Depuis toujours
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Madeleine Gagnon

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Depuis toujours

Madeleine Gagnon

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Née à Amqui, Madeleine Gagnon se souvient avec enchantement de son enfance entourée d'une nature rayonnante, au sein d'une vaste famille qui œuvre dans la forêt et sur la terre, gens droits et fiers, mais sur l'esprit desquels règne encore indûment tout ce qui porte soutane.L'entrée au pensionnat marque le début des grandes aventures intellectuelles et la naissance d'un profond refus qui commence à creuser ses sillons. Refus qui tranquillement remontera à la surface pendant les études en Europe, pour éclater quand la jeune femme rentrera dans un Québec méconnaissable. Marx a remplacé Claudel. La psychanalyse accompagne et favorise la venue à l'écriture, et l'œuvre surgit sous forme d'un torrent. En même temps que la femme connaît la douleur et l'éblouissement de l'enfantement, l'exaltation amoureuse et les tourments du désamour.Madeleine Gagnon raconte aussi les amitiés, primordiales, avec Annie Leclerc, Christiane Rochefort, entre autres. Les luttes féministes, avec tous les rêves et toutes les déchirures qu'elles portent. Le temps qui transforme tout, la disparition des parents. Les nouvelles passions, qui seules nous permettent de continuer la route, comme celle de comprendre le lien cruel et mystérieux qui unit les femmes et la guerre.

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Información

Año
2013
ISBN
9782764642283

CINQ

Le temps de l’inédit

Tant qu’il y aura des humains pour l’écrire, l’histoire ne mourra pas. Elle sera toujours singulière et plurielle et la forge subjective sur laquelle œuvreront les écrivains, par le feu de l’expérience particulière, lui redonnera chaque fois sa dimension de vérité.
Mémoires d’enfance

