Fécondité
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Fécondité

  1. 918 pages
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Fécondité

À propos de ce livre

Les Quatre Évangiles est le dernier cycle romanesque conçu par Émile Zola de 1898 à sa mort en 1902. Il est inachevé puisque seuls les trois premiers romans de la série, Fécondité, Travail et Vérité ont été publiés. Justice, le dernier projet du romancier, n'a été qu'ébauché.

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Informations

Année
2020
ISBN de l'eBook
9782322234660

V. 2

Marianne, ce matin-là, le 2 mars, sentit les premières douleurs dès la pointe du jour. Et elle ne voulut pas d’abord réveiller Mathieu, qui dormait près d’elle, dans son petit lit de fer. Puis, vers sept heures, comme elle l’entendit remuer, elle crut sage cependant de le prévenir. Il s’était soulevé, pour lui baiser la main, qu’elle laissait pendre, en dehors de ses draps.
« Oui, oui, mon bon chéri, aime-moi, gâte-moi... Je crois bien que c’est pour aujourd’hui. »
Depuis trois jours, ils attendaient, s’étonnant déjà du léger retard. Et il fut sur pied en une seconde, il s’effara.
« Tu souffres ? »
Mais elle se mit à rire, pour le rassurer.
« Non, pas encore trop. Ça commence un peu... Ouvre la fenêtre, arrange tout. Nous allons bien voir. »
Quand il poussa les persiennes, un gai soleil envahit la chambre. Le vaste ciel matinal était d’un bleu tendre délicieux, sans un nuage. Un tiède souffle de printemps précoce entra, tandis qu’on voyait, dans un jardin voisin, un bouquet de grands lilas déjà verts, d’une délicatesse de dentelle.
« Vois donc, vois donc, mignonne, comme il fait beau ! Ah ! quelle chance ! il va naître dans le soleil, le cher petit ! » Puis, avant de s’habiller, il revint s’asseoir près d’elle, au bord du lit, l’examinant de près, lui baisant les yeux.
« Voyons, regarde-moi, que je sache... Ça n’est pas encore trop violent, tu ne souffres pas trop, n’est-ce pas ? »
Elle continuait de sourire, luttant à ce moment même contre une vive tranchée ; et, quand elle put parler enfin :
« Je t’assure que non ! Ça va le mieux du monde. Il faut être raisonnable puisque c’est un moment dur à passer... Embrasse-moi bien fort, bien fort, pour me donner du courage, et ne t’apitoie plus sur moi, parce que tu me ferais pleurer. »
Des larmes, malgré elle, montaient à ses yeux, dans son sourire. Il la saisit passionnément, délicatement, il la fit sienne, d’une longue étreinte, à demi nue, sentant contre sa chair toute cette pauvre chair douloureuse et palpitante, secouée du frisson sacré de l’enfantement.
« Ah ! femme, femme adorée, tu as raison, il faut être gai, il faut espérer ! C’est tout mon sang que je voudrais mettre en toi, pour souffrir avec toi ; et que du moins mon amour te soit une confiance et une force ! »
Ils confondirent leurs baisers, un attendrissement profond les pacifia, les fit rire et plaisanter de nouveau. Elle-même, comme si cette bonne émotion l’avait calmée, cessa de souffrir, dans une de ces accalmies qui précèdent les grosses crises. Elle en vint à croire qu’elle s’était trompée peut-être. Aussi lui conseilla-t-elle, quand il aurait tout mis en ordre, de se rendre à son bureau, ainsi que d’habitude. Il s’y refusa, il enverrait prévenir. Alors, pendant qu’il faisait sa toilette, après avoir rangé son lit, ils causèrent des dispositions à prendre. La bonne irait tout de suite chercher la garde, une femme du quartier, retenue depuis quinze jours. Mais, d’abord, elle habillerait les enfants, dont on commençait à entendre le joyeux vacarme, dans la chambre voisine. Il était convenu que, le jour des couches, on mènerait les quatre diables passer la journée chez les Beauchêne, Constance ayant dit, obligeamment, que son petit Maurice, ce jour-là, leur offrirait à déjeuner. Le gros ennui était que le docteur Boutan se trouvait, la veille au soir encore, près de Mme Séguin, qui, depuis vingt-quatre heures, se débattait dans d’atroces souffrances, sans avoir pu être délivrée. Ainsi, la crainte des deux femmes se réalisait, elles accouchaient le même jour. Et quelle complication, si ce n’était pas fini chez les Séguin, si le docteur ne pouvait quitter la malheureuse Valentine, dont ils n’avaient pas eu de bonnes nouvelles, le soir, vers onze heures quand ils s’étaient couchés !
