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Qui parlera du loup ?
La Nature et le symbolisme maçonnique
- 136 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre
Quelle est la relation de la Franc-Maçonnerie avec la nature?Ne participe-t-elle pas, par ses valeurs et son symbolisme, à une vision dualiste du monde qui suppose que l'homme est extérieur à elle et qu'il en dispose à son gré? Or cette vision dualiste héritée du judéo-christianisme et des Lumières est la source des idéologies politiques et de concepts philosophiques qui justifient le saccage de la planète.Face à la catastrophe qui s'annonce, climatique et sociale, la Franc-Maçonnerie ne devrait-elle pas repenser certaines de ses valeurs et son symbolisme?La Franc-maçonnerie dispose des outils pour le faire. En parlant parfois "au nom du loup" dans le temple, elle participerait au réenchantement du monde.
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Informations
La Franc-maçonnerie actrice
du réenchantement du monde
Redéfinir l’humain et évacuer tout l’excédent de bagages conceptuels accumulé par une attention exclusive à ce qui, erronément je le pense, fait de l’homme un être exceptionnel, voilà peut-être ce que la Franc-maçonnerie pourrait faire pour rendre possible un autre destin à l’humanité.
La Franc-maçonnerie doit choisir : bâtir un temple uniquement pour l’espèce humaine, comme elle l’a fait jusqu’à ce jour ou pour le Monde dans la totalité de ses composantes afin de lui redonner de l’équilibre, de l’harmonie et de la sagesse. Pour cela elle doit rassembler ce que l’humanité a rendu épars et donner d’une manière ou d’une autre une place à la Nature dans le temple, s’en faire le porte-parole, selon sa logique. Ce serait enchanteur d’entendre dans le temple « la structure polyphonique du monde 26» où chaque espèce fait entendre une note différente comme autant de variantes de la pensée vivante.
Certes, cela représente de sa part un profond bouleversement car, de manière générale, la Nature évoquée dans les rituels maçonniques fait plutôt référence à un environnement dompté et anthropomorphisé. Les rituels lui prêtent des valeurs purement humaines comme la force, la beauté, la sagesse ou encore lui affectent des fonctions utilitaires destinées aux hommes quand par exemple ils convoquent les quatre éléments pour purifier le profane au cours de son initiation. Pourquoi pas ! C’est efficace, cela parle tout de suite à notre imaginaire, mais il ne faut leurrer personne en laissant croire qu’il est ainsi fait allusion à la nature en tant que telle. Cette dernière me semble absente du symbolisme maçonnique parce que la Franc-maçonnerie participe de la pensée anthropocentrique et anthropomorphique, comme je l’ai écrit déjà en parlant des origines du mal. Dans mon livre « Errances initiatiques 27» j’étais resté sur une première impression insuffisamment réfléchie, j’avais cru voir dans les rituels solsticiaux une ode à la Nature. Interpelé quelques fois à ce sujet par des lecteurs, je les ai relus et consulté de plus près quelques interprétations savantes publiées à leur propos. J’ai dû déchanter. Cependant, j’ai pu, malgré tout, y déceler quelques raisons de ne pas être totalement pessimiste.
En Franc-maçonnerie la nature est celle dont parlaient déjà les romains. Une définition restrictive qui convenait parfaitement au judéo-christianisme et aux « modernes » porteurs des valeurs des Lumières que nous sommes. L’empire romain, dit Philippe Descola, « avait amorcé un futur dualisme radical avec une conception nouvelle du paysage naturel ». Il rappelle que le mot « sauvage » vient de silva. Le monde sauvage est donc la grande forêt européenne non encore domestiquée. Dès lors cet espace, où la loi n’a pas cours, ne peut être habité que par des peuples frustres et barbares. On est à l’opposé de la domus au centre d’une exploitation agricole où les notions de base sont : le dressage, l’éducation, la division des tâches et leur hiérarchisation pour le bon usage du maître. Le « civilisé » est donc toujours le bon et le non domestiqué toujours le méchant. Tacite définit la forêt comme un « extérieur » à Rome dès lors toujours dangereux et sans attrait. Les romains ne voient la beauté de la nature qu’au travers de paysages remodelés. Ils n’apprécient que le charme bucolique d’une campagne où se lit l’empreinte du travail et de la loi et donc exècrent et craignent même ce monde dit barbare où la ligne de partage entre le sauvage et le domestique n’est pas clairement démarquée parce que l’espace non agricole y est en partie annexé au village28. C’est bien de cette nature « civilisée » que nous parlons en franc-maçonnerie.
