Danse, enfermement et corps résilients | Dance, Confinement and Resilient Bodies
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Danse, enfermement et corps résilients | Dance, Confinement and Resilient Bodies

  1. 144 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Danse, enfermement et corps résilients | Dance, Confinement and Resilient Bodies

À propos de ce livre

La danse offre un espace-temps qui permet de regarder, étudier et comprendre l'humanité. Elle dévoile des corps, avec leurs blessures mais aussi leurs forces. La danse permet de penser | panser différemment et, ainsi, d'ouvrir de nouvelles perspectives. Cet ouvrage s'adresse aux acteurs appartenant aux différents milieux d'intervention et de recherche, d'enseignement et de formation, de même qu'aux danseurs, danse-thérapeutes et art-thérapeutes qui sont confrontés dans leur pratique aux problématiques de résilience et de justice sociale.

Dance offers a space-time that enables us to look at, study, and understand humanity. It exposes bodies, their wounds as well as their strengths; it is a means of reflecting l recovering differently, opening a window onto new perspectives. This work is intended for stakeholders in various fields of intervention and research, education, and training, as well as for dancers, dance therapists, and art therapists who deal with issues of resilience and social justice in their practice.


Édition bilingue.

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Dance offers a space-time that enables us to look at, study, and understand humanity. It exposes bodies, their wounds as well as their strengths; it is a means of reflecting l recovering differently, opening a window onto new perspectives. This work is intended for stakeholders in various fields of intervention and research, education, and training, as well as for dancers, dance therapists, and art therapists who deal with issues of resilience and social justice in their practice.

La danse offre un espace-temps qui permet de regarder, étudier et comprendre l'humanité. Elle dévoile des corps, avec leurs blessures mais aussi leurs forces. La danse permet de penser | panser différemment et, ainsi, d'ouvrir de nouvelles perspectives. Cet ouvrage s'adresse aux acteurs appartenant aux différents milieux d'intervention et de recherche, d'enseignement et de formation, de même qu'aux danseurs, danse-thérapeutes et art-thérapeutes qui sont confrontés dans leur pratique aux problématiques de résilience et de justice sociale.

Bilingual edition.

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CHAPITRE 1

Danse en milieu carcéral :
un art pour s’écouter et se raconter

Élise Hardy
Danser met en jeu mon corps, gardien de mes expériences et de mes trajets de vie. Le mouvement décortique l’image de moi-même et éveille mes souvenirs sensoriels endormis. Je convoque timidement ces images, je les apprivoise; elles m’échappent, et je recommence. Je cherche ailleurs. Puis, sur scène, tout s’accélère. Je m’expose avec mes peurs et mes stigmates indélébiles, glanés sur mon parcours et gravés sur mon squelette. Le temps file entre mes doigts et je ne peux plus me cacher. Je cueille alors cette sensation logée au fond de mes entrailles que je lance sans filet vers l’extérieur. Dehors, cela s’anime. Je ressens une joie intense et un bien-être certain. Je souris intérieurement.
La danse possède cette force et ce pouvoir d’expression dont tout être humain doit avoir le droit d’user pour se raconter, partager, résister et crier. La pratique de la danse dans des milieux où elle n’est pas habituelle peut être source d’émotions et de profonds changements tant pour les artistes que pour les participantes et le public. En milieu communautaire, plus particulièrement, la création est généralement mêlée à des préoccupations sociales. La danse et sa diffusion publique deviennent alors de puissants outils de prise de conscience de soi, des autres, de l’environnement et de remise en question des habitudes sociales. La création chorégraphique représente une occasion unique de remettre en question le rôle de chaque sujet dans les rapports de pouvoir mis en place.
Au cours des dernières années, j’ai mené plusieurs projets de création chorégraphique en milieu communautaire dans le but de développer une réflexion sur le potentiel et les limites de la danse en matière de santé et de justice sociale. Ma démarche vise le développement du potentiel artistique de chacun dans le but de construire une plus grande solidarité sociale. Dans les prochaines lignes, je parlerai, depuis mon point de vue d’artiste, de deux projets chorégraphiques réalisés avec des femmes incarcérées : Cuerpo Presente, créé au Pérou en 2013 en collaboration avec la compagnie de danse inclusive1 Kinesferadanza2, et Soma Populi, réalisé à Montréal en 2015 en partenariat avec la Société Elizabeth Fry du Québec3. Ces deux projets ont été élaborés dans la continuité de cette vague d’artistes citoyens qui, avec des moyens artistiques, créent des espaces d’échanges démocratiques où chaque participante joue un rôle, peu importe son statut social et son histoire.
Après une brève présentation de la pratique de la danse contemporaine et de son utilisation dans des milieux communautaires, je définirai les principes de l’éducation somatique4 dont je m’inspire pour aborder la question du corps avec une vision holistique. Puis, je parlerai des pratiques artistiques et sociales et de leurs distinctions selon le degré d’implication des participantes. Je détaillerai enfin les deux expériences réalisées en milieu carcéral, Cuerpo Presente et Soma Populi, dont je donnerai un aperçu de la portée artistique, sociale et politique.

