Iconoclash
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Experts en art et en malhonnêteté...

  1. 244 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Iconoclash

Experts en art et en malhonnêteté...

À propos de ce livre

Avec ce livre, l'auteur lance un pavé dans la mare trop lisse du milieu de l'art. José Boublil nous entraîne dans les méandres du monde élitiste de la peinture dont il révèle l'envers du décor. Commissaire aux comptes bien établi, sa folle passion pour la peinture le pousse à écumer les salles de ventes entre deux réunions.

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Informations

Année
2017
Imprimer l'ISBN
9782322080755
ISBN de l'eBook
9782322086986
Édition
1
Sujet
Kunst

Chapitre 1

La passion pour la peinture est une question de vie ou de mort

Régulièrement vous encaissez la dernière nouvelle des résultats de ventes aux enchères, à New York ou à Londres. Au fil des ans, les records tombent. Les gens ne comprennent pas comment des hommes sensés et immensément riches, peuvent payer cent ou cent-cinquante millions de dollars un simple tableau de un mètre sur quatre- vingt centimètres.
Juste quelques coups de pinceaux, souvent décoratifs et soignés, parfois fous, et en bas à droite une signature célèbre: Picasso, Monet, Bacon, Rothko, ou d’autres. Certains s’avancent : après tout, c’est normal, tous les records sont faits pour être battus, disent les rationalistes. Mais l’explication n’est pas si rationnelle que ça.
Tout d’abord, un tableau est, par définition, une pièce unique. Quel que soit l’auteur d’une œuvre, il n’en existera jamais une seconde strictement pareille. Pourtant, bien qu’unique, si elle n’a pas été peinte par l’un des représentants de l’esthétique de l’Histoire du monde, la toile n’a pas d’intérêt.
En revanche, si l’œuvre est de Picasso par exemple, cette unicité devient une icône pour les générations à venir. En mettant la main sur un tel tableau j’achète donc un morceau d’Histoire, moi l’indien qui ai fait fortune dans le textile ou le cinéma; moi, le Chinois qui ai construit des tours à Canton, moi l’Américain qui ai inventé la publicité sur internet. Jusqu’à présent tout ce que j’avais produit n’était qu’un tas de billets, transformés en chiffres sur des lignes à la banque. Et ces lignes peuvent nous nourrir, ma famille et moi-même, pendant mille vies. Me permettre de me vautrer dans un luxe indécent, car sauf grande surprise, il y aura mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf vies inutilisées ; l’argent à la banque restera à la banque et circulera de génération en génération, à peine grignoté à chaque étape. Souvent même augmenté.
Alors, le grand homme d’affaires qui n’intéresse pas grand monde veut crier à la face de la terre que Picasso, un jour, même mort, a permis de parler de lui comme défenseur de son œuvre éternelle. Il a su enfin devenir important non par sa réussite industrielle mais par l’achat d’une œuvre d’art bien plus éternelle. Maintenant il passe à la postérité. Ensuite, cet échange immatériel entre l’artiste et l’acheteur est une sorte de morsure de ce dernier pour entamer une partie du corps de l’artiste. Picasso, subitement, devient propriété de Monsieur Hoang, modulo le nombre d’œuvres que le milliardaire s’est offert.
Dans cette perspective qui peut paraître délirante, mais qui correspond exactement à ce que sont ces arènes de Christie’s ou de Sotheby’s, le seul prix inatteignable est celui de la fortune cumulée de tous les magnats autour de l’enchère ce jour-là.
En effet, pour emporter cette parcelle d’éternité, de reconnaissance et de gratitude du monde des arts à ce pauvre promoteur chinois, le prix n’a aucune importance, tant que le solde net des zéros en banque permet encore de vivre quelques centaines de vies confortablement.
Sincèrement, et ma passion folle pour la peinture me donne l’autorité morale de l’avancer, y a-t-il une seule personne qui pense que l’acheteur récent des Ménines de Picasso va se délecter jour et nuit devant la toile qu’il vient de s’offrir?
Je ne saurai dire combien de mois l’œuvre va trôner chez lui ou dans son bureau. Vous pensez qu’il y a de fortes chances que l’heureux propriétaire aime la peinture, ait connu l’œuvre de Picasso avant même de construire sa première tour.
Que c’est un homme sensible à cette interprétation si osée des femmes d’Alger de Delacroix.
Mais soyons sérieux : rien de tout cela probablement. Sa «victoire» fut un combat de billets, d’ego, je m’aventurerai même à dire un combat très vulgaire.

