Pour un développement de l'approche psychosociale dans les projets de solidarité internationale
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Pour un développement de l'approche psychosociale dans les projets de solidarité internationale

Retours d'expériences au Rwanda

  1. 144 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Pour un développement de l'approche psychosociale dans les projets de solidarité internationale

Retours d'expériences au Rwanda

À propos de ce livre

L'approche psychosociale s'est déployée dans la coopération internationale à partir des années 1990 et principalement depuis le génocide de 1994 au Rwanda. Au début des années 2000, des acteurs de la solidarité internationale prennent conscience qu'il ne faut pas se focaliser sur les besoins primaires sans tenir compte d'une approche psychosociale globale à différents niveaux (auprès des communautés, des familles et des individus) afin de contribuer à la reconstruction de la société. En effet, intervenir dans des contextes fragilisés suppose de penser au-delà des solutions techniques en prenant en compte les blessures psychologiques qui ont des conséquences importantes et à long terme sur l'ensemble de la vie politique et sociale. Soutenir l'éducation, la santé et le développement économique dans un pays meurtri, suite à un conflit ou une catastrophe naturelle, requiert un soutien des ressources locales. Toutefois, une pluralité de facteurs peut venir mettre à mal les capacités d'une population cible. Aujourd'hui, même si le postulat de l'Organisation Mondiale de la Santé et d'un grand nombre d'ONG est que la composante psychosociale doit se penser et s'insérer dans les opérations d'urgence et les projets de développement, il s'avère que la prise en compte de cette composante reste partielle et ne fait pas l'objet d'un plan d'action global et commun aux organisations humanitaires. A travers ce livre, Vanessa Robin étudie dans un premier temps le processus d'intégration de l'approche psychosociale dans les pratiques humanitaires en tenant compte des spécificités du contexte, de la participation des communautés et de l'intervention des acteurs internationaux, pour ensuite évaluer les impacts des interventions psychosociales mises en oeuvre dans un contexte précis, celui du génocide au Rwanda. L'intérêt pour le sujet de ce livre trouve son origine dans le parcours professionnel de l'auteur qui s'est inscrit à la fois dans le champ de l'action sociale et de la protection de l'enfance, mais aussi dans le secteur de la solidarité internationale.

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Informations

Année
2016
Imprimer l'ISBN
9782322041794
ISBN de l'eBook
9782322021697

I. Le processus d'intégration de l'approche psychosociale dans les pratiques humanitaires

Prendre en charge les traumatismes des populations et œuvrer à l'amélioration du vivre-ensemble supposent une approche spécifique dans les pratiques humanitaires. L'approche psychosociale, qui vise à soutenir et aider les populations en situation de fragilité et de vulnérabilité, s'inscrit dans un processus global qui doit tenir compte du contexte (politique, économique, social et culturel), de la participation des communautés et de l'intervention des acteurs internationaux.