Danse et éducation somatique :
deux disciplines complémentaires

Depuis quelques années, j’essaie le plus souvent de consacrer les projets chorégraphiques que je développe à des personnes pour qui l’accès à l’art est difficile. Plusieurs expériences dans le domaine de la santé, en milieux communautaire et carcéral m’ont donné l’occasion de développer une approche du mouvement adaptée aux besoins de chacun. J’utilise l’éducation somatique comme outil pédagogique d’enseignement de la danse et de composition chorégraphique. Le mélange du cadre pratique et théorique de la danse contemporaine et de l’éducation somatique me permet, comme artiste intervenante et enseignante, de soutenir l’émergence de la gestuelle dansée chez les participantes.

La danse : un art discipliné ou rebelle?

Qu’elle soit traditionnelle, classique, urbaine ou orientale, la danse rejoint des intérêts et des fonctions qui s’inscrivent dans un contexte socioculturel et historique précis. La danse contemporaine, apparue dans le courant du XXe siècle, a pris le relais de la danse moderne, qui avait préalablement ouvert une brèche sur l’expressivité individuelle en se libérant des carcans esthétiques du ballet classique.
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Photos : Kinesferadanza et Élise Hardy, Prison de Santa Monica, Pérou, 2013.
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Photos : Kinesferadanza et Élise Hardy, Prison de Santa Monica, Pérou, 2013.
Avec la modernité, les chorégraphes cherchent des sources d’inspiration à partir de nouvelles façons d’appréhender le mouvement et le corps dans l’espace. L’esthétique de la danse contemporaine est transformée par cette conception du corps versus sujet dansant et pensant. On cherche davantage une qualité de mouvement, une expressivité du danseur qui peut être son créateur. La danse remet en question alors les pratiques politiques et les rapports sociaux :
C’est dans le rapport des œuvres avec le paysage urbain, social, économique ou politique qu’une nouvelle ligne de démarcation peut être proposée aujourd’hui : une nouvelle forme d’académisme touche des artistes, classiques et modernes confondus, qui reproduisent et confortent les espaces sociaux contemporains, avec leur rythme propre et souvent leurs violences (Ginot et Michel, 2008, p. 216).
Contrairement à la recherche de légèreté, caractéristique du ballet, les danseurs contemporains utilisent le poids du corps en relation avec la gravité, jouent avec le déséquilibre, le rythme, le contact, l’improvisation individuelle et collective, etc. La danse contemporaine emprunte également aux techniques du théâtre, de la marionnette, des arts martiaux, de la danse Butoh, et se sert des recherches théoriques en kinésiologie ou en analyse fonctionnelle du mouvement pour comprendre les mécanismes en jeu de l’expressivité du mouvement dansé. Au département de danse de l’Université du Québec à Montréal, les enseignants ont choisi d’intégrer des cours d’éducation somatique pour compléter la formation de leurs étudiants et développer ainsi une autre conscience de leurs mouvements.
On utilise également la danse à des fins thérapeutiques (danse-thérapie), éducative (expression corporelle) ou communautaire (danse inclusive ou intégrée), mais ces projets restent souvent marginalisés, et ne connaissent pas un grand succès auprès du public, habitué à l’académisme de la danse. Les projets chorégraphiques en milieu carcéral sont rares et la plupart du temps ponctuels. La compagnie française Point Virgule a réalisé plusieurs projets chorégraphiques en prison en France et au Québec au cours des 15 dernières années. La chorégraphe Claire Jenny partage ses expériences et les apprentissages qu’elle en a retirés dans l’ouvrage Chairs incarcérées : une exploration de la danse en prison (2009), qu’elle a coécrit avec Sylvie Frigon. Cette dernière, professeure et chercheuse en criminologie, explique les intérêts de l’intégration de la danse en milieu carcéral :
La danse en prison vise surtout à favoriser la réhabilitation et la réinsertion dans la communauté. En revanche, plusieurs sous-objectifs sont visés : procurer un divertissement sain, une acti-vité positive, proposer un exercice physique et une remise en forme, développer des compétences, offrir une intervention dite « thérapeutique », élaborer une stratégie pour contrer la violence, stimuler la spiritualité, permettre une reprise de contact avec le corps, offrir un exutoire pour les émotions, favoriser la santé mentale (Frigon, 2010, p. 183).
La pratique de la danse en milieu carcéral paraît antinomique tant elle réunit deux univers aux principes opposés. Pourtant, la liberté de mouvement procure aux personnes incarcérées la possibilité de se reconnecter avec leurs sensations et de développer un potentiel créatif parfois ignoré. Pour ne pas reproduire les rapports hiérarchiques parfois vécus dans le milieu de la danse et la conception d’un modèle unique de corps dansant, j’ai associé à la pratique de la danse les principes pédagogiques de l’éducation somatique, qui m’ont permis d’intégrer le milieu carcéral avec plus d’empathie, de compréhension et d’écoute.

