De l'Origine des EspĂšces
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De l'Origine des EspĂšces

Charles Darwin

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Charles Darwin

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Dans L'Origine des espĂšces, Charles Darwin prĂ©sente ses observations et conclut Ă  une Ă©volution naturelle des espĂšces: les individus qui ont hĂ©ritĂ© de caractĂšres bien adaptĂ©s Ă  leur milieu ont tendance Ă  mieux se reproduire que leurs congĂ©nĂšres et Ă  prendre le pas sur eux. En quelques gĂ©nĂ©rations, une espĂšce peut ainsi se transformer jusqu'Ă  donner naissance Ă  une nouvelle espĂšce.Cette thĂ©orie de la sĂ©lection naturelle est affinĂ©e au XXe siĂšcle grĂące aux progrĂšs de la gĂ©nĂ©tique qui mettent en Ă©vidence la possibilitĂ© de mutations ou de «sauts» en plus de la sĂ©lection des caractĂšres hĂ©rĂ©ditaires.Lorsqu'une telle mutation s'avĂšre appropriĂ©e Ă  l'environnement, elle peut conduire trĂšs vite Ă  une espĂšce nouvelle. Ainsi l'ĂȘtre humain est-il peut-ĂȘtre issu de deux singes nĂ©s avec 46 chromosomes au lieu de 48 comme leurs congĂ©nĂšres...

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Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2018
ISBN
9782322146161
Édition
1
Sous-sujet
Biologie

Titre

CHAPITRE I.

DE LA VARIATION DES ESPÈCES À L’ÉTAT DOMESTIQUE.
Causes de la variabilitĂ©. – Effets des habitudes. – Effets de l’usage ou du non-usage des parties. – Variation par corrĂ©lation. – HĂ©rĂ©ditĂ©. – CaractĂšres des variĂ©tĂ©s domestiques. – DifficultĂ© de distinguer entre les variĂ©tĂ©s et les espĂšces. – Nos variĂ©tĂ©s domestiques descendent d’une ou de plusieurs espĂšces. – Pigeons domestiques. Leurs diffĂ©rences et leur origine. – La sĂ©lection appliquĂ©e depuis longtemps, ses effets. – SĂ©lection mĂ©thodique et inconsciente. – Origine inconnue de nos animaux domestiques. – Circonstances favorables Ă  l’exercice de la sĂ©lection par l’homme.

CAUSES DE LA VARIABILITÉ.

