III - Musulmophobie dans son origine ontologique
A - La réalité musulmophobe
Un débat pourrait s’animer et intéresser les Sciences humaines [histoire, anthropologie, ethnologie, sociologie, psychologie, etc.]. Suffit-il, pour situer le musulman, de le placer, simplement, en tête de la problématique mondiale, en lui accordant cette spécificité parce qu’il se trouve doté d’une croyance monothéiste, caractéristique qui le distingue de tous les autres peuples et nations de la planète ?
Cette thèse trouve un appui empirique, accessoire mais non négligeable, dans la mesure où le musulman conçoit l’ordre de l’Univers et la vie organique comme ayant une portée expressive et signifiante. Cette manière de voir implique, par exemple, que l’on ne fasse pas de la raison d’être du musulman une notion statique, ni non plus que l’on cherche à l’isoler de l’Histoire. Le sens de la raison d’être du musulman semble être lui-même historique et s’avère solidaire de la notion de finalité. L’idée que le musulman est en constant devenir n’est donc aucunement le privilège de la seule problématique de son existence organique ou biologique.
Il nous faut constater que le musulman porte toutes les marques de la conviction et de la confiance en une finalité de l’existence et que la vie n’est qu’une étape d’un objectif ultime, eschatologique : l’au-delà ! La foi en une conviction pleinement autonome le conduira consciemment à opérer une véritable mutation de la vision qu’il se fait de lui-même et du monde qui l’entoure, et c’est là qu’il devient très gênant. Il est banal de déclarer que le rationalisme, après avoir identifié la musulmophobie au niveau de la conscience de soi, admettra celle-ci chez le musulmophobe, frappant de ce fait de discrédit ou réduisant tout ce qui, en lui, ne saurait manifestement relever ni de l’une, ni de l’autre.
L’essentiel serait sans doute que ce que l’on dépeint comme étant la vision rationaliste de la musulmophobie et du monde vienne à imposer une conception de sa vérité et de sa réalité. Ce savoir, qui est authentique certes, mais qui rompt toutes les amarres avec l’ordre du politiquement ou du socialement correcte. Par expérience le rapport à celle-ci, fait que cette vérité et ce savoir deviennent méconnaissables, sans que cela soulève des protestations effectives ou des contestations virulentes, ce qui du point de vue morale sont le succès et une résistance de l’humanité, au sens de ses valeurs.
La réduction phénoménologique23 du musulman est celle qui invite à le retrouver dans son origine historique et anthropologique en le libérant de la gangue des préjugés et des théories qui nous le masquent. Cette exigence et ce reproche s’adressent en premier lieu à la tradition qu'établit la musulmophobie.
Le musulmophobe a une problématique du monde, entendons du monde où le musulman habite, auquel il existe et qui est pour lui l’endroit et peut-être la limite de toute sa présence. Ainsi s’explique la certitude du musulmophobe, mesure de toute vérité, et, finalement, de toute réalité. Ce système de représentations installe ou plutôt confirme manifestement le primat absolu de la pensée musulmophobe.
Ce primat réduit l’existant [musulman] à ce qui peut être perçu par cette pensée musulmophobe. Que la musulmophobie soit aussi la fondatrice d’un repli de l’existence, d’une intériorité close entièrement isolable, sans consistance matérielle, c’est vouer le musulmophobe à un exil qui risque d’être définitif. Cet exil est corrélatif d’une impossibilité à occuper et cohabiter physiquement le monde avec le musulman !
Sur le plan ontologique, l’existence du musulman n’est que le corollaire de la subsistance du musulmophobe. Le premier dote le second d’un statut qui le rend, en quelque sorte, vivant et autonome. Cela ne veut pas dire que ce dernier songe à lui préserver un destin des plus heureux.
L’impératif catégorique et l’action morale restituent au musulman, comme à tout individu, une dignité inaliénable, dignité que nul, certes, ne lui conteste explicitement, mais dont on aperçoit les prémices musulmophobes. La musulmophobie instaure un monde, auquel elle cherche à donner consistance. Ce monde, pourtant, éminemment immoral reste ancré dans la conscience et va s’implanter dans les temps à venir.
