Le Portrait de Dorian Gray

Adaptation théâtrale par Imago des Framboisiers

Oscar Wilde, Les Framboisiers

• Éditeur: Books on Demand
• Année: 2016
• Imprimer l'ISBN: 9782322078011
• ISBN de l'eBook: 9782322079254
• Édition: 1
• Sujet: Littérature
• Sujet: Fiction historique

Alors que le jeune Dorian Gray pose pour un splendide portrait de lui-même, il est envoûté par les discours hédonistes d'un mystérieux dandy qui l'engage dans un pacte diabolique."Que c'est triste! Un jour, je deviendrai vieux, horrible, effrayant. Mais ce portrait restera toujours le même! Si c'était le portrait qui changeait et que je restais toujours le même...! pour cela je donnerais tout. Oui, il n'y a rien au monde que je ne donnerais. Je donnerais mon âme pour cela!"

ACTE I :

Le temps de l'innocence

Chapitre 1

Dans l'atelier de Basil Hallward

Basil, Gladys

Gladys, alanguie. C'est ta plus belle oeuvre, Basil. Ce que tu as fait de mieux. Tu dois absolument l'exposer à Grosvenor l'année prochaine. Il ne faut pas que tu l'envoies à l'Académie, elle est trop fréquentée, et trop vulgaire. Chaque fois que je suis allé là-bas, il y avait tant de gens que je ne pouvais même plus voir les tableaux, ce qui est affreux, ou bien tant de tableaux que je ne pouvais même plus voir les gens, ce qui est pire.

Basil. Je ne pense pas que je l'exposerai.

(Un temps, il rejette la tête en arrière d'une manière bizarre.)

Non, je ne l'exposerai pas.

Gladys. Et pourquoi cela, mon cher ?

(Gladys fronce les sourcils et le regarde avec étonnement à travers les volutes de fumée bleue qui s'élèvent de sa lourde cigarette opiacée)

Ce que les peintres peuvent être farfelus ! Vous êtes prêts à tout pour obtenir une réputation et dès que vous l'avez, vous vous empressez de vous en défaire, c'est parfaitement stupide, il n'y a qu'une seule chose au monde qui soit pire que d'être le sujet des conversations : c'est de ne pas être le sujet des conversations.

Basil. Je sais que tu vas te moquer de moi, Gladys, mais je ne peux vraiment pas l'exposer. J'y ai mis trop de moi-même.

(Gladys s'étire et rit)

Gladys. Trop de toi-même ! Ma parole, Basil, je ne te croyais pas si vaniteux. Je ne vois aucune ressemblance entre toi et ce jeune adonis. Enfin, mon cher, c'est un Narcisse, et toi... eh bien, évidemment, tu as l'air intellectuel, et tout ça; mais la beauté, la vraie beauté, s'achève ou nait tout intellect. L'intellect est en soi une caricature, et détruit l'harmonie d'un visage. Ton jeune et mystérieux ami, dont le portrait me fascine, ne pense jamais. J'en suis tout à fait sur. Ne te leurre pas, Basil: tu ne lui ressembles pas.

Basil. Je le sais parfaitement. D'ailleurs, je ne voudrais pas lui ressembler.

(Gladys hausse les épaules)

C'est la vérité ! La supériorité, quelle qu'elle soit, est une malédiction. Ta fortune et ta noblesse, Gladys; mon intelligence — et mon art, pour ce qu'il vaut... Sa beauté pour Dorian Gray. Nous souffrons tous de ce que les dieux nous donnent.

Gladys. Dorian Gray ? C'est son nom ?

Basil. Oui. Je ne comptais pas te le dire.

Gladys. Et pourquoi cela ?

Basil. Oh, c'est difficile à dire. Quand j'aime immensément quelqu'un, je ne dévoile jamais son nom. Ce serait comme offrir un peu de lui à tout le monde. Même la chose la plus commune devient merveilleuse lorsqu'on la cache.

(Pause.Gladys regarde sa montre)

Gladys. Je crains de devoir m'en aller, Basil. Mais avant, je veux que tu répondes à ma question.

Basil. Quelle question ?

Gladys. Tu sais quelle question.

Basil. Non, Gladys.

Gladys. Alors je vais te la répéter. Je veux que tu me dises pourquoi tu refuses d'exposer le portrait de Dorian Gray. Je veux la vraie raison.

