
- 200 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
L'Orme du mail est un roman de l'écrivain français Anatole France paru en 1897. Il forme le premier volet de la tétralogie l'Histoire contemporaine.
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Informations
CHAPITRE XIV
Quand M. Bergeret entra dans la boutique, le libraire Paillot, un crayon fiché sur l’oreille, rassemblait les « retours ». Il empilait des volumes dont la couverture jaune, longtemps exposée au soleil, avait bruni et subi l’injure des mouches. C’étaient les exemplaires méprisés, qu’il renvoyait aux éditeurs… M. Bergeret reconnut dans les « retours » des ouvrages qu’il aimait. Il ne s’en affligea pas, ayant trop de goût pour souhaiter à ses auteurs préférés la faveur du vulgaire.
Il s’enfonça, comme il avait accoutumé, dans le coin des bouquins, prit par habitude le XXXIIIe tome de l’Histoire générale des voyages. Le livre, relié en basane verte, s’ouvrit de lui-même à la page 212, et M. Bergeret lut une fois encore ces lignes fatales :
« ver un passage au nord. « C’est à cet échec, dit-il, que nous devons d’avoir pu visiter de nouveau les îles Sandwich… »
Et M. Bergeret s’enfonça dans la mélancolie.
M. Mazure, archiviste du département, et M. de Terremondre, président de la Société d’agriculture et d’archéologie, qui tous deux avaient leur chaise de paille dans le coin des bouquins, vinrent à propos se réunir au maître de conférences. M. Mazure était un paléographe de grand mérite. Mais ses mœurs n’étaient point élégantes. Il avait épousé la servante de l’archiviste, son prédécesseur, et se montrait dans la ville avec un chapeau de paille défoncé. Il était radical et publiait des documents sur l’histoire du chef-lieu pendant la Révolution. Il invectivait volontiers les royalistes du département ; mais ayant demandé les palmes académiques et ne les ayant pas obtenues, il commençait d’invectiver ses amis politiques et particulièrement M. le préfet Worms-Clavelin.
Injurieux par nature, l’habitude professionnelle de découvrir des secrets le disposait à la médisance et à la calomnie. Néanmoins, il était d’un commerce agréable, surtout à table où il chantait des chansons à boire.
– Vous savez, dit-il à M. de Terremondre et à M. Bergeret, que le préfet va voir des femmes dans la maison de Rondonneau jeune. On l’a surpris. L’abbé Guitrel y fréquente aussi. Et précisément la maison est dite, dans un cadastre de 1783, maison des deux satyres.
– Mais, dit M. de Terremondre, il n’y a pas de femmes de mauvaise vie dans la maison de Rondonneau jeune.
– On en fait venir, répliqua l’archiviste Mazure.
– À propos, dit M. de Terremondre, j’ai appris, mon cher monsieur Bergeret, que vous scandalisez, sur le Mail, mon vieil ami Lantaigue par l’aveu cynique de votre immoralité politique et sociale. On dit que vous ne connaissez ni frein ni loi…
– On se trompe, répondit M. Bergeret.
– … que vous êtes indifférent en matière de gouvernement.
– Non pas ! mais, à vrai dire, je n’attache pas une importance excessive à la forme de l’État. Les changements de régime ne changent guère la condition des personnes. Nous ne dépendons point des constitutions ni des chartes, mais des instincts et des mœurs. Rien ne sert de changer le nom des nécessités publiques. Et il n’y a que les imbéciles et les ambitieux pour faire des révolutions.
– Voilà seulement dix ans, répliqua M. Mazure, je me serais fait casser la tête pour la République. Aujourd’hui, je la verrais faire la culbute, que je rirais en me croisant les bras. Les vieux républicains sont méprisés. On n’accorde de faveur qu’aux ralliés. Je ne dis pas cela pour vous, monsieur de Terremondre. Mais je suis dégoûté. J’en arrive à penser comme M. Bergeret. Tous les gouvernements sont ingrats.
– Ils sont tous impuissants, dit M. Bergeret, et j’ai là dans ma poche un petit récit que je voudrais bien vous lire. Je l’ai composé sur une anecdote que mon père m’a plusieurs fois contée. On y voit que le pouvoir absolu est l’impuissance même. Je voudrais avoir votre avis sur cette bagatelle. Si elle ne vous déplaît pas, je l’enverrai à la Revue de Paris.
