L'évolution et le double courant du temps

Un élargissement de l'approche évolutionniste des sciences par une autocritique de la connaissance

Christoph Hueck

• Éditeur: Books on Demand
• Année: 2019
• Imprimer l'ISBN: 9783750415690
• ISBN de l'eBook: 9783750446182
• Édition: 2
• Sujet: Sciences biologiques
• Sujet: Biologie

De nos jours l'évolution de la vie est interprétée, ou bien matériellement en usant de la notion de hasard, ou bien à la façon creàtioniste, comme issue d'un plan divin. Christoph Hueck montre une troisième voie: l'évolution est compréhensible en soi, dès lors qu'on la reproduit activement dans le sens de Goethe, et qu'ensuite on introspecte ce qu'ainsi on a accompli. Le lecteur est donc invité à un introspection de l'idée d'évolution qui passe par quatre étapes, entre les phénomènes en soi et leur essence, et l'être propose des organismes. Ces phases témoignent en même temps de l'appart scientifique de l'anthroposophie. L'introspection permet de faire l'expérience de d´développement organique qui se révèle être un courant temporel double, coulant depuis le passé vers l'avenir, et depuis le futur vers le passé. L'être humain expérimente sa conscience comme étant le théâtre du devenir des mondes, il se regarde soi-même comme l'image archétypale et le but de l'évolution, es les animaux comme des rameaux collatéraux de son évolution. Les piliers de la biologie moderne, la génétique et le darwinisme, apparaissent ainsi sous une lumière nouvelle. Une connaissance scientifique de la nature devient possible qui, au lieu de séparer toujours plus l'être humain de la nature, lui permet à nouveau de s'y unir.

PARTIE II

BIOLOGIE ET DEVELOPPEMENT
GENETIQUE ET EVOLUTION A LA LUMIERE DE L’EXPERIENCE
INTERIEURE

5. «AINSI QUE, MYSTERIEUSEMENT, ME RAVISSAIT LA FORME» - LA
PSYCHE EN TANT QUE PRINCIPE DE STRUCTURATION.

«Ainsi, mystérieusement, me ravissait la forme,

Cette trace de la pensée divine, indélébile,

Qui me transportait à cette mer

Où fluaient des structures sublimées.»¹³²

(Gœthe)

La première partie de ce livre a montré qu’une compréhension du vivant s’ouvre à nous dès lors que nous comprenons qu’il existe, à côté des phénomènes biologiques, une conscience cognitive qui n’est pas simple spectatrice, car elle fournit la scène où se déroule le devenir du monde. La deuxième partie aura à présent la mission de répondre plus précisément à la question de la structure humaine et de son évolution. Existe-t-il une possibilité pour comprendre cette évolution, non pas comme le simple fait du hasard ou bien le déroulement d’un plan divin conçu à l’avance? A côté du darwinisme et du créationnisme, existe-t-il une troisième voie? Comment comprendre le grand nombre des différentes structures animales qui ont précédé l’apparition de l’homme dans l’évolution? Quel est aussi le rôle des gènes et des processus biologiques moléculaires en général? - Demandons-nous tout d’abord comment il est possible de comprendre concrètement la structuration biologique en nous servant des principes déjà acquis.

5.1. Métamérie et structure

L’un des principes formateurs les plus simples est la répétition de parties identiques ou semblables. Depuis la division jusqu’à la reproduction, ce principe se révèle être élémentaire pour tout le vivant. Les animaux primitifs montrent une structuration répétitive dans la forme plus ou moins équivalente de leurs segments (métamères). Adolf Portmann a décrit cette partition métamérisée comme un modèle de base pour la formation animale: «La répétition en rangées successives d’éléments identiques est représentative pour de larges cercles d’animaux apparentés. Les sections corporelles d’un ver de terre ou d’une chenille, l’ordonnancement des muscles du tronc pour un poisson ou une salamandre, sont des exemples familiers.»¹³³ (Fig. 27)

Les structurations métamérisées se retrouvent tout particulièrement dans le développement embryologique. Portmann écrit: «Le rangement d’éléments identiques dans les stades précoces des vertébrés ou des articulés est particulièrement remarquable, même parmi les espèces chez lesquelles l’organisme adule n’en conserve plus aucune trace extérieure. L’ordonnancement en série des ébauches organiques apparaît tout d’abord comme un principe de construction, comme une éventualité d’apprêter le matériel d’édification de manière simple pour l’élaboration de structures corporelles plus complexes… Les stades précoces du développement se ressemblent pour les embryons de poissons, d’oiseaux et pour ceux de l’homme dans beaucoup d’aspects généraux du plan de construction; celui des araignées, des insectes et des écrevisses se ressemble étonnement.»

