, dès l’enfance, en 1950, « L’Histoire mâle de l’Occident chrétien » et « La Lutte des Grecs anciens pour dévaloriser la femme ». Oui, elle en avait contre le pouvoir des hommes, contre leurs lois, leur politique, leurs manières, et elle n’aurait jamais demandé à aucun homme l’autorisation d’exprimer ses idées. Elle n’était la « douce moitié » de personne. Mais elle aimait les hommes par ailleurs, l’orgueilleuse, l’amoureuse, la dangereuse. Nous savions que notre mère, naturellement, aurait pu être chef du Canada, et si elle ne l’était pas, c’est juste qu’elle n’en avait pas le temps. C’était à cause de ses enfants, ces boulets et ces charges, ces quadruples empêchements. C’était à cause de son « écœurant » de père – comme elle l’appelait affectueusement – qui avait refusé de lui payer des études. C’était à cause de son époque adverse aux femmes, les temps brutaux de l’exclusion des femmes, les temps peu glorieux du modèle patriarcal classique. Mais comment a-t-on pu se priver si longtemps de l’autre moitié du monde ?
À titre de jeune anthropologue, j’ai passé des heures et des heures avec de vieux chasseurs innus qui me parlaient de leur vie dans le bois à chasser le caribou. Au village, je passais souvent près d’une vieille femme agenouillée devant son feu, allumé en face d’une petite tente de toile blanche. Élisabeth faisait cuire son pain dans le sable et elle écoulait le temps de ses journées d’été dans cette position et en ce lieu. Elle avait un sourire inoubliable, des rides profondes et honorables, en fait elle ricanait sous son bonnet montagnais. Elle me dit un jour : « Ils doivent t’en raconter, de belles histoires, tes vieux chasseurs, je suis certaine qu’ils te parlent de caribous et de combien on a mangé de caribous qu’ils avaient tués. Ils sont comiques, les vieux chasseurs. En réalité, c’est à nous, les vieilles femmes, à qui tu devrais parler pour bien savoir comment nous vivions autrefois. Nous mangions quelquefois du caribou, mais ce que nous mangions tous les jours, c’était du poisson pêché sous la glace, du poisson pêché par nous, les femmes. On ne pouvait pas se fier aux incertitudes de la chasse. Pour nourrir la famille, il fallait la certitude du poisson. »
J’aime le point de vue d’Élisabeth. Il rééquilibre l’histoire du monde en racontant celle des femmes. Elle m’a donné une bonne leçon, Élisabeth. Par l’intelligence de son sourire, elle posait un regard critique sur la réalité : la société des chasseurs de caribous avait été, en vérité, la société des pêcheuses de poissons blancs, et c’est sur les épaules de la squaw que reposait la continuité des jours.
* * *
Il est devenu impossible de parler des femmes dans une perspective universelle. Je viens de rédiger trois paragraphes que j’ai dû jeter à la poubelle. Un mot de trop est un mot de trop, un mot qui manque est un mot manquant, le sujet est d’une sensibilité extrême. Il devient de plus en plus difficile de rire, de sourire, de s’autoriser une pensée légère et vagabonde, car trop de sujets sont devenus si douloureux. Dans ces paragraphes ratés, je me posais des questions naïves, du genre : qui a dit que les hommes et les femmes aient jamais été faits pour vivre ensemble ? Ils se fréquentent, bien entendu, leurs chemins se croisent, heureusement, chacun et chacune peut bien adorer le moment, mais il arrive que ce soit un instant, justement. Là où les choses se compliquent, c’est dans l’intervalle, au fil des longs jours et des longs cours. Le monde des femmes m’a toujours fasciné, mais je n’en aurai jamais percé le mystère. Les femmes sont bien entre elles, elles forment une compagnie étroitement liée, elles tiennent des conversations qui m’échappent.
La femme traditionnelle iroquoise détenait beaucoup de pouvoir dans sa société matrilinéaire. De génération en génération, elle possédait la maison, la descendance, les patronymes, les appartenances claniques, autrement dit la progéniture, elle pouvait choisir son homme, répudier un mari, faire de la politique, elle était la gardienne de graines sacrées, donc propriétaire des produits horticoles, contrôlait le commerce et la diplomatie. Les femmes iroquoises avaient besoin des hommes pour l’amour, pour les travaux de force, pour la sécurité des villages, pour les guerres qu’elles désiraient faire, pour le commerce. Elles n’avaient nullement besoin d’eux dans la vie de tous les jours et elles s’arrangeaient en effet pour que les hommes passent le maximum de temps entre eux, en voyage, loin du village.