Chapitre 2

Mon parcours de véritable anarchiste: Dieu, tu es mon seul maître car tu me laisses décider

Cette entrée dans le vif du sujet m’amène à vous expliquer pourquoi, plus que des centaines d’autres, je suis tout retourné quand j’évoque la peinture, le dessin. Pourquoi, en trente ans, mais surtout dans les dix dernières années, je pense très immodestement - mais mes résultats sont là vous le verrez plus loin - être devenu l’un des «chineurs» les plus complets et performants de la planète. Mes tableaux sont dispersés ci et là, compte tenu de l’importance de certains.
Voilà quelques années j’ai décidé que mes élans de modestie seraient réservés à ceux qui ont besoin de moi, les déshérités, les enfants malheureux, les peuples opprimés et manipulés. Être modeste, c’est admettre qu’on ne fait pas bien son boulot. Et ce n’est pas possible pour moi : soit je le fais très bien, soit j’arrête.
Avant de me passionner pour l’art pictural, j’ai eu quelques maîtres d’exception. La première, ma mère, m’a presque tout appris. Un certain Albert Cohen a parlé de sa mère comme personne jusqu’à ce jour. Aimait-il sa mère plus que j’aime la mienne? C’est impossible. Malheureusement pour moi et bravo pour lui, il écrit mieux que moi. D’ailleurs avec des écrivains de cette trempe et de cette sensibilité on ne peut pas être, évidemment, dans la compétition. Personnellement, je le remercie de m’avoir appris qu’on pouvait écrire comme ça. Des grands auteurs, il est sans doute celui dont je me sens le plus proche. Un auteur qui parle de ma boutargue, même s’il insulte un peu le produit qu’il nomme «poutargue», est au moins mon demi-frère.
Lorsqu’il vénère sa mère sur tant de pages, je me dis que la mienne doit avoir un don d’ubiquité pour avoir pu vivre à la fois à Salonique et à Tunis. Je sens chez lui le vent de la mer, la poésie de sa langue, comme notre vocabulaire chatoyant venu du ghetto. Ainsi maman, tu es la seule qui comprend bien ce livre d’Albert Cohen, tout en sachant que ce que tu as donné à tes enfants ne se mesure ni en nombre de pages, ni en statue de commandeur. Ton résultat - que ton enseignement puisse continuer jusqu’à 120 ans - se voit à l’amour inconditionnel, même si parfois il est agité, énervé, de tes enfants et petits-enfants. Il se voit au piédestal que nous voudrions édifier pour ton sens de l’anticipation, ton intuition, ta droiture, et 90% au moins des mots tendres du Larousse en «beaucoup de volumes».
Venant de la grande bourgeoisie tunisienne, ma mère m’a initié très tôt à la peinture. D’abord, en me faisant fréquenter dès l’âge de onze ans, l’atelier d’une femme Russe orthodoxe, arrivée au début du 20ème siècle avec de nombreux congénères dans le pays ensoleillé de Tunisie. Natacha Markoff était une peintre de paysages et de ports dont la formation était très académique. Elle faisait progresser la plupart des jeunes femmes riches de Tunis, leur permettant de passer d’un réalisme presque naïf à la perspective d’une maison ou d’une porte.
Grâce à ces séances, j’avais peint ma première toile à onze-douze ans. Je me souviens d’un vase de fleurs rouges qui, aujourd’hui, me donnerait la nausée par ses empâtements sortis du tube et aplatis par le fameux couteau. Mais pour l’époque, c’était une performance, même si je n’envisageais pas une seconde de partager cette victoire sur la toile avec mes amis.
