Nana
eBook - ePub

Nana

  1. 609 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Nana est une courtisane dont le Tout-Paris applaudit les débuts comme actrice au théâtre des Variétés.... Nana les a séduits tant par sa beauté que son audace. Le début du roman montre cette courtisane manquant d'argent pour élever son fils Louiset qu'elle a eu à l'âge de seize ans.

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Informations

Année
2020
ISBN de l'eBook
9782322234639

Chapitre XIII

Vers la fin de septembre, le comte Muffat, qui devait dîner chez Nana le soir, vint au crépuscule l’avertir d’un ordre brusque qu’il avait reçu pour les Tuileries. L’hôtel n’était pas encore allumé, les domestiques riaient très fort à l’office ; il monta doucement l’escalier, où les vitraux luisaient dans une ombre chaude. En haut, la porte du salon ne fit pas de bruit. Un jour rose se mourait au plafond de la pièce ; les tentures rouges, les divans profonds, les meubles de laque, ce fouillis d’étoffes brodées, de bronzes et de faïences dormaient déjà sous une pluie lente de ténèbres, qui noyait les coins, sans un miroitement d’ivoire, ni un reflet d’or. Et là, dans cette obscurité, sur la blancheur seule distincte d’un grand jupon élargi, il aperçut Nana renversée, aux bras de Georges. Toute dénégation était impossible. Il eut un cri étouffé, il resta béant.
Nana s’était relevée d’un bond, et elle le poussait dans la chambre, pour donner au petit le temps de filer.
– Entre, murmura-t-elle, la tête perdue, je vais te dire…
Elle était exaspérée de cette surprise. Jamais elle ne cédait ainsi chez elle, dans ce salon, les portes ouvertes. Il avait fallu toute une histoire, une querelle de Georges, enragé de jalousie contre Philippe ; il sanglotait si fort à son cou, qu’elle s’était laissé faire, ne sachant comment le calmer, très apitoyée au fond. Et, pour une fois qu’elle commettait la bêtise de s’oublier ainsi, avec un galopin qui ne pouvait même plus lui apporter des bouquets de violettes, tant sa mère le tenait serré, juste le comte arrivait et tombait droit sur eux. Vrai ! pas de chance ! Voilà ce qu’on gagnait à être bonne fille !
Cependant, l’obscurité était complète dans la chambre, où elle avait poussé Muffat. Alors, à tâtons, elle sonna furieusement pour demander une lampe. Aussi, c’était la faute de Julien ! S’il y avait eu une lampe dans le salon, rien de tout cela ne serait arrivé. Cette bête de nuit qui tombait lui avait retourné le cœur.
– Je t’en prie, mon chat, sois raisonnable, dit-elle, lorsque Zoé eut apporté de la lumière.
Le comte, assis, les mains sur les genoux, regardait par terre, dans l’hébétement de ce qu’il venait de voir. Il ne trouvait pas un cri de colère. Il tremblait, comme pris d’une horreur qui le glaçait. Cette douleur muette toucha la jeune femme. Elle essayait de le consoler.
– Eh bien ! oui, j’ai eu tort… C’est très mal, ce que j’ai fait… Tu vois, je regrette ma faute. J’en ai beaucoup de chagrin, puisque ça te contrarie… Allons, sois gentil de ton côté, pardonne-moi.
Elle s’était accroupie à ses pieds, cherchant son regard d’un air de tendresse soumise, pour savoir s’il lui en voulait beaucoup ; puis, comme il se remettait, en soupirant longuement, elle se fit plus câline, elle donna une dernière raison, avec une bonté grave :
– Vois-tu, chéri, il faut comprendre… Je ne puis refuser ça à mes amis pauvres.
Le comte se laissa fléchir. Il exigea seulement le renvoi de Georges. Mais toute illusion était morte, il ne croyait plus à la fidélité jurée. Le lendemain, Nana le tromperait de nouveau ; et il ne restait dans le tourment de sa possession que par un besoin lâche, par une épouvante de la vie, à l’idée de vivre sans elle.