Le Québec nouveau

J’avais quitté le Canada français deux ans plus tôt. Je revenais au Québec, quel étrange sentiment !
Au moment où j’arrive à Montréal, début septembre 1963, je me souviens surtout, malgré la joie de retrouver les miens et cette drôle de force que donne le fait d’être trois personnes ensemble et non plus une seule ainsi qu’au départ, de m’être sentie étrangère à mon propre pays. J’avais changé, cela était évident, mais la terre et le peuple que j’avais quittés deux ans plus tôt me semblaient eux aussi transformés, quasi méconnaissables. Pour tout dire, j’avais le sentiment d’être apatride tant ce que je retrouvais m’était devenu comme un autre pays.
Et comment reconnaître ce que l’on ne connaît plus ? Je cherchais des repères. Je les trouvai, fort heureusement, dans les mille et une petites tâches, mille et un petits objets de la vie quotidienne et matérielle.
Il faut dire qu’à l’époque l’éloignement géographique constituait une véritable coupure avec le sol quitté, comme un exil purement physique néanmoins réel. Tous les fils (ou les sans-fils) qui relient aujourd’hui ceux qui partent de leur camp de base originel n’existaient pas. Ni Internet ni webcam, ni portables dits intelligents, à peine le téléphone. Seules existaient les lettres. Dans celles que je recevais alors, bien peu avait été dit sur les bouleversements sociaux qui avaient eu cours à une grande vitesse ces années-là. Je tombais en pleine ébullition du début de la Révolution tranquille et je n’en avais rien su. Ni les lettres intimes ni les journaux français ou états-uniens n’en avaient soufflé mot.
Lentement, je prenais la mesure du peu d’importance qu’avait mon pays au regard des grandes puissances du monde tout en me disant que le silence des miens était une telle énigme que je commençai peu à peu à leur « rendre l’énigme », pour dire comme Paul Valéry : je jetai dans un « carnet de retour » des phrases labyrinthiques pour m’aider à pénétrer dans les arcanes de la chose publique. Ainsi s’amorça pour moi l’écriture des premiers poèmes et des premiers récits. Si je dis vrai de la naissance concrète de ma venue à l’écriture, c’est là, en ce lieu de méconnaissance temporaire des miens, et de moi-même par contrecoup, là, à ce carrefour quelque peu brouillé par la perte d’intelligence claire des miens et de moi-même, que l’écriture prit sa source. En griffonnant mes premières notes dans ce carnet de déroute, sans en être consciente à ce moment-là, c’est ça que je faisais.
Je ne savais pas non plus pourquoi je pensais si fort à Stendhal au cours de ces premiers temps du retour. Stendhal, mon Stendhal, devenu celui que j’ai appelé longtemps mon aïeul diagonal depuis que M. Ruff m’avait révélé que sa mère, Henriette Gagnon, et son grand-père, médecin et encyclopédiste, Henri Gagnon, étaient « sans doute » mes ancêtres. Depuis que mon adorable et fétichiste directeur de thèse avait semé en moi ces miettes de petite histoire puis, à mon insu, avait tracé le sinueux dédale de la vie qui se vit en écrivant, ce fameux « vécrire » du romancier Jacques Godbout. Face au comité d’accueil que constituèrent les énigmes de mon pays en devenir, je commençai à lire les romans de Stendhal et négligeai follement ma thèse sur Claudel. Je n’avais plus la tête à ça.
L’amour de Patrick et de Charles, les mille et une tâches du quotidien et la lecture de Stendhal m’ont empêchée de sombrer dans la dépression inéluctable de qui ne reconnaît plus sa terre d’origine et ne s’y reconnaît plus dedans.
Aujourd’hui où j’écris cette autobiographie, mon aïeul diagonal m’est tout proche. Il m’arrive de relire des fragments de sa Vie de Henry Brulard et d’y mieux comprendre pourquoi la mise en œuvre d’une vie par l’acte même d’écrire peut éclairer moult événements nébuleux, et par conséquent difficiles à saisir et à expliciter. Par cette distance dans la transposition même de l’acte d’écrire sa propre vie, Stendhal, avant de quitter cette vie — il a été malade gravement, il le sent, il le sait, il va bientôt mourir —, se permet de revenir en douce au nom abhorré de son père non moins détesté, au presque-nom devrais-je dire, ce Henry Brulard si près du nom paternel donné à la naissance, Henri Beyle, abandonné toutefois dès la signature du premier livre.