Figure 27: Division corporelle métamérisée chez les lançons et chez une
salamandre terrestre (Portmann).

Portmann découvre alors que «pour certains animaux, le chemin conduisant de la formation embryologique à l’organisme achevé est relativement simple et direct dans le sens où, dans le corps adulte, certains organes conservent la disposition originelle de leurs parties. Chez d’autres, le chemin apparaît plus complexe, et la formation ultérieure conduit à des divergences significatives par rapport aux stades de développement précoces. Dans beaucoup de ses parties le poisson reste proche du plan de construction de son ébauche, alors que l’oiseau perd très vite toute ressemblance extérieure avec les stades précoces communs aux deux formes… Ces deux chemins de développement différent nous donnent ainsi une possibilité d’ordonner les structures, ils constituent l’une des bases importantes de la séparation entre les types inférieurs et les types supérieurs.»¹³⁴ Dans une première approche nous pourrons donc dire: plus l’organisation d’un animal est simple, plus il conservera une ressemblance avec la division métamérique de la forme embryonnaire, et plus cette organisation est élevée, plus il s’en éloignera. Gœthe, lui aussi, avait clairement reconnu ce principe morphologique: « Plus un être est imparfait, plus ses parties sont semblables et ressemblent à la totalité; plus un être est parfait, plus ses parties sont différentes entre elles. Dans le premier cas la totalité ressemble plus ou moins aux parties, dans le deuxième cas elle leur est dissemblable. Plus les parties se ressemblent, moins elles sont subordonnées entre elles. La subordination annonce un être plus parfait.»¹³⁵

Figure 28: Métamérie et niveau de développement. Gauche: Pour les nageoires des poissons primitifs, l’ordonnancement métamérique embryologique de ses éléments (nerfs, muscles, squelette) est largement conservé. En haut à gauche: ébauche embryologique des nageoires, A: nageoire pectorale d’un poisson cartilagineux du Dévonien, B: nageoire pectorale d’un requin actuel, C: nageoire d’une raie.

Figure 28 droite: L’ébauche embryologique des membres des vertébrés terrestres est semblable à une nageoire. Elle donne généralement naissance à une extrémité à cinq rayons (en haut à droite). L’oiseau montre encore nettement la trace de cette main (A); chez les oiseaux les plus anciens du Jurassique on distingue encore trois doigts griffus (B). Les squelettes des oiseaux actuels naissent à la suite d’une modification secondaire (C). (Portmann¹³⁶)

La structure métamérisée se reconnait nettement, aussi dans le célèbre tableau d’embryologie d’Ernst Haeckel (Fig. 29). Ce tableau montre de manière vivante la partition des stades embryologiques de vertébrés, visible avant tout au niveau de l’ébauche de la colonne vertébrale et aux poches pharyngiennes sous les yeux.¹³⁷

Pour les organismes supérieurs, la division métamérisée sera remaniée au cours de l’ontogénèse par le principe formateur de l’ensemble de l’organisme. La phylogenèse, elle aussi, passe des structures plus simples et rythmées des poissons, aux structures différenciées des oiseaux et des mammifères. L’ontogénèse, de même que la phylogénèse, montrent une intégration formative progressive des structures métamérisée de départ. Finalement cette réorganisation se retrouve aussi à la base d’autres processus formateurs biologiques, telle que la main à cinq rayons des vertébrés terrestres à partir de nombreux éléments cartilagineux de poissons archaïques, ou bien la formation de la mâchoire des mammifères à partir des rangées dentaires homodontes de reptiles primitifs. Il y aura toujours une différenciation, une spécialisation d’éléments tout d’abord semblables, avec souvent une réduction de leur nombre, puis une intégration dans la totalité d’une structure d’un rang supérieur. Cette relation est aussi appelée la loi de Williston.¹³⁸ La figure 36 en montre différents exemples.

