
- 391 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Vainement on chercherait dans Paris une rue plus paisible que la rue Saint-Gilles, au Marais, a deux pas de la place Royale.
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Informations
XXVIII
Il était bien difficile de concilier de telles paroles avec certaines circonstances de l'existence de Mlle Lucienne, avec ses promenades autour du lac, par exemple, avec cette voiture de chez Brion qui venait la prendre plusieurs fois la semaine, avec ses toilettes, chaque fois renouvelées, et toujours plus excentriques et plus voyantes.
Mais Maxence n'y songeait pas.
Ce qu'elle lui disait, il le tenait pour absolument vrai et indiscutable.
Et il se sentait pénétré d'une admiration presque religieuse pour cette jeune fille si belle, et d'une énergie toute virile, qui seule dans la vie, à travers les hasards, les tentations et les périls de Paris, avait su se suffire, se protéger et se défendre. – Et cependant, fit-il, sans vous en douter, vous aviez un ami près de vous !...
Elle tressaillit, et un pâle sourire effleura ses lèvres. Elle n'ignorait pas ce que peut être l'amitié d'un garçon de vingt-cinq ans pour une fille de dix-huit. – Un ami !... murmura-t-elle.
Sa pensée, Maxence la saisit, et dans toute la sincérité de son âme: – Oui, un ami, répéta-t-il, un camarade, un frère !...
Et croyant l'émouvoir et gagner sa confiance: – Je saurais vous comprendre, ajouta-t-il, car moi aussi, j'ai été bien malheureux.
Il s'abusait singulièrement.
Elle le regarda d'un air étonné, et lentement: – Vous, malheureux ! prononça-t-elle; vous qui avez une famille, des parents, une mère qui vous adore, une soeur...
Moins ému, Maxence se fût demandé comment elle savait cela, et il en eût conclu qu'elle s'était préoccupée de lui, puisqu'elle était allée sans doute aux informations. – Vous êtes un homme, d'ailleurs, poursuivit-elle, et je ne comprends pas qu'un homme se plaigne. N'avez-vous pas la liberté, la force et le droit de tout entreprendre et de tout oser ? Le monde n'est-il pas ouvert à votre activité et à votre ambition ? Une femme subit sa destinée, un homme fait la sienne.
C'était heurter les plus chères prétentions de Maxence, qui, très-sérieusement, pensait avoir épuisé les rigueurs de l'adversité. – Il est des circonstances... commença-t-il.
Mais elle haussa doucement les épaules et l'interrompant: – N'insistez pas, fit-elle, ou je croirais que vous manquez d'énergie. Que parlez-vous de circonstances ? Il n'en est pas de si contraires, dont on ne triomphe. Que voudriez-vous donc ? Être né avec cent mille livres de rentes, et n'avoir plus qu'à vous laisser vivre au gré de votre caprice de chaque jour, désoeuvré, rassasié, à charge à vous-même, inutile ou nuisible à autrui ? Ah ! moi, si j'étais homme, c'est une destinée plus haute que je rêverais. Je voudrais être né aux Enfants-Trouvés, sans nom, et de par ma volonté, mon intelligence, mon travail, me faire quelque chose et quelqu'un; je voudrais partir de rien et arriver à tout.
D'un mouvement superbe, elle se redressait, les yeux étincelants, les narines frémissantes...
Mais presque aussitôt, baissant la tête: – Le malheur est que je ne suis qu'une femme, ajouta-t-elle, et vous qui vous plaignez, si vous saviez...
Elle s'assit, et le coude sur la petite table, le front dans la main, elle demeura perdue dans ses méditations, l'oeil fixe, comme si elle eût suivi dans l'espace toutes les phases des dix-huit années de sa vie.
Il n'est pas d'énergie qui ne se détende à un moment donné, pas de volonté qui n'ait son heure de défaillance, et si ferme que fût Mlle Lucienne, et si énergique, elle avait été profondément touchée de l'action de Maxence.
