Davidée Birot
eBook - ePub

Davidée Birot

  1. 324 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Davidée Birot

À propos de ce livre

Institutrice de l'école laïque pour filles dans un village de tailleurs de tuiles d'ardoises, Davidée Birot se tourmente pour l'âme de ses petites filles. Le tragique destin de l'une d'entre-elles lui montre le chemin à suivre...

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Informations

Année
2020
ISBN de l'eBook
9782322205158

LA MAISON DES PLAINES

Le lendemain, qui était un mercredi, Davidée surveillait la rentrée des élèves qui arrivaient par petits pelotons, espacés, et qu’on ne pouvait apercevoir de la cour avant que les enfants n’eussent déjà franchi la porte. Elles venaient de la droite ou de la gauche, à l’abri des murs ; leurs sabots ne claquaient pas toujours, car la terre était molle, de toute la nuit de pluie et de brume. Le plus souvent, dans l’entaille claire entre les piliers, on apercevait d’abord le bout d’une jambe mince projetée en avant par la marche, un genou, puis toute la petite fille, qui tournait au plus près, entrait, et d’un seul coup d’œil en demi-cercle, avant d’avoir fait trois pas, avait déjà inspecté la cour, reconnu les compagnes, la maîtresse de service, et la place par où il fallait se faufiler, pour gagner le préau couvert, ou pour retrouver la meilleure amie. Quelques-unes, apercevant mademoiselle Davidée, accouraient, le visage épanoui, les yeux flambants d’amour innocent, la bouche déjà gonflée pour le baiser : « Bonjour, mam’selle ! » Aussitôt le baiser donné, elles étaient comme des oiseaux qui ont replié les ailes : doucement, avec des demi-tours de tête, à droite, à gauche, guettant ce qu’on allait penser, elles s’en allaient se mêler aux groupes. D’autres passaient, avec une révérence qui ne pliait qu’un seul genou ; d’autres, dans la hâte du jeu et du caquet à reprendre, ne voyaient pas la maîtresse ; d’autres la voyaient, et, sournoises, les yeux baissés ou détournés, héritières de l’esprit de révolte, longeaient la muraille, ramassaient une balle, ou faisaient semblant de rire à quelqu’un de lointain, puis, dès qu’elles n’étaient plus sous le regard direct de la surveillante, prenaient un air satisfait et impertinent. Toutes, elles jouaient inconsciemment le jeu de leur sexe, de leur famille, de leur temps, de leurs passions déjà nées et tenaces.
Davidée, immobile, les pieds dans le sable trempé, une mantille de laine blanche sur les cheveux, guettait, non pas une enfant, mais une femme. Son cœur battait, à chaque nouvelle silhouette qui surgissait à l’angle de la muraille. « Comment n’est-elle pas encore arrivée ? elle n’est pas souvent en retard ! Le feu ne sera pas allumé. Cette femme néglige son service et ce n’est pas étonnant ! » Elle disait mentalement « cette femme » avec un accent de mépris, avec irritation. Elle essayait de préparer son visage, de le commander par avance, afin que l’accueil fût ce qu’il devait être : digne, non offensant. Des images lui venaient, qu’elle chassait. Et dans cette lutte contre elle-même, elle s’énervait. Les enfants, en arrière, sabotaient, se poursuivaient, ou attendaient l’heure, mornes, appuyées aux poteaux du hangar, lasses d’une usure transmise.
– Anna Le Floch ! La voilà ! La voilà !
Des cris d’étonnement, des cris de joie, une course vers la porte. Elles furent, en un moment, vingt petites autour d’une enfant que le bruit et le mouvement faisaient encore pâlir, et qui ne répondait que par un sourire obligé, douloureux, effarouché. Anna Le Floch aux cheveux déteints et cordés, Anna Le Floch aux yeux verts sauvages, Anna Le Floch vêtue de la robe de laine grise qui tombait toute plate sur la poitrine et sur les hanches comme une robe d’enfant de chœur, laissait pendre ses mains que les compagnes prenaient et lâchaient tour à tour, et qui ne répondaient pas. Elle s’appuyait toute, en arrière, sur sa mère, la grande Phrosine, qui la tenait par les épaules, et, doucement, la poussait et la faisait avancer :
– Va, petite, tu vois, elles sont contentes. N’aie pas peur… Laissez-la, vous !… Elle est faible encore. Va, petite, va !
Cette Phrosine était mère.
– Bonjour, mademoiselle, je suis bien en retard. Elle a voulu venir… Vous n’êtes pas contente ? Dame ! j’ai pas de voiture pour l’amener !
Davidée n’avait répondu que d’un signe de tête. Et c’est pourquoi Phrosine, subitement, avait pris cet air et ce ton de révoltée. C’est pourquoi elle avait poussé sa fille, rudement, dans les bras de la maîtresse, et crié : « J’ai pas de voiture pour l’amener ! » Puis elle s’était mise à marcher, très vite, vers les classes.