M. de Terremondre et M. Mazure rapprochèrent leur chaise de celle de M. Bergeret qui tira de sa poche un cahier de papier et se mit à lire d’une voix faible mais claire :
« UN SUBSTITUT ».
« Les ministres étaient réunis… »
– Permettez-moi d’écouter, dit M. Paillot, libraire. J’attends Léon qui ne revient pas. Quand il est en course, il ne revient plus. Il faut que je garde la boutique et que je réponde aux clients. Mais j’entendrai au moins une partie de la lecture. J’aime à m’instruire.
– Fort bien, Paillot, dit M. Bergeret.
Et il reprit :
« UN SUBSTITUT. »
Les ministres étaient réunis en conseil, sous la présidence de l’Empereur, dans un salon des Tuileries. Napoléon III, silencieux, faisait des marques au crayon sur un plan de cité ouvrière. Son visage allongé et blême semblait étrange, dans sa douceur triste, parmi ces têtes carrées d’hommes pratiques et ces faces colorées d’hommes laborieux. Il souleva à demi les paupières, promena autour de la table ovale son regard vague et doux, et demanda :
– Messieurs, il n’y a plus d’autre affaire sur le tapis ?
Sa voix sortait un peu étouffée et sourde à travers d’épaisses moustaches, et elle semblait venir de très loin.
À ce moment, le garde des Sceaux fit à son collègue de l’Intérieur un signe que celui-ci ne parut pas remarquer. – Le garde des Sceaux était alors M. Delarbre, magistrat de naissance, qui avait montré dans de hautes fonctions judiciaires une souplesse décente, interrompue çà et là brusquement par les raideurs d’une dignité professionnelle que rien ne faisait fléchir. On disait que, devenu l’homme de l’Impératrice et des ultramontains, le jansénisme des grands avocats, ses ancêtres, guindait parfois son âme. Mais ceux qui l’approchaient le jugeaient seulement pointilleux, un peu fantasque, indifférent aux grandes affaires que sa pensée n’embrassait point, et entêté de vétilles auxquelles s’ajustait la petitesse de son esprit d’intrigue.
Les deux mains sur les bras dorés de son fauteuil, l’Empereur était prêt à se lever. Delarbre, voyant que le ministre de l’Intérieur, le nez dans des dossiers, évitait son regard, prit le parti de l’interpeller :
– Excusez-moi, mon cher collègue, de soulever une question qui, pour relever de votre département, n’en intéresse pas moins le mien. Mais vous m’aviez vous-même manifesté l’intention de saisir le Conseil de la situation extrêmement délicate créée à un magistrat par le préfet d’un département de l’Ouest.
Le ministre de l’Intérieur souleva un peu ses larges épaules et regarda Delarbre avec quelque impatience. Il avait cet air à la fois jovial et bourru, propre aux grands remueurs d’hommes.
– Oh ! dit-il, ce sont des commérages, des cancans ridicules, des potins que je serais honteux de porter aux oreilles de l’Empereur, si mon collègue de la Justice n’y croyait voir un intérêt que, pour ma part, je ne parviens pas à découvrir.
Napoléon se remit à crayonner.
– Il s’agit du préfet de la Loire-Inférieure, poursuivit le ministre. Ce fonctionnaire a dans son département la réputation d’homme à bonnes fortunes. Et cette légende de vert-galant, qui s’est attachée à son nom, jointe à son aménité bien connue et à son dévouement au Régime, n’a pas peu contribué à la popularité dont il jouit dans les campagnes. Ses assiduités auprès de madame Héreau, la femme du procureur général, ont été remarquées et commentées. Je reconnais que M. le préfet Pélisson a donné aliment à la chronique scandaleuse de Nantes, et qu’on a tenu sur son compte des propos sévères dans les cercles bourgeois du chef-lieu, notamment dans les salons fréquentés par la magistrature. Assurément l’attitude de M. le préfet Pélisson à l’égard de madame Méreau, que sa situation devait protéger contre toute tentative équivoque, serait regrettable si elle se prolongeait. Mais les informations que j’ai recueillies me permettent d’affirmer que madame Méreau n’a pas été positivement compromise et qu’aucun scandale n’est à prévoir. Il suffira d’un peu de prudence et d’attention pour que cette affaire n’ait pas de suites fâcheuses.
