Le Nouveau Régime
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Le Nouveau Régime

Essais sur les enjeux démocratiques actuels

Mathieu Bock-Côté

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Le Nouveau Régime

Essais sur les enjeux démocratiques actuels

Mathieu Bock-Côté

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« La démocratie se mondialise, l'identité se diversifie, les mœurs traditionnelles se dissolvent, les sociétés occidentales font pénitence de leurs fautes passées, les minorités sexuelles et culturelles accèdent enfin à la reconnaissance publique et les droits de l'homme refondent intimement et profondément le pacte politique occidental. De gauche, du centre ou de droite, nous communions dans une même célébration de notre époque lumineuse. » Cette époque, celle du « dépassement » des vieilles contraintes et des préjugés hérités du passé, le discours commun et la propagande des puissants veulent nous la présenter comme l'aboutissement normal de la démocratie moderne, dont les promesses, enfin, seraient sur le point de se réaliser pleinement. Or ce n'est pas du tout ce que pense Mathieu Bock-Côté. Pour lui, le monde qui se met en place depuis un quart de siècle au Québec comme dans l'ensemble de l'Occident, loin de prolonger ou d'accomplir l'histoire qui l'a précédé, marque au contraire une rupture radicale, sinon une « trahison », c'est-à-dire l'abandon pur et simple de ce qui a guidé jusqu'ici nos façons d'être, de penser, de vivre en société, par l'instauration de ce qu'il appelle un nouveau régime, fondé sur une vision entièrement nouvelle de l'homme et de la cité, celle d'un homme coupé de toutes racines, de toute appartenance, soucieux uniquement de son bonheur et de ses droits d'individu, celle d'une cité qui cesse de se voir et d'agir comme communauté politique et culturelle pour n'être plus qu'un rassemblement de consommateurs semblables à tous les consommateurs de la planète. De ce nouveau régime, Mathieu Bock-Côté propose donc, dans la vingtaine d'essais réunis ici, à la fois un tableau et une critique, en abordant certaines de ses manifestations et certains de ses mythes les plus actuels, de la théorie dite du genre à la prétendue « fin des idéologies », du suicide assisté conçu comme un droit de l'homme à la célébration du « multiculturalisme ».

