Rencontre de deux mondes
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Rencontre de deux mondes

La crise d'industrialisation du Canada français

Everett C. Hughes, Jean-Charles Falardeau

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Rencontre de deux mondes

La crise d'industrialisation du Canada français

Everett C. Hughes, Jean-Charles Falardeau

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Lors de sa parution en anglais, en 1943, la monographie d'Everett C. Hughes consacrée à Drummondville a connu un retentissant succès aux États-Unis, tout comme sa version française parue au Québec en 1948. Elle a marqué d'une pierre blanche l'étude des mutations de la culture canadienne-française et constitue un classique parmi les textes issus de la prestigieuse École de Chicago. « Rencontre de deux mondes » mérite d'être lu et relu. Pour découvrir non seulement, avec peut-être une touche de nostalgie, ce qu'était Drummondville en 1937, au moment où Hughes amorce son enquête sur le terrain, mais aussi une étude sociologique fine et nuancée qui nous permet de comprendre la société québécoise d'hier et d'aujourd'hui.

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Información

Año
2014
ISBN
9782764643464

CHAPITRE 14
Cérémonies religieuses et patriotiques
Les Canadiens français et leurs compatriotes sont citoyens d’un même pays. Les uns et les autres suivent le même calendrier chrétien. Néanmoins aucun anniversaire ne les réunit en des cérémonies communes pour manifester un attachement commun et sincère à des symboles ayant pour tous la même signification. Chaque groupe a ses fêtes à lui.
Ce fait est important, parce que la participation à des cérémonies identiques trace généralement la ligne de démarcation entre deux groupes dont l’un est « nous » et l’autre « eux ». Ce sera l’un des thèmes des pages qui vont suivre. Un second thème découle du fait, souvent rapporté, que les réjouissances des citadins diffèrent de celles des gens de la campagne1. Dans notre localité, comme au Québec en général, les deux thèmes s’entremêlent, parce que ce sont aussi « eux », « les Anglais », qui sont les agents les plus actifs de l’expansion urbaine en même temps que les têtes des grandes industries qui attirent le groupe « nous », les Canadiens français, dans les villes.
Le calendrier religieux catholique, toujours plus riche que le protestant, l’est particulièrement au Québec. Les Anglais sont chaque année étonnés de voir les Canadiens français porter le Saint-Sacrement dans les rues, lors de la procession de la Fête-Dieu, tout autant que les Canadiens français sont quelquefois scandalisés de ce que la vigile de leurs deux jours consacrés à la commémoration des morts, la Toussaint et le jour des Morts, ne soient pour les Anglais rien d’autre qu’une soirée de mascarades et de bombance. Un grand nombre de fêtes d’obligation, complètement inconnues des protestants, remplissent les églises catholiques. Chaque année, des pèlerinages spéciaux amènent des centaines de Cantonvillois à Sainte-Anne-de-Beaupré et, à l’occasion d’un dimanche consacré à la bénédiction des autos, à un sanctuaire de moindre importance. Même d’humbles bicyclettes, gaiement décorées, participent à une procession qui devient une course en rase campagne jusqu’à la porte de l’église où a lieu la bénédiction.
Les anniversaires religieux communs aux deux groupes sont célébrés de façon différente et séparée. Aucune sanction, excepté les caprices de la conscience individuelle, n’aide à faire observer les pénitences du carême, même parmi les anglicans ; d’autres confessions protestantes ne connaissent même pas ces pratiques. Parmi les Canadiens français, au contraire, l’autorité ecclésiastique, soutenue par les mœurs familiales et l’opinion publique, sanctionne des lois spécifiques de jeûne et d’abstinence de même que la cessation des réjouissances publiques. Au fur et à mesure de l’approche de Pâques, une ville canadienne-française exhale la sainteté. La joie prématurée du dimanche des Rameaux est aussitôt assombrie par le deuil prochain du Vendredi saint. Le Samedi saint, les gens viennent en ville faire leurs emplettes de Pâques, s’achètent des toilettes pimpantes et remplissent les tavernes à moitié désertées durant le carême. Les épiceries sont enguirlandées et les jambons, le mets approprié pour rompre le carême, sont décorés de rosettes de papier et de rubans multicolores. Les églises débordent de gens venant se confesser, prier et chercher l’eau bénite placée dans des baquets sous le porche ou à la sacristie. Le jour de Pâques même, tous les fidèles rayonnent d’une sainte joie. Dans la ville de Québec, capitale religieuse de la province, l’animation est plus intense que ne saurait l’imaginer un protestant.