Dans les rites, le Cosmos, le soleil, la lune, les étoiles, la voûte étoilée, est anthropomorphisé. On pourrait dire en les évoquant la lune est la lune, qu’elle éclaire la nuit et que le soleil est un astre qui transmet chaleur et lumière le jour. Mais la cosmologie maçonnique, issue d’une tradition chrétienne, ne se contente pas de cela et renvoie à « des herméneutiques religieuses et spirituelles 29» et interprète les astres en leur attribuant des vertus, des défauts, des intentions qui relèvent finalement de la nature humaine. Cette approche reste dominante, même dans sa forme laïcisée. Le cosmos est repensé selon des critères et des défis strictement humains. Il ne s’agit pas d’une évocation du réel, mais d’un corpus symbolique essentiellement moralisant. Or, la nature n’est ni bonne ni mauvaise et il ne faut pas la rêver sans hostilité et sans dangers. Elle n’est ni belle ni laide, elle est. Comme l’écrivait Henri Atlan « le réel n’est pas vrai, il se contente d’être 30». Pour les peuples animistes rencontrés par l’anthropologue, les cohabitants de la terre exigent une forme de respect, pas amis, pas ennemis. Ils établissent des relations avec eux mais elles ne sont pas naïves et sont de l’ordre du rituel. Mais le fait de reconnaître l’interdépendance et la nécessité de créer des relations équilibrées de proximité élève leur conception de l’existence. La nature n’a pas de fonction morale, elle n’est ni morale, ni immorale. Il n’existe pas de morale naturelle. La morale ne peut être qu’un produit de l’intelligence et de la conscience des hommes.
Est-il étonnant que le symbolisme maçonnique soit anthropocentriste ? Bien sûre que non car tout langage symbolique est partie intégrante de la vie sociale. Le symbolisme des temples n’est dès lors pas totalement spécifique. Une pensée n’est jamais isolée. Ce symbolisme est donc un mode d’analyse non exclusif des autres. Il est porteur d’un message qui ne peut pas être étranger à une morale et à une idéologie dominante, d’autant qu’elles existent depuis des siècles. Marc Halévy31 a raison de rappeler que la Franc-maçonnerie est la fille d’une tradition inspirée de la Bible. Ses sources bibliques sont essentiellement le Livre des rois, les Chroniques de la Bible hébraïque et le livre de l’Exode. Certes, en Belgique et en France la grande majorité des obédiences a adhéré au courant rationaliste, se détachant du caractère religieux des pratiques rituéliques mais il n’empêche que ces maçonneries n’ont pas pour autant tourné le dos à un symbolisme et à une structure mythique, partagés par toutes les maçonneries du globe dont les sources demeurent bibliques. Or, nous connaissons toute la charge anthropocentrique de la Bible. Il y a bien eu, au 19ième siècle des débats sur le maintien d’un symbolisme jugé contraire à la raison et au progrès mais ces débats n’ont pas abouti à sa suppression. Cela n’aurait d’ailleurs rien changé quant à son anthropocentrisme. Au contraire peut-être car ce courant rationaliste radical avec ses tendances scientistes a réduit la raison à une logique instrumentale et figée. Il n’a fait qu’amplifier l’œuvre de désenchantement du monde, n’attribuant des fins qu’à l’homme. Dès lors conjuguant l’héritage biblique et l’héritage rationaliste, il était improbable que la Franc-maçonnerie ne rompe avec le dualisme.
Le temple de Jérusalem est la réplique de la tente de la Rencontre, premier sanctuaire des hébreux utilisé lors de leur pérégrination nomade pendant les 40 années passées dans le désert. Cela m’évoque le tapis de loge des ateliers maçonniques dont la fonction était de reproduire le temple sur un morceau d’étoffe qui pouvait être déroulé n’importe où, les maçons se réunissant une fois dans une taverne, une autre fois dans la demeure d’un frère, afin de transformer par cet acte un lieu profane en temple maçonnique. Le lien avec le christianisme est flagrant précisément dans les rites solsticiaux. Les premiers maçons ont trouvé dans l’évangile de Jean, des évocations proches des significations qu’ils souhaitaient donner à leurs rites. Je pense à la valorisation de la lumière, au mouvement ascendant et descendant du soleil. On peut retenir aussi cette phrase attribuée à Jean le baptiste : « il faut qu’il croisse et que je diminue ». Les rituels solsticiaux reposent, personne ne le contestera, sur deux piliers : un pilier naturel, celui de l’évocation des rythmes saisonniers et un pilier religieux, celui des fêtes de la Saint-Jean, issues elles-mêmes des fêtes païennes antérieures. Ce n’est d’ailleurs pas la seule évocation de Jean en maçonnerie, au tuileur qui interroge le visiteur, celui-ci répond à la question « d’où viens-tu ? », « d’une loge de Saint-Jean ». Ces deux piliers ne s’ignorent pas, il est clair que la référence religieuse exploite le premier pilier pour prendre plus de force et rendre plus efficace son message moralisateur. Nous voilà donc, dès l’origine, en plein anthropomorphisme.