Quand on compare les individus appartenant Ă  une mĂȘme variĂ©tĂ© ou Ă  une mĂȘme sous-variĂ©tĂ© de nos plantes cultivĂ©es depuis le plus longtemps et de nos animaux domestiques les plus anciens, on remarque tout d’abord qu’ils diffĂšrent ordinairement plus les uns des autres que les individus appartenant Ă  une espĂšce ou Ă  une variĂ©tĂ© quelconque Ă  l’état de nature. Or, si l’on pense Ă  l’immense diversitĂ© de nos plantes cultivĂ©es et de nos animaux domestiques, qui ont variĂ© Ă  toutes les Ă©poques, exposĂ©s qu’ils Ă©taient aux climats et aux traitements les plus divers, on est amenĂ© Ă  conclure que cette grande variabilitĂ© provient de ce que nos productions domestiques ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©es dans des conditions de vie moins uniformes, ou mĂȘme quelque peu diffĂ©rentes de celles auxquelles l’espĂšce mĂšre a Ă©tĂ© soumise Ă  l’état de nature. Il y a peut-ĂȘtre aussi quelque chose de fondĂ© dans l’opinion soutenue par Andrew Knight, c’est-Ă -dire que la variabilitĂ© peut provenir en partie de l’excĂšs de nourriture. Il semble Ă©vident que les ĂȘtres organisĂ©s doivent ĂȘtre exposĂ©s, pendant plusieurs gĂ©nĂ©rations, Ă  de nouvelles conditions d’existence, pour qu’il se produise chez eux une quantitĂ© apprĂ©ciable de variation ; mais il est tout aussi Ă©vident que, dĂšs qu’un organisme a commencĂ© Ă  varier, il continue ordinairement Ă  le faire pendant de nombreuses gĂ©nĂ©rations. On ne pourrait citer aucun exemple d’un organisme variable qui ait cessĂ© de varier Ă  l’état domestique. Nos plantes les plus anciennement cultivĂ©es, telles que le froment, produisent encore de nouvelles variĂ©tĂ©s ; nos animaux rĂ©duits depuis le plus longtemps Ă  l’état domestique sont encore susceptibles de modifications ou d’amĂ©liorations trĂšs rapides.
Autant que je puis en juger, aprĂšs avoir longuement Ă©tudiĂ© ce sujet, les conditions de la vie paraissent agir de deux façons distinctes : directement sur l’organisation entiĂšre ou sur certaines parties seulement, et indirectement en affectant le systĂšme reproducteur. Quant Ă  l’action directe, nous devons nous rappeler que, dans tous les cas, comme l’a fait derniĂšrement remarquer le professeur Weismann, et comme je l’ai incidemment dĂ©montrĂ© dans mon ouvrage sur la Variation Ă  l’état domestique1, nous devons nous rappeler, dis-je, que cette action comporte deux facteurs : la nature de l’organisme et la nature des conditions. Le premier de ces facteurs semble ĂȘtre de beaucoup le plus important ; car, autant toutefois que nous en pouvons juger, des variations presque semblables se produisent quelquefois dans des conditions diffĂ©rentes, et, d’autre part, des variations diffĂ©rentes se produisent dans des conditions qui paraissent presque uniformes. Les effets sur la descendance sont dĂ©finis ou indĂ©finis. On peut les considĂ©rer comme dĂ©finis quand tous, ou presque tous les descendants d’individus soumis Ă  certaines conditions d’existence pendant plusieurs gĂ©nĂ©rations, se modifient de la mĂȘme maniĂšre. Il est extrĂȘmement difficile de spĂ©cifier L’étendue des changements qui ont Ă©tĂ© dĂ©finitivement produits de cette façon. Toutefois, on ne peut guĂšre avoir de doute relativement Ă  de nombreuses modifications trĂšs lĂ©gĂšres, telles que : modifications de la taille provenant de la quantitĂ© de nourriture ; modifications de la couleur provenant de la nature de l’alimentation ; modifications dans l’épaisseur de la peau et de la fourrure provenant de la nature du climat, etc. Chacune des variations infinies que nous remarquons dans le plumage de nos oiseaux de basse-cour doit ĂȘtre le rĂ©sultat d’une cause efficace ; or, si la mĂȘme cause agissait uniformĂ©ment, pendant une longue sĂ©rie de gĂ©nĂ©rations, sur un grand nombre d’individus, ils se modifieraient probablement tous de la mĂȘme maniĂšre. Des faits tels que les excroissances extraordinaires et compliquĂ©es, consĂ©quence invariable du dĂ©pĂŽt d’une goutte microscopique de poison fournie par un gall-insecte, nous prouvent quelles modifications singuliĂšres peuvent, chez les plantes, rĂ©sulter d’un changement chimique dans la nature de la sĂšve.