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Información

Año
2017
ISBN
9782764644195
quatrième partie
Admirables dissidents
Raymond Aron, notre contemporain
On commémorait en 2013 les trente ans du décès de Raymond Aron, certainement le plus grand intellectuel français de la seconde moitié du xxe siècle, certainement le plus admirable aussi. L’occasion était belle de réfléchir à son œuvre, à son actualité et à ce que son existence a d’exemplaire pour ceux qui croient que la vie des idées est indispensable à la démocratie. D’autant que si Aron est aujourd’hui célébré et s’il ne s’en trouve plus beaucoup pour le conspuer, on a un peu oublié les épreuves immenses à travers lesquelles sa pensée a pris forme. Si on lui accorde finalement raison dans sa grande querelle contre le marxisme, on ne le lit plus autant qu’on le devrait (j’y reviendrai un peu plus loin). Évidemment, on a réédité ses Mémoires dans la belle collection « Bouquins » de Robert Laffont1, avec quelques chapitres inédits, et Gallimard, dans sa collection « Quarto », a réimprimé plusieurs de ses ouvrages portant sur le thème de la démocratie. L’excellente revue Commentaire, qu’il a fondée, conserve sa mémoire et illustre la pertinence actuelle de sa philosophie politique (on peut relire le numéro hommage publié en 1984-1985). Nicolas Baverez lui a déjà consacré une très belle biographie, Raymond Aron – Un moraliste au temps des idéologies2. Et certains de ses élèves ont écrit à son propos de très belles pages, notamment Pierre Manent, dont le livre Le Regard politique comporte un chapitre sur le séminaire de Raymond Aron3.
Une vie intellectuelle difficile
Toutefois, je viens de le dire, si Aron est aujourd’hui unanimement célébré comme celui qui ne s’est pas trompé sur la nature du xxe siècle, on a oublié à quel point il fut vilipendé pendant la plus grande partie de sa carrière en tant qu’homme de « droite » plus ou moins fréquentable, bien installé dans sa tribune du Figaro, éditorialiste au service des puissants. Pour la gauche, Aron donna bonne conscience aux réactionnaires. Aron, un savant ? Au mieux, un polémiste bourgeois. Apparemment, celui qui entre en désaccord avec l’orthodoxie qui domine dans l’intelligentsia ne peut être qu’un « polémiste ». On lui accorda le drôle de titre d’homme de droite « intelligent ». Compliment pervers : voilà donc un homme qui mettait son intelligence au service d’un système indéfendable. N’était-il pas doublement coupable ? L’université elle-même le bouda pendant un temps avant qu’il ne parvienne à s’y réintroduire par la grande porte, celle de la Sorbonne, avant d’aboutir au Collège de France. À Aron, qui multiplia les ouvrages d’une érudition exceptionnelle (il suffit de lire son Clausewitz en deux tomes pour s’en convaincre, voire Histoire et dialectique de la violence, sa critique de la philosophie sartrienne), on refusa souvent le respect le plus élémentaire, même s’il fut tenu en haute estime par les authentiques savants.
On connaît l’odieuse formule : certains préférèrent avoir tort avec Sartre que raison avec Aron, comme si le premier honora le genre humain et que le second en démérita. C’est la fâcheuse habitude d’une certaine gauche idéologique de faire le tri, parmi les hommes, entre le sain matériau de la société future et le bois mort du monde ancien. On sous-estime l’intolérance dont sont capables ceux qui croient maîtriser la formule d’une société parfaite et qui s’imaginent avoir devant eux des gens qui, parce qu’ils consentent à l’imperfection inévitable de toute société, s’en réjouiraient secrètement. La droite n’est-elle pas à bien des égards une invention de la gauche, qui a besoin d’une catégorie ouverte pour repousser par vagues ceux qui ne communient pas à la version actuelle de l’émancipation radicale ? C’est ce qui fait que l’homme de droite peut être, selon les circonstances, le libéral, le conservateur, le nationaliste, le populiste ou le réactionnaire, ces termes ne se recoupant souvent qu’à la manière d’insultes dont on agonit ceux qui s’inscrivent en dissidence idéologique avec l’orthodoxie progressiste. C’est la psychologie de l’utopisme : absolutiser le désaccord politique en une querelle entre le bien et le mal, le premier devant absolument triompher du second en l’éliminant à la source. On aurait tort de croire que cette campagne de diffamation permanente n’affecta pas Aron, dont la vie personnelle fut par ailleurs remplie de malheurs. Aron n’eut pas la perversion de ceux qui jouissent de la haine des autres et ne se rêva pas un destin de pestiféré. À la fin de sa vie, il fut tout surpris et joyeux de voir qu’on couronnait avec raison ses Mémoires, qu’on les accueillait très positivement, qu’on y voyait désormais une lecture obligée pour comprendre le siècle et la « condition politique » de l’homme. Il s’agit effectivement d’un chef-d’œuvre de la littérature politique.
Si je rappelle tout cela, c’est parce que Raymond Aron non seulement a mieux vu son époque que bien d’autres mais a aussi eu le courage intellectuel d’en défier l’orthodoxie idéologique et les conformismes qui l’accompagnaient. Il lui a fallu une grande force d’âme pour ne pas suivre le troupeau de l’intelligentsia, avec ses indignations successives qui donnent bonne conscience et qui, au nom de la société idéale, ne se donne pas la peine de penser la meilleure société possible. Je le rappelle aussi parce que la vie intellectuelle, à une époque de grands déchirements idéologiques, ne saurait se réduire à celle du savant de cabinet. Surtout, tandis que ses adversaires n’hésitaient pas à l’accabler d’injures, il mena toujours son travail dans le respect de ses interlocuteurs, ce que plusieurs prirent pour le signe d’une raison glacée, étrangère à toute sensibilité, alors que cela relevait plutôt d’une discipline des passions, nécessaire à une réflexion publique éclairée. L’éthique de l’intellectuel devait l’amener à éviter l’imprécation et à penser le souhaitable à la lumière du possible. Cela ne l’empêcha pas, lorsque la chose fut nécessaire, de se montrer particulièrement incisif, surtout devant la bêtise.
