
- 481 pages
- French
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- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
pubOne.info thank you for your continued support and wish to present you this new edition. Le 4 juin 1793, sortaient de Paris, par la barriere de la Villette, deux voitures conduites en poste, l'une a quatre chevaux, l'autre a deux chevaux.
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Informations
Sujet
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Historical FictionXXIX
Je ne sais pas, ô mon bien-aimé Jacques, lorsque tu liras ces lignes, si tu comprendras ce qui se passait dans mon âme au moment où je les écrivais. Un trouble étrange était dans mon esprit, pareil à celui qu'éprouverait un homme, qui, étant resté dans une chambre où l'on aurait manipulé des liqueurs fortes, se serait grisé à leurs vapeurs sans en avoir approché une goutte de ses lèvres.
J'avais quelque chose de vague dans l'esprit et dans les yeux qui me faisait faire des compliments auxquels je ne comprenais rien.
Le jour où nous avions fêté mon entrée à ma petite maison de la rue de la Victoire, on m'avait fait improviser sur le piano des choses qui m'avaient paru folles à moi-même, mais qui avaient ravi à l'admiration ceux qui m'écoutaient.
Il n'y a pas de poison plus subtil et qui s'infiltre plus profondément dans les veines que la louange. Nul ne savait distiller ce poison goutte à goutte comme Barras. La musique avait sur moi cette influence fatale qu'elle m'enlevait le reste de ma raison.
Quand je tombais dans cet état cataleptique qui était presque toujours la suite de mes improvisations, j'étais littéralement à la merci de ceux avec qui je me trouvais. Les occupations de la journée au reste ne me prédisposaient que trop à cet état dangereux.
Tous les jours se passaient en fêtes. Paris tout entier semblait avoir échappé à l'échafaud et vouloir faire de la vie à venir une jouissance éternelle. Le matin, les amis se visitaient, se félicitant de se retrouver vivants. À deux heures, on allait promener au bois; on y apercevait des gens dont on n'avait pas osé demander de nouvelles, on faisait arrêter les voitures l'une près de l'autre, on passait de l'une dans l'autre, on se serrait les mains, on s'embrassait, on se promettait de se revoir beaucoup, on s'invitait à des bals, à des soirées, pour oublier ce qu'on avait souffert.
Tous les soirs il y avait grande réunion ou chez madame Récamier, ou chez madame de Staël, ou chez madame Krüdner, puis des bals où jamais femme du monde n'avait mis les pieds et qui étaient encombrés de femmes du monde.
On éprouvait non-seulement la joie de vivre, mais le besoin absolu d'être heureux en vivant. Des femmes, sur la vie desquelles les plus mauvais esprits n'avaient jamais eu à s'égayer, sortaient en tête-à-tête avec des hommes qu'on leur donnait pour amants sans que personne s'en formalisât. Bien des liaisons se formèrent à cette époque, desquelles personne ne s'inquiéta, et qui, un an plus tôt ou un an plus tard, eussent scandalisé tout le monde. Puis l'on s'occupait de littérature, chose inconnue pendant cinq ans.
D'un amour humain puisé dans le sein de Dieu il y avait des héros nouveaux qui ne ressemblaient à aucun autre, qui s'appelaient René, Chactas, Atala; il y avait des poëmes nouveaux qui, au lieu de s'appeler les Abencérages, les Numa Pompilius, s'appelaient le Génie du christianisme et les Martyrs.
L'or, ce métal peureux qui fuit ou qui se cache à l'approche des révolutions, semblait rentrer dans Paris par des chemins nouveaux et inconnus. À la vue de cet or, les marchands semblaient éblouis et pris de la fièvre de vendre; tout en vous cédant les choses aux prix ordinaires, ils semblaient les donner pour rien. Alors les femmes se couvraient de bijoux, de dentelles, défroques inventées pour les époques de luxe. Il se passait quelque chose de pareil à ce que Juvénal raconte du temps de Messaline et de Néron.
On demandait tout haut à de jeunes filles et à des femmes mariées des nouvelles de leurs amants. C'était un mélange singulier de naïveté et d'impudeur.
