Contre Harper
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Contre Harper

Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice

Christian Nadeau

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Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice

Christian Nadeau

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Tout en se désignant comme des «conservateurs», Stephen Harper et son entourage cherchent activement à modifier l'organisation politique et sociale du pays. Autrement dit, les conservateurs d'aujourd'hui sont en réalité des réformistes, voire des révolutionnaires. Stephen Harper n'est pas seulement le premier ministre du Canada, il est l'un des acteurs les plus influents d'un vaste mouvement visant à combattre une à une les valeurs progressistes qui ont eu préséance au cours des quarante dernières années et à leur substituer les valeurs d'une nouvelle droite. Dès lors, le meilleur moyen de lutter contre ce mouvement consiste en un exercice de type philosophique. Ce livre milite contre les conservateurs, mais à l'aide des mots, des arguments, des idées et des principes fondamentaux de la philosophie morale et politique. Il n'est pas requis d'être pamphlétaire pour dénoncer ce que font les conservateurs. On peut afficher sa colère sans renoncer aux exigences intellectuelles nécessaires au travail de la raison. Si l'obscurantisme est l'allié du démagogue, la clarté est l'arme du philosophe militant.

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Información

Año
2010
ISBN
9782764640746
Categoría
Philosophy

CHAPITRE 5

Harper et la justice sociale

Dans nos démocraties, la liberté de conscience et d’expression est une étape vers la réclamation d’une distribution plus équitable des ressources dont nous disposons, ou vers ce que nous pourrions nommer de manière plus générale la « justice sociale ». Nous reconnaissons tous l’importance de relations équitables entre nous. Nous choisissons de respecter l’autorité d’un gouvernement si lui-même manifeste une considération égale pour chaque citoyen. Le respect du pluralisme au sein de nos démocraties se vérifie également dans la manière dont nous traitons les individus, tous les individus, sur le plan du bien-être collectif.
Dans un débat politique, nous devons analyser chacune des options présentes de manière impartiale, sans quoi nous pourrions écarter un choix meilleur qu’un autre tout simplement parce qu’il ne correspond pas à nos préjugés. Il existe malheureusement bon nombre d’inégalités sociales qui reposent sur des choix politiques arbitraires ou des iniquités perpétrées au fil des ans malgré les luttes sociales pour les combattre. Pensons par exemple aux inégalités de revenu entre les hommes et les femmes, ou au fait que la majorité des emplois sous-rémunérés sont occupés par certains groupes ethniques, comme on peut le voir aux États-Unis ou en Europe, ou ici même, au Canada.
En 2003, dans sa conférence devant les membres de Civitas, Harper affirmait que la plupart des partis politiques canadiens ne se réclament plus du socialisme ou de l’État-providence. Toutefois, comme il le prévoyait, les questions de justice sociale allaient demeurer des enjeux majeurs dans les années à venir.
À plusieurs égards, les conservateurs d’aujourd’hui ne sont sur ces sujets guère différents de leurs prédécesseurs. Dans leur logique, chacun reçoit ce qu’il mérite en fonction de son travail et de ses talents. Entre Picasso et un petit peintre du dimanche, il y a une différence qu’il faut bien reconnaître. Le premier mérite à juste titre une meilleure rémunération que le second. Il en va des chefs d’entreprise comme de Picasso. L’écart entre leur salaire et celui de leurs employés s’explique par la différence de talent et d’investissement dans l’entreprise. Lorsque des gens ont consenti librement à travailler pour un patron en échange d’un salaire, ils ne peuvent se dire victimes de vol. Dans une telle interprétation du monde du travail et du marché, personne ne jouit de privilèges non mérités.