Penser l’histoire qui se fait
C’est lors d’un séjour en Allemagne, au début des années 1930, que Raymond Aron se donna la mission qui fut la sienne toute sa vie : penser l’histoire qui se fait. L’homme n’a de prise sur l’histoire que s’il sait interpréter adéquatement sa propre situation historique. Pour agir, encore faut-il comprendre son époque. L’homme est-il libre dans l’histoire ? Et quel est le sens de cette liberté ? De quelle manière peut-elle se déprendre des déterminismes qui entendent l’aplatir ? Cette question a toujours habité Aron, lui qui résumait sa philosophie ainsi : l’homme fait l’histoire mais ignore l’histoire qu’il fait. Manière comme une autre de dire que l’homme n’est pas impuissant mais que l’avenir ne se soumet pas aux grands projets dans lesquels on veut l’enfermer. L’homme n’est pas démiurge et ne crée pas le monde sans que rien lui échappe. Certes, il peut agir dans le monde, le transformer, mais il ne le tire jamais du néant par la seule force de sa volonté. Et le mal, conséquemment, est le fait non pas des hommes méchants mais de contradictions fondamentales inscrites dans la condition humaine. On ne saurait se contenter d’en finir avec eux pour en finir avec lui.
Penser l’histoire, c’était donc penser la situation de l’homme au cœur du xxe siècle. S’il s’était déjà engagé dans cette aventure avant 1940, c’est à la tête de la revue La France libre qu’il s’imposa comme un interprète brillant, aussi subtil que profond, de « l’histoire se faisant », ce que confirme aisément la lecture de ses Chroniques de guerre rassemblées en un seul livre chez Gallimard en 1990. Sans s’inféoder au général de Gaulle, avec qui il entretint toute sa vie des rapports mêlés d’admiration critique et de sympathie distante, il incarna la voix de la résistance intellectuelle française au totalitarisme et à la barbarie nazie. Il réfléchira aussi à la question du patriotisme, à celle de la trahison, à l’accouplement étrange de l’inhumanité et de la technique qui se déploya dans la guerre. C’est aux questions politiques les plus fondamentales qu’il fut amené à réfléchir. De quelle manière conserver la liberté humaine dans un monde où dominaient les idéologies qui la mutilent impitoyablement ?
Une fois le nazisme vaincu, le communisme représenta le visage dominant du totalitarisme. En fait, le grand problème intellectuel d’Aron fut la question du communisme, contre lequel il s’engagea dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’à sa mort. On lui demanda pourquoi il s’entêtait à polémiquer avec le marxisme et à dénoncer le communisme. S’il distinguait les totalitarismes brun et rouge, il pensait néanmoins à l’unité du phénomène totalitaire. Mais pendant longtemps, la mise en équivalence de ces deux systèmes eut quelque chose d’obscène. En effet, s’il fallait être intraitable envers les crimes du premier (avec raison, évidemment), il fallait se montrer compréhensif envers ceux du second. Mécanique intellectuelle malheureuse, qui entraîna plusieurs générations de penseurs à croire que le communisme tuait massivement malgré lui et que, enfin appliqué sans entraves, il accoucherait de la bienheureuse parousie. Les intellectuels de gauche dépensèrent des énergies immenses pour déculpabiliser le marxisme, pour l’innocenter, plutôt que de chercher à comprendre pourquoi les mêmes idées donnaient partout les mêmes résultats.
C’est que le marxisme eut ceci de singulier qu’il mutila sauvagement les idéaux démocratiques tout en prétendant les accomplir. Loin de vomir l’émancipation moderne, comme ce fut le cas du nazisme, il prétendit la concrétiser pleinement, sans se contenter de sa réalisation partielle. Il fut porté par un souffle utopique qu’il prétendit transfigurer scientifiquement en se présentant comme une science apte à décrypter les mécanismes de l’histoire universelle. Il permit à ceux qui l’embrassèrent de concilier leurs désirs de vérité et de justice. L’utopisme prétend qu’un homme nouveau peut naître, enfin désaliéné, enfin libéré de toute forme d’hétéronomie, et que la société idéale peut advenir si nous la voulons vraiment. Que faire de ceux qui ne la veulent pas ou qui l’entravent ? Que faire de ceux qui s’opposent à la révolution qui promet la rédemption du genre humain ? Il est permis de les tyranniser, de les censurer, de les tuer parfois, en toute bonne conscience, puisque leur extermination est le prix à payer pour une humanité délivrée du mal. Le communisme accoucha d’un immense système concentrationnaire qui justifia l’esclavagisme au nom de l’émancipation humaine.
D’un livre à l’autre, Aron fera le procès du marxisme et du communisme en montrant comment les crimes de masse dont ils se rendirent coupables ne furent pas seulement le fait de circonstances historiques malheureuses mais bien d’une philosophie qui portait en elle cette négation des hommes au nom de l’homme (il faut dire qu’il fut lui-même un grand connaisseur de Marx et qu’il regretta de ne pas lui avoir consacré un ouvrage « définitif »). C’est dans L’Opium des intellectu...

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