A. Le cadre conceptuel de l'approche psychosociale

1. L'impact social et psychologique des crises sur les populations
Aujourd'hui, les crises humanitaires sont à la fois multidimensionnelles et complexes. L’ampleur des crises et des besoins humanitaires est exponentielle, tout comme la réponse humanitaire internationale. Ces dernières années, des millions de personnes ont été touchées par trois crises de grande ampleur très différentes les unes des autres : en République centrafricaine, aux Philippines et en Syrie, chacune correspondant à l’état d’urgence maximal défini par l’ONU (niveau 3)5. A ce jour, en 2015, les Nations-Unies ont relevé à son maximum le niveau d'urgence humanitaire dans quatre pays : au Yémen, en Irak, en Syrie et au Soudan du Sud. Ailleurs, d’autres crises perdurent mais elles sont moins médiatisées à l’échelle internationale, notamment en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Somalie, en Birmanie, etc. En 2015, dans le monde entier, le nombre de personnes déplacées a atteint un niveau sans précédent, totalisant 33,3 millions d’individus, tandis que le nombre de réfugiés s’est élevé à 16,7 millions6.
Ces crises peuvent être d'origine naturelle (tremblement de terre, sécheresse) ou d'origine humaine (conflit armé). Selon Josse et Dubois, « une crise est une situation aiguë, difficile à gérer, ayant des conséquences importantes et durables […] elle constitue une mutation d'un état, d'un moment ou d'un type d'organisation à un autre, par exemple d'une situation stable ou critique à une situation catastrophique. La crise est donc un bouleversement désastreux de la situation antérieure »7. Les auteurs exposent les critères suivants pour définir une crise humanitaire : la détérioration rapide et importante de la situation ; les nombreuses victimes ou nombreuses personnes en danger de mort ; la singularité et l'ampleur de la crise plonge la population dans une situation de détresse importante, les destructions matérielles substantielles ; les incapacités ou les grandes difficultés des responsables institutionnels à gérer la situation.
Une crise entraîne des bouleversements importants sur la population qui est au cœur de la situation, elle perturbe les mécanismes psychologiques et sociaux. Une situation de crise affecte l’individu, la famille, la communauté. Elle met les populations civiles en situation de danger et/ou dans l'incapacité de répondre à leurs besoins vitaux.
En outre, l'impact psychosocial des crises humanitaires se traduit par des problématiques psychologiques et sociales au niveau individuel et collectif. On constate une augmentation des problèmes sociaux (déstructuration sociale, augmentation de la violence basée sur le genre), de la détresse psychologique (deuil, angoisse), des troubles psychiques (dépression, trouble de l'anxiété, psychose) et des difficultés individuelles à conduire ses activités quotidiennes. Au niveau individuel, l'impact psychosocial de la crise se caractérise par l'incapacité de l'individu à répondre à ses besoins primaires, à se concentrer, à trouver des solutions aux problèmes de tous les jours, à interagir avec les autres. Au niveau collectif, les repères, les rituels, les liens communautaires et sociaux sont transformés en raison de la crise elle-même, mais parfois aussi du fait de certaines interventions humanitaires qui ne tiennent pas compte, par exemple, de la hiérarchie communautaire. Ces transformations entraînent l'affaiblissement des structures communautaires et des mécanismes traditionnels de soutien. La déstructuration sociale ne permet plus aux communautés de s'appuyer sur leurs propres leaders et sur les liens sociaux pour organiser la reconstruction. Aussi, le manque de lieux de culte et de chefs religieux peut retarder ou annuler les rituels religieux ou les funérailles alors qu'ils participent à l'élaboration du deuil personnel et collectif.
L'impact psychologique est variable selon le type de la crise, qu'elle soit d'origine naturelle ou humaine.
Une catastrophe naturelle sera le plus souvent vécue comme étant la manifestation d'une force destructrice impersonnelle ou d'origine divine et mobilisera plus facilement les populations pour la reconstruction du pays. Pour exemples : la responsabilité des inondations du fleuve Kosi en Inde, en 2008, est attribuée à une déesse en colère ; suite au tsunami de 2004, beaucoup d’habitants d’Aceh en Indonésie ont pensé qu’Allah les avait punis d'avoir autorisé le tourisme ou les forages pétroliers ; en Afrique de l’Ouest, où le mont Cameroun entre en éruption régulièrement, un chef de village s’est fait l’écho des croyances de nombre de personnes en disant : « lorsque le dieu des montagnes se met en colère, il déclenche une éruption». Pour autre exemple, en Haïti, où la religion joue un rôle crucial dans toutes les sphères de la vie haïtienne (y compris la politique, la morale et la santé), un archevêque de Port-au-Prince déclare :
«On se considère comme fortunés. Les temples vaudous ont mieux résisté que les églises et la cathédrale. Ils sont toujours debout. […] La nature a remis les choses à flot en nous frappant. […] Le Vatican et les grandes puissances occidentales se sont ligués pour que les chrétiens travaillent à l'effacement du vaudou, la religion des origines. Tout cela doit changer. Le tremblement de terre marque le début d'une nouvelle ère »8.
Un conflit va confronter l'individu à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité, ce qui engendre davantage de terreur endémique et des sentiments tels que la méfiance, la haine, l'impuissance ou encore la culpabilité. On peut prendre pour exemple les Palestiniens vivant dans les Territoires occupés pour illustrer une situation qui entraîne des mécanismes de perte (travail, maison), de deuil et de séparation, d'insécurité, de confinement et de limitation (des possibilités de mouvements, de construction). Ces mécanismes entravent le vivre-ensemble et se heurtent au repli sur soi, ce qui ne favorise pas la mobilisation collective.
L'impact social peut aussi être différent selon la crise. La solidarité et le soutien mutuel caractérisent « l'après » d'une catastrophe naturelle alors que le conflit provoque un repli sur le groupe d'appartenance (ethnique, religieuse) vis-à-vis des autres groupes. Pour autre exemple, le rythme lent de la sécheresse peut permettre à une communauté de se préparer à la crise et de trouver des solutions concertées, contrairement à une catastrophe naturelle soudaine tel un séisme.
Au cours de ces dernières années, comme nous le verrons ultérieurement, des acteurs de la solidarité internationale ont pris conscience de l'impact psychosocial individuel et collectif d'une crise humanitaire. Lorsque l’analyse de la crise englobe les conséquences psychosociales sur les populations, elle permet de préciser les dimensions du conflit ou de la catastrophe naturelle et facilite une compréhension globale de la situation de crise. Sans la dimension psychosociale, l’analyse du conflit reste insuffisante. De même, si les interventions psychosociales excluent les dimensions économiques, sociales, culturelles et politiques, leur réussite et leur durabilité seront limitées. Les questions suivantes peuvent alors se poser : Pourquoi des anciens combattants du Salvador exploitent-ils mal leur terre en dépit de la formation agricole dont ils ont bénéficié et finissent par la perdre à nouveau? Pourquoi des femmes qui ont pris les armes et exercé un rôle important au Kosovo renoncent-elles, à la fin de la guerre, à toute activité sociale pour se retirer dans leurs foyers ? Pourquoi voit-on augmenter la violence intrafamiliale à Gaza ?
Rappelons que le terme « psychosocial » est une jonction entre le psychologique et le social, l'intime et le public. L'approche psychosociale doit être globale, elle s'inscrit dans un environnement. Aussi, dans un contexte de crise, les acteurs humanitaires doivent tenir compte des personnes, non pas seulement comme « un corps à soigner » mais comme des entités humaines évoluant dans un environnement. Environnement dans lequel les individus doivent interagir, c'est-à-dire participer à leur propre reconstruction et au relèvement de la société.