Selon la logique libertarienne des conservateurs, toute redistribution des biens est une manière pour la société dans son ensemble de porter atteinte à ce qui revient de droit aux individus, d’où leur opposition farouche à une augmentation des impôts et leur volonté de les réduire au niveau le plus plus bas possible. Mais sans cet argent, comment garantir aux citoyens le traitement qui leur est dû? Les conservateurs ne sont pas contre l’idée d’une redistribution de la richesse dans l’absolu, si seulement celle-ci pouvait tomber du ciel. Or ce n’est pas le cas. La richesse est le fait du travail, et tout travail mérite son salaire. On ne peut donc pas retirer aux uns pour donner aux autres sous prétexte de justice sociale. Pour les conservateurs, la justice distributive n’est pas le meilleur outil pour lutter contre les iniquités. Au contraire, elle en serait la source.
Inversement, plusieurs personnes — dont je fais partie — voient dans l’État et ses institutions l’instrument pour optimiser les relations sociales et économiques des individus en vue d’un avantage mutuel. Selon les partisans de cette conception, il y a au moins deux raisons pour souhaiter la justice sociale. En premier lieu, toute société suppose un vaste et complexe réseau de collaborations et d’échanges. Personne ne travaille seul, et nous profitons tous d’une manière ou d’une autre, et à des degrés divers, du labeur d’autrui. Aucun patron, aucun ouvrier, aucun professionnel ne peut réclamer la totalité des bénéfices de ses efforts, car les gains d’une société dépendent pour beaucoup d’une coopération entre ses membres. Chacun a droit aux fruits de son travail, ce qui signifie aussi qu’il faut admettre et rembourser sa dette à tous ceux qui ont participé à la réalisation de nos objectifs. Ce qui est valable pour les autres l’est aussi pour nous. Reste à déterminer quelle est l’étendue de cette dette. En second lieu, toute personne mérite un respect égal, à l’égard de ses choix moraux comme de tout ce qui touche ses conditions de vie. En d’autres termes, dans une société juste, il faut s’assurer d’une répartition équitable des biens et des ressources, non seulement parce que personne ne mérite à lui seul les profits de son travail, mais aussi parce qu’aucune femme ni aucun homme ne mérite d’être laissé en marge de la société. Sans nécessairement s’engager dans la voie d’une stricte égalité matérielle, un réel respect des individus implique au moins l’égalité des chances, ou l’idée selon laquelle le respect des différences et des choix de vie passe par une certaine redistribution des revenus, assurant ainsi à chaque personne une place sur la ligne de départ.
Je viens de résumer ici un débat qui sépare la gauche de la droite depuis des lustres. Or l’opposition des conservateurs aux partisans de la justice sociale va encore plus loin. Comme j’ai eu l’occasion de le faire remarquer, les conservateurs tiennent un double discours au sujet du rôle de l’État. Ils prêchent les thèses libertariennes au sujet d’un État minimal, mais dans les faits ils augmentent son pouvoir lorsque cela est nécessaire à la réalisation de leurs idéaux. En outre, le retrait de l’État se manifeste comme par hasard à l’égard des secteurs qu’ils déprécient ou des causes auxquelles ils sont hostiles. Le prétexte de la liberté individuelle contre le pouvoir de l’État devient ainsi la couverture parfaite pour une démolition en bonne et due forme de ce qui contredit le programme des conservateurs. C’est la raison pour laquelle les questions de justice sociale ne peuvent être réduites aux questions économiques. Ces dernières constituent l’arrière-plan d’un ensemble complexe de problématiques liées aux modalités du fédéralisme canadien, aux luttes sociales des femmes, aux revendications des autochtones et à l’environnement.