Ce fut l’époque de son existence où Nana éclaira Paris d’un redoublement de splendeur. Elle grandit encore à l’horizon du vice, elle domina la ville de l’insolence affichée de son luxe, de son mépris de l’argent, qui lui faisait fondre publiquement les fortunes. Dans son hôtel, il y avait comme un éclat de forge. Ses continuels désirs y flambaient, un petit souffle de ses lèvres changeait l’or en une cendre fine que le vent balayait à chaque heure. Jamais on n’avait vu une pareille rage de dépense. L’hôtel semblait bâti sur un gouffre, les hommes avec leurs biens, leurs corps, jusqu’à leurs noms, s’y engloutissaient, sans laisser la trace d’un peu de poussière. Cette fille, aux goûts de perruche, croquant des radis et des pralines, chipotant la viande, avait chaque mois pour sa table des comptes de cinq mille francs. C’était, à l’office, un gaspillage effréné, un coulage féroce, qui éventrait les barriques de vin, qui roulait des notes enflées par trois ou quatre mains successives. Victorine et François régnaient en maîtres dans la cuisine, où ils invitaient du monde, en dehors d’un petit peuple de cousins nourris à domicile de viandes froides et de bouillon gras ; Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu’il s’en fît ajouter vingt pour lui ; Charles mangeait l’avoine des chevaux, doublant les fournitures, revendant par une porte de derrière ce qui entrait par la grande porte ; tandis que, au milieu de ce pillage général, de ce sac de ville emportée d’assaut, Zoé, à force d’art, parvenait à sauver les apparences, couvrait les vols de tous pour mieux y confondre et sauver les siens. Mais ce qu’on perdait était pis encore, la nourriture de la veille jetée à la borne, un encombrement de provisions dont les domestiques se dégoûtaient, le sucre empoissant les verres, le gaz brûlant à pleins becs, jusqu’à faire sauter les murs ; et des négligences, et des méchancetés, et des accidents, tout ce qui peut hâter la ruine, dans une maison dévorée par tant de bouches. Puis, en haut, chez Madame, la débâcle soufflait plus fort : des robes de dix mille francs, mises deux fois, vendues par Zoé ; des bijoux qui disparaissaient, comme émiettés au fond des tiroirs ; des achats bêtes, les nouveautés du jour, oubliées le lendemain dans les coins, balayées à la rue. Elle ne pouvait voir quelque chose de très cher sans en avoir envie, elle faisait ainsi autour d’elle un continuel désastre de fleurs, de bibelots précieux, d’autant plus heureuse que son caprice d’une heure coûtait davantage. Rien ne lui restait aux mains ; elle cassait tout, ça se fanait, ça se salissait entre ses petits doigts blancs ; une jonchée de débris sans nom, de lambeaux tordus, de loques boueuses la suivait et marquait son passage. Ensuite éclataient les gros règlements, au milieu de ce gâchis de l’argent de poche : vingt mille francs chez la modiste, trente mille chez la lingère, douze mille chez le bottier ; son écurie lui en mangeait cinquante mille ; en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Sans qu’elle eût augmenté son train, estimé par Labordette à quatre cent mille francs en moyenne, elle atteignit cette année-là le million, stupéfaite elle-même de ce chiffre, incapable de dire où avait pu passer une pareille somme. Les hommes entassés les uns par-dessus les autres, l’or vidé à pleine brouette ne parvenaient pas à combler le trou qui toujours se creusait sous le pavé de son hôtel, dans les craquements de son luxe.
Cependant, Nana nourrissait un dernier caprice. Travaillée une fois encore par l’idée de refaire sa chambre, elle croyait avoir trouvé : une chambre de velours rose thé, à petits capitons d’argent, tendue jusqu’au plafond en forme de tente, garnie de cordelières et d’une dentelle d’or. Cela lui semblait devoir être riche et tendre, un fond superbe à sa peau vermeille de rousse. Mais la chambre, d’ailleurs, était simplement faite pour servir de cadre au lit, un prodige, un éblouissement. Nana rêvait un lit comme il n’en existait pas, un trône, un autel, où Paris viendrait adorer sa nudité souveraine. Il serait tout en or et en argent repoussés, pareil à un grand bijou, des roses d’or jetées sur un treillis d’argent ; au chevet, une bande d’Amours, parmi les fleurs, se pencheraient avec des rires, guettant les voluptés dans l’ombre des rideaux. Elle s’était adressée à Labordette qui lui avait amené deux orfèvres. On s’occupait déjà des dessins. Le lit coûterait cinquante mille francs, et Muffat devait le lui donner pour ses étrennes.