Où prirent leur appui les créatures assez heureuses pour avoir échappé à l'influence de ces jours d'immoralité. Celles-là avaient sans doute des croyances ou des superstitions qui leur donnèrent la force de résister.
Toute ma force à moi était en vous. Vous n'étiez plus là. J'ignorais si je vous reverrais jamais. Je vous aimais toujours, mais d'un amour solitaire et sans espérance, qui m'irritait plutôt qu'il ne me défendait. Je me rappelle m'être éveillée bien souvent au milieu de la nuit, au bruit de ma voix qui vous appelait à mon secours. Vous n'étiez pas là, et je me rendormais brisée d'une lutte dont je ne me rendais pas compte.
Souvent je racontais cet état étrange de mon corps et de mon âme à Terezia; elle souriait, m'embrassait, mais jamais elle ne leva le voile qui m'empêchait de lire en moi-même, jamais elle ne me donna un conseil que je puisse lui reprocher.
Tous les hommes élégants de l'époque semblaient s'être donné rendez-vous partout où j'allais; partout où je me trouvais, c'était le même bourdonnement d'admiration à mon arrivée. Les femmes dont la réputation n'avait jamais subi la moindre tache se donnaient à cette époque des plaisirs d'actrices ou de danseuses. Terezia jouait admirablement la comédie. Madame Récamier dansait cette fameuse danse du châle qui a été transportée sur le théâtre et qui y a fait fureur. Moi, l'on me faisait chanter ou improviser sur le piano, mais mes inspirations musicales seulement pouvaient donner une idée de ce qui se passait en moi. Aucun chant, aucune parole, aucune poésie ne pouvaient rendre l'état tumultueux de mon cœur. À tout moment j'entendais dire autour de moi: Quel malheur qu'une personne si bien organisée pour le théâtre soit une femme du monde riche d'un million. Ah ! pourquoi vous a-t-on rendu votre fortune, vous eussiez été obligée d'avoir recours à votre talent, et alors, au lieu de n'avoir appartenu qu'à vous-même, vous nous eussiez appartenu à tous.
Moi-même je commençais à regretter de ne pas m'être jetée dans cette vie ardente et fougueuse de l'art. Au moins mon âme aurait eu quelque chose à dévorer, j'aurais combattu, j'aurais lutté, j'aurais souffert. Comprenez-vous cela, mon ami ? Moi qui avais tant souffert, j'avais des besoins de souffrir encore.
Par malheur Terezia vint en aide, sans le savoir, à cette aspiration d'amour et de souffrance. C'était la mode à cette époque de jouer la comédie et même la tragédie. Barras et Tallien étaient liés avec Talma, elle les pria de lui présenter le grand artiste, à qui, disait-elle, elle voulait demander des conseils pour jouer la tragédie.
L'invitation fut faite; Talma ne se fit pas prier.
Il vint chez Terezia d'abord. Il était alors dans la toute-puissance de son talent, de sa jeunesse et de sa beauté. C'était un homme distingué sous tous les rapports; je n'avais jamais vu de près un comédien, ce fut pour moi un objet d'une attention toute particulière.
Mon étonnement fut grand de trouver en lui toute la courtoisie, toute la politesse, toutes les aptitudes de l'homme du monde.
En voyant deux jeunes femmes comme Terezia et moi, il crut avoir affaire à deux petites filles capricieuses qui voulaient, en jouant la comédie, se donner un ridicule de plus.
Madame Tallien était à sa toilette lorsque Barras l'introduisit au salon, où je me trouvais seule. Il laissa Talma avec moi et monta pour hâter la toilette de Terezia, ce qui n'était pas une petite affaire.
J'étais très émue, non pas de l'idée de me trouver en tête-à-tête avec un comédien, mais à celle d'avoir à répondre à un homme de génie. Il s'avança vers moi, me salua gracieusement, et me demanda si c'était moi qui voulais prendre de lui des leçons. À un homme comme vous, monsieur Talma, lui répondis-je, on ne demande pas des leçons, mais des conseils.
