Baltus le Lorrain
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Baltus le Lorrain

  1. 258 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Baltus le Lorrain

À propos de ce livre

1924. Jacques BALTUS, dit Baltus le Lorrain, est instituteur. Son fils a disparu pendant la grande guerre, ce qui a rendu sa femme un peu «folle». Elle le croit encore vivant et met des morceaux de pain à tous les carrefours des chemins, pour nourrir ce fils qui ne vit que dans son esprit. Le père fait le voyage à Verdun en compagnie de sa fille Orane, pour essayer de retrouver la dépouille du fils...Un livre poignant, qui se passe en Lorraine allemande.

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Informations

Année
2020
ISBN de l'eBook
9782322205127

LES TROIS BALTUS

Qu'étaient ces Baltus ? les représentants d'une des plus anciennes familles de Condé-la-Croix, le feuillage caduc, mais vert pour le moment, d'un des chênes les mieux enracinés de la frontière lorraine. On prétendait, — et c'est l'abbé Gérard qui disait cela, sans assez de preuves et un peu glorieusement, — les rattacher à ce Louis Baltus qui fut échevin de Metz vers les années 1690, et dont le fils publia le Journal de ce qui se faisait à Metz, lors du passage de Marie Leczinska. Il se peut. La ligne collatérale était demeurée dans l'ombre, en tout cas ; elle avait mérité d'une autre manière : au service du blé, du seigle, de l'herbe et de la forêt. C'étaient, ces gens de Condé, des fermiers de longue lignée sur des terres difficiles. Elles exigeaient des laboureurs habiles, parce qu'elles sont inégales souvent, ou à flanc de coteau, et des hommes de grand courage, parce qu'elles n'ont jamais cessé d'être disputées. Les soldats de toutes les Allemagnes, ceux des ducs de Lorraine, ceux de France, ceux de Suède même et d'ailleurs, étaient entrés, tour à tour, dans la Horgne-aux-moutons, celle d'à présent, vieille de deux siècles, ou l'une de celles qui avaient été bâties sur la même falaise boisée, dominant la vallée. Les contrebandiers la connaissaient bien, les déserteurs aussi, et chacune des espèces de rôdeurs de bois. Il fallait être un chef pour tenir là, en bon ordre, les champs, les greniers, les troupeaux et les gens.
Léo Baltus en était un. Aîné de deux frères, il avait été maintenu en possession du domaine indivis que le père, un des plus rudes paysans de ce coin de Lorraine, avait acheté de demoiselle Collin, dernière héritière d'une famille du pays. On ne sait plus à quelle date remontait, dans les âges, l'association de ces deux noms, les Collin propriétaires, les Baltus fermiers de la Horgne. Il n'y avait plus de Collin, du moins de cette famille-là ; il y avait encore trois Baltus, et l'aîné, à l'automne de chaque année, donnait, à Jacques et à Gérard, leur part de bénéfices. Il ne la faisait jamais large. Si la récolte de froment, ou de seigle, ou d'avoine, ou de pommes de terre, avait été bonne, il trouvait toujours à dire que les valets de ferme avaient demandé une augmentation de gages ; que deux vaches avaient péri ; que la provision d'avoine n'avait pas suffi pour les chevaux ; que les réparations soit aux bâtiments, soit aux attelages, aux charrettes, aux charrues, ne laissaient pas grand'-chose aux co-partageants. Il recevait ses frères une ou deux fois l'an, et princièrement, à sa table ; il savait, à l'occasion, faire un cadeau, soit à l'abbé, soit aux enfants de l'instituteur : personne ne s'était jamais plaint, et la Horgne-aux-moutons passait, non sans raison, pour une des fermes les mieux tenues de toute la contrée.
Gérard, l’abbé, était d'un demi-pied plus haut que Léo et que Jacques, déjà fort grands. Ce dernier venu de la famille eût ressemblé à un de ces athlètes dont on voit le portrait dans les journaux de sport, s'il avait été formé, dès sa jeunesse, aux exercices du corps, à la gymnastique, au lancement du disque et du javelot, au patinage, à la lutte, au maniement des haltères. Prêtre, et passionné pour les études d'histoire, — bien entendu pour l'histoire de Lorraine, — il ne prouvait guère son aptitude aux jeux de force que par l'ampleur de sa voix et une incroyable résistance aux fatigues de la marche. Il parlait d'une voix grave, méthodiquement, avec