Le changement des conditions produit beaucoup plus souvent une variabilitĂ© indĂ©finie qu’une variabilitĂ© dĂ©finie, et la premiĂšre a probablement jouĂ© un rĂŽle beaucoup plus important que la seconde dans la formation de nos races domestiques. Cette variabilitĂ© indĂ©finie se traduit par les innombrables petites particularitĂ©s qui distinguent les individus d’une mĂȘme espĂšce, particularitĂ©s que l’on ne peut attribuer, en vertu de l’hĂ©rĂ©ditĂ©, ni au pĂšre, ni Ă  la mĂšre, ni Ă  un ancĂȘtre plus Ă©loignĂ©. Des diffĂ©rences considĂ©rables apparaissent mĂȘme parfois chez les jeunes d’une mĂȘme portĂ©e, ou chez les plantes nĂ©es de graines provenant d’une mĂȘme capsule. À de longs intervalles, on voit surgir des dĂ©viations de conformation assez fortement prononcĂ©es pour mĂ©riter la qualification de monstruositĂ©s ; ces dĂ©viations affectent quelques individus, au milieu de millions d’autres Ă©levĂ©s dans le mĂȘme pays et nourris presque de la mĂȘme maniĂšre ; toutefois, on ne peut Ă©tablir une ligne absolue de dĂ©marcation entre les monstruositĂ©s et les simples variations. On peut considĂ©rer comme les effets indĂ©finis des conditions d’existence, sur chaque organisme individuel, tous ces changements de conformation, qu’ils soient peu prononcĂ©s ou qu’ils le soient beaucoup, qui se manifestent chez un grand nombre d’individus vivant ensemble. On pourrait comparer ces effets indĂ©finis aux effets d’un refroidissement, lequel affecte diffĂ©rentes personnes de façon indĂ©finie, selon leur Ă©tat de santĂ© ou leur constitution, se traduisant chez les unes par un rhume de poitrine, chez les autres par un rhume de cerveau, chez celle-ci par un rhumatisme, chez celle-lĂ  par une inflammation de divers organes.
Passons Ă  ce que j’ai appelĂ© l’action indirecte du changement des conditions d’existence, c’est-Ă -dire les changements provenant de modifications affectant le systĂšme reproducteur. Deux causes principales nous autorisent Ă  admettre l’existence de ces variations : l’extrĂȘme sensibilitĂ© du systĂšme reproducteur pour tout changement dans les conditions extĂ©rieures ; la grande analogie, constatĂ©e par Kölreuter et par d’autres naturalistes, entre la variabilitĂ© rĂ©sultant du croisement d’espĂšces distinctes et celle que l’on peut observer chez les plantes et chez les animaux Ă©levĂ©s dans des conditions nouvelles ou artificielles. Un grand nombre de faits tĂ©moignent de l’excessive sensibilitĂ© du systĂšme reproducteur pour tout changement, mĂȘme insignifiant, dans les conditions ambiantes. Rien n’est plus facile que d’apprivoiser un animal, mais rien n’est plus difficile que de l’amener Ă  reproduire en captivitĂ©, alors mĂȘme que l’union des deux sexes s’opĂšre facilement. Combien d’animaux qui ne se reproduisent pas, bien qu’on les laisse presque en libertĂ© dans leur pays natal ! On attribue ordinairement ce fait, mais bien Ă  tort, Ă  une corruption des instincts. Beaucoup de plantes cultivĂ©es poussent avec la plus grande vigueur, et cependant elles ne produisent que fort rarement des graines ou n’en produisent mĂȘme pas du tout. On a dĂ©couvert, dans quelques cas, qu’un changement insignifiant, un peu plus ou un peu moins d’eau par exemple, Ă  une Ă©poque particuliĂšre de la croissance, amĂšne ou non chez la plante la production des graines. Je ne puis entrer ici dans les dĂ©tails des faits que j’ai recueillis et publiĂ©s ailleurs sur ce curieux sujet ; toutefois, pour dĂ©montrer combien sont singuliĂšres les lois qui rĂ©gissent la reproduction des animaux en captivitĂ©, je puis constater que les animaux carnivores, mĂȘme ceux provenant des pays tropicaux, reproduisent assez facilement dans nos pays, sauf toutefois les animaux appartenant Ă  la famille des plantigrades, alors que les oiseaux carnivores ne pondent presque jamais d’Ɠufs fĂ©conds. Bien des plantes exotiques ne produisent qu’un pollen sans valeur comme celui des hybrides les plus stĂ©riles. Nous voyons donc, d’une part, des animaux et des plantes rĂ©duits Ă  l’état