Trouvait-elle donc enfin, sur son chemin, le compagnon que souvent elle avait rêvé, aux heures désespérées de solitude et d'abandon ?
Au bout d'un moment, elle releva la tête et, plongeant dans les yeux de Maxence un regard qui le fit tressaillir comme le choc d'une batterie électrique: – Sans doute, reprit-elle, d'un ton d'insouciance un peu forcé, vous vous dites que vous avez une étrange voisine... Eh bien ! comme entre voisins il est bon de se connaître, avant de me juger, écoutez-moi...
La recommandation était inutile. C'est de toute la puissance de son attention que Maxence écoutait. – C'est dans un village des environs de Paris, à Louveciennes, commença la jeune fille, que j'ai été élevée. Ma mère m'y avait mise en nourrice chez d'honnêtes maraîchers, pauvres et chargés de famille.
Au bout de deux mois, n'entendant pas parler de ma mère, ils lui écrivirent. Elle ne répondit pas.
Ils se rendirent alors à Paris, à l'adresse qu'elle leur avait donnée. Elle venait de déménager et on ne savait ce qu'elle était devenue.
C'était fini, ils n'avaient plus à compter sur un centime pour les soins qu'ils me donnaient. Ils me gardèrent, cependant, se disant qu'un enfant de plus ne les appauvrirait pas beaucoup.
Je ne sais donc rien de mes parents que par ces braves maraîchers, et comme j'étais tout enfant encore, lorsque j'ai eu le malheur de les perdre, tout ce qu'ils m'en avaient appris est resté très-vague dans ma mémoire.
Je me rappelle cependant que, d'après eux, ma mère était une très-jeune ouvrière, d'une rare beauté, et que vraisemblablement elle n'était pas la femme de mon père.
Il me souvient encore que peu de temps avant sa mort, ma bonne maraîchère ayant eu occasion de passer une journée à Paris, elle rentra furieuse, disant qu'elle venait de rencontrer ma mère, en toilette magnifique, étalée dans une superbe voiture à deux chevaux, que c'était invraisemblable, et que cependant c'était vrai, qu'elle en était sûre, qu'elle l'avait très-bien reconnue, et qu'il fallait que ma mère n'eût pas plus de coeur qu'un rocher pour oublier sa fille, alors qu'elle avait fait fortune.
Si on m'a dit autrefois le nom de ma mère ou de mon père, si je l'ai su, je ne me le rappelle plus.
Moi-même, je n'avais pas de nom. Mes parents adoptifs m'appelaient la Parisienne.
Je n'en étais pas moins heureuse chez ces honnêtes gens, et traitée absolument comme leurs propres enfants. L'hiver, ils m'envoyaient à l'école.
L'été, j'aidais à sarcler le jardin, je conduisais un mouton ou deux le long des routes, ou l'on m'envoyait au bois Brûlé, dans la forêt de Marly ou sous les châtaigneraies de la Celle-Saint-Cloud, cueillir des violettes et des fraises qu'une de nos voisines, le dimanche, allait vendre à Bougival.
Ce fut le temps le plus heureux, ou plutôt le seul temps heureux de ma vie, le seul vers lequel se réfugie ma pensée, lorsque je me sens gagnée par le découragement.
Hélas ! je n'avais que huit ans, lorsque dans la même semaine, le pauvre maraîcher et sa femme furent emportés presque soudainement par la même maladie: une fluxion de poitrine.
Par une matinée glaciale de décembre, dans cette maison que venait de visiter la mort, nous nous trouvâmes six enfants dont l'aînée n'avait pas onze ans, pleurant de chagrin, de peur, de faim et de froid.
Ni le maraîcher, ni sa femme n'avaient de parents, et ils ne laissaient rien que quelques misérables meubles dont la vente suffit à peine à payer leur enterrement. Les deux plus jeunes enfants furent conduits à l'hospice. Des voisins se chargèrent des autres.