Ma bande, assez mélangée, jeunes lascars issus de toutes les religions et de tous les pays (il y avait des tas d’italiens, des yougoslaves, des français bien sûr, des arabes, des chrétiens, des juifs, certains de l’aristocratie, d’autres de la médina) ne vivaient que pour des activités suscitant assez peu l’intervention du cerveau : football, tennis, relais 4x100 mètres autour du grand pâté de maisons. C’était nos dernières semaines avant la puberté; et le poker - avec billets de banque - allait remplacer les billes et les noyaux d’abricot (jeu d’adresse typiquement tunisien, dont le but était de dégommer des monticules de quatre noyaux en équilibre, et ainsi d’emporter la mise du voisin).
À la suite de ces séances de peinture au milieu de très jolies femmes, me préparant à une certaine facilité avec elles, ma mère m’emmena au Salon de Tunis où, avec la présence de peintres importants de l’époque sur les murs des salles, elle avait pu présenter quatre huiles sur toile de son cru. Il y avait un très grand portrait de marchand de «couffins» en rotin des souks, le commis se tenant assis en tailleur au pied du patron. L’œuvre était signée «L Boublil» au crayon.
Le tableau fut particulièrement apprécié des nombreux visiteurs. À côté de celui-là, elle avait accroché trois vues de Sidi Bou Saïd, l’une des plus belles petites villes du monde sans doute. Très fraîches et peintes de façon enlevée, j’aimais beaucoup cette série qui témoignait de ce paradis terrestre en terre d’Islam.
Un américain eut le même goût que moi, et en quelques jours ma mère accepta de se séparer de sa première production. Deux des trois vues de cette mer turquoise. Pas un gros prix bien sûr, mais c’était la fierté de séduire un acheteur de l’autre côté de l’Atlantique.
Pas très loin de son stand, exposait l’un des véritables maîtres de l’école de Tunis, Jalal Ben Abdallah. Cinquante ans plus tard, je revois encore cet immense tableau carré représentant un marchand de Jasmin traité avec la délicatesse et la précision des touches de ce grand artiste, entre naïveté et poésie. Le tableau m’avait marqué, comme peut le faire un Manet ou un Géricault pour moi aujourd’hui. J’avais été subjugué en effet par la lumière blanche qui se dégageait de l’œuvre, du vêtement du marchand portant son burnous clair, son épais turban sur la tête et les bouquets de cette fleur royale sur son panier. Certains amateurs d’art n’ont pas encore mesuré, à mon sens, l’importance de ce peintre, et lui préfèrent les expressionnistes de l’école de Tunis. Ils n’ont pas compris que, dans ses chefs-d’œuvre, Ben Abdallah a réinventé la peinture naïve, en lui donnant de nouvelles lettres de noblesse : celle d’un pays comparable à aucun autre, la Tunisie.
L’apport de mon père à ma connaissance artistique? Mon père était totalement étranger à la beauté picturale. En regardant un tableau, il ne ressentait aucune émotion; sauf à la rigueur lorsque, pour me faire plaisir, il acceptait de trouver jolie une œuvre orientaliste lui rappelant sa Tunisie natale. En quoi ce que je raconte apporte à mon intérêt pour la peinture? En réalité deux choses : d’abord, mon père aimait la nature, la mer. Il aimait ces odeurs que seul son pays sait produire, comme celles qui vous étourdissent lorsque vous passez dans les orangeraies, les fleurs de Jasmin, ou celles des épices venues des quatre coins du monde pour épanouir les palais des indigènes. Chez lui le beau s’était transformé en bon. Il s’agissait toujours d’une recherche de perfection d’un autre genre. Mon œil perçoit le beau. Ma bouche et mon nez comprennent le goût et les odeurs. Ce parallèle justifie à mon sens ce qu’il m’a apporté dans ce domaine (dans les autres c’est infini). L’autre raison de sa contribution pourrait prêter à rire si je ne vous rappelais pas que nous sommes des orientaux, pire des tunisiens. Mon père se fichait de la peinture. Alors son fils, par esprit de contradiction, décide d’aimer la peinture, d’en être complètement aliéné. C’est tout simple.