domestique se reproduire facilement en captivitĂ©, bien qu’ils soient souvent faibles et maladifs ; nous voyons, d’autre part, des individus, enlevĂ©s tout jeunes Ă  leurs forĂȘts, supportant trĂšs bien la captivitĂ©, admirablement apprivoisĂ©s, dans la force de l’ñge, sains (je pourrais citer bien des exemples) dont le systĂšme reproducteur a Ă©tĂ© cependant si sĂ©rieusement affectĂ© par des causes inconnues, qu’il cesse de fonctionner. En prĂ©sence de ces deux ordres de faits, faut-il s’étonner que le systĂšme reproducteur agisse si irrĂ©guliĂšrement quand il fonctionne en captivitĂ©, et que les descendants soient un peu diffĂ©rents de leurs parents ? Je puis ajouter que, de mĂȘme que certains animaux reproduisent facilement dans les conditions les moins naturelles (par exemple, les lapins et les furets enfermĂ©s dans des cages), ce qui prouve que le systĂšme reproducteur de ces animaux n’est pas affectĂ© par la captivitĂ© ; de mĂȘme aussi, certains animaux et certaines plantes supportent la domesticitĂ© ou la culture sans varier beaucoup, Ă  peine plus peut-ĂȘtre qu’à l’état de nature.
Quelques naturalistes soutiennent que toutes les variations sont liĂ©es Ă  l’acte de la reproduction sexuelle ; c’est lĂ  certainement une erreur. J’ai citĂ©, en effet, dans un autre ouvrage, une longue liste de plantes que les jardiniers appellent des plantes folles, c’est-Ă -dire des plantes chez lesquelles on voit surgir tout Ă  coup un bourgeon prĂ©sentant quelque caractĂšre nouveaux et parfois tout diffĂ©rent des autres bourgeons de la mĂȘme plante. Ces variations de bourgeons, si on peut employer cette expression, peuvent se propager Ă  leur tour par greffes ou par marcottes, etc., ou quelquefois mĂȘme par semis. Ces variations se produisent rarement Ă  l’état sauvage, mais elles sont assez frĂ©quentes chez les plantes soumises Ă  la culture. Nous pouvons conclure, d’ailleurs, que la nature de l’organisme joue le rĂŽle principal dans la production de la forme particuliĂšre de chaque variation, et que la nature des conditions lui est subordonnĂ©e ; en effet, nous voyons souvent sur un mĂȘme arbre soumis Ă  des conditions uniformes, un seul bourgeon, au milieu de milliers d’autres produits annuellement, prĂ©senter soudain des caractĂšres nouveaux ; nous voyons, d’autre part, des bourgeons appartenant Ă  des arbres distincts, placĂ©s dans des conditions diffĂ©rentes, produire quelquefois Ă  peu prĂšs la mĂȘme variĂ©tĂ© – des bourgeons de pĂȘchers, par exemple, produire des brugnons et des bourgeons de rosier commun produire des roses moussues. La nature des conditions n’a donc peut-ĂȘtre pas plus d’importance dans ce cas que n’en a la nature de l’étincelle, communiquant le feu Ă  une masse de combustible, pour dĂ©terminer la nature de la flamme.
EFFETS DES HABITUDES ET DE L’USAGE OU DU NON-USAGE DES PARTIES ; VARIATION PAR CORRELATION ; HÉRÉDITÉ.
Le changement des habitudes produit des effets hĂ©rĂ©ditaires ; on pourrait citer, par exemple, l’époque de la floraison des plantes transportĂ©es d’un climat dans un autre. Chez les animaux, l’usage ou le non-usage des parties a une influence plus considĂ©rable encore. Ainsi, proportionnellement au reste du squelette, les os de l’aile pĂšsent moins et les os de la cuisse pĂšsent plus chez le canard domestique que chez le canard sauvage. Or, on peut incontestablement attribuer ce changement Ă  ce que le canard domestique vole moins et marche plus que le canard sauvage. Nous pouvons encore citer, comme un des effets de l’usage des parties, le dĂ©veloppement considĂ©rable, transmissible par hĂ©rĂ©ditĂ©, des mamelles chez les vaches et chez les chĂšvres dans les pays oĂč l’on a l’habitude de traire ces animaux, comparativement Ă  l’état de ces organes dans d’autres pays. Tous les animaux domestiques ont, dans quelques pays, les oreilles pendantes ; on a attribuĂ© cette particularitĂ© au fait que ces animaux, ayant moins de causes d’alarmes, cessent de se servir des muscles de l’oreille, et cette opinion semble trĂšs fondĂ©e.