Ce fût une maîtresse blanchisseuse de Marly qui me prit. J'étais très-grande et très-forte pour mon âge, elle fit de moi son apprentie.
Ce n'était pas une méchante femme, et même d'après certains traits qui me reviennent à la mémoire, je serais tentée de croire qu'elle avait bon coeur, mais elle était d'une violence extraordinaire, brutale, et plus dure que son battoir. Elle m'accablait de travail, et d'un travail souvent au-dessus de mes forces.
Cinquante fois le jour, il me fallait aller de la rivière à la maison, portant sur l'épaule d'énormes paquets de serviettes ou de draps mouillés, tordre, étendre, et ensuite courir jusqu'à Rueil chercher le linge sale chez les pratiques.
Je ne me plaignais pas, j'étais déjà trop fière pour me plaindre; mais quand on me commandait quelque chose qui me semblait par trop injuste, je refusais obstinément d'obéir et alors j'étais rouée de coups.
Malgré tout, je me serais peut-être attachée à ma patronne, si elle n'eût pas eu la dégoûtante habitude de boire. Chaque semaine, régulièrement, le jour où elle reportait le linge à Paris, c'était le mercredi, elle s'enivrait.
Et alors, selon qu'avec le vin la gaieté lui montait au cerveau, ou la colère, c'étaient au retour des plaisanteries ignobles ou des scènes atroces.
Quand elle était en cet état, elle me faisait horreur. Et un mercredi, que je laissai trop voir mon dégoût, elle me frappa si rudement qu'elle me cassa le bras.
Il y avait vingt mois que j'étais chez elle.
Le mal qu'elle m'avait fait la dégrisa subitement. Elle eut peur et se mit à m'accabler de caresses, me conjurant de ne rien dire à personne. Je le lui promis et je tins fidèlement parole.
Mais il avait fallu chercher un médecin. La scène avait eu des témoins qui parlèrent. L'histoire se répandit de proche en proche, tout le long de la Seine, jusqu'à Bougival et jusqu'à Rueil.
Si bien qu'un matin, le brigadier de gendarmerie se présenta à la maison, et que je ne sais trop ce qui serait advenu, si je ne lui avais pas soutenu mordieus que c'était en tombant dans l'escalier que je m'étais fait mal.
Ce dont Maxence ne revenait pas, c'était de l'accent naturel et simple de Mlle Lucienne. Nulle emphase. A peine une apparence d'émotion. On eut juré que c'était d'une autre qu'elle disait la vie.
Elle poursuivait cependant: – Grâce à mes dénégations obstinées, ma patronne ne fut pas inquiétée. Mais la vérité était connue, et sa réputation, qui déjà n'était pas bonne, en devint tout à fait mauvaise. On s'intéressa à moi. Les mêmes gens qui, vingt fois, sans sourciller, m'avaient vue porter des charges de linge à me rompre la poitrine, ce qui était terrible, se mirent à me plaindre prodigieusement d'avoir eu un bras cassé, ce qui n'était rien.
Cela en vint à ce point que plusieurs de nos pratiques s'entendirent pour me faire sortir d'une maison, où, disait-on, je finirais par succomber sous les mauvais traitements.
Et après beaucoup de démarches, on finit par découvrir à La Jonchère une vieille dame israélite, très-riche, veuve et sans enfants, qui consentait à se charger de moi.
J'hésitai d'abord à accepter les offres qui m'étaient faites.
Mais ayant reconnu que ma patronne, depuis qu'elle m'avait blessée, me prenait de plus en plus en aversion, je me décidai à la quitter.
C'est le jour où je fus présentée à ma nouvelle maîtresse, que je découvris que je n'avais pas de nom.
Après m'avoir longuement examinée, tournée et retournée, fait marcher et m'asseoir: – Maintenant, me demanda-t-elle, comment t'appelles-tu ?
J'ouvris de grands yeux, car en vérité, j'étais alors comme une sauvage, n'ayant pas même la plus vague notion des choses les plus simples de la vie. – Je m'appelle la Parisienne, répondis-je.