Ce succès de la musulmophobie tient à ce que la vocation de la moralité ne change rien à l’absolue nécessité de penser musulmophobe. C’est un déterminisme psychophysique auquel tout le monde est confronté et qui représente la constante domination, inhérente à l’homme et auquel il n’y a pas de bornes qui limitent son existence.
Il est évident que l’anthropologie implicitement et explicitement présente dans pareille ontologie retourne radicalement les positions immanentes de la musulmophobie et le monde telles qu’elle les avait jusqu’ici marqué à l’époque moderne.
Au lieu que la musulmophobie se trouve isolée et en voie d’exil progressif d’un monde et, parlà, rejetée sur une subjectivité purement intérieure et coupée de tout lien immédiat à autrui et aux choses ; elle se cramponne désormais au centre d’un monde, jusqu’en son tréfonds pour devenir un lieu, un enjeu et une matière première et peut-être devenir la constitution d’un discours universel et concret.
En effet, il n’y aura vraisemblablement pour le musulman d’autre accès à son savoir que celui qui sera tracé par la méthodologie de la musulmophobie !
Établir la parfaite coïncidence de l’intériorité et de l’extériorité, de la subjectivité et de l’objectivité, en chacun et pour tous les musulmophobes, ne saurait constituer le discours de l’esprit absolu, mais doit faire en sorte que la praxis ouvre la voie permettant à tout musulmophobe de se reconnaître et d’être reconnu par les autres dans l’ouvrage dont résulte son action ; ouvrage conquis sur l’Autre en décidant par cela à devenir musulmophobe. Grâce au labeur d’une telle opiniâtreté, le partisan n’obtiendra cette conquête qu’en se faisant musulmophobe à son tour.
Si la tâche essentielle est, en effet, de restituer la musulmophobie à son corps et à son monde, cette tâche ne peut se réaliser que par et sur un musulman dominé, et qui décrépit au lieu d’évoluer. Or la musulmophobie - et la musulmophobie seule - est en mesure de garantir cette domination dont elle est l’inéluctable moyen.
Mais, du coup, le musulmophobe est reconduit à l’impasse. L’histoire des adeptes de l’Islam, les musulmans, comme celle de leur politique et de leur culture, en offre l’incessante confirmation. L’évidente convergence des fins entre leurs anciens adversaires de leur propre nation, d’une part, et les sociétés voisines les plus belliqueuses, même au temps le plus actif et le plus sinistre du Colonialisme ; d’autre part, les musulmophobes n’ont pu réduire au silence les musulmans. Ces événements historiques fournissent autant de preuves tangibles.
Cependant, la musulmophobie demeure toujours aussi vivace et resurgit, à intervalles réguliers. Elle rencontre toujours une résistance avec l’explosion d’une spontanéité tenue toujours davantage en suspicion, mais à qui bientôt ne débouchera pas sur d’autre issue que l’alternative entre des conflits incontrôlés et une oppression bureaucratique autoritaire et technocratique.
Le chaos est souvent corollaire de la musulmophobie, un chaos qui voudrait se dissimuler de soi-même dans l’impuissance triomphale d’un laxisme ou l’aveuglement de la violence. Quoi qu’il en soit, le musulmophobe enclenche un processus qui ne peut que lui échapper ; c’est le point de non-retour !
1 - Genèse de la musulmophobie
Le XXIe siècle n’est qu’une maturation relativement lente de ces problèmes liés à la musulmophobie. La science, après que se fut éteint l’éclat tyrannique ecclésiastique, semble démissionner. Ou bien, avec la mondialisation [ou la globalisation], elle participe, du moins elle est indifférente à la vérité. Les options de l’avenir proposent aux musulmophobes une société confiée à la direction des démagogues, des banquiers et des sociétés secrètes !
Ou bien la musulmophobie s’empêtre dans les inextricables apories épistémologiques. Soit qu’elle réduise le musulman à un épiphénomène d’une réalité dont elle devra livrer les ultimes secrets, sans d’ailleurs apercevoir l'étonnante contradiction entre les thèses soutenues. Soit, au contraire, qu’elle le cantonne dans l’imprenable mais dérisoire bastion d’une subjectivité, maîtresse, certes, d’une illusion certaine, mais d’une illusion qui a la faculté de dépouiller l’universel.
