Les jours de pluie

Donovan Bogoni

• Éditeur: Books on Demand
• Année: 2019
• Imprimer l'ISBN: 9782322155972
• ISBN de l'eBook: 9782322243853
• Édition: 1
• Sujet: Littérature
• Sujet: Poésie

Un fragment de mythe sumérien raconte l'histoire de Dumuzi et Inanna. Celle-ci, reine d'en haut, veut renverser Ereshkigal, reine d'en bas, pour étendre son empire. Mais elle échoue. Ereshkigal lui donne une chance: elle pourra retourner dans son royaume si quelqu'un d'autre prend sa place en Irkalla, l'Enfer. Elle y envoie son époux Dumuzi. La soeur de celui-ci, Geshtinanna, lui promet de venir le remplacer la moitié de l'année. Ce poème dramatique raconte la suite. Dumuzi a renversé Ereshkigal, et envoyé un mercenaire chercher sa soeur qui, malgré sa promesse, n'est jamais venue. Une pluie acide, tout au long de la pièce, s'abat sur cet enfer.

DUMUZI

Revenant de l’antichambre, un haut de scaphandre sur la tête. Il
l’enlève.

Je n’ai pas réussi à sortir une goutte

Même là, elle m’espionne, elle m’écoute

Je la voyais fougueuse à travers le vitrail

Et dans l’étranglement de ce lourd attirail

Je fus la proie d’une volonté indicible !

Me disperser en elle, achever cet horrible

Tourment qui me retient, hagard, captif ici

Épouvanté, transi, quand bien même j’ai pris

En main cette prison et que j’en ai vaincu

Le pitoyable couple qui n’osera plus

Me traiter en vassal, oublier qui je suis

Ô oui me délivrer dans cette infâme pluie…

Combien de temps lui faudra-t-il pour la ronger

Cette pierre écarlate de l’Enfer coulé?

Je crois bien, au bruit des fracas, qu’il pleut des âmes

Et que l’amoncellement des vingt-et-un grammes

Fera sourdre l’obscur, fera ployer le toit

Écrabouillera comme une vermine un roi

Il s’assoit sur son trône et regarde le couple au sol qui s’entre-
dévore.

Regardez-vous un peu, mes chers amis geôliers !

Votre gloire est bien loin, et vous ne suscitez

Nulle pitié, à peine un début de dégoût

Et un rire, chez moi, plus noirâtre que vous !

Ereshkigal, ma si belle, tu ne l’es plus !

Ton visage qui pèle et tes yeux pleins de pus

Rendent même insoutenables les souvenirs

Dans lesquels je peux voir tes mains me retenir

En sueur sous ton corps épuisé, extatique

J’aimais ta sœur, oui certes. Mais, si magnifiques

Tes courbes pouvaient la déplanter de ma tête

Et quand j’avais sombré, quand la chose était faite

Je l’aimais plus encore pour t’avoir appris

Ce qui nous amusait des heures dans ton lit

Je me savais, pour toi, rien de plus qu’un esclave

Les litres écumants de ta brûlante bave

Ne creusaient mon torse d’un sépulcre béant

Qu’à défaut de creuser celui de ton amant

Moi, je n’étais qu’un chien, m’y faisant, je l’avoue

C’est lui, et lui seul, que tu voulais comme époux

Mais j’aurais, sans même douter, abandonné

Cette garce incapable de se dévider

Pour y faire un nid douillé à ma descendance

Par sa faute, rien ne prouvera ma présence

Dans ce monde qui roule jusqu’on ne sait où

Cherchant dans les ténèbres du cosmos un trou

Pour s’endormir et cesser de tourner en rond

Ô je suis comme lui ! Mais je pourris au fond

Du puits sans pouvoir, même un instant, m’endormir

Tu me torturais sans vouloir me voir mourir

J’en suis navré. Désormais tu es à mes pieds

Et ton Nergal ne sait même plus qui tu es

Ôte un à un les lambeaux de sa peau noircie

Qui faisaient ses joues, qui recouvrent ses pupilles

Mais c’est en vain. Il ne te verra plus jamais

Ses yeux sont retournés comme un pantin brisé

J’ai presque un début d’attendrissement pour lui !

Quand je songe à tous les coups-bas qui l’ont conduit

Dans cet ici-bas ! Tiens, raconte-nous l’histoire

Un temps

La honte l’a t-elle rayée de ta mémoire ?

Il descend de son trône et tourne autour du c...

Table des matières

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