
- 124 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Un paysan de Thièrache, écrivain à ses heures va vivre une aventure initiatique avec un vieux rebouteux. Un conte surnaturel au coeur de la campagne illuminé par les feux d'un vieux four alchimique.
Foire aux questions
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Informations
Chapitre IV
Mouchu marcha longtemps dans l'espoir de trouver un abri pour la nuit, mais il ne trouva rien, pas une cabane, pas la moindre bicoque où se reposer. Il avait beau aligner les kilomètres, il ne rencontrait que des bois et d'immenses prairies avec çà et là des touffes de buissons rabougris. Soudain, il s'arrêta, estomaqué par sa découverte: la nuit ne tombait pas! Le ciel restait d'un bleu sans faille, la lumière du jour ne faiblissait pas d'un poil. Découragé, il appela trois fois:
-Lucien, Lucien, Lucien.
Un flottement près de lui l'avertit de l'arrivée de Lucien, sous la forme d'un petit nuage.
- Que puis-je vous Mr Mouchu ?
- Explique moi pourquoi le soir ne tombe pas dans ton fichu pays! C'est que j'ai de la fatigue, moi, il faut bien que je dorme, nom d'un chien!
- La nuit ? Ah oui, la nuit. Non, chez nous, pas besoin de nuit, nous ne connaissons pas la fatigue, la nuit est réservée aux hommes, les chanceux...
- Chanceux, chanceux, c'est vite dit. Comment je vais faire moi ?
- Il suffit de me demander de vous aider à ignorer la fatigue, ainsi vous n'aurez plus besoin de dormir, du moins tant que vous serez ici.
- Plus besoin de dormir? Alors là tu me la coupes, mon Lucien. Et ben, d'accord, fais moi donc partir ma langueur d'à cette heure, oui vas-y, comme çà je pourrais continuer à vadrouiller, histoire de trouver quelqu'un ou quelque chose...
- Fermez les yeux Mr Mouchu, et respirez très fort, voilà c'est çà, et soufflez profondément.
Le vieux s’exécuta et sentit en lui, instantanément, toute trace de lassitude disparaître, le laissant frais et dispos comme après une bonne nuit de repos.
- Bon sang, c'est incroyable, me v'là tout gaillard! Dis donc Lucien, comment tu fais çà ?
- Je le fais, c'est tout, mais ne peux l'expliquer.
- Je pourrais encore te demander quelque chose ?
- Bien sûr, je suis là pour çà. Demandez Mr Mouchu.
-Je voudrais savoir où aller pour rencontrer des hommes comme moi, si jamais il y en a...
- Il y en a Mr Mouchu, mais ceux là sont de passage; à vrai dire, d'ailleurs, ils sont morts.
- Morts ?
- Eh oui, morts et enterrés, comme vous dites chez vous; ici, ils ne font que passer, ils marchent et repensent à leur vie, font le point. Ensuite, ils peuvent choisir de retourner de l'autre côté ou bien continuer de marcher plus longtemps; certains peuvent même demander à devenir de purs esprits, mais ils sont rares.
- A qui demandent-ils ?
- A eux-mêmes, Mr Mouchu, ils sont les seuls maîtres de leur destinée, ici, rien ni personne ne vous oblige à quoi que ce soit.
- Mais moi, je cherche des vivants, des vrais; ce crétin d'inspecteur, il faut que je le ramène.
Peux-tu me dire où le trouver ?
- Il est ici, rassurez-vous; mais avant de le retrouver, il faut lui laisser le temps de comprendre certaines choses; après vous le ramènerez; il n'est pas seul, un gendarme l'accompagne; et ces deux là dérangent tout sur leur passage, et puis ils puent, c'est épouvantable!
- Quoi ? Le chef est passé aussi... misère de misère, deux à dégoter maintenant. C'est à se dégoûter d'être là...
- Allons, Mr Mouchu, je vais vous aider.
Quand vous rencontrerez sur votre chemin une rivière, suivez la. A un certain moment, vous trouverez ce que vous cherchez. Allez-y, et bon courage; ayez confiance et le reste suivra...
Lucien disparut, petit nuage absorbé par l'air vif du jour.
- Une rivière, elle est bonne celle là; une rivière; dans quelle direction ...
Un héron plana, porté par des courants invisibles, il glissait vers le Nord, en quête de nourriture. Et les hérons, se dit Mouchu, ça mange du poisson... Il le suivit, croyant déjà entendre le doux clapotis des flots sur la berge.