Il serait très injuste de terminer cette épopée tunisienne, où j’ai reçu l’essentiel de mon éducation, de mon bonheur, sur mon dernier souvenir avant le départ : quelques cinquante ou cent mille idiots antisémites hurlant, tels des animaux. Ne pas s’appesantir sur les ânes; mais on ne peut pas taire des choses aussi graves. Toutes ces contingences sont oubliées quelques instants car, outre la nature si extraordinaire dans ce pays, la mer dont même les liquides légers et transparents de Tahiti sont jaloux, l’esthétique des productions humaines est inouïe.
Comme toujours, ne cherchons pas à comparer tel ou tel pays, bâtiment, édifice public ou privé. Jetez un regard furtif, pour attraper l’essentiel : deux couleurs, le blanc-chaux et le bleu azur. Des maisons aux lignes sobres.
Le seul excès tenant dans ces moucharabiehs des villes restées dans leur jus : Sidi Bou Saïd, Nabeul, les quartiers populaires de Tunis ou de Kairouan. Cette beauté insolente des pierres taillées et recouvertes d’une blancheur éclatante, se mêle à un fond d’écran d’un bleu tantôt turquoise tantôt marine, cobalt, violent, d’azur.
Croyez-vous que cette esthétique si parfaite et si peu conformiste au regard de ce qu’on peut connaître en Europe ou dans les autres pays d’Afrique du Nord a pu échapper à mon œil déjà bien curieux? Il suffit de voir l’intérieur des maisons de la bourgeoisie locale pour comprendre que le goût du simple, du sobre, de couleurs assorties, est là comme une évidence. Pas besoin d’aller à la rencontre de ce qui pourrait être les châtelains du coin, les grandes familles. Ainsi, mon éducation picturale s’achève en 1968, entre ma mère qui la dirige et mon pays qui m’éclaire.
En parallèle de ce contact si pur et direct avec la toile et la pâte huileuse, j’avais amusé un garçon d’environ quinze ans - j’en avais onze - de la famille de Paz, fabricants de Halva de père en fils. Ce jeune m’avait proposé de l’accompagner régulièrement aux Thermes d’Antonin à Carthage, un site romain immense et somptueux, imbrication de vestiges et de criques d’une eau cristalline.
Aujourd’hui, je me dis que ça aurait pu mal tourner, de se trouver en tête à tête avec un garçon bien plus vieux que moi. Pourtant mon accompagnateur était un type éminemment cultivé sur l’art romain. Son unique plaisir, outre de grimper sur les monticules de terre, était de fouiller partout pour en sortir des pièces de monnaie (très rarement), des cubes de mosaïques (là, il y en avait beaucoup), et des tessons irisés de l’époque romaine. Le sol en regorgeait. L’important, dans ces promenades hebdomadaires était cette démarche de chasse au trésor, qui est une constante du chineur véritable. Si l’on m’avait assuré que je ne trouverai jamais ni une pièce, ni une figurine romaine, ni un objet important je ne serai pas allé perdre mon temps dans ces fouilles.
Pour la peinture, Drouot, Saint-Ouen ou Vanves, ne m’auraient jamais connu si on m’avait dit que je ne pourrais jamais en sortir un tableau de Grand Maître. L’espoir, le rêve mégalo, sont les seuls moteurs d’un réveil à cinq heures du matin, ou de kilomètres épuisants. Peu importe la partie financière des choses. Le rêve est cette adrénaline si délicieuse, pas gâchée par des calculs mercantiles. L’argent peut se gagner ailleurs, en vendant des chaussures ou des saucissons. Sans gloire. Sans plaisir. Pour revenir à mon éducation picturale, le premier contact, mais également l’ébullition du petit Cosme artistique tunisien, a eu son véritable écho presque six ans après. Nous avions quitté le berceau de nos ancêtres, et trois ans plus tard, me voilà en terminale au Lycée de Savigny-sur-Orge, le Lycée Jean-Baptiste Corot (nom prédestiné?). J’avais choisi l’option «dessin». Mon professeur se nommait Monsieur Durisy.