2. La participation des communautés à leur propre reconstruction

La recherche du bien-être des populations est au fondement de l'approche psychosociale. Pour parvenir à ce bien-être, le soutien psychosocial doit s'appuyer sur les ressources communautaires. Pour ce faire, il s'agit de faire immerger les capacités des personnes en les soutenant dans leur participation à la vie sociale. Ces constats inscrivent le soutien psychosocial dans l'approche des « capabilités », selon Marie GARRAU et Alice LE GOFF, qui traduisent la liberté que les individus ont « d'accomplir des fonctionnements, combinaisons d'états et d'actions qui vont du plus élémentaire (avoir de quoi manger, être en bonne santé) au plus complexe (être heureux, participer à la vie de la communauté) et qui constituent le bien-être »9.
Le seul apport de biens matériels ou immatériels (eau, nourriture, argent, éducation, formation) ne peut suffire et ne garantit pas le bien-être. Et en l'absence de soutien de ces capabilités, l'implication de la communauté, recherchée dans les projets, ne pourra être optimale. Ainsi, dans l'élaboration et la mise en œuvre d'un projet, il s'agit de s'interroger sur la façon d'assurer la mise en capacité des populations cibles et sur les moyens à proposer pour parvenir à une pleine participation des personnes.
L'absence de moyens pour le développement des capacités des personnes peut être illustré à travers un projet de la Croix-Rouge Française (CRF) au Cambodge en 200410. La CRF avait mis en place un service de soins à destination des adolescents atteints du VIH/Sida dans un centre hospitalier pédiatrique à Phnom Penh mais les taux d'adhérence au traitement antirétroviral étaient très faibles. La prise en charge se limitait alors à une consultation avec un médecin qui expliquait à l'adolescent comment se déroulait la prise et le suivi du traitement. En 2008, les limites de ce projet sont apparues et la CRF a décidé de renforcer l'équipe de soins en y intégrant une psychologue qui avait pour mission de former et d'accompagner le personnel soignant pour le convaincre que le public cible n'avait pas uniquement besoin du traitement antirétroviral mais qu'il devait être pris en compte dans sa globalité (au sein de sa famille et de son environnement social) pour comprendre ce que représentait la maladie et les conséquences sur sa vie. Par la suite, des activités psychosociales, telles que des groupes de paroles, des espaces ludiques et artistiques, un accompagnement des familles, ont permis aux adolescents et à leurs familles de mieux comprendre la maladie et d'aller vers le soin. En 2010, une enquête auprès des adolescents et de leurs familles a été réalisée et a permis de mesurer les effets positifs de ces activités psychosociales : 95 % du public cible considérait que ces mesures avaient constitué un apport positif pour eux et avaient contribué à leur bien-être, 84 % des parents ont constaté une réelle évolution du comportement de leur enfant. Cet exemple montre que la mise en place d'un centre de soins ne suffit pas pour que la population cible adhère au traitement proposé et qu'il est important d'agir sur les représentations et sur les capacités des personnes pour atteindre les objectifs du projet.
Délivrer une quantité de biens répondant aux besoins vitaux des populations ne garantit en rien leur bien-être et peut même aboutir à des situations d'échec si le projet ne tient pas compte de l'environnement social et culturel d'une population cible.
Pour illustrer ce constat, nous présentons un autre exemple, celui d'un projet de construction en Haïti après le séisme de 2010. Lorsque l'ONG GRET11 est intervenue à Haïti dans le cadre d'un projet d'appui à la reconstruction et à l'aménagement d'un quartier de Port-au-Prince, elle a constaté que des abris, construits par une autre ONG suite au séisme, n'étaient pas habités. Les habitants refusaient d'y entrer et d'y vivre car il n'y avait qu'une porte alors que dans l'habitat t...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Préface
  3. Introduction
  4. I. Le processus d'intégration de l'approche psychosociale dans les pratiques humanitaires
  5. II. La traduction de l'approche psychosociale au Rwanda
  6. Conclusion
  7. Bibliographie
  8. Page de copyright