Il s'inclina. – M'avez-vous vu jouer ? me demanda-t-il. – Non, monsieur, lui répondis-je; je vais même vous faire un aveu étrange pour une personne de mon âge, avide d'instruction et de plaisirs; je n'ai jamais été au spectacle. – Comment ! mademoiselle, dit Talma, vous n'avez jamais été au spectacle ? mais si nous ne sortions pas d'une révolution, je vous demanderais si vous sortez d'un couvent.
Je me mis à rire. – Monsieur, lui dis-je, je n'ai jamais osé, ignorante comme je suis en question d'art, désirer vous voir. C'est Terezia qui est la coupable. Mon éducation diffère complètement de celle des autres femmes. Je n'ai jamais été au couvent, et je n'ai jamais été au spectacle. Vous dire que les chefs-d'œuvre de nos grands maîtres me soient étrangers, oh ! non, je les sais par cœur, quoiqu'ils ne me satisfassent point. – Pardon, me-dit Talma, mais vous me paraissez bien jeune encore, mademoiselle. – J'ai dix-sept ans. – Et vous avez déjà des idées faites ? – Je ne sais pas, monsieur, ce que vous appelez des idées faites; je juge avec mes sensations. Je crois que les grandes émotions viennent, au théâtre, des grandes passions. L'amour, à ce qu'il m'a semblé, était une des passions les plus tragiques. Eh bien, je trouve que la façon dont nos poëtes dramatiques expriment l'amour contient plus de rhétorique amoureuse que de vérité du cœur. – Excusez-moi, mademoiselle, reprit Talma, mais vous parlez d'art comme si vous professiez l'art vrai. – Il y a donc un art vrai et un art faux ? lui demandai-je. – J'ose à peine l'avouer, moi qui suis tour à tour appelé à représenter Corneille, Racine et Voltaire; mais parlez-vous une autre langue que la nôtre, mademoiselle ? – Je parle l'anglais et l'allemand. – Mais comment parlez-vous anglais et allemand ? comme une pensionnaire.
Je rougis du doute du grand artiste sur ma philologie. – Je parle anglais et allemand comme une Anglaise et comme une Allemande, répondis-je. – Et vous connaissez les auteurs qui ont écrit dans ces deux langues ? – Je connais Shakespeare, Schiller et Gœthe. – Et vous trouvez que Shakespeare ne parle pas bien la langue de l'amour ? – Oh ! au contraire, monsieur, je trouve tant de vérité dans cette langue chez lui, que cela me rend probablement injuste envers les auteurs qui l'ont parlée après lui.
Talma me regarda avec étonnement. – Eh bien ? lui demandai-je. – Eh bien, dit-il, je suis tout étonné de trouver cette justesse de raisonnement dans une jeune fille de votre âge; si ce n'était point trop indiscret, je vous demanderais si vous avez beaucoup aimé ? – Je vous répondrai, moi, j'ai beaucoup souffert. – Savez-vous par cœur quelque chose de Shakespeare ? – Je sais tous les morceaux remarquables d'Hamlet, d'Othello, de Roméo et Juliette. – Pouvez-vous me dire en anglais quelque chose de Roméo ? – Et vous, entendez-vous l'anglais ? – J'ai joué la tragédie dans cette langue avant de la jouer en français. – Eh bien, je vais vous dire alors le monologue de Juliette au moment où le moine lui remet le narcotique qui doit la faire passer pour morte. – J'écoute, dit Talma.
Je commençai un peu émue d'abord, mais bientôt la puissance de la poésie reprit le dessus, et ce fut avec une certaine poésie que je dis ces vers: Adieu ! le Seigneur sait quand nous nous reverrons. La terreur sur mon front agite son vertige Et mon sang suspendu dans mes veines se fige.