beaucoup de sens commun. Puis, tout à coup, sa bonne figure pleine s'illuminait, il riait d'avance d'une plaisanterie ou d'un mot vif qu'il allait dire, et ce n'était pas toujours drôle, mais on s'amusait, malgré soi, au plaisir qu'il y prenait. Âme candide et régulière, sans ambition humaine, tout pétri d'ambition divine, il était plus porté que d'autres à ne point cacher ses sentiments, et non seulement sa foi, mais ses préférences, son amour pour la France, qu'il connaissait uniquement par les livres, par une comparaison devenue quotidienne avec l'immigré allemand, et par le sang des Baltus, qui était pur. Lorsque sa mère, première avertie, avait appris de lui-même, un soir, dans le fournil, qu'il se croyait appelé au sacerdoce, elle s'était écriée : « Ah ! cet honneur-là nous était bien dû, pour tous les prêtres que nos grands-parents ont cachés, à la Horgne, pendant la Révolution ! » Elle avait assisté à la première messe de Gérard, communié de la main de son fils, puis, comme si sa raison de vivre eût désormais cessé, tranquille, elle avait quitté ce monde.
Son grand Gérard, attaché d'abord à l'Œuvre des jeunes ouvriers de Metz, et devenu l'hôte toujours présent et toujours accueillant de la maison bâtie au sommet de la ville, avait été nommé, plus tard, curé d'une toute petite paroisse de Metz-Campagne. Mais il ne devait pas occuper son poste très longtemps. La guerre éclata : les Allemands avaient eu soin d'inscrire l'abbé Gérard Baltus sur la liste noire.
Le clergé lorrain leur était en particulière détestation. Ils n'ignoraient pas que l'esprit latin voit en eux des barbares, et qu'un cœur catholique est porté à aimer la France, un peu, beaucoup, passionnément, selon le degré de connaissance qu'il en a. Quarante-quatre années n'avaient pas changé les âmes nobles de Lorraine. Qui incarnait cet esprit, et qui dirigeait ces cœurs, si ce n'est les prêtres, descendants presque toujours des familles les plus exactes dans la foi ? Les gens de la Prusse le savaient bien. S'ils avaient pu détruire les souvenirs du « temps français », eux, les maîtres de l'Allemagne ! Mais la foi, l'histoire et la légende échappent aux plus puissants. Ils n'avaient que bien peu réussi. Ils accusaient les prêtres, — non sans raison, — d'avoir été, d'être toujours, avec bon nombre de maires et d'instituteurs, l'obstacle principal à la germanisation de cette province, que les historiens teutons déclaraient allemande, et que la guerre de 1870 avait arrachée à la France. Dès la déclaration de guerre, et quelquefois avant que la nouvelle officielle fût publiée, ils se hâtèrent donc d'arrêter les plus connus de ces « ennemis de la patrie allemande ». Sous quels prétextes ? les plus variés, les plus vaguement formulés. Quatre ou cinq soldats, baïonnette au canon, un officier arrivant en automobile, et descendant, revolver au poing, ordonnaient au curé de les suivre. C'était à la porte du presbytère, à la sortie de l'église, sur une route, quand le prêtre revenait d'administrer un de ses paroissiens. Le curé demandait les raisons de cette arrestation : « Qu'ai-je fait ? » On lui répondait : « J'ai l'ordre. Vous saurez plus tard. » Plus tard, cela signifiait : « Quand nous voudrons » ; cela signifiait aussi : « Jamais. » Les soldats aimaient à plaisanter. Quand ils eurent arrêté, par exemple, l'abbé Vechenauski, qui venait de célébrer la messe à Orny, ils lui demandèrent : « Pourquoi avez-vous été, ce matin, à Chérisey ? — Parce que c'est l'annexe de ma paroisse. — Oui, répliquèrent-ils ; votre annexe, c'est le diocèse de France. » Souvent le prisonnier n'est pas autorisé à rentrer dans son presbytère, pour y prendre un manteau ou du linge. Il faut l'emmener au plus vite à la prison militaire de la ville la plus proche, d'où il sera expédié en Allemagne, à moins qu'on ne préfère le garder en cellule, dans quelque forteresse de Lorraine ou d'Alsace. Il y a des gares où l'on change de train, pour gagner les lieux de destination : aubaines pour la canaille déchaînée ! Soldats et immigrés se rassemblent autour des « espions » ; les injures sont toutes permises, les coups de pied, de canne ou de crosse de fusil autorisés, les plaisanteries teutonnes applaudies, celles surtout