Ce qui étonnait la jeune femme, c’était, dans ce fleuve d’or, dont le flot lui coulait entre les membres, d’être sans cesse à court d’argent. Certains jours, elle se trouvait aux abois pour des sommes ridicules de quelques louis. Il lui fallait emprunter à Zoé, ou bien elle battait monnaie elle-même, comme elle pouvait. Mais, avant de se résigner aux moyens extrêmes, elle tâtait ses amis, tirant des hommes ce qu’ils avaient sur eux, jusqu’à des sous, d’un air de plaisanterie. Depuis trois mois, elle vidait surtout ainsi les poches de Philippe. Il ne venait plus, dans les moments de crise, sans laisser son porte-monnaie. Bientôt, enhardie, elle lui avait demandé des emprunts, deux cents francs, trois cents francs, jamais davantage, pour des billets, des dettes criardes ; et Philippe, nommé en juillet capitaine trésorier, apportait l’argent le lendemain, en s’excusant de n’être pas riche, car la bonne maman Hugon traitait maintenant ses fils avec une sévérité singulière. Au bout de trois mois, ces petits prêts, souvent renouvelés, montaient à une dizaine de mille francs. Le capitaine avait toujours son beau rire sonore. Pourtant, il maigrissait, distrait parfois, une ombre de souffrance sur la face. Mais un regard de Nana le transfigurait, dans une sorte d’extase sensuelle. Elle était très chatte avec lui, le grisait de baisers derrière les portes, le possédait par des abandons brusques, qui le clouaient derrière ses jupes, dès qu’il pouvait s’échapper de son service.
Un soir, Nana ayant dit qu’elle s’appelait aussi Thérèse, et que sa fête tombait le 15 octobre, ces messieurs lui envoyèrent tous des cadeaux. Le capitaine Philippe apporta le sien, un ancien drageoir en porcelaine de Saxe, monté sur or. Il la trouva seule, dans son cabinet de toilette, au sortir du bain, vêtue seulement d’un grand peignoir de flanelle blanche et rouge, et très occupée à examiner les cadeaux, étalés sur une table. Elle avait déjà cassé un flacon de cristal de roche, en voulant le déboucher.
– Oh ! tu es trop gentil ! dit-elle. Qu’est-ce que c’est ? montre un peu… Es-tu enfant, de mettre tes sous à des petites machines comme ça !
Elle le grondait, puisqu’il n’était pas riche, très contente au fond de le voir dépenser tout pour elle, la seule preuve d’amour qui la touchât. Cependant, elle travaillait le drageoir, elle voulait voir comment c’était fait, l’ouvrant, le refermant.
– Prends garde, murmura-t-il, c’est fragile.
Mais elle haussa les épaules. Il lui croyait donc des mains de portefaix ! Et, tout à coup, la charnière lui resta aux doigts, le couvercle tomba et se brisa. Elle demeurait stupéfaite, les yeux sur les morceaux, disant :
– Oh ! il est cassé !
Puis, elle se mit à rire. Les morceaux, par terre, lui semblaient drôles. C’était une gaieté nerveuse, elle avait le rire bête et méchant d’un enfant que la destruction amuse. Philippe fut pris d’une courte révolte ; la malheureuse ignorait quelles angoisses lui coûtait ce bibelot. Quand elle le vit bouleversé, elle tâcha de se retenir.
– Par exemple, ce n’est pas ma faute… Il était fêlé. Ça ne tient plus, ces vieilleries… Aussi, c’est ce couvercle ! as-tu vu la cabriole ?
Et elle repartit d’un fou rire. Mais, comme les yeux du jeune homme se mouillaient, malgré son effort, elle se jeta tendrement à son cou.
– Es-tu bête ! je t’aime tout de même. Si l’on ne cassait rien, les marchands ne vendraient plus. Tout ça est fait pour être cassé… Tiens ! cet éventail, est-ce que c’est collé seulement !
Elle avait saisi un éventail, tirant sur les branches ; et la soie se déchira en deux. Cela parut l’exciter. Pour faire voir qu’elle se moquait des autres cadeaux, du moment où elle venait d’abîmer le sien, elle se donna le régal d’un massacre, tapant les objets, prouvant qu’il n’y en avait pas un de solide, en les détruisant tous. Une lueur s’allumait ...

Table des matières

  1. Nana
  2. Chapitre I
  3. Chapitre II
  4. Chapitre III
  5. Chapitre IV
  6. Chapitre V
  7. Chapitre VI
  8. Chapitre VII
  9. Chapitre VIII
  10. Chapitre IX
  11. Chapitre X
  12. Chapitre XI
  13. Chapitre XII
  14. Chapitre XIII
  15. Chapitre XIV
  16. Page de copyright