Au moins lui avait-on conservé les prénoms vénérés de la lignée maternelle, Henriette et Henri. Ainsi l’écriture, la capacité de rêver sa vie, sera-t-elle sauvegardée. Sauvée et gardée. Conservée. Cette part maternelle en lui qui lui vient de l’Italie où il passera d’ailleurs une grande partie de sa vie et où, à Rome même, il commencera la rédaction de sa Vie…, cette part-là, venue des Gagnoni de naguère et dont parle Roland Barthes quand il aborde le dernier texte de sa vie à lui alors qu’il s’en va faire une conférence en Italie, sur Stendhal justement, et qu’il veut entretenir ses contemporains de son désir ultime d’en venir enfin à l’écriture de fiction, cette « part maternelle stendhalienne » négligée jusqu’ici, évacuée au profit de l’essai théorique, considéré par Barthes comme à la fois masculin et castrateur d’écriture. (C’est d’ailleurs ce dernier texte que l’on trouvera sur la machine à écrire de Barthes, le jour de sa mort accidentelle, en 1980.)
Stendhal eût voulu prendre comme pseudonyme le nom de la mère, Gagnon, il l’écrit cette fois dans son Journal, mais l’époque ne le permettait pas.
Tout au début de sa Vie de Henry Brulard, assis sur un banc du mont Janicule, à Rome, et contemplant les beautés antiques, il écrit : « Il faisait un soleil magnifique » — il avait pris soin d’inscrire la date, le 16 octobre 1832. « Un léger vent de sirocco à peine sensible faisait flotter quelques petits nuages blancs au-dessus du mont Albano, une chaleur délicieuse régnait dans l’air, j’étais heureux de vivre. »
Un peu plus loin, Stendhal, nostalgique, écrira : « Ah ! Dans trois mois j’aurai cinquante ans, est-il bien possible ! 1783, 93, 1803, je suis tout le compte sur mes doigts… et 1833 cinquante. Est-il bien possible ! Cinquante ! Je vais avoir la cinquantaine… »
En ce 6 octobre 2010, je relis ces pages et je comprends pourquoi, à vingt-cinq ans, à mon arrivée à Montréal, l’œuvre de fiction de Stendhal m’était plus accessible et pourquoi ce fut au début de ma cinquantaine à moi, sans le concerter sérieusement, que j’abordai les « œuvres intimes » de mon modèle romanesque.
Aujourd’hui, à soixante-douze ans, je commence à comprendre pourquoi il me fallut toutes ces années pour la nécessaire mise à l’œuvre de ma vie. Quand on désire l’éclairer à l’ombre des mots, qui, eux, sont toute lumière pour l’écrivain, le temps devient le grand forgeron de l’œuvre. Et pourquoi l’indispensable faisceau s’allume au moment de l’évocation de la plus obscure période de mon existence, cette décennie 1960.
Aujourd’hui, en ce 6 octobre 2010, au son des vagues entendues de ma fenêtre sous les grands vents et le fulgurant soleil de l’été des Indiens, en Gaspésie, je peux dire comme mon aïeul diagonal : il y a deux mois, j’ai eu soixante-douze ans, est-il bien possible ! 1938, 48, 58, 68, 78, 88, 98, 2008, plus deux ans, je suis tout le compte sur mes doigts… et 2010 soixante-douze. Est-il bien possible ! Soixante-douze !
Je ne le crois pas moi-même tant mon cœur semble au printemps. Mon cœur et mon esprit. Je ne le crois pas. Mais je dois le penser. L’autobiographie n’est qu’une voie pour mieux penser cette éblouissante épreuve du temps qui s’en va. Elle peut être publique vu que tant de livres le furent. Ceux qui craignent l’autobiographie manquent d’humilité.
Venus tout droit de New York, en cette fin d’été 1963, nous fûmes hébergés par l’une de mes sœurs. Il nous fut loisible de courir un peu partout en ville pendant que Charles se faisait garder chez elle. D’abord, il nous fallait trouver un appartement, pas très loin de l’Université de Montréal où Patrick enseignerait, et meublé si possible, nous ne possédions que nos vêtements, nos livres ainsi que quelques objets, achetés en Provence pour la plupart. Nous avons finalement trouvé un demi-sous-sol meublé comprenant deux chambres, la petite pour le bébé et la grande pour nous, la « chambre des maîtres », comme disait le propriétaire, et qui me servirait aussi de bureau. Dans le quartier glauque du Côte-des-Neiges des pauvres et des immigrants, ce qui n’était pas pour me déplaire au début, immigrante je me sentais moi-même.
En parcourant les rues de Montréal, je vis de façon éclatante l’un des grands changements survenus durant mon absence. Il n’y avait presque plus de soutanes et de longues robes avec leurs voiles sur la tête déambulant sur les trottoirs. J’avais quitté ma ville remplie de ses longs et nombreux oiseaux noirs et je ne les voyais plus. Que s’était-il passé ? demandai-je à la ronde. On m’expliqua. Les églises se vidaient, ainsi que les couvents et les monastères, la foi se perdait ou se dissipait ailleurs, fondue dans la société civile. Ceux et celles qui demeuraient dans les communautés religieuses s’éclipsaient discrètement sous des habits laïques. On ne les reconnaissait plus. Même les services hospitaliers, et les écoles en grande partie, s’étaient vidés de leur personnel sacré.