Elle éclata de rire, ainsi qu'une autre vieille dame de ses amies, qui assistait à ma présentation, et il me souvient que mon petit orgueil s'offensait beaucoup de leur hilarité. Je croyais qu'elles se moquaient de moi. – Ce n'est pas un nom, me dirent-elles enfin, c'est un sobriquet... – Je n'en ai pas d'autre.
Elles parurent confondues, répétant à satiété que c'était inouï, qu'on n'avait pas idée d'une chose pareille dans la banlieue de Paris, et, séance tenante, elles se mirent à me chercher un nom. – Où es-tu née ? me demanda ma nouvelle maîtresse. – A Louveciennes. – Eh bien ! dit l'autre, il faut l'appeler Louvecienne.
Une longue discussion s'en suivit, qui m'irritait si fort, que j'avais envie de m'enfuir, et enfin il fut convenu que je m'appellerais non pas Louvecienne, mais Lucienne, – et Lucienne je suis restée.
Il ne fut pas question de baptême, puisque ma nouvelle maîtresse était juive.
C'était une femme excellente, bien que le chagrin qu'elle avait ressenti de la perte de son mari eût quelque peu troublé ses facultés.
Dès qu'il fut décidé que je lui restais, elle voulut passer en revue mon trousseau. Je n'en avais pas à lui montrer, ne possédant au monde que les haillons que j'avais sur le dos. Tant que j'étais restée chez ma maîtresse blanchisseuse, j'avais achevé d'user ses vieilles robes et je traînais aux pieds les savates que les ouvrières m'abandonnaient. Jamais je n'avais porté d'autre linge que celui que j'empruntais d'autorité aux pratiques, système économique établi chez beaucoup de blanchisseuses.
Consternée de mon dénuement, ma nouvelle maîtresse envoya chercher une couturière, et lui commanda sur-le-champ de quoi me vêtir et me changer.
Depuis la mort des pauvres maraîchers qui m'avaient élevée, c'était la première fois que quelqu'un s'occupait de moi autrement que pour en tirer un service.
J'en fus émue jusqu'aux larmes, et dans l'excès de ma reconnaissance, il m'eût été doux de mourir pour cette vieille femme si bonne.
Ce sentiment me donna la constance de supporter sans dégoût son caractère. Il était difficile. Elle avait des manies singulières, des fantaisies déconcertantes et des exigences ridicules souvent ou exorbitantes. Je m'y pliais de mon mieux.
Comme elle avait déjà deux domestiques, une cuisinière et une femme de chambre, je n'avais pas, chez elle, d'attributions déterminées. Je l'accompagnais à la promenade et quand elle sortait en voiture, j'aidais à la servir à table et à l'habiller, je ramassais son mouchoir quand il tombait, et surtout je cherchais sa tabatière, qu'elle égarait continuellement.
Ma docilité lui plaisait, elle s'occupa de moi; pour me mettre à même de lui faire la lecture, elle me fit apprendre à lire, car c'est à peine si je connaissais mes lettres. Et le vieux bonhomme qu'elle me donna pour professeur, me trouvant intelligente, se piqua d'amour-propre, et m'enseigna tout ce qu'il savait, j'imagine, de français, de géographie et d'histoire.
La femme de chambre, d'un autre côté, avait été chargée de me montrer à coudre, à broder, et à exécuter tous les petits ouvrages de femme, et elle apportait d'autant plus d'intérêt à ses leçons, que petit à petit elle se débarrassait sur moi du plus ennuyeux de sa besogne.
J'aurais été heureuse, dans cette jolie maison d...
Table des matières
- I
- II
- III
- IV
- V
- VI
- VII
- VIII
- IX
- X
- XI
- XII
- XIII
- XIV
- XV
- XVI
- XVII
- XVIII
- XIX
- XX
- XXI
- XXII
- XXIII
- XXIV
- XXV
- XXVI
- XXVII
- XXVIII
- Copyright