« Je vais y aller, dit Mathieu. Je saurai bien où ils en sont et je ramènerai Boutan. »
Quant huit heures sonnèrent, tout se trouva organisé. La garde était déjà là, s’occupant, préparant les choses. Les enfants, habillés, attendaient qu’on les conduisît chez leur petit ami Maurice, de l’autre côté du jardin. Rose, après avoir embrassé sa mère, s’était mise à pleurer, sans pouvoir dire pourquoi, voulant rester, mais Blaise, Denis et Ambroise, les trois garçons, l’emmenèrent, en lui expliquant qu’elle était bête, qu’il fallait laisser maman aller au marché toute seule, si c’était ce jour-là qu’elle devait y acheter le petit frère, dont on leur avait annoncé la venue prochaine. Et ils recommençaient à jouer, à crier et à taper des pieds, dans le salon, lorsqu’il y eut un brusque coup de sonnette.
« C’est peut-être le docteur ! » s’écria Mathieu, resté près de Marianne, et qui se hâta de descendre.
Mais, dans le vestibule, il se trouva en face de Morange et de sa fille Reine. D’abord, il ne put voir son visage, il ne s’étonna que d’une visite si matinale, tellement inattendue, qu’il ne songea pas à cacher sa surprise.
« Comment, c’est vous, mon cher ami ? »
La voix du comptable le frappa, changée, brisée, d’une terreur étranglée, qui lui donna un premier frisson.
« Oui, c’est moi... Je suis venu, j’ai besoin que vous me rendiez un service... »
Et, comme il entendait les enfants, dans le salon, il y poussa sa fille Reine, souriante.
« Va, ma chérie, ne t’inquiète pas, joue avec tes petits amis. Je viendrai te reprendre. Embrasse-moi. » Quand il revint, après avoir fermé la porte, Mathieu lui vit le visage, un visage blême et décomposé, d’angoisse horrible, maintenant qu’il n’avait plus à se cacher de sa fille.
« Mon Dieu ! mon pauvre ami, qu’y a-t-il donc ? »
Un instant, il bégaya, renfonçant des sanglots, si tremblant, qu’il ne pouvait parler.
« Il y a que ma femme se meurt... Pas chez nous, autre part. Je vous raconterai tout... Alors, Reine croit qu’elle est en voyage, et je lui ai dit que j’étais obligé de la rejoindre. Je vous en supplie, vous allez me garder Reine, le temps nécessaire... Mais ce n’est pas tout, j’ai une voiture, je vous emmène, il faut absolument que vous veniez tout de suite avec moi. »
Malgré sa pitié profonde, Mathieu eut un geste de refus.
« Oh c’est impossible, pas aujourd’hui. Ma femme accouche. »
Hébété, Morange le regarda un instant, comme si un nouveau désastre croulait sur lui. Puis, il fut pris d’un affreux tressaillement un flot d’amertume l’empoisonnait et lui tordait la bouche.
« Ah ! oui c’est vrai, votre femme était enceinte, et elle accouche, oui, c’est bien naturel. Je comprends que vous voulez être là, pour l’heureux événement... Mais ça ne fait rien, mon ami, vous allez venir avec moi, je suis certain que vous allez venir avec moi, parce que je suis trop malheureux, trop malheureux. Je vous assure que je ne retournerai pas seul où je vais vous mener, je ne puis plus, je n’en ai plus la force, il me faut quelqu’un, quelqu’un qui soit avec moi, oh ! je vous en supplie, je vous en supplie ! »
Il y avait une telle épouvante, une telle détresse dans ces paroles tremblées, balbutiées, que Mathieu en fut remué jusqu’aux entrailles. Il sentait le pauvre homme, faible et tendre, à bout de courage, seul désormais, sans volonté, pareil à un enfant tombé à l’eau et qui se noie.
« Attendez, dit-il, je vais voir si je puis vous accompagner. »
Vivement, il remonta conter à Marianne qu’il devait y avoir quelque terrible malheur chez les Morange, et que le comptable était en bas, le suppliant de venir un instant lui prêter aide et secours. Tout de suite, elle décida qu’il ne pouvait refuser, d’autant plus qu’elle ne souffrait pas pour le moment. Elle s’était peut-être trompée. Et elle eut une idée : puisque Morange avait une voiture, Mathieu pouvait d’abord passer chez les Séguin, prévenir le docteur Boutan et le lui envoyer, s’il était libre ; ensuite, il irait plus tranquillement rendre à son ami le service que celui-ci lui demandait.