Comment expliquer ce subit changement ? Avec les amis retrouvés, je posais des questions. Nous discutions. Nous passions d’interminables soirées, un verre à la main et des musiques nouvelles aux oreilles — Miles Davis, Leonard Cohen, Pete Seeger, Joan Baez, Bob Dylan, Gordon Lightfoot et Donovan, et Barbara —, à tenter de comprendre ces bouleversements qui, tous ensemble, nous tombaient dessus. Je dis « nous tombaient dessus », consciente que nous étions partie prenante de ces mutations. À travers livres et disques, la révolution sexuelle, californienne surtout, sonnait à nos portes. Et le féminisme naissant, par des livres et des revues venus des États-Unis, de la France, de l’Espagne, du Portugal et de tous les pays de l’Europe du Nord, s’infiltrait en nos esprits et en nos cœurs. Nous faisions sauter les loquets d’incroyables censures, nous parlions des heures entre nous, amis de la vingtaine ou de la jeune trentaine. Nous avions le sentiment de vivre une fabuleuse période historique. Nous nous sentions acteurs et actrices d’un extraordinaire jeu qui allait changer la société entière.
Tout nous semblait possible maintenant que les poussières du temps séculaire des censures, des interdits et des silences coupables étaient en train d’être balayées sous nos yeux vivants. Nous étions certains d’appartenir à une révolution qui ne portait pas encore de nom. Nous allions la nommer. Nous allions l’écrire. Nous serions dans le temps de l’inédit.
Au cours de dîners ou de soupers bien arrosés, nous les femmes, nous les filles prenions la parole, parlions de nos vies sexuelles brimées, des rapports fondés sur la séduction que nous avions entretenus avec les hommes. De nos soumissions. De nos aliénations. Nos amoureux, nos compagnons, nos frères écoutaient. Je me souviens d’un soir où nous avions soulevé la question de la jouissance sexuelle, vaginale ou clitoridienne. Eux nous écoutaient. Semblaient ne pas en revenir. Nous n’en revenions pas nous-mêmes. Venant des noirceurs affectives du machisme patriarcal et religieux, nous cherchions les mots inventeurs de notre nouvelle mise au monde, mots qui seraient issus des lumières que nous allions fébrilement allumer.
Le plus souvent, à bout de raisonnements et de mots, les fêtes se terminaient dans la danse. Là aussi, nous voulions innover. Nous étions sortis de la valse, du tango et de ces pas appris et comptés, nous avions pris le chemin du rock-and-roll. Maintenant, avec des mouvements que chacun inventait à sa guise, nous entrions dans la nuit, transis et amoureux.
***
Je revins tranquillement à ma thèse. L’oisiveté n’a jamais été mon fort et, de toute façon, à cause sans doute d’une éducation à la rigueur due à la discipline d’une maisonnée nombreuse et des pensionnats, j’ai appris à terminer ce que j’avais commencé. Ai-je assez entendu Il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même, Pierre qui roule n’amasse pas mousse et d’autres dictons qui se sont mis à constituer à la longue la fibre de ma volonté ? Comme toutes les femmes de ma génération et de ma condition qui désiraient étudier ou travailler, dépourvues de garderies, nous devions nous payer les services de ce que nous appelions une gouvernante pour les enfants, ce qui nous semblait plus respectueux que le terme de bonne et tellement plus que celui de servante.
Me rendant compte que je ne pourrais ni étudier ni écrire vraiment à la maison, j’engageai une dame, roumaine d’origine, qui voulait que nous l’appelions Nana. Elle fut formidable, cette Nana. Si chaleureuse et si aimante, elle chantait des chansons roumaines quand elle berçait Charles ou lui racontait des histoires en allemand. Cette langue est belle, disait-elle. Elle lui ouvrira beaucoup de portes quand il sera grand. Deux ans plus tard, lorsque nous emménageâmes dans un logement spacieux et que je pus, enfin, voir des arbres à travers les fenêtres et y faire entrer un piano, Nana jouait des « petites pièces pour enfants », disait-elle. Je me souviens encore d’avoir entendu les notes quand je revenais par le bosquet champêtre — devenu aujourd’hui le terrain du chic Sanctuaire — et que je montais les marches du second où m’attendait un enfant heureux, Charles qui se jetait ...

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