La variabilitĂ© est soumise Ă  bien des lois ; on en connaĂźt imparfaitement quelques-unes, que je discuterai briĂšvement ci-aprĂšs. Je dĂ©sire m’occuper seulement ici de la variation par corrĂ©lation. Des changements importants qui se produisent chez l’embryon, ou chez la larve, entraĂźnent presque toujours des changements analogues chez l’animal adulte. Chez les monstruositĂ©s, les effets de corrĂ©lation entre des parties complĂštement distinctes sont trĂšs curieux ; Isidore Geoffroy Saint-Hilaire cite des exemples nombreux dans son grand ouvrage sur cette question. Les Ă©leveurs admettent que, lorsque les membres sont longs, la tĂȘte l’est presque toujours aussi. Quelques cas de corrĂ©lation sont extrĂȘmement singuliers : ainsi, les chats entiĂšrement blancs et qui ont les yeux bleus sont ordinairement sourds ; toutefois, M. Tait a constatĂ© rĂ©cemment que le fait est limitĂ© aux mĂąles. Certaines couleurs et certaines particularitĂ©s constitutionnelles vont ordinairement ensemble ; je pourrais citer bien des exemples remarquables de ce fait chez les animaux et chez les plantes. D’aprĂšs un grand nombre de faits recueillis par Heusinger, il paraĂźt que certaines plantes incommodent les moutons et les cochons blancs, tandis que les individus Ă  robe foncĂ©e s’en nourrissent impunĂ©ment. Le professeur Wyman m’a rĂ©cemment communiquĂ© ; une excellente preuve de ce fait. Il demandait Ă  quelques fermiers de la Virginie pourquoi ils n’avaient que des cochons noirs ; ils lui rĂ©pondirent que les cochons mangent la racine du lachnanthes, qui colore leurs os en rose et qui fait tomber leurs sabots ; cet effet se produit sur toutes les variĂ©tĂ©s, sauf sur la variĂ©tĂ© noire. L’un d’eux ajouta : « Nous choisissons, pour les Ă©lever, tous les individus noirs d’une portĂ©e, car ceux-lĂ  seuls ont quelque chance de vivre. » Les chiens dĂ©pourvus de poils ont la dentition imparfaite ; on dit que les animaux Ă  poil long et rude sont prĂ©disposĂ©s Ă  avoir des cornes longues ou nombreuses ; les pigeons Ă  pattes emplumĂ©es ont des membranes entre les orteils antĂ©rieurs ; les pigeons Ă  bec court ont les pieds petits ; les pigeons Ă  bec long ont les pieds grands. Il en rĂ©sulte donc que l’homme, en continuant toujours Ă  choisir, et, par consĂ©quent, Ă  dĂ©velopper une particularitĂ© quelconque, modifie, sans en avoir l’intention, d’autres parties de l’organisme, en vertu des lois mystĂ©rieuses de la corrĂ©lation.
Les lois diverses, absolument ignorĂ©es ou imparfaitement comprises, qui rĂ©gissent la variation, ont des effets extrĂȘmement complexes. Il est intĂ©ressant d’étudier les diffĂ©rents traitĂ©s relatifs Ă  quelques-unes de nos plantes cultivĂ©es depuis fort longtemps, telles que la jacinthe, la pomme de terre ou mĂȘme le dahlia, etc. ; on est rĂ©ellement Ă©tonnĂ© de voir par quels innombrables points de conformation et de constitution les variĂ©tĂ©s et les sous-variĂ©tĂ©s diffĂšrent lĂ©gĂšrement les unes des autres. Leur organisation tout entiĂšre semble ĂȘtre devenue plastique et s’écarter lĂ©gĂšrement de celle du type originel.
Toute variation non hĂ©rĂ©ditaire est sans intĂ©rĂȘt pour nous. Mais le nombre et la diversitĂ© des dĂ©viations de conformation transmissibles par hĂ©rĂ©ditĂ©, qu’elles soient insignifiantes ou qu’elles aient une importance physiologique considĂ©rable, sont presque infinis. L’ouvrage le meilleur et le plus complet que nous ayons Ă  ce sujet est celui du docteur Prosper Lucas. Aucun Ă©leveur ne met en doute la grande Ă©nergie des tendances hĂ©rĂ©ditaires ; tous ont pour axiome fondamental que le semblable produit le semblable, et il ne s’est trouvĂ© que quelques thĂ©oriciens pour suspecter la valeur absolue de ce principe. Quand une dĂ©viation de structure se reproduit souvent, quand nous la remarquons chez le pĂšre et chez l’enfant, il est trĂšs difficile de dire si cette dĂ©viation provient ou non de quelque cause qui a agi sur l’un comme sur l’autre. Mais, d’autre part, lorsque parmi des individus, Ă©videmment exposĂ©s aux mĂȘmes conditions, quelque dĂ©viation trĂšs rare, due Ă  quelque concours extraordinaire de circonstances, apparaĂźt chez un seul individu