Les enfants éprouvaient de la pitié pour Anna Le Floch. Mais la plupart n’auraient su la témoigner qu’en embrassant cette compagne qui n’avait pas joué de tout l’hiver. Une ou deux se haussèrent jusqu’à ses joues plates, d’une pâleur égale, et y mirent un baiser. Les autres s’écartèrent parce que « Mademoiselle » avait entouré de son bras droit la taille d’Anna, et qu’elle se penchait, et se dirigeait à petits pas vers la classe, en disant des mots qui devaient plaindre et qu’on n’entendait pas. Anna, les yeux durs, les yeux noyés dans l’ombre de son mal, regardait devant elle, sans voir, et ne répondait pas. La fumée commença de sortir par le tuyau de tôle qui perçait la fenêtre de la classe et que maintenaient deux fils de fer.
Quand Phrosine sortit, huit heures et demie étant sonnées depuis deux minutes, les enfants étaient en deux rangs, devant la porte. Elle chercha la maîtresse, et, comme le soleil éclairait déjà la moitié de la cour, elle mit la main en travers, les doigts joints, au-dessous de ses cheveux relevés en casque, et elle descendit, tandis que les écolières s’écartaient et levaient haut la tête, pour regarder ces cheveux ardents comme une châtaigne de septembre, et ce visage maternel, grave et hardi, qui devenait incroyablement doux quand elle disait bonjour, du coin de l’œil, à des amies de son enfant, et qui devint pareil à la figure de la Mater Dolorosa, quand elle aperçut, entre deux petites bien portantes, sa fille elle-même, la pâle Anna Le Floch. Elle n’eut pas l’habileté de feindre ; elle continua de marcher ; elle resta douloureuse jusqu’à la fin, voyant encore le visage qui n’était plus devant ses yeux, et, lorsqu’elle passa près de Davidée Birot qui venait la dernière :
– Mademoiselle, ayez soin d’elle, faites-la déjeuner ici ; ça ne mange pas trois bouchées de pain ; d’ailleurs, elle est bien malade.
L’adjointe répondit :
– Certainement, j’aurai soin d’elle.
Puis frappant ses mains l’une contre l’autre, elle donna le signal d’entrer en classe.
Et le soleil monta, au-dessus du toit qui abritait les deux classes, au-dessus du jardin où les trois jacinthes antiques, dans l’angle tiède du mur, au midi, levaient leurs pousses charnues d’un vert de contrevent, et encore maculées de sable.
À midi, Anna Le Floch fut servie dans la cuisine, avec deux autres enfants qui payaient une redevance à mademoiselle Renée. Elle goûta à peine à la soupe chaude que Davidée avait versée dans l’assiette. « Mange donc, ça te fera du bien », disaient les deux voisines en la poussant du coude. Elle remuait la tête, comme celles qui sont très sûres que le mal est sans remède, mais, comme il faisait chaud, et que le feu donnait sa flamme, elle se tournait vers lui, et étendait ses mains transparentes. La directrice et l’adjointe, à l’autre bout de la table, se hâtaient de déjeuner.
– Qu’a-t-elle ? demanda Davidée.
– Tuberculeuse, rachitique, ou pire encore, murmura mademoiselle Renée. Il y en a bien qui sont malades de leur père.
– Et qui est le père ?
– Je ne sais pas.
– Vous ne l’avez pas connu, depuis six ans que vous êtes ici ?
– Non.
– Moi, je pense qu’elle a plus de chagrin qu’elle n’en peut porter. Avez-vous observé ses yeux : ils ne regardent pas en face, de peur de laisser voir dans le cœur.
– Je la crois sournoise, en effet…
– Il suffirait qu’elle fût malheureuse pour se cacher. J’ai grande pitié d’elle !
– Dites-moi, mademoiselle, vous surveillerez la récréation, n’est-ce pas ? J’ai des lettres en retard.
Davidée surveillait souvent, presque toujours la récréation, c’est-à-dire la rentrée des élèves, avant la classe du soir, et comme les enfants se hâtaient de revenir pour jouer, elle se mêlait souvent à leurs jeux. Mais ce jour-là, elle se borna à surveiller de loin les petites qui, une à une, depuis midi et demi, recommençaient à tourner à l’angle du chemin, et entraient dans la cour. Avec Anna Le Floch, elle était descendue dans le jardin, elle avait mis son bras sous le bras de l’enfant, et, à petits pas, dans l’allée bombée et moussue, juste au milieu des carrés enveloppés de buis, elle se promenait. Voici le premier bon soleil ; oh ! vraiment, à l’abri du mur qui coupe le vent, la chaleur a le temps de pénétrer les membres et de toucher le sang qui a besoin d’elle. Anna Le Floch, bien que la marche soit très lente, a les cheveux tout mouillés de sueur et collés sur les tempes, ses pauvres cheveux qui ont toutes les teintes du roux, du blond et du cendré. Tout d’abord, elle avait essayé de dégager son bras et de s’en aller. Mais des mots doucement dits, et le voisinage d’une âme qu’elle devinait compatissante, l’avaient apprivoisée à demi. C’était bon, cette chaleur, et ce jardin, et cette compagnie qui est tout à vous. Avec certitude, avec plénitude, Anna Le Floch sentait que le cœur de cette jeune maîtresse n’était occupé, en ce moment, d’aucun amour, d’aucun intérêt, d’aucune autre affaire, et qu’elle y régnait, elle, la malade. Comme cela dispose aux confidences, comme cela détend les volontés les plus fortes et la longue habitude de se taire ! L’une ...

Table des matières

  1. Davidée Birot
  2. I
  3. II
  4. III
  5. IV
  6. V
  7. VI
  8. VII
  9. VIII
  10. IX
  11. X
  12. XI
  13. XII
  14. XIII
  15. XIV
  16. XV
  17. Page de copyright