L’économie

Les budgets sont en général de bons indicateurs des mesures politiques à venir : lorsque les budgets volent bas, il y a des chances qu’il pleuve bientôt. Comme il s’agit d’un dossier majeur, qui est déterminant pour tous les autres, il serait instructif de revoir dans le détail chacun des budgets du gouvernement Harper depuis 2006. Faute d’espace, on en relèvera simplement quelques éléments-clés.
L’étude des budgets indique d’emblée quelles sont les grandes orientations des conservateurs depuis leur arrivée au pouvoir. Comme prévu dans le discours de 2003 devant les membres de Civitas, l’économie à la manière de Harper repose sur une série de décisions dans la lignée de la droite conservatrice — un mélange de prudence et de coups de force dont le but est de s’assurer, peu à peu, le contrôle des institutions par des réformes sans précédent.
En 2006, le premier budget des conservateurs poursuit la politique des libéraux initiée l’année précédente; les fonds consacrés aux dépenses militaires sont toutefois augmentés. Mais cet accroissement des dépenses est largement compensé par des coupes importantes dans de nombreux autres secteurs d’activité du gouvernement. Comme prévu, celui-ci n’annonce aucune somme pour favoriser le respect du protocole de Kyoto, 1 sur lequel il faudra revenir.
Le budget suivant, en 2007, consacre 1,5 milliard aux transferts aux provinces afin d’aider ces dernières dans leurs plans de lutte contre la pollution. Mais les bonnes nouvelles s’arrêtent là. Une étude un tant soit peu détaillée du budget nous montre à quel point la question de la sécurité est déjà au centre des préoccupations d’Ottawa. Une somme faramineuse (64 millions sur deux ans) est consacrée à la lutte antidrogue. Il faut ajouter à cela 14 millions sur deux ans pour lutter contre les crimes commis au moyen d’armes à feu. Onze millions de dollars sur deux ans seront dévoués au renforcement de la sécurité pour les missions diplomatiques canadiennes. Quant au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), il voit son budget augmenter de 80 millions de dollars sur une période de deux ans. Le budget prévoit 102 millions sur deux ans pour les programmes et infrastructures de Service correctionnel Canada. De plus, le gouvernement accélère son plan au titre on ne peut plus chauvin : « Le Canada d’abord ». En effet, le budget 2007 octroie des crédits de 175 millions de dollars initialement prévus pour l’année fiscale 2009-2010. La mise en œuvre du plan de défense passe ainsi à 900 millions de dollars pour 2007 et 2008, ce qui signifie qu’en trois ans les forces armées canadiennes auront reçu 3,1 milliards. 2
Le budget 2008, le dernier du premier mandat des conservateurs, est un budget de transition. Il tire profit des économies réalisées au cours des dernières années par la diminution de la dette nationale de 10,2 milliards de dollars. En outre, le budget 2008 prévoit l’investissement de 350 millions de dollars dans un nouveau programme de subventions aux étudiants. Dans la lignée des budgets et politiques précédents, le gouvernement consacre à la sécurité une somme allant jusqu’à 400 millions de dollars pour l’année fiscale 2007-2008. Cet argent sera géré via une fiducie. Les fonds seront par la suite distribués aux gouvernements provinciaux de sorte à favoriser l’embauche de 2 500 policiers dits « de première ligne » au cours des cinq prochaines années. Toujours dans le même esprit, en réponse aux critiques des Américains au sujet de la sécurité aux frontières, le budget 2008 prévoit une somme de 75 millions de dollars sur deux ans dans le but d’offrir à l’Agence des services frontaliers les moyens nécessaires à son fonctionnement. 3
Le budget 2009 est celui de la grande crise financière qui a paralysé l’économie mondiale. La récession étant alors majeure, il est difficile de défendre un désinvestissement de l’État. Le ministre Flaherty annonce donc l’injection de dizaines de milliards dans l’économie canadienne. Plus concrètement, on parle de 12 milliards dans les travaux d’infrastructure et de presque 8 milliards dans la rénovation et la construction de résidences. Mais comme l’économie est fragile et que le pouvoir d’achat des consommateurs est peu élevé, on a aussi recours aux bonnes vieilles méthodes des baisses d’impôt. 4
Enfin, le budget 2010-2011 réaffirme, si besoin était, les priorités des conservateurs. Le gouvernement prévoit de réduire de plus de 17 milliards les dépenses publiques, et ce, pour les cinq prochaines années, sans qu’il soit possible de déterminer exactement où se feront sentir ces coupures. 5 Les budgets de tous les ministères sont réduits, sauf celui de la Défense, qui continue d’augmenter. La hausse du budget du ministère de la Défense fait en sorte que le Canada compte maintenant parmi les quinze grandes puissances militaires du monde, occupant le treizième rang. Cela s’explique par une augmentation de presque 50 % des budgets de l’armée entre 2000 et 2009. 6 La même année, le gouvernement annonce l’acquisition — très controversée — de soixante-cinq nouveaux avions de combat F-35 de la compagnie Lockheed Martin, au coût de 16 milliards, ce qui comprend — quelle aubaine — les frais d’entretien.
Quant aux impôts, là aussi fidèles à leurs valeurs, les conservateurs se refusent à les augmenter. Malgré que le déficit de l’État atteint 53,8 milliards pour 2009-2010, le gouvernement entend le voir passer à seulement 1,8 milliard pour l’année fiscale 2014-2015. Ottawa parie notamment sur la reprise de l’économie et la suppression des programmes de stimulation économique, lesquels seraient rendus inutiles étant donné la nouvelle prospérité du pays.
Comme charité bien ordonnée commence par soi-même, le gouvernement Harper décide de geler l’aide internationale de sorte qu’elle plafonne à 5 milliards de dollars en 2010-2011. 7 Le discours du Canada est contradictoire lorsqu’il appelle les membres du G8 à faire plus pour l’aide internationale tout en annonçant pour lui-même des coupures majeures sur une longue période. Selon l’économiste Jeffrey Sachs, directeur du Earth Institute de l’Université Columbia et conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le budget annoncé pour les prochaines années constitue un réel repli sur soi. En raison de ces coupures, le ratio canadien de l’aide internationale par rapport au PIB chutera sous la barre du 0,3 pour cent, ce qui est très loin du ratio de 0,7 pour cent envisagé naguère par Lester B. Pearson. 8 La tragédie humaine engendrée par le séisme de janvier 2010 en Haïti semble bien loin des esprits à Ottawa, quelques mois seulement après les faits. Malgré bon nombre de désaccords et l’opposition du Bloc et du NPD, le budget est finalement adopté à la Chambre des communes grâce à l’appui des libéraux.
Les budgets traduisent la stratégie de Harper, qui a su avancer lentement mais sûrement vers la réalisation de ses objectifs, dont plusieurs étaient déjà établis au moment de la conférence de 2003. Le programme est très clair : mettre un terme aux dépenses qui vont à l’encontre des valeurs fondamentales des conservateurs.

