
- 240 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Regards sur le monde actuel
À propos de ce livre
Recueil de textes de Paul Valéry édité en 1931 puis mis à jour en 1945.Les textes de Paul Valéry restent d'une actualité impressionnante, parfois à la limite de la prophétie.Le format choisi permet de profiter pleinement des pensées de cet auteur, académicien français, indispensable.
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Informations
La liberté de l’esprit
C’est un signe des temps, et ce n’est pas un très bon signe, qu’il soit nécessaire aujourd’hui — et non seulement nécessaire, mais qu’il soit même urgent, d’intéresser les esprits au sort de l’Esprit, c’est-à-dire à leur propre sort.
Cette nécessité apparaît du moins aux hommes d’un certain âge (un certain âge est, malheureusement un âge trop certain), aux hommes d’un certain âge qui ont connu une tout autre époque, qui ont vécu une tout autre vie, qui ont accueilli, qui ont subi, qui ont observé les maux et les biens de l’existence dans un tout autre milieu, dans un monde bien différent.
Ils ont admiré des choses que l’on n’admire presque plus ; ils ont vu vivantes des vérités qui sont à peu près mortes ; ils ont spéculé, en somme, sur des valeurs dont la baisse ou l’effondrement est aussi clair, aussi manifeste et aussi ruineux pour leurs espoirs et leurs croyances, que la baisse ou l’effondrement des titres et des monnaies qu’ils avaient, avec tout le monde, tenus autrefois pour valeurs inébranlables.
Ils ont assisté à la ruine de la confiance qu’ils eurent dans l’esprit, confiance qui a été pour eux le fondement, et, en quelque sorte, le postulat de leur vie.
Ils ont eu confiance dans l’esprit, mais quel esprit, et qu’entendaient-ils par ce mot ?…
Ce mot est innombrable, puisqu’il évoque la source et la valeur de tous les autres. Mais les hommes dont je parle y attachaient une signification particulière : ils entendaient peut-être, par esprit, cette activité personnelle mais universelle, activité intérieure, activité extérieure — qui donne à la vie, aux forces même de la vie, au monde, et aux réactions qu’excite en nous le monde —, un sens et un emploi, une application et un développement d’effort, ou un développement d’action, tout autres que ceux qui sont adaptés au fonctionnement normal de la vie ordinaire, à la seule conservation de l’individu.
Pour bien comprendre ce point, il faut donc ici entendre par le mot « esprit » la possibilité, le besoin et l’énergie de séparer et de développer les pensées et les actes qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement de notre organisme ou qui ne tendent à la meilleure économie de ce fonctionnement.
Car notre être vivant, comme tous les êtres vivants, exige la possession d’une puissance, une puissance de transformation qui s’applique aux choses qui nous entourent en tant que nous nous les représentons.
Cette puissance de transformation se dépense à résoudre les problèmes vitaux que nous impose notre organisme et que nous impose notre milieu.
Nous sommes, avant tout, une organisation de transformation, plus ou moins complexe (suivant l’espèce animale), puisque tout ce qui vit est obligé de dépenser et de recevoir de la vie, il y a échange de modifications entre l’être vivant et son milieu.
Toutefois, cette nécessité vitale satisfaite, une espèce, qui est la nôtre, espèce positivement étrange, croit devoir se créer d’autres besoins et d’autres tâches, que celle de conserver la vie : d’autres échanges la préoccupent, d’autres transformations la sollicitent.
Quelle que soit l’origine, quelle que soit la cause de cette curieuse déviation, l’espèce humaine s’est engagée dans une immense aventure... Aventure dont elle ignore le but, dont elle ignore le terme, et même, dont elle croit ignorer les limites.
Elle s’est engagée dans une aventure, et ce que j’appelle l’esprit lui en a fourni à la fois la direction instantanée, l’aiguillon, la pointe, la poussée, l’impulsion, comme il lui a fourni les prétextes et toutes les illusions qu’il faut pour l’action. Ces prétextes et ces illusions ont d’ailleurs varié d’âge en âge. La perspective de l’aventure intellectuelle est changeante...
Voilà donc, à peu près, ce que j’ai entendu dire par mes premiers mots.
Je veux encore demeurer sur ce point quelque peu, pour montrer avec plus de précision comment cette puissance humaine se distingue — pas entièrement — de la puissance animale qui s’applique à conserver notre vie et est spécialisée dans l’accomplissement de notre cycle habituel de fonctions physiologiques.
Elle s’en distingue ; mais elle lui ressemble, et elle lui est étroitement apparentée. C’est un fait important que cette similitude, qui se trouve, à la réflexion, singulièrement féconde en conséquences.