qui font beaucoup souffrir, car « c'est la guerre », et la conscience allemande est en syncope. Une des meilleures farces des officiers et sous-officiers consiste à faire aligner leurs captures, prêtres et laïques, le long d'un mur, à les prévenir qu'on va les fusiller, à commander à un peloton de charger les armes et de mettre en joue, puis à déclarer que l'exécution aura lieu à un autre moment. Lorsque le vieux curé de Gélucourt eut été arrêté, en août 1914, un supplice inédit fut inventé par les soldats, dans la gare de Sarreguemines : ils s'approchèrent, en file, du vieillard qu'ils avaient adossé à un mur, et, l'un après l'autre, ils lui écrasèrent les pieds à coups de talon de bottes.
Songez donc : il y avait, parmi ces prêtres, des hommes convaincus d'avoir dit qu'ils étaient fiers d'être nés avant 1870 ; il y en avait d'autres qui avaient refusé de faire des sermons en allemand, devant des populations habituées à entendre le français ; d'autres, qu'on avait vus monter sur les coteaux et approcher l'oreille de terre, pour écouter si le bruit du canon français ne se rapprochait pas, et, de tous, on pouvait dire ce qu'écrivait à l'évêque de Metz, en décembre 1914, un fonctionnaire impérial : « Je ferai observer que, non seulement le sous-préfet de Thionville-est, mais aussi d'autres sous-préfets se plaignent de ce que le clergé, en opposition flagrante avec la vieille Allemagne, ou bien ne parle pas du tout, ou bien parle trop peu, à l'église, de la guerre, dans le sens national allemand. »
Ainsi furent saisis, emmenés en captivité, généralement aux premiers jours de la mobilisation, des curés de paroisses lorraines, ou des professeurs ecclésiastiques, connus pour leurs sentiments français, comme l'abbé Vechenauski ; le Père Bonichut, du couvent de Saint-Ulrich ; l'abbé Hennequin, curé de Moyenvic ; l'abbé Théodore Robinet, curé de Gélucourt ; l'abbé Rhodes, curé de Maizeroy ; l'abbé Courtehoux, curé de Corny, qui mourut peu après ; l'abbé Étienne, aux yeux clairs, fils d'instituteur, oncle de deux officiers français, curé de Lorry-lès-Metz ; l'abbé Jean, curé de Château-Noué, arrêté pendant la bataille de Sarrebourg, et mort par suite des mauvais traitements endurés ; l'abbé Betsch, qui ne rentra dans sa paroisse de Destry qu'au bout de cinquante-deux mois ; l'abbé Reinert, curé de Vannecourt ; l'abbé Michel, curé de Falchwiller ; l'abbé Leidinger, curé de Morange-Silvange ; l'abbé Ritz, alors rédacteur au Lorrain, et collaborateur de ce grand patriote, le chanoine Collin, qu'il avait fait partir pour la France quelques heures avant que les soldats allemands ne vinssent enfoncer la porte du logis de la rue du Haut-Poirier ; l'abbé Lacroix, curé de Norroy ; l'abbé Walbock, curé de Sailly ; l'abbé Pierre, archiprêtre de Delme, accusé d'avoir « combattu l'idée allemande » ; l'abbé Mouraux, curé de Sérouville ; l'abbé Hippert, curé de Longeville-lès-Metz ; et tant d'autres, tant d'autres !
Gérard Baltus fit partie de cette levée en masse de suspects. Saisi par cinq soldats allemands, au petit matin, quand il sortait de son presbytère pour aller dire sa messe, le 1er août 1914, il était conduit à la prison militaire de Metz, et recommandé à la sollicitude particulière du feld webel geôlier Koch. Après un mois, transféré à Coblentz, puis à Cassel, il ne rentra à Metz qu'à la fin de novembre 1918. La prison avait été dure pour ce fils de laboureur, habitué à la vie au grand air ; les « repas impériaux », composés d'un morceau de pain large comme la main, et d'une tasse d'eau, les alertes continuelles, les réveils en sursaut, que multipliaient les gardiens ouvrant à toute heure le guichet, l'absence de nouvelles des siens, la saignée quotidienne que lui faisait subir la vermine des cachots, la douleur où le jetaient les acclamations des Allemands, saluant les victoires annoncées par l'état-major, avaient altéré la plus belle santé de Lorraine. L'abbé Baltus était devenu un géant maigre, travaillé de rhumatismes, sans cesse menacé de crises cardiaques. Il n'avait gardé, d...

Table des matières

  1. Baltus le Lorrain
  2. I
  3. II
  4. III
  5. IV
  6. V
  7. VI
  8. VII
  9. VIII
  10. IX
  11. X
  12. XI
  13. XII
  14. XIII
  15. Page de copyright