Les protestants anglais sont témoins de tout ceci avec un intérêt détaché. Leurs propres Pâques sont ternes en comparaison de celles des catholiques. Une fois Pâques passé, les réunions sociales reprennent avec plus de fréquence et de gaieté parmi les Canadiens français. On a aussi l’impression que la coutume d’étrenner le jour de Pâques est plus observée chez les Canadiens fiançais que chez les Anglais. La grand-messe de Pâques, tout autant que les allées et venues qui la précèdent et la suivent, impressionne beaucoup plus, à la fois comme cérémonie religieuse et comme parade de gens endimanchés, que la contrepartie protestante du même événement2.
L’événement central du Noël canadien-français est la messe de minuit. Dans la grande basilique Notre-Dame de Montréal, des dignitaires de la ville arrivent en grand apparat, saluent leurs connaissances de la tête, tout en se rendant à leurs bancs le long des longues allées, et s’arrêtent même, ici et là, pour quelques poignées de mains. À Cantonville, les familles occupent leurs bancs et les citoyens de l’endroit semblent encore plus en évidence qu’aux grand-messes ordinaires. Les centaines et les centaines de personnes qui communient tiennent occupés, à la sainte table, tous les prêtres qui ne sont pas requis pour chanter la messe. Mais il y a dans l’air une atmosphère de réjouissance publique plutôt que de piété intime. Après la messe, les gens échangent des souhaits. Les journaux locaux décrivent la solennité avec un enthousiasme touchant, évoquant la nuit idéalement claire, froide et pleine d’étoiles, la foule dans l’église, la présence de personnages distingués, la pompe de la messe elle-même, la musique, les cierges, la crèche et, finalement, l’échange de souhaits aux petites heures de la nuit. « La fête de Noël a été célébrée dans nos églises avec éclat », tel est l’invariable cliché au début de chaque compte rendu de ce genre.
Noël est essentiellement une fête religieuse et l’Église fait de son mieux pour la conserver ainsi. Des sermons du haut de la chaire et dans les journaux mettent les gens en garde contre le Noël commercial américain, contre la concurrence dans l’échange des cadeaux, contre la tendance à faire de cette fête une journée de divertissements temporels et même contre ce vieux barbu de père Noël, à qui sont attribués des pouvoirs appartenant seulement à l’Enfant-Jésus. La façon d’agir des Canadiens français des villes donne, jusqu’à un certain point, raison à ces avertissements. Les magasins annoncent des cadeaux du temps des fêtes et pressent les gens de faire leurs achats à bonne heure, mais chez des gens de leur nationalité, plutôt que chez des étrangers. Il n’y a cependant, au moins dans notre localité, aucune apparence d’un déclin dans le caractère religieux de la messe de minuit. Le Premier de l’an demeure, pour sa part, le jour de l’échange des cartes de souhaits et des cadeaux. Ce jour est aussi revêtu d’une signification religieuse par la visite traditionnelle des enfants à la maison paternelle pour recevoir, à genoux, la bénédiction du père. Cette coutume, à son tour, est devenue symbolique et les fidèles sont mis en garde contre sa disparition évidente. Les orgies du New Year’s Eve sont particulièrement vilipendées comme une coutume étrangère qui rend indigne de la bénédiction paternelle.
Durant la saison des fêtes des Canadiens français, la relation est beaucoup plus intime entre les réjouissances mondaines et les solennités liturgiques que pour les protestants anglais. C’est ce parallélisme que le clergé et les dirigeants laïques tiennent à conserver. Alors que les modes anglaises semblent constamment acquérir plus de popularité, le caractère publiquement religieux du temps des fêtes ne semble, dans notre localité, manifester aucun déclin.
Toutes les cérémonies publiques que nous avons observées ou dont nous avons lu des comptes rendus réunissaient des autorités religieuses et civiles tout autant que des groupements de caractère religieux et laïque. L’importance relative de chaque élément varie d’une occasion à l’autre, mais les caractéristiques dominantes demeurent toujours les mêmes, comme on peut le voir dans le diagramme des dignitaires et des différents groupements ayant pris part à quatre processions publiques différentes.