La remarque en est fort simple : il ne faut pas oublier que quoi que nous fassions, quel que soit l’objet de notre action, quel que soit le système d’impressions que nous recevions du monde qui nous entoure et quelles que soient nos réactions, c’est le même organisme qui est chargé de cette mission, le même appareil de relations, qui s’emploie aux deux fonctions que j’ai indiquées, l’utile et l’inutile, l’indispensable et l’arbitraire.
Ce sont les mêmes sens, les mêmes muscles, les mêmes membres ; davantage, ce sont les mêmes types de signes, les mêmes instruments d’échange, les mêmes langages, les mêmes modes logiques, qui entrent dans les actes les plus indispensables de notre vie, comme ils figurent dans les actes les plus gratuits, les plus conventionnels, les plus somptuaires.
En somme, l’homme n’a pas deux outillages ; il n’en a qu’un seul, et tantôt cet outillage lui sert à la conservation de l’existence, du rythme physiologique ; tantôt, il se dépense aux illusions et aux travaux de notre grande aventure.
Il m’est arrivé souvent, au sujet d’une question toute spéciale, de comparer nos actions, de dire que les mêmes organes, les mêmes muscles, les mêmes nerfs produisent la marche aussi bien que la danse, exactement comme notre faculté du langage nous sert à exprimer nos besoins et nos idées, cependant que les mêmes mots et les mêmes formes peuvent se combiner et produire des œuvres de poésie. Un même mécanisme dans les deux cas est utilisé à deux fins entièrement différentes.
Il est donc naturel quand on parle des affaires spirituelles (en appelant spirituel tout ce qui est science, art, philosophie, etc...), il est donc naturel, parlant de nos affaires spirituelles et de nos affaires d’ordre pratique, qu’il existe entre elles un parallélisme remarquable, qu’on puisse observer ce parallélisme, et parfois en déduire quelque enseignement.
On peut simplifier ainsi certaines questions assez difficiles, mettre en évidence la similitude qui existe, à partir des organes d’action et de relation, entre l’activité qu’on peut appeler supérieure, et l’activité qu’on peut appeler pratique, ou pragmatique...
D’un côté et de l’autre, puisque ce sont les mêmes organes qui s’emploient, il y a analogie de fonctionnement, correspondance des phases et des conditions dynamiques ; tout ceci est d’origine profonde, d’origine substantielle, puisque c’est l’organisme lui-même qui le commande.
*
Tout à l’heure, je vous disais à quel point les hommes de mon âge sont tristement affectés par l’époque qui se substitue, si promptement et brutalement, à l’époque qu’ils ont connue, et je vous disais tout à l’heure : — je prononçais à ce propos, le mot de valeur.
J’ai parlé, il me semble, de la baisse et de l’effondrement qui se fait sous nos yeux, des valeurs de notre vie ; et par ce mot « valeur » je rapprochais dans une même expression, sous un même signe, les valeurs d’ordre matériel et les valeurs d’ordre spirituel.
J’ai dit « valeur » et c’est bien cela même dont je veux parler ; c’est le point capital sur lequel je voudrais attirer votre attention.
Nous sommes aujourd’hui en présence d’une véritable et gigantesque transmutation de valeurs (pour employer l’expression excellente de Nietzsche), et en intitulant cette conférence « Liberté de l’Esprit », j’ai fait simplement allusion à une de ces valeurs essentielles qui semblent à présent subir le sort des valeurs matérielles.
J’ai donc dit « valeur » et je dis qu’il y a une valeur nommée « esprit », comme il y a une valeur pétrole, blé ou or.
J’ai dit valeur, parce qu’il y a appréciation, jugement d’importance, et qu’il y a aussi discussion sur le prix auquel on est disposé à payer cette valeur : l’esprit.
On peut avoir fait un placement de cette valeur ; on peut la suivre, comme disent les hommes de la Bourse ; on peut observer ses fluctuations, dans je ne sais quelle cote qui est l’opinion générale du monde sur elle.
On peut voir, dans cette cote qui est inscrite en toutes les pages des journaux, comment elle vient en concurrence ici et là avec d’autres valeurs.
Car il y a des valeurs concurrentes. Ce seront, par exemple : la puissance politique, qui n’est pas toujours d’accord avec la valeur esprit, la valeur sécurité sociale, et la valeur organisation de l’Etat.
Toutes ces valeurs qui montent et qui baissent constituent le grand marché des affaires humaines. Parmi elles, la malheureuse valeur esprit ne cesse guère de baisser.

La considération de la valeur esprit permet, comme toutes les valeurs, de diviser les hommes, selon la confiance qu’ils mirent en elle.
Il y a des hommes qui ont tout misé sur elle, tous leurs espoirs, toutes leurs économies de vie, de cœur et de foi.
Il en est d’autres qui s’y attachent médiocrement. Pour eux, c’est un placement qui n’a pas grand intérêt, ses fluctuations les intéressent fort peu.