Figure 29: Métamérie et structuration - Le célèbre tableau d’embryologie
d’Ernst Haeckel (de gauche à droite poisson, salamandre, tortue, poule, cochon,
bovin, homme).

Figure 30: Quelques exemples de différenciation et d’intégration de
structures métamériques au cours du développement organique. Les trois
figures inférieures montrent des différenciations à partir de structures
métamériques de départ phylogénétique – ment plus anciennes, vers des
structures intégrées altérieures. Du lançon (gauche) au squelette des
mammifères; de la mâchoire d’un poisson archaïque (Sauripterus) à la
main humaine; de la rangée dentaire homodente des reptile archaïque à la
mâchoire des mammifères. Pour les vertébrés et les insectes, on trouve à
gauche des stades embryologiques, et à droite des organismes adultes.

Les organismes complexes les plus anciens de la faune d’Ediacara et de Burgess-Shale, qui se développèrent bien avant les lignées zoologiques actuelles, montrent dans leurs structures les plus primitives, des métaméries étonnantes. (Fig. 31)

Figure 31: Structures métamériques d’organismes vieux de 600 à 500
millions d’années¹³⁹ de la faune d’Ediacara (en haut). Il s’agit
d’organismes à corps mou dont les empreintes furent découvertes dans
les sédiments de la colline sud-africaine d’Ediacara (droite en haut). En
bas: animaux provenant du schiste de Burgess.

5.2. La structure animale à la lumière de l’expérience intérieure

Considérons à présent les processus de la partition numérique et de l’intégration structurelle à la lumière de l’expérience intérieure. Quel est notre vécu intrinsèque lorsque nous approfondissons notre contemplation des répétitions métamériques, au regard de ce qui s’éveille en nous à la vue de structures intégrées dans une totalité?

La métamérie signifie une répétition du semblable. De par son uniformité, les répétitions métamériques sont ressenties dans un certain sens comme assourdies. Notre attention est renvoyée à des processus vitaux qui, de manière rythmique, ont généré les différents éléments. Pour les structures intégrées, notre attention (bien plus éveillée) est dirigée par contre aussi bien vers les détails que vers la structure dans sa totalité, qui est directement vécue comme une unité refermée sur elle-même, et cette unité exprime quelque chose de psychique. Alors que la division métamérique montre des ressemblances avec des modèles de croissance végétales, les structures intégrées expriment nettement une sensibilité et un comportement animal. Une mouche nous étonne par sa vive réactivité et par son caractère éveillé, alors que sa larve reste engourdie dans ses processus vitaux. Combien un mammifère nous apparaît psychiquement différencié en comparaison d’un reptile, et combien la main humaine exprime une sublimation psychospirituelle par rapport à la nageoire d’un poisson archaïque! De même nous considérons la progressive différenciation psychique, «la richesse croissante du rapport au monde» (Adolf Portmann) quand on passe du poisson, pour arriver finalement à l’homme par le détour des amphibiens, des reptiles, des oiseaux et des mammifères (Fig. 32).

Cet aspect psychique (la sensibilité et le comportement) qui s’exprime à travers ces formes, ne devrions-nous pas les considérer comme aussi réels que ce qui nous apparaît physiquement? La science est incapable de nous expliquer de manière convaincante la vie psychique des animaux. Elle nous parle d’excitabilité, de réactions, de régulation en cercle, comme si les êtres qui manifestent ces effets, pourraient tout aussi bien être des machines. Cette science est encore moins à même de saisir la provenance de l’animisme de l’organisme corporel. Comment se fait-il qu’une impulsion électrique au niveau des nerfs céphaliques provoque une réactio...

Table des matières

• Sommaire
• Epigraphe
• Avant-propos de l’auteur
• PARTIE I: L’énigme de la vie et du temps Fondement d’une connaissance scientifique
• PARTIE II: Biologie et développement Génétique et évolution à la lumière de l’expérience intérieure
• PARTIE III: Appendice
• Bibliographie
• Notes sur l’auteur
• Page de copyright