Pour ne pas désespérer il faut se saisir, protéger et renforcer le lien ténu et presque invisible entre la maçonnerie et la nature cachée derrière quelques décors et caricatures anthropomorphiques. Il se pourrait ainsi qu’une pleine lumière soit faite sur la relation de l’homme certes avec cette nature transformée mais surtout avec tout le Vivant en tant que tel. Car mon propos n’est pas l’expression d’une volonté de renoncer aux aspects symboliques de notre mythologie maçonnique. Que la maçonnerie soit anthropocentriste du fait de sa filiation et de son histoire n’est pas une catastrophe en soi, il ne s’agit pas de le renier mais de le dépasser et d’aller un pas plus loin par une ouverture de la définition de l’humain. Que ses rites soient anthropomorphisés n’est pas non plus un drame, la méthode qui consiste ainsi à symboliser des valeurs au travers de ce qui constitue finalement notre environnement familier est une belle démarche qui a une fonction éthique et sociétale, il ne s’agit donc pas de renoncer à la méthode mais bien d’utiliser précisément sa force évocatrice pour enrichir son objet par les réalités du vivant au-delà de l’homme. Ma proposition est de ne plus s’adresser et penser qu’à l’homme mais à tous les existants et d’évoquer la nature dans sa totalité et toute sa réalité.
Pour réussir cette mutation il faut se mettre à travailler collectivement à de nouvelles interprétations des symboles pour les « déshomminiser » partiellement si j’ose ce néologisme.
La dramaturgie des solstices qui met en relation, plus directement, des symboles avec la nature et ses manifestations serait un cadre propice à la mutation de la logique anthropocentrique et prométhéenne des rituels maçonniques. Mais, dans l’état actuel des choses, il est faux de dire que les rituels solsticiaux sont des hymnes à la nature. D’abord, elle y est moins louée que crainte. Ce qui domine c’est l’évocation des peurs et des angoisses qui étreignent les hommes face à des événements naturels qu’ils ne maîtrisent pas et cela à des fins, comme dans la morale des fables, de valorisation de leur labeur, leur courage, leur créativité. Je cite ici un exemple de texte que l’on retrouve dans certains rituels : La lumière décline. C’est le temps du repos. Les blés sont rentrés, les fruits sont mûrs, les vendanges sont terminées mais la nuit devient menaçante ! L’angoisse nous saisit. Nous nous sentons seuls et désarmés dans cet hiver sans lumière. Et un autre : Sous l’âpre manteau de l’hiver, germent les semences des récoltes prochaines. Il est à noter qu’il n’y a aucune référence à une autre espèce animale que celle des êtres humains et que les espèces végétales évoquées relèvent toutes d’une agriculture assurant la nourriture de l’homme. C’est en fonction de celle-ci d’ailleurs que l’on craint les manifestations non maîtrisables de la nature. Voici comment il en est parlé souvent dans la littérature maçonnique : « Faibles, démunis, menacés par les intempéries, les fauves, les fièvres, les premiers hommes, animés de leur seule intelligence balbutiante, s’apprêtaient à mener un combat héroïque qui leur assurerait, au bout de quelques siècles, la maîtrise de la nature et, peut-être celle de l’univers… Très tôt, ils utilisèrent ces luminaires célestes (Soleil et lune) pour exprimer leur vision du monde ». Pas moins que cela, la nature, les arbres, la faune sauvage, les bisons d’Amérique, le monde sauvage d’Europe et d’Afrique auraient dû se méfier de petit bipède chétif et à peine intelligent, selon l’auteur du texte, pardonnez cet anthropomorphisme !
Il y a heureusement d’autres textes qui sont plus ouverts, plus sages que ces envolées guerrières et ridiculement héroïques.
Le feu, un des quatre éléments, occupe une place centrale dans ces rituels. Les feux font références à ceux de la Saint-Jean, allumés selon diverses mises en scène dans le but de faire revenir la lumière et de combattre les ténèbres. C’est une attitude prométhéenne. Je citerai à cet égard encore une fois mon ami Yves, le philosophe. Il disait : « Dans « Le Voile d’Isis » un très beau livre consacré à l’histoire de l’idée de nature en Occident, l’historien de la philosophie hellénistique Pierre Hadot, distingue deux attitudes adoptées par l’homme occidental dans ses rapports à la nature. La première est associée à Prométhée, ce Titan qui subtilisa le feu aux dieux afin d’améliorer la condition des hommes ; la seconde se réfère à Orphée, ce héros de la mythologie grecque qui cherchait à percer les mystères de la nature par la séduction, le rythme et l’harmonie. L’attitude prométhéenne poursuit le même objectif, mais par la ruse et la violence. Elle est inspirée par l’audace, la curiosité sans limites, la volonté de puissance, et la recherche de l’utilité. L’attitude orphique est au contraire guidée par le respect et par le désintéressement. L’homme « prométhéen » revendique un droit de domination sur la nature alors que « l’orphique » se laisse fasciner par son spectacle en respectant son pouvoir d’enchantement. Ce que montre Pierre Hado...
Table des matières
- Dédicace
- Indication
- Sommaire
- Qui parlera au nom du loup ?
- Les origines du mal
- De l’anthropocentrisme à l’anthropomorphisme
- Réenchanter le monde
- La Franc-maçonnerie à l’heure de l’anthropocène
- La Franc-maçonnerie actrice du réenchantement du monde
- Retour aux sources
- Bibliographie
- Remerciements
- Du même auteur
- Page de copyright