L’éducation somatique : une pratique d’autonomisation

La somatique représente une façon de considérer l’être humain du point de vue de son expérience vécue, sentie et individuelle qui prime sur les savoirs théoriques. L’individu envisagé dans sa globalité et son expérience singulière prévaut sur tout autre discours extérieur à lui. Les théories sur la somatique empruntent à plusieurs champs disciplinaires anciens et proposent un paradigme différent de celui de la pensée occidentale classique sur l’être, le corps et l’individu (Gillain, 2002; Joly, 2003).
Les méthodes d’éducation somatique n’induisent pas la reproduction d’un modèle ou d’une « bonne » façon de faire, mais elles visent davantage à développer une plus grande conscience de soi. L’être est pris en compte dans son interaction avec l’environnement, en relation avec les dynamiques extérieures qui influencent son comportement. Les avantages d’une pratique en éducation somatique peuvent donc être perçus non seulement dans le cadre du cours d’éducation somatique, mais également dans toutes les sphères de la vie.
Bien qu’elles puissent offrir des avantages secondaires thérapeutiques, les méthodes d’éducation somatique sont dites « éducatives » et ne sont pas des thérapies. Elles participent à l’apprentissage de l’autorégulation5 plutôt qu’au traitement d’une pathologie (Joly, 1995). Moshe Feldenkrais6, fondateur d’une des méthodes, considère qu’être en santé consiste à réaliser ses rêves, même les plus inavoués. Les méthodes d’éducation somatique visent au développement de l’autonomie de la personne, à l’apprentissage du respect de ses limites, à la gestion de ses besoins et à la prise de conscience de ses habitudes. Les participantes profitent des apports de l’éducation somatique tant du point de vue moteur, psychique, émotionnel que relationnel dans leurs rapports avec les autres et avec leur environnement. En milieu communautaire, cette pratique peut se révéler très efficace pour l’autonomisation des participantes et la mise en place d’un espace de création collective basée sur l’écoute et le respect des divergences.