Basil. Je t'ai donné la vraie raison.

Gladys. Absolument pas. Tu as dit que tu y avais mis trop de toi-même; c'est puéril.

Basil. Gladys, j'ai bien peur que tu ne puisses pas vraiment comprendre. Peut-être même que tu ne me croiras pas.

Gladys. Je peux tout croire, pourvu que ce soit incroyable.

Basil, après une hésitation. Il y a deux mois, je suis allé au salon de ta tante, Lady Agatha. Au bout de dix minutes, j'ai senti que quelqu'un m'observait. Je me suis retourné, et j'ai croisé pour la première fois le regard de Dorian Gray; j'ai pâli à sa vue. J'ai senti que j'étais face à un être dont la simple personnalité était si fascinante que, si je le laissais faire, il absorberait mon âme toute entière, mon art lui-même. Tu sais, Gladys, que je suis d'une nature indépendante. J'ai toujours été mon propre maitre, ou du moins, je l'étais jusqu'à ce que je rencontre Dorian Gray. Et puis – je ne sais pas comment te le dire – j'ai eu l'étrange sentiment que le destin préparait pour moi d'exquises joies et d'exquises tristesses. J'ai eu peur, j'ai cherché à quitter le salon. J'ai couru vers la porte. Là, évidemment, je me suis heurté à ta chère tante. « Comment, monsieur Hallward ? Vous n'allez pas vous enfuir si vite ! » Je n'arrivai pas à me débarrasser d'elle. Elle m'a fait faire tout le salon, et, inévitablement, mes yeux ont encore rencontré ceux de ce jeune homme. Un peu plus tard, nous étions si proches, dans la foule, que nous nous touchions presque. Alors, j'ai fini par lui demander de nous présenter.

Gladys. Et... le vois-tu souvent ?

Basil. Tous les jours. Je serais malheureux si je ne le voyais pas tous les jours. Il m'est devenu absolument nécessaire.

Gladys. Incroyable ! Moi qui pensais que ta seule obsession était ton art.

Basil. Il est mon art, à présent. (Gladys a un sourire) Sa personnalité m'a inspiré un tout nouveau style.

Gladys. Dans ce cas, pourquoi refuses-tu d'exposer son portrait ?

Basil. Parce que, sans le vouloir, j'ai mis dans ce tableau un peu de cette étrange idolâtrie artistique; et je ne livrerai pas mon âme au regard inquisiteur d'un monde superficiel.

G »ladys. Dis-moi, est-ce que Dorian Gray t'aime beaucoup ?

Basil. Il m'apprécie, je sais qu'il m'apprécie. Et pourtant, il est terriblement négligent, et il semble prendre un plaisir extrême à me faire de la peine. Tu sais, Gladys, j'ai le sentiment d'avoir donné mon âme toute entière à quelqu'un qui la traite comme une fleur à mettre à sa boutonnière; c'est une parure qui flatte sa vanité, l'ornement d'un jour d'été.

Gladys. En été, les jours sont plus longs, Basil. Peut-être que tu te lasseras plus vite que lui. Ce que tu me racontes là est une romance, une romance artistique, sans doute; mais le propre des romances de toutes sortes est de nous ôter tout romantisme. Un jour, tu regarderas ton ami, et tu t'apercevras que ses traits ne sont plus dignes de la toile, ou bien la nuance de couleur de sa peau te déplaira, ou autre chose de ce genre. Tu le lui reprocheras, intérieurement, avec amertume, et tu penseras sérieusement qu'il a très mal agi envers toi.

Basil. Non, Gladys. Aussi longtemps que je vivrai, la personnalité de Dorian Gray me dominera. Tu ne peux pas éprouver cela, tu changes trop souvent.

Gladys. C'est précisément la raison pour laquelle je peux l'éprouver. Les gens fidèles ne connaissent que la trivialité de l'amour, ce sont les infidèles qui en connaissent les tragédies.

Basil. C'est lui.

Gladys. C'est aussi un pianiste... il est fascinant. Il faut absolument que je le présente à mon cousin, Lord Henry, il en fera un parfait homme du monde.

Basil. Je ne veux pas...

Table des matières

• Personnages et acteurs qui ont crée l'adaptation
• Sommaire
• Prologue
• Acte I : Le temps de l'innocence
• Acte II : Le Narcisse fané
• Acte III : L'impossible rédemption
• Page de copyright