Si parfois on n’est pas capable de savoir quelles sont les personnalités qui ont compté dans notre vie, en dehors de nos proches, je peux vous dire que lui aurait mérité le baisemain de la part de ses élèves. Il faisait d’ailleurs aussi bien qu’un autre de mes enseignants, coopérant à l’école Colmar de Tunis, Monsieur Juantet, à qui je dois tant et que je n’ai jamais eu la chance de revoir après mon départ pour Paris.
Notre prof de dessin était donc un véritable gourou, sans aucune des tares de ce type de statut. Il commençait généralement son cours de façon surprenante, anticonformiste : il se mettait à parler, à nous envoûter, en évoquant des idées fortes, des pensées qui donnent envie de créer. Pendant les quinze ou vingt premières minutes, nous n’avions pas le droit de toucher à notre feuille, comme pour nous brider, à la manière d’un jockey qui tient sa bête avant de lâcher le mors. Son charisme donnait envie, insufflait de l’énergie pour ce combat face à la feuille ou à la toile. Pourtant, c’était un homme très doux, courtois, simple. Lancé sur l’art, il était inépuisable. Dès qu’il s’arrêtait, nous comprenions que nous avions l’autorisation de nous exprimer librement, emplis de ses paroles génératrices de verve.
L’épreuve du Bac fut une formalité. J’eus 19/20. Mais bien au-delà j’avais rencontré un homme d’une dimension extraordinaire. Je pense que lui-aussi a orienté à sa manière certains de mes choix, et sans doute de mes intuitions.
Les années ont passé. Après mon Bac, j’ai préparé les grandes écoles de commerce, à moitié sur quelques bouquins - le moins possible -et l’autre dans des parties mémorables de poker. Toutes les nuits, on venait me prendre en voiture vers vingt heures ou vingt heures quinze et chaque jour il y avait un point de chute différent pour cramer notre nuit, et parfois notre fric. On terminait autour de trois heures du matin, alors que mes cours reprenaient à huit heures et demie du matin.
Je ne me posais jamais la question de mes chances de réussite à mes concours. Il était impensable, hors de question, que je n’intègre pas une «parisienne» (HEC, l’ESSEC ou Sup de Co Paris). Sorte d’évidence, car je savais que la province ne supporterait pas José Boublil; ce n’était pas sa place. Et puis, j’arrivais à me convaincre que mes nuits à cinq cartes me préparaient parfaitement bien à l’épreuve importante de Maths II, «probabilités et statistiques».
Pourquoi faut-il que je ...

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Mise en garde
  3. Sommaire
  4. Introduction
  5. Chapitre 1 - La passion pour la peinture est une question de vie ou de mort
  6. Chapitre 2 - Mon parcours de véritable anarchiste: Dieu, tu es mon seul maître car tu me laisses décider
  7. Chapitre 3 - La France est aux œuvres d’art ce que l’Afrique du Sud est aux diamants
  8. Chapitre 4 - La pêche miraculeuse de Monsieur Boublil
  9. Chapitre 5 - Passer à deux doigts du paradis
  10. Chapitre 6 - Un domaine plein de ressources
  11. Chapitre 7 - Le fonctionnement du marché de l’art
  12. Chapitre 8 - Quoi acheter ? Sélection de peintres exceptionnels et confidentiels
  13. Chapitre 9 - Autres stratégies d’achat d’œuvres d’art
  14. Chapitre 10 - Offre à tous les lecteurs de pouvoir gagner énormément d’argent
  15. Conclusion
  16. Page de copyright