Il y en a d’autres qui s’en soucient extrêmement peu, ils n’ont pas mis leur argent vital dans cette affaire.
Et enfin, il en est, il faut l’avouer, qui la font baisser de leur mieux.
Vous voyez comme j’emprunte le langage de la Bourse. Il peut paraître étrange, adapté à des choses spirituelles ; mais j’estime qu’il n’y en a point de meilleur, et peut-être, qu’il n’y en a pas d’autre pour exprimer les relations de cette espèce, car l’économie spirituelle comme l’économie matérielle, quand on y réfléchit, se résument l’une et l’autre fort bien dans un simple conflit d’évaluations.
J’ai donc souvent été frappé des analogies qui apparaissent, sans qu’on les sollicite le moins du monde, entre la vie de l’esprit et ses manifestations, et la vie économique et les siennes.
Une fois qu’on a perçu cette similitude il est presque impossible de ne pas la suivre jusqu’à ses limites.
Dans l’une et l’autre affaire, dans la vie économique comme dans la vie spirituelle, vous trouverez avant tout les mêmes notions de production et de consommation.
Le producteur, dans la vie spirituelle, est un écrivain, un artiste, un philosophe, un savant ; le consommateur est un lecteur, un auditeur, un spectateur.
Vous trouverez de même cette notion de valeur que je viens de reprendre, qui est essentielle, dans les deux ordres, comme l’est la notion de l’échange, comme l’est celle de l’offre et de la demande.
Tout ceci est simple, tout ceci s’explique aisément ; ce sont des termes qui ont leur sens aussi bien sur le marché intérieur (où chaque esprit dispute, négocie ou transige avec l’esprit des autres) que dans l’univers des intérêts matériels.
D’ailleurs, on peut, des deux côtés, considérer également le travail et le capital ; une civilisation est un capital dont l’accroissement peut se poursuivre pendant des siècles comme celui de certains capitaux, et qui absorbe en lui ses intérêts composés.
Ce parallélisme paraît frappant à la réflexion ; l’analogie est toute naturelle ; j’irai jusqu’à y voir une véritable identité, et en voici la raison : d’abord, je vous l’ai dit, c’est le même type organique qui intervient sous les noms de production et de réception — production et réception sont inséparables des échanges ; mais, de plus, tout ce qui est social, c’est tout ce qui résulte des relations entre le grand nombre d’individus, tout ce qui se passe dans le vaste système d’êtres vivants et pensants (plus ou moins pensants) dont chacun se trouve à la fois solidaire de tous les autres — unique, quant à soi, indiscernable et comme inexistant au sein du nombre.
Voilà le point. Il s’observe et se vérifie aussi bien dans l’ordre pratique que dans l’ordre spirituel. D’un côté, l’individu ; de l’autre, la quantité indistincte et les choses ; par conséquent, la forme générale de ces rapports ne peut être bien différente, qu’il s’agisse de production, d’échanges ou de consommation de produits pour l’esprit, ou bien de production, d’échanges ou de consommation de produits dans la vie matérielle.
Comment en serait-il autrement ?... Le même problème se retrouve ; c’est toujours individu et quantité indistincte d’individus qui sont en relations directes ou indirectes ; surtout indirectes, parce que, dans le plus grand nombre des cas, c’est indirectement que nous subissons la pression extérieure en matière économique comme en matière spirituelle, et réciproquement, que nous exerçons notre action extérieure sur une quantité indéterminée d’auditeurs ou de spectateurs.
Voilà, par conséquent, une double relation qui s’établit. Du moment qu’il doit y avoir échange, d’une part, tandis que, d’autre part, il y a diversité de besoins, diversité des hommes, du moment que la singularité des individus, leurs goûts qui sont incommuni...
Table des matières
- Sommaire
- Avant-propos
- Notes sur la grandeur et la décadence de l’Europe
- De l’Histoire
- Réflexions Mêlées
- Hypothèse
- Des Partis
- Fluctuations sur la liberté
- L’idée de dictature
- Au sujet de la dictature
- Souvenir actuel
- L’Amérique, projection de l’esprit européen
- Images de la France
- Fonction de Paris
- Présence de Paris
- Le Yalou
- Propos sur le progrès
- Orient et Occident : Préface au livre d’un Chinois
- Introduction à un dialogue sur l’art
- Orientem Versus
- Pensée et art français
- Notre destin et les lettres
- La liberté de l’esprit
- La France travaille
- Métier d’Homme
- Coup d’œil sur les lettres françaises
- Economie de guerre de l’esprit
- Fonction et mystère de l’académie
- Le centre universitaire méditerranéen
- Présentation du « Musée de la Littérature »
- Un problème d’exposition
- Respirer
- Ultima Verba
- Page de copyright