On peut donc imaginer que les femmes passaient beaucoup de temps ensemble, dans leurs maisons longues, dans leurs champs de maïs et de haricots. Et si un homme s’en prenait à une femme, il avait affaire à tous les hommes du clan, il avait sur le dos toute la parenté maternelle, avec laquelle on ne riait pas.
Personne n’a jamais dit que la femme iroquoienne souffrait d’une quelconque infériorité par rapport à l’homme, loin de là. Les femmes étaient de grandes figures mythologiques, de la fondation du monde jusqu’aux mythes cannibales, là où elles ne faisaient qu’une bouchée de l’homme perdu. Les femmes ont accumulé un immense savoir médical et agricole au fil des siècles passés ensemble, entre elles. Pauvres hommes, condamnés à l’exil, loin de la maison, voyageurs de commerce, politiciens d’apparat, pour ne pas dire d’opérette, guerriers obligés de vivre entre eux, avec leurs farces d’hommes, leur angoisse d’hommes. Cet état des lieux iroquoiens n’est pas exceptionnel dans l’histoire. On le retrouve dans la très ancienne Europe.
On ne se souvient pas assez et on ne nous enseigne pas assez que la première croyance était féminine. La déesse originelle était forte de son sexe, de son ventre, de sa fécondité. Les plus vieilles sculptures humaines retrouvées sont des représentations de femmes au ventre fort, de femmes immensément rondes, des vénus sans visage. Mais il y avait plus. Cette déesse était guerrière et redoutable, elle avait ses duretés, ses volontés. Elle était aussi cruelle que douce, sachant flatter une petite bête, mais pouvant lui briser le cou, dans la même séquence.
J’écris ces lignes alors que ma femme est au théâtre avec une amie. Elles sont allées voir Douze hommes rapaillés, deux femmes entre elles. Qu’est-ce que les hommes viennent faire dans un texte sur les femmes ? Ils viennent tout simplement résoudre l’équation fondamentale de notre simple humanité. Gaston Miron écrit ces vers magnifiques : « Ainsi nous serons ce couple ininterrompu – tour à tour désassemblé et réuni à jamais. » Voilà la magie des genres et de l’amour. Les hommes rapaillés : aux yeux des femmes, c’est beau, des hommes, une douzaine d’hommes debout, bien plantés, solides et tendres, qui chantent : « Tu es belle comme des ruses de renard. »
Être ou ne pas être de la famille
J’avais vingt ans et je quittais les miens pour la première fois de ma vie. Pour mes études en anthropologie, je me suis retrouvé parmi les Innus. Durant les longues périodes que j’ai passées avec eux, l’importance qu’ils attachaient aux termes de parenté m’a fort impressionné, et j’étais complètement perdu devant leur manière de les utiliser. Il y en avait, du Nimushum et du Nokum, du Nokomis, des petites grands-mères et des petits grands-pères, cela n’arrêtait plus, mon frère, ma sœur, des parrains et des marraines, sans parler des adoptions, des absorptions, des associations, des alliances, des amitiés avec des souvenirs ou des animaux.
En anthropologie, nous avions pourtant suivi des cours sur les systèmes de parenté. Ces cours étaient d’un ennui remarquable, certes, mais ils étaient surtout d’une grande complexité mathématique et logique. Cela paraît simple au départ, une famille, mais en somme, c’est quelque chose de très compliqué. Les ramifications sont sans fin, les combinaisons infinies, les ascendances, les descendances, les alliances, tout concourt à rendre fou l’ethnologue de la parenté. On se souviendra que Claude Lévi-Strauss, qui est le père de l’anthropologie structurale et qui a lui-même fondé une famille, celle des structuralistes, avait commencé son œuvre gigantesque en écrivant une somme sur Les Structures élémentaires de la parenté.