Le trait saillant de chacune de ces processions est la présence du clergé et de dignitaires municipaux, comprenant le maire. Ce groupe se retrouve invariablement à l’endroit le plus en honneur, vers la fin de la procession, suivi par une arrière-garde de gens de moindre importance. Si c’est une procession où l’on porte le Saint-Sacrement, ce groupe sera rassemblé autour du dais. Au Congrès eucharistique de Québec, la configuration générale était la même, sinon que les dignitaires étaient d’un ordre plus élevé. L’archevêque-cardinal de Québec, primat du Canada et légat papal, portait le Saint-Sacrement, escorté d’une garde romaine, de ministres du cabinet provincial et du gouvernement fédéral, de même que du maire et d’autres citoyens éminents. Au moment de la première visite officielle d’un nouvel évêque à Cantonville, le maire et le député provincial du comté l’escortèrent à partir des limites de la ville jusqu’au presbytère, où une grande foule s’était assemblée pour le recevoir. Bien que ces deux dignitaires civils fussent des ennemis politiques et personnels, ils étaient obligés, en tant que plus hauts dignitaires civils de la localité, d’apparaître ensemble pour accueillir la nouvelle autorité religieuse. En ces occasions, ce sont les autorités civiles qui font les honneurs à l’autorité religieuse, tout en réclamant implicitement la reconnaissance de leur position par rapport à la hiérarchie et aux symboles religieux.
Le compte rendu suivant, détaché des notes de notre journal personnel, suggère quelque idée de la saveur d’une fête religieuse publique :
La Fête-Dieu
C’est aujourd’hui la grande cérémonie religieuse extérieure de l’année. Les maisons sont pavoisées d’oriflammes et de drapeaux, l’Union Jack, le tricolore français, le drapeau du Sacré-Cœur et le drapeau fleurdelisé de l’Ancien Régime. On lit, sur des bannières suspendues au-dessus des rues, « Jésus-Hostie, donnez-nous la paix », « À notre population, soyez favorable ». L’une d’elles, accrochée sur l’hôpital, implore : « Jésus-Hostie, bénissez nos œuvres, bénissez nos demeures. »
Après une messe basse, sans sermon, la garde d’honneur pénétra dans l’église et les trompettes éclatèrent en guise de salut au Saint-Sacrement avant de l’escorter à sa sortie dans la rue. Pendant ce temps, les différents groupes de la procession se rassemblaient dans la rue, de même que les curieux, dans le parc et le long des rues. Finalement, la procession se mit en marche en direction du sud. À mesure qu’elle s’approchait et passait, les spectateurs s’agenouillaient, telle la brise dans un champ inclinant en un lent remous la tête des épis. Quelques-uns des fidèles prenaient des instantanés tout en priant à haute voix. Pour un œil protestant, cette procession semble un étrange mélange de profonde piété et de parade ostentatoire. Les pas militaires et les uniformes témoignaient clairement de la fierté des jeunes gens. Les tambours-majors se pavanaient, le corps raide, en faisant tourner leurs bâtons d’une façon dangereusement rapide. Les maîtres de cérémonie donnaient des ordres brefs et solennels.
En tournant vers l’ouest, la procession passa sous un arc de verdure surmonté d’une devise. Tout le long du parcours se trouvaient des branches de bouleau.
À l’académie, les différents groupes se déployèrent sur le terrain et se replacèrent en laissant une allée pour le passage du Saint-Sacrement et de son escorte jusqu’à l’autel érigé sur les marches de l’école. Les femmes furent disposées dans les coins et les groupes d’hommes massés au centre. Tout cela prit un peu de temps durant lequel les femmes restèrent à genoux, priant beaucoup et vite, en égrenant leurs chapelets. De vieilles femmes pauvrement vêtues de noir demeurèrent à genoux plus longtemps en priant plus fort que les autres.
Le frère directeur de l’académie fit réciter aux garçons de l’école le chapelet à haute voix et tous ceux qui étaient assez près pour l’entendre répondaient : « … Marie, pleine de grâce… » D’autres, en d’autres endroits, dirigeaient d’autres prières jusqu’à ce qu’on n’entendît plus qu’un bruit continu de ces voix fortes et dominantes, accompagnées en sourdine par le murmure des réponses. On pouvait entendre aussi les voix de ceux qui causaient. Finalement, la garde et le Saint-Sacrement atteignirent le reposoir. Le maire et les conseillers municipaux les attendaient tout près, comme une sorte de comité de réception pour Notre-Seigneur.
Le reposoir...

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