***
Rentré de sa visite chez le docteur Beaujean, Philo s'attela aux travaux quotidiens de la ferme. Mais l'envie n'y était pas. Il se sentait soucieux, la tête prise par le souvenir de son rêve. Délaissant la pince et le rouleau de fils barbelés destiné à la réparation d'une clôture endommagée par quelques génisses gourmandes, saoulées d'un trop de pommes à cidre, il fila chez lui, guidé par il ne savait quel pressentiment, quelle force sourde. Il sentait seulement qu'il devait aller chez la Marie, qu'une réponse à une partie du mystère des derniers jours s'y trouvait. Arrivé dans son arrière cuisine, il attrapa instinctivement au passage un pied de biche usé par le temps, celui-là datait de son grand-père, un de ces outils qu'on se transmet de génération en génération, solide, lourd, ayant mille fois servi et prêt encore à offrir son appui et sa force à la main de l'homme. Il quitta la ferme pour se diriger à grands pas vers la grande maison de briques isolée à la sortie du village. Il passa la grille ouverte et fit le tour de la bâtisse, sachant que la porte arrière, qui donnait sur la cave, ne résisterait pas au métal de son pied de biche. Philo engagea la tête de l'outil dans l'interstice séparant le mur de la vieille serrure et pesa de tout son poids. Un craquement sec et la porte s'ouvrit, laissant deviner dans la pénombre les premières marches de pierre bleue ; Il descendit lentement, apprivoisant l'obscurité relative que procuraient deux antiques soupiraux grillagés. Posant son pied sur la tomette humide, il s'approcha du chambranle de la porte de chêne qui donnait sur l'habitation et tâtonna quelques instants, trouvant enfin l'interrupteur. La lumière se fit, faible et tremblotante, au bout de l'unique ampoule dépolie. Des casiers de fer supportaient des centaines de bouteilles, cidres et vins, liqueurs et eaux de vie, aux crochets du plafond pendaient des salaisons diverses et sur des étagères vermoulues, on pouvait compter plusieurs dizaines de bocaux de verre remplis de confitures, de haricots verts, de petits pois et quantité d'autres légumes stérilisés.
-Et ben, elle avait des provisions la Marie. De quoi tenir six mois tranquille...et dire qu'on croyait qu'elle mangeait pas, maigre qu'elle était.
Philo se parlait tout haut à lui-même, étonné de l'abondance de victuailles. Sûr qu'on ne la connaissait pas la Marie, une secrète en somme. Il tourna la cliche de porcelaine blanche et pénétra dans un couloir qui menait vers une grande salle. Sur le plancher, la forme d'un corps tracé à la craie indiquait l'endroit fatal où la Marie, passée de mort à trépas, avait été retrouvée par le curé. Philo inspecta toute la pièce, puis il passa dans la cuisine, le salon, tendu d'un velours brun et poussiéreux et enfin une petite pièce adjacente dont les murs, tapissés de photos jaunies, donnaient un aperçu des ancêtres de la Marie. Philo s'imprégnait de l'endroit, cherchant quelque chose qu'il ignorait, songeant avec une pointe d'angoisse qu'on pourrait le prendre pour un cambrioleur si l'on venait à le surprendre... Poussé par la curiosité, il revint vers la salle à manger, scrutant chaque recoin, persuadé de découvrir là une clef de l'énigme. Une heure passa, et le Philo, déçu, s'assit en soupirant. Son imagination, ses rêves lui jouaient des tours bizarres. Qu'était-il venu faire ici ? Il s'étira en arrière, levant les yeux vers la grosse poutre centrale du plafond. Et là, juste au dessus de lui, dans un creux du bois, il aperçut le coin d'un morceau de tissu qui dépassait. Intrigué, il monta sur la table pour l'atteindre. Trop court, pensa-t-il. Saisissant une chaise, il la posa sur le plateau verni et grimpa, fiévreux de découvrir un élément nouveau. Il tendit la main, tâta le bout de tissu et tira, çà résistait, c'était lourd. Il tira plus fort, brutalement déséquilibré et chuta lourdement sur le parquet, n'ayant pas lâché le sac de jute blanche gonflé de pièces dorées. Il comprit tout à cet instant, soulagé de savoir son ami Mouchu innocent de la mort de la vieille. Il éclata de rire, nerveusement, ouvrit le sac, et contempla le trésor de la Marie, des louis et des napoléons étincelants dont le métal jaune captivèrent son regard de longues minutes. Il enfouit sa main dans la manne métallique, soupesa, palpa et tritura, n'ayant jamais eu l'occasion de se retrouver face à une telle fortune. Un instant, l'idée l'effleura d'emporter tout cet or: pouvoir rembourser les traites interminables de sa ferme, la rénover entièrement, racheter quelques vaches et les terres itou,la vie devenant facile, mais l'image de Mouchu lui revint à l'esprit. Ne pas dire sa trouvaille, c'était l'impossibilité pour lui d'innocenter son vieil ami. Car maintenant Philo avait reconstruit le déroulement du drame, la Marie, amoureuse de son or, avait voulu le voir et le sentir sur ses doigts, elle avait dû répéter pour la millième fois le même geste: prendre la chaise, la poser sur la table, grimper pour attraper son magot. Le hasard, sans doute de mauvais poil ce jour là, l'avait jetée à terre, fragile et cassée, morte sans avoir pu contempler une fois encore la passion de sa vie.