Elle se retourne du côté où sont sorties la nourrice et la signora Capulet. Si je les rappelais pour calmer mon effroi ? Nourrice ! Signora !... Pauvre folle, tais-toi ! Qu'ont à faire en ces lieux ta mère ou ta nourrice ? Il faut que sans témoins la chose s'accomplisse; À moi breuvage sombre ! Hésitant. Et si tu faiblissais Demain je serais donc au comte, non ! je sais Un moyen d'échapper au terrible anathème. Poignard, dernier recours, espérance suprême, Repose à mes côtés. Hésitant de nouveau. Si c'était un poison Que le moine en mes mains eût mis par trahison, Tremblant qu'on découvrît mon premier mariage ! Mais non, chacun le tient pour un saint personnage; Et d'ailleurs c'est l'ami de mon cher Roméo. Qu'ai-je à craindre ? Un instant épouvantée. Mais si, déposée au tombeau, J'allais sous mon linceul dans la sombre demeure, Seule au milieu des morts m'éveiller avant l'heure Où doit mon Roméo venir me délivrer ! Cet air, que nul vivant ne saurait respirer, Assiégeant à la fois ma bouche et ma narine, De miasmes mortels gonflerait ma poitrine, Me suffoquant avant que vainqueur du trépas Mon bien-aimé ne pût m'emporter dans ses bras Ou même si je vis, pour mon œil quel spectacle ! Ce caveau n'est-il pas l'antique réceptacle Où dorment tes débris des aïeux trépassés Depuis plus de mille ans, l'un sur l'autre entassés ? Où Thybald, le dernier étendu sur sa couche, M'attend livide et froid la menace à la bouche. Puis quand sonne minuit, mon Dieu ! ne dit-on pas Qu'éveillés par l'airain, les hôtes du trépas, Pour s'enlacer hideux dans leurs rondes funèbres, Se lèvent en heurtant leurs os dans les ténèbres Et poussent dans la nuit de ces cris émouvants Qui font fuir la raison du cerveau des vivants. Oh ! si je m'éveillais sous les arcades sombres, Justement à cette heure où revivent les ombres; Si se traînant vers moi dans le sépulcre obscur, Ces spectres me souillaient de leur contact impur, Et m'entraînant aux jeux que la lumière abhorre, Me laissaient insensée au lever de l'aurore ! Je sens en y songeant ma raison s'échapper. Oh ! fuis ! fuis ! Roméo, je vois, pour te frapper, Thybald qui lentement dans l'ombre se soulève. À sa main décharnée étincelle son glaive. Il veut, montrant du doigt son flanc ensanglanté, Sur sa tombe te faire asseoir à son côté. Arrête, meurtrier ! au nom du ciel, arrête ! Portant le flacon à ses lèvres. Roméo, c'est à toi que boit ta Juliette !
Talma ne m'avait point interrompue tant que j'avais parlé. Il ne m'applaudit pas lorsque je me tus; mais, me tendant la main, il me dit: – C'est tout simplement merveilleux, mademoiselle.
Terezia et Barras entrèrent comme Talma achevait de me faire ses compliments. – Ah ! citoyen Barras, dit-il, citoyenne Tallien, je regrette vivement que vous ne soyez pas entrés plus tôt. – Est-ce que la leçon est déjà donnée ? demanda en riant Terezia. – Oui, est donnée, répondit Talma, mais à moi. Vous auriez entendu mademoiselle dire des vers comme j'ai eu rarement l'occasion d'en applaudir. – Comment ! ma pauvre Éva, dit Terezia en riant, est-ce que par hasard tu serais tragédienne sans t'en douter ? – Mademoiselle est tragédienne, comédienne, poëte, tout ce que l'on peut être avec un cœur élevé et une âme aimante. Mais je doute qu'elle trouve jamais en français les intonations prodigieusement naturelles qu'elle a trouvées en anglais. – Tu parles donc anglais ? demanda Terezia. – Admirablement, dit Talma. Citoyen Barras, vous m'avez prié de vous venir voir pour donner des conseils à ces dames; je n'ai rien à apprendre à mademoiselle, pas de conseils à lui donner; je lui dirai: Dites comme vous sentez, et vous direz toujours juste. Quant à madame Tallien, je la prierai d'entendre d'abord son amie, puis ensuite, si elle veut toujours étudier, je me mettrai à sa disposition. – Et où et quand entendrons-nous mademoiselle ? demanda Terezia. – Chez moi, quand monsieur Talma voudra. – Demain soir, dit Talma, je ne joue pas. Vous savez la grande scène de Roméo et Juliette au balcon, n'est-ce pas ? – Oui. – Eh bien, je la repasserai; je ne me sens pas assez fort pour la jouer avec vous sans une étude nouvelle; n'ayez que quelques amis, vous savez bien qu'on dit que je ne suis pas bon dans les amoureux. – Alors, dit Barras, nous dînons tous ensemble demain chez mademoiselle ? – Oh ! non, dit Talma, quand je joue le soir, je mange à trois heures de l'après-midi et je soupe. – Eh bien, alors, dit Barras, nous souperons chez mademoiselle.