« Tu as raison tu es une brave femme, dit Mathieu, qui la baisa de nouveau à pleine bouche. Je t’envoie Boutan et je reviens le plus tôt possible. »
En bas, il entra dans le salon, embrassa les enfants à leur tour, et embrassa Reine aussi, qui semblait sans un soupçon, toute gaie à l’idée de ce déjeuner chez les Beauchêne, dont elle allait être. Il appela la bonne, voulut qu’elle emmenât immédiatement, sous ses yeux, ce petit monde. Après qu’il les eut, lui-même, fait sortir par le jardin, il les accompagna du regard, tant qu’ils n’eurent pas franchi le seuil de l’hôtel voisin.
Dans le vestibule, sans songer à revoir sa fille, Morange n’avait pas cessé de piétiner, de se dévorer d’anxiété et d’impatience.
« Vous y êtes ? Vous y êtes ? répétait-il de son air hagard. Mon Dieu ! dépêchons-nous ! »
Puis, dans le fiacre, il tomba brisé, anéanti, les yeux clos, une main sur la face. Mathieu, avant de monter, lui avait demandé s’il pouvait passer par l’avenue d’Antin ; et, sur sa réponse que c’était le chemin justement, il avait donne l’adresse des Séguin au cocher. Devant l’hôtel, il descendit, en s’excusant. Il sut par une femme de chambre que Madame venait enfin d’être délivrée, mais que les choses ne semblaient pas finies ; et il se rassura pourtant, lorsque Boutan lui eut fait dire qu’avant une heure il serait près de Mme Froment.
Comme il était remonté dans le fiacre, le cocher se pencha pour demander l’adresse.
« Cet homme vous demande l’adresse.
– L’adresse, l’adresse... Ah ! oui, c’est vrai. Rue du Rocher, dans le bas, l’endroit où ça monte. Je ne sais pas le numéro. Il y a une boutique de charbonnier. »
Mathieu comprit. Il avait vu, il savait. Déjà, lorsque Morange, à demi fou, était entré, disant que sa femme se mourait, il avait senti le froid du crime, dans le frisson qui lui passait sur la face. C’était chez la Rouche que se mourait Valérie.
Sans doute, Morange sentit la nécessité de l’aveu, de quelques explications du moins. Il sortit de son mutisme, sa fièvre d’agitation le reprit. Mais il ne put se résoudre d’abord à la vérité, il commença par essayer de mentir.
« Oui, Valérie était allée chez une sage-femme, pour que celle-ci la visitât. Et, pendant l’examen, voilà qu’une perte s’est déclarée, si forte, qu’il a été impossible d’arrêter le sang.
– Vous n’avez donc pas fait appeler un médecin ? »
Cette question suffit à le décontenancer. Il chercha un instant, balbutia.
« Un médecin, sans doute... Un médecin l’aurait sauvée peut-être. Mais on m’a dit que tout serait inutile. »
Et l’aveu finit par lui échapper dans un sanglot, dans une révolte de son atroce désespoir.
« On m’a tenu les bras, on m’a enfermé, on m’a empêché de courir chercher un médecin... Moi, j’aurais tout brisé, j’aurais sauté par la fenêtre, lorsque j’ai compris que ma pauvre femme était perdue, à voir ce sang qui coulait. Et si vous saviez ce qu’on m’a dit, que j’étais fou, que nous irions tous au bagne !... Valérie elle-même se fâchait contre moi. Les autres me mettaient la main sur la bouche pour étouffer mes cris, en m’affirmant maintenant que ce n’était rien, qu’on allait arrêter ça... Ah ! les misérables, les misérables ! »
Il disait tout, il avouait la tringle de rideau, le fer ignoble et banal, dirigée pourtant par une main experte, mais qui devait s’être trouvée devant un organe descendu très bas, et qui l’avait perforé d’un coup trop vif. Une hémorragie s’était aussitôt produite, contre laquelle la sage-femme avait d’abord lutté vainement. Puis, vers dix heures, elle avait repris quelque espoir. Mais, à minuit, la patiente avait eu une brusque syncope.