- Comme quoi, pensa Philo, l'argent ne fait pas le bonheur...
Il cala le sac sous sa canadienne et regagna sa ferme, soulagé de la retrouver simple et tranquille, sans autre richesse que l'épaisseur des murs de briques et leur mémoire remplie d'amour et de travail.
***
Assis sur la rive à contempler le repas du héron, Mouchu sentit d'abord l'odeur de foin brûlé, aigre et piquante, puis il entendit qu'on toussait discrètement derrière lui, comme pour le prévenir d'une présence, mais sans vouloir le déranger...il se retourna, rencontrant le regard fatigué d'un drôle de type en imperméable, un feutre mou sur le crâne et une cigarette aux lèvres.
« Du tabac blond, se dit Mouchu, m'étonne pas que ça pue ainsi... du foin à poitrinaire tout çà... »
- Ben, bonjour, vous faites quoi, ici ?
L'individu, visiblement embarrassé ne répondit rien.
- Je m'appelle Mouchu, ajouta le vieux en se relevant pour tendre une main rugueuse. L'autre rendit le salut, la main molle et moite, presque collante.
- My name's BB. Barton...
- Ah ? ouais, en vlà un qui cause en anglais maintenant. Va falloir que j'en ai souvenance de c'te langue là, moi.
Mouchu détaillait l'inconnu sans parvenir à deviner de quel bois il était fait. Dans ses yeux profonds on devinait un éclair de malice et une vivacité d'esprit à peine voilée par l'immense lassitude qui semblait l'accabler, mais il ne laissait transparaître aucune émotion, aucun sentiment.
"Il est vidé ce gars là, c'est tout juste s'il tient debout", se dit Mouchu.
-What do you need ? se risqua-t-il, la langue empâtée.
-Vous êtes très gentil, monsieur, mais je parle très bien le français. A vrai dire, ma mère était française, et j'ai longtemps passé mes vacances sur les côtes bretonnes, quand j'étais enfant. Tout à l'heure, en vous rencontrant, je me suis cru chez moi, en Amérique, c'est pourquoi je vous ai parlé en anglais...mais je crois bien que je suis loin de chez moi, très loin... je crois même que je dois être mort, c'est bizarre cette impression, je ne me souviens que de ce type avec son arme pointée sur moi et puis paf, plus rien; je me suis retrouvé ici; vous êtes le premier homme que je rencontre...
-Vous seriez.....mort ?
-Je ne vois que çà; c'est très flou dans mon esprit; il me semble bien qu'il ait tiré sur moi, mais je n'ai ni douleur ni trace de sang, rien, c'est une histoire de fou...
-Ici, vous allez voir, tout est fou; les buissons vous parlent, les nuages; il n'y a pas de nuit, pas de fatigue.
-Pas de fatigue ? et pourtant j'ai l'impression que çà fait des années que je n'ai pas dormi, je ne sais même plus quel goût a le repos. D'ailleurs, je ne sais pas si j'ai décidé tout çà... je me souviens de mon enfance, de mon boulot, un sale boulot, mais ne sais pas pourquoi je le faisais, c'est comme si je n'existais pas vraiment...
Mouchu se gratta la tête, perplexe. Ce gars n'allait pas bien du tout, il fallait l'aider. Il appela Lucien trois fois.
La guêpe qui bourdonnait doucement autour de lui se posa presque affectueusement sur son épaule:
-Un problème, Mr Mouchu ?
-Ah, c'est toi, mon Lucien. Te voilà guêpe maintenant?
-Eh oui, je m'amuse comme je peux. Dites moi donc ce qui vous tracasse.
-C'est pour monsieur. Il est fatigué, il ne se souvient pas de grand chose, tu ne pourrais pas lui filer un coup de main ? M' a l'air bien malheureux...
- Hélas non, Mr Mouchu. Je ne peux rien...
Table des matières
- Dédicace
- Du même auteur
- Avertissement
- Sommaire
- Chapitre I
- Chapitre II
- Chapitre III
- Chapitre IV
- Chapitre V
- Chapitre VI
- Chapitre VII
- Plus d'infos
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