Le ministre de l’Intérieur, ayant parlé de la sorte, ferma son portefeuille et se renversa dans son fauteuil.
L’Empereur se taisait.
– Permettez, mon cher collègue ! dit sèchement le garde des Sceaux, la femme du procureur général près la cour de Nantes est la maîtresse du préfet de la Loire-Inférieure ; cette situation, connue dans tout le ressort, est de nature à porter préjudice au prestige de la magistrature. C’est sur cet état de choses qu’il importe d’attirer l’attention de Sa Majesté.
– Sans doute, reprit le ministre de l’Intérieur, – le regard tourné vers les allégories du plafond, – sans doute, de tels faits sont regrettables ; pourtant il ne faut rien exagérer ; il est possible que le préfet de la Loire-Inférieure ait été un peu imprudent et madame Méreau un peu légère, mais…
Le ministre envoya le reste de sa pensée aux figures mythologiques qui flottaient dans le ciel peint. Il y eut un moment de silence, pendant lequel on entendit le piaillement impudent des moineaux perchés dans les arbres du jardin et sur les corniches du château.
M. Delarbre mordillait ses lèvres minces, et tirait ses favoris austères, pourtant coquets. Il reprit :
– Excusez-moi d’insister : les rapports secrets que j’ai reçus ne laissent aucun doute sur la nature des relations qu’entretiennent l’un avec l’autre M. Pélisson et madame Méreau. Ces relations étaient déjà établies il y a deux ans. En effet, au mois de septembre 18**, M. le préfet de la Loire-Inférieure fit inviter M. le procureur général à chasser chez le comte de Morainville, député de la troisième circonscription du département, et, en l’absence du magistrat, il s’introduisit dans la chambre de madame Méreau. Il était entré par le potager. Le jardinier vit le lendemain des traces d’escalade et avertit la justice. On fit des recherches ; on arrêta même un vagabond qui, n’ayant pu établir son innocence, fit quelques mois de prison préventive. Il était, d’ailleurs, très mal noté et peu intéressant. Aujourd’hui encore, M. le procureur général persiste, à la tête d’une minime fraction de l’opinion publique, à le croire coupable de bris de clôture et d’effraction. La situation n’en est pas moins fâcheuse et préjudiciable, je le répète, au prestige de la magistrature.
Le ministre de l’Intérieur jeta sur la discussion, selon sa coutume, de ces phrases massives qui la ferment et la tiennent close sous leur poids. Il avait, dit-il, ses préfets dans la main ; il saurait bien amener M. Pélisson à une appréciation juste des choses, sans prendre aucune mesure rigoureuse contre un fonctionnaire intelligent et zélé qui avait réussi dans son département, et qui était précieux « au point de vue de la situation électorale ». Personne ne pouvait se dire plus intéressé que le ministre de l’Intérieur à maintenir la bonne harmonie entre l’autorité départementale et le pouvoir judiciaire.
Cependant l’Empereur gardait cet air de rêve dont s’enveloppait ordinairement son silence. Il songeait, sans doute, à des choses passées, car il dit tout à coup :
– Ce pauvre M. Pélisson, j’ai connu son père. Il s’appelait Anacharsis Pélisson. Il était fils d’un républicain de 1792 ; républicain lui-même, il écrivait dans les journaux de l’opposition sous le gouvernement de Juillet. Durant ma captivité au fort de Ham, il m’adressa une lettre amicale. Vous ne pouvez vous imaginer la joie que procure à un prisonnier le moindre témoignage de sympathie. Depuis, nous avons suivi des ...
Table des matières
- L’ORME DU MAIL
- CHAPITRE I
- CHAPITRE II
- CHAPITRE III
- CHAPITRE IV
- CHAPITRE V
- CHAPITRE VI
- CHAPITRE VII
- CHAPITRE VIII
- CHAPITRE IX
- CHAPITRE X
- CHAPITRE XI
- CHAPITRE XII
- CHAPITRE XIII
- CHAPITRE XIV
- CHAPITRE XV
- CHAPITRE XVI
- CHAPITRE XVII
- Page de copyright