« Imaginez-vous que nous étions là depuis sept heures du soir, cette femme ayant voulu que la chose se fît après la nuit tombée, disant qu’elle n’avait pas besoin d’y voir clair, qu’une bougie suffisait, et que cette heure l’arrangeait mieux, pour toutes sortes de raisons... À deux heures du matin, j’étais encore dans cette chambre de malheur, où nous avions décidé que Valérie passerait cinq ou six jours, le temps de se remettre. Et elle n’avait pas repris connaissance, toujours en syncope, blanche, glacée, sans autre signe de vie qu’un petit souffle... Alors, que vouliez-vous que je fis ? À la maison, Reine devait être folle d’inquiétude, car je lui avais conté que je menais sa mère à la gare et que je serais de retour tout de suite. On m’a mis à la porte, on m’a dit que j’aurais peut-être une bonne surprise, en revenant ce matin, et je ne sais plus comment je suis rentré chez moi, et j’ai songé à vous pour m’aider, tellement je me suis senti incapable de retourner seul là-dedans... Mon Dieu ! mon Dieu ! ma pauvre femme, dans quel état allons-nous la trouver ? »
Maintenant, après s’être dévoré d’impatience, disant que le fiacre ne marchait pas, il était repris d’un frisson, à l’idée qu’il avançait, qu’il saurait bientôt. Il jetait sur les rues un regard d’anxiété croissante, il avait déjà sur les épaules le froid humide de la maison d’épouvante, comme s’il en eût senti l’approche.
« Ah ! mon ami, ne me condamnez pas. Si vous saviez ce que je souffre ! »
Mathieu, ne pouvant trouver une parole, se contenta de lui prendre la main, de la serrer, longuement, dans la sienne. Et cette preuve affectueuse de commisération, de pardon, toucha aux larmes le pauvre homme.
« Merci, merci ! »
Mais le fiacre s’arrêta, et Mathieu dit qu’il le gardait. D’ailleurs, Morange s’engouffrait dans la maison, il fallut que son compagnon se hâtât, pour le rejoindre. Ce fut d’abord, en quittant le gai soleil qui tiédissait la radieuse matinée, les demi-ténèbres de l’allée puante, aux murs lézardés et moisis. Puis, ce fut la cour verdâtre, pareille à un fond de citerne, et l’escalier gluant, empoisonné par les plombs, et la porte jaunâtre, que la crasse des mains avait noircie. Par les beaux temps, la maison suait plus encore son ignominie.
Au violent coup de sonnette, la petite bonne en tablier sale vint ouvrir. Mais, dès qu’elle eut reconnu le visiteur, et qu’elle le vit accompagné d’un ami, elle voulut les laisser tous deux dans l’étroite antichambre.
« Monsieur, monsieur, attendez... »
Et, comme Morange l’écartait brutalement :
« J’ai des ordres, monsieur, vous ne passerez pas. Laissez-moi prévenir Madame. »
Il ne discuta pas, ne prononça pas un mot, la jeta de côté d’un coup d’épaule, et passa. Mathieu le suivit, pendant que la bonne se ramassait en hâte, pour aller chercher la sage-femme.
Morange tourna dans le couloir, alla jusqu’au fond, jusqu’à la porte, qu’il connaissait. Il l’ouvrit, d’une main égarée, tâtonnante, tremblante. Cette fille qui s’était mise en travers, cette chambre gardée ainsi, l’avaient rendu fou. Et quelle chambre de terreur et d’horreur, quand ils y pénétrèrent ! Elle s’éclairait sur la cour par une étroite fenêtre poussiéreuse qui n’y laissait pénétrer qu’un faible jour de cave. Sous le plafond fumeux, entre les quatre murs dont l’humidité avait décollé des lambeaux du papier lie-de-vin, elle avait pour tout meuble une commode au marbre cassé, un guéridon branlant, deux chaises dépaillées à demi, une couchette en acajou peint, dont les joints gardaient des souillures de vermine. Et là, dans cette bassesse immonde, sur ce grabat encore tiré au milieu de la pièce, Valérie, toute froide, morte depuis six grandes heures, gisait. Sa tête adorable, d’une pâleur de cire, comme si tout le sang de son corps s’en était allé par la criminelle blessure, reposait parmi le flot déroulé de ses cheveux bruns. Sa face ronde et fraîche, d’une amabilité si gaie, si enflammée d’un désir de luxe et de plaisirs, quand elle vivait, avait pris dans la mort une gravité terrible, un regret désespéré de tout ce qu’elle quittait si affreusement. Le drap avait glissé, un peu de...

Table des matières

  1. Fécondité
  2. Livre I
  3. I
  4. II
  5. III
  6. IV
  7. V
  8. Livre II
  9. I. 2
  10. II. 2
  11. III. 2
  12. IV. 2
  13. V. 2
  14. Livre III
  15. I. 3
  16. II. 3
  17. III. 3
  18. IV. 3
  19. V. 3
  20. Livre IV
  21. I. 4
  22. II. 4
  23. III. 4
  24. IV. 4
  25. V. 4
  26. Livre V
  27. I. 5
  28. II. 5
  29. III. 5
  30. IV. 5
  31. V. 5
  32. Livre VI
  33. I. 6
  34. II. 6
  35. III. 6
  36. IV. 6
  37. V. 6
  38. Page de copyright