Entre-temps, la méthodologie scientifique cherche, avec une irréfutable logique, à s’imposer et à s’opposer aux thèses musulmophobes. La sociologie se caractérise comme une physique sociale, et la psychologie, après quelques hésitations tâtant son objet propre, devra, en essayant de se distinguer nettement, dans l’étude de la musulmophobie du comportement ou musulmophobie comportementale et des lois qui règlent l’organisation des diverses composantes de celle-ci. Toutes deux, sans omettre le substantiel soutien que leur procurent l’économie et l’histoire, parviendront à enclore la musulmophobie. Encore faut-il que l’on songe à dégager son esprit et son cerveau de l’étau rigide de la musulmophobie et de sa série de conditionnements.
Ces sciences s’accordent, parfaitement et pour l’essentiel concernant les idéologies musulmophobes, aboutissant aux même affirmations : la musulmophobie n’est qu’un leurre de l’intériorité ; la véracité du musulman est indissociable de sa constitution mentale, de son milieu, de son éducation, de ses réalités socioéconomiques qu’il doit affronter, etc.
L’effet de ses actes réside dans leurs causes et non dans leur signification ; et la finalité, et il y en a une, n’est prise en considération que dans la mesure où elle se laisse ramener à des causes. Celles-ci peuvent difficilement se concevoir et encore moins être appréhendées par une raison musulmophobe. Partout, la vérité, si du moins on puisse l’atteindre à son niveau ultime, se découvre être immuabilité et rapport de forces.
Toutefois, la problématique qui vient d’être esquissée ne se développera dans toute son ampleur que dans le XXIe siècle, à un moment où la globalisation, système où les intérêts internationaux d’une poignée de décideurs, qui au nom de la Liberté et de la Démocratie - notions ô combien insignifiantes pour les miséreux des continents sous-développés et des populations laborieuses du monde industrialisé - instaurent le terrorisme et le confondent avec le musulman.
Ce type de musulmophobie ou « musulmophobie d’Etat » appartient déjà au passé. Il ne semble pas que leur message en vienne jamais à dépouiller toute l’ambiguïté déjà liée à ce type de notion. En effet, la musulmophobie d’Etat à l’instar de la musulmophobie classique ou individuelle, se montre fidèle à elle-même, elle rejette toute quintessence du musulman en même temps qu’elle dévoile la morale du ressentiment qui en est issue ou, plutôt, qui est la source de cette antiqintessence.
Cette conduite musulmophobe reflète une idée profonde. Celle où elle proclame intrinsèquement le terrible secret de la mort de son humanisme, le reniement de l’abnégation qui selon elle l’asservissait. Mais la musulmophobie, maîtresse du désordre, du néant, de la fausseté et de toutes les imperfections, incarne dans sa volonté de puissance être la raison elle-même.
Or, ce dogmatisme risque d’instaurer toutes les équivoques du musulmophobe. Car cette vision du monde n’est-elle pas, tout autant que la surabondance mythique, la réalité telle que la découvre le musulman ? L’éternel forme d’idéalisation musulmophobe, qui pour le musulman définit l’être existentiel et qui provoque ou emporte la volonté de nuisance présente en chacun des vivants, ne résout point cette ambiguïté.
L’élan vital, ce déploiement dynamique de la vie du musulman en vue de son propre progrès et de sa pure présence à elle-même, qui combat sans relâche la menace permanente de sa dégénérescence et de son annihilation que lui impose la musulmophobie.
Le musulman conçoit son univers en procédant par paliers, qui sont autant de créations, depuis le plus humble degré de l’instinct, tel celui de l’alimentation ou de la procréation, jusqu’à la communauté accessible à tous et que l'affection unit entre eux et avec Dieu, source et finalité de cette volonté créatrice.
Mais, en même temps que le musulman pense ainsi l’Univers et l’environnement historique, le musulmophobe cherche en toute occasion à saboter son entreprise. C’est parce que ce dernier trouve autant de traces réelles de cette marche vivante et progressive dans son devenir historique, qu’à défaut de la combattre, il la nie.
Telle est sa nature qui est ni de renoncer, ni à laisser un tel succès. Un laisser-aller peut le compromette, risquant à tout instant de faire pencher l'action dans le sens d’un positivisme musulman qu’elle se vouait précisément à éliminer.
Le début du présent siècle a vu mûrir subrepticement l’idée majeure de repenser la condition du m...