Les effets multiples des pratiques
d’art en milieu communautaire

Les projets d’art en milieu communautaire prennent des formes variées en fonction des participantes, du lieu de leur réalisation, des intentions des artistes et de la nature de leur collaboration avec le milieu. Bien qu’il soit difficile d’apposer une étiquette précise sur chaque initiative artistique, il s’avère toutefois important de clarifier les objectifs du projet et d’analyser les composantes à l’œuvre dans un projet artistique mettant en scène des non-danseurs. Cette précaution prévient les dérives et permet d’éviter d’aboutir à l’opposé de l’objectif initial. Leduc, artiste engagée, a réalisé son mémoire de maîtrise en travail social sur l’art communautaire comme espace de construction de la reconnaissance sociale des femmes criminalisées au Québec. Elle nomme plusieurs catégories pour évoquer la multiplicité des formes artistiques, incluant une dimension sociale : « Une véritable déclinaison caractérise l’éventail des pratiques artistiques “sociales” : art relationnel, art politique, art féministe, art populaire, art collaboratif, art collectif… » (Leduc, 2012, p. 175)
Les expériences artistiques et sociales que j’ai menées par le passé m’ont aidé à établir des distinctions entre les pratiques. Je les distingue généralement en fonction du degré de participation des personnes impliquées. Les projets se différencient également selon la priorité visée, à savoir l’individu, le groupe, la création artistique ou le public. Les deux projets chorégraphiques en milieu carcéral qui font l’objet de ce chapitre ont utilisé la forme de la cocréation d’une œuvre chorégraphique. La rencontre entre les artistes et les participantes se situait donc en premier lieu autour de la création de l’œuvre collective. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, le bien-être de l’individu, la cohésion du groupe et les conditions des femmes incarcérées ont fortement orienté le déroulement du processus artistique. En effet, lorsqu’un projet d’art s’invite en milieu carcéral, les questions de justice sociale et de respect des libertés individuelles et collectives sont généralement prise en compte, comme le souligne Leduc : « La dimension communautaire prend tout son sens lorsque les contenus abordés par l’initiative artistique sont directement issus des préoccupations des membres d’une communauté, en l’occurrence les femmes criminalisées. » (2012, p. 175)
À l’instar des effets de l’éducation somatique sur les multiples facettes de la vie de la personne, le processus de création d’un projet d’art communautaire se répercute sur plusieurs dimensions : individuelle, collective, familiale, sociale et professionnelle. Les effets, même si le projet ne poursuit pas volontairement ces objectifs, peuvent donc être multiples : thérapeutiques, communautaires, politiques, économiques et culturels. La coordonnatrice d’Agir par l’imaginaire, un projet d’art communautaire de grande envergure réalisé par la Société Elizabeth du Fry du Québec de 2008 à 2010, discute des retombées de ce type de projet :
L’importance réside tout autant dans la démarche artistique que dans le...

Table des matières

  1. Cover | Couverture
  2. Title page | Page titre
  3. Copyright page | Page de droit d’auteur
  4. Dedication | Dévouement
  5. Table of Contents | Table des matières
  6. Introduction: How to Create Beauty Where There is Suffering? | Comment créer de la beauté là où il y a de la souffrance?
  7. 1 Danse en milieu carcéral : un art pour s’écouter et se raconter
  8. 2 Finding the Keys: Lives Transformed through Dance
  9. 3 Dancing at Sing Sing
  10. 4 Spreading the Seeds of Change: Dandelion Dance™
  11. 5 Faire bouger le monde autrement
  12. 6 Mouvements de soi
  13. 7 A Delicate Dance: Towards an Embodied Social-Work Practice
  14. Afterword | Postface: Reflections on the Significance of Dance and its Relationship to Social Justice Struggles | Réflexions sur l’importance de la danse et sa relation à la justice sociale
  15. About the Contributors | À propos des auteur(e)s
  16. Back cover | Couvertures arrières