Et il donna mon adresse à Talma.
J'ai retardé autant que j'ai pu, mon bien-aimé Jacques, l'aveu terrible que j'ai à vous faire, mais il faut enfin que je l'aborde; à demain !
Quand il y avait par hasard de ces sortes de fêtes chez moi, c'était Barras qui en faisait tous les préparatifs. Nul ne s'entendait comme Barras à préparer ces fêtes immenses où l'on recevait cinq cents personnes dans ses palais et dans ses jardins, ou de ces petites fêtes bien plus difficiles, à mon avis, où l'on recevait seulement quinze ou vingt amis et où il fallait s'arranger de manière à renvoyer tout le monde content.
En enlevant une cloison, mon salon et ma chambre à coucher donnaient l'un dans l'autre; la fenêtre, placée dans un angle de la chambre, figurait à merveille la fenêtre au balcon; on avait fait entrer, par cette fenêtre qui simulait l'entrée de ma chambre, des lierres, des chèvrefeuilles et des jasmins.
Des réflecteurs invisibles, placés qu'ils étaient sur le ciel de mon lit, invisible lui-même derrière un massif d'orangers, éclairaient cette fenêtre aussi vivement qu'auraient pu le faire les rayons de la lune.
Un échafaudage dressé dans le jardin me permettait de me tenir debout à cette fenêtre et de m'appuyer à la barre toute garnie de plantes grimpantes comme j'aurais pu le faire à un balcon. À sept heures, on m'apporta un ravissant costume de Juliette dont Isabey avait fait le dessin. C'était une attention de Terezia; elle savait mieux que moi quelles étaient la coupe et les couleurs qui m'avantageaient.
Le rendez-vous était donné pour huit heures.
Je ne connaissais personne à Paris, c'était donc Tallien et Barras qui avaient fait les invitations. Je me rappelle seulement qu'il y avait là Ducis, qui, vingt-trois ans auparavant, avait fait une traduction de Roméo et Juliette, si toutefois cette faible esquisse de magnifiques tableaux pouvait s'appeler une imitation. À huit heures précises, on annonça le citoyen Talma.
En entrant au salon il jeta le manteau dont il était enveloppé et apparut dans son costume de Roméo, emprunté au petit livre vénitien dessiné par le cousin de Titien.
Quoique un peu petit et déjà un peu gros pour le personnage, ce costume lui allait très-bien.
Barras et Tallien avaient eu soin qu'il trouvât là sa société habituelle: Chénier, le citoyen Arnault, Legouvé, Lemercier, madame de Staël, Benjamin Constant, Trénis, le beau danseur, toutes personnes e...
Table des matières
- CRÉATION ET RÉDEMPTION
- I
- II
- III
- IV
- V
- VI
- VII
- VIII
- IX
- I
- II
- III
- IV
- V
- VI
- VII
- VIII
- IX
- X
- XI
- XII
- XIII
- XIV
- XV
- IX
- XVI
- XVII
- XVIII
- XIX
- XX
- XXI
- XXII
- XXIII
- XXIV
- XXV
- XXVI
- XXVII
- XXVIII
- XXIX
- X
- XI
- XII
- XIII
- XIV
- XV
- XVI
- XVII
- Copyright