Le fédéralisme et la distribution des ressources

On pourrait croire qu’il s’agit de deux problèmes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Mais dans un système fédéral, la distribution des ressources dépend précisément d’une juste répartition des prérogatives et des domaines de compétence entre les pouvoirs provinciaux et fédéraux. La décentralisation n’est pas nécessairement, loin s’en faut, un bon signe pour la justice sociale, mais on ne peut pas non plus espérer des mesures économiques locales efficaces si elles sont bloquées par un pouvoir central fort qui ne respecte pas les règles du jeu d’un véritable État fédéral.
Le 27 novembre 2006, le premier ministre dépose une motion visant à reconnaître que « les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni 9 ». Il s’agit d’un geste politique qui n’est pas anodin, car il a une forte valeur symbolique. On pourrait y voir une conception du fédéralisme canadien reconnaissant par exemple le droit des minorités et le droit à l’autodétermination des peuples. Mais la relecture des événements survenus au cours des dernières années nous conduit à croire le contraire. Une preuve parmi d’autres en est la quasi-absence du français aux Jeux olympiques de Vancouver. Une autre preuve : l’opposition des conservateurs au projet de loi privé visant à exiger le bilinguisme des juges de la Cour suprême, opposition qui allait contre l’avis du commissaire aux lan...

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