Nous sommes parfois déjoués par les lieux communs : certains croiraient désuète, folklorique et obsolète la chanson de Jean-Paul Filion qui dit que « la parenté est arrivée ». Ils diraient que cela fait local, traditionnel, joli, mais totalement dépassé. L’anthropologie vous dira le contraire. Voici une proposition universelle sur laquelle il est extrêmement moderne de réfléchir : nous venons au monde en un lieu et en un milieu. Il est impossible de voir ou de dire les choses autrement. C’est une loterie, me direz-vous : on ne choisit pas son camp en matière de famille. Il y a une mère, il y a un père. Chacun des deux apporte avec lui son réseau parental. Car nos parents sont aussi nés quelque part, en un lieu et en un milieu.
La famille est un territoire qui définit la frontière : c’est le rapport inclusif-exclusif. Nous sommes dans l’appartenance lorsque nous sommes dans la parenté et, il faut bien le dire, l’héritage familial est pesant. Puisque la famille représente une sorte de table des devoirs et des prescriptions, beaucoup dans l’histoire ont voulu s’en libérer. « Familles, je vous hais ! » s’exclamait André Gide. La famille étant trop exigeante, il est de bon ton de simplement la renier. Je ne dois rien à ma famille, je suis plus libre quand je suis seul et détaché des miens. D’ailleurs, les expressions disent tout : ces gens sont les miens, il est retourné parmi les siens, j’ai quitté les miens pour couper les liens. Il s’agit bien de liens, en effet, et ces liens forment la carte de nos identités.
Les sociétés traditionnelles, avant d’être économiques ou politiques, avant même d’être religieuses, étaient familiales. C’était la parenté qui définissait l’individu, le pouvoir de l’individu, les devoirs du sujet. Être matriarche, mère de clan, être patriarche, tout cela avait jadis un sens. Mais encore : être frère, sœur, cousin, germain, croisé, petite-fille, grand-oncle, tante, grand-mère, grand-père, « fils de » ou « fille de », patronyme ou matronyme, il fallait savoir sa place et savoir la tenir.
La société algonquine est immensément parentale, familiale et ouverte. Elle adopte, elle adopte. Une fois que vous êtes accepté dans la famille, vous êtes vraiment dans la famille. Dans le temps de la Nouvelle-France, les peuples de la grande Algonquinie faisaient des traités d’alliance avec les Français comme s’il s’agissait de toujours agrandir la famille. Le roi devenait un autre père, le Français devenait un frère, et tout se traitait sur fond d’un conseil de famille. Quant à moi, j’ai mis une vie à comprendre. La dernière fois que je suis allé à Mingan Ekuanitshit, j’ai été reçu comme un vieux, on m’a intronisé à la table des aînés, et l’on m’a regardé comme si j’avais quelque valeur. J’ai mangé de la graisse-pimi de caribou, mélangée avec de la moelle, et juste un peu de viande, comme les vieux. Être ensemble, cela compte tellement quand on commence dans la vie. Cela compte encore plus quand on arrive, boiteux, à la fin du chemin.
Ils mangeaient du courage
Il n’est pas de plus grande transformation que la sédentarisation d’un peuple nomade. Depuis des siècles et des siècles, dans le nord du Québec, les Amérindiens parcouraient la Boréalie à pied, en raquettes, en petit canot. Toute la famille mangeait de la « viande de bois », des fruits sauvages, des poissons de lac. Durant la pause estivale, ces grands marcheurs au repos consommaient du saumon frais, du loup-marin, arrosés de thé, rehaussés de banique, sorte de pain pita des temps d’avant le pain pita. Ajouté à l’incroyable bénéfice de la marche, des portages et de la dépense quotidienne d’énergie, ce régime donnait aux personnes une santé de fer et un sourire de cinéma, toutes dents blanches dans la lumière. Mais la vie sauvage dans le pays sauvage, les viandes du courage, tout cela disparut d’un coup en 1960, lors d’une révolution qui ne fut pas tranquille.
Ces courses s’arrêtèrent à cause de l’école, à cause des maisons, à cause de l’histoire. Une fois que les nomades furent immobilisés dans la réserve indienne, leur régime alimentaire se transforma radicalement. Du jour au lendemain, ne pouvant plus chasser, ces gastronomes de la nature sauvage se mirent à dépendre de la nourriture transformée : du blé d’Inde en crème, des petits pois de fantaisie, des bines Clark, du baloney, des délices en conserve, du stew irlandais, des petits gâteaux Vachon. La nourriture transformée est elle-même un phénomène historique de transformation absolue. La société industrielle a compté sur cette énorme métamorphose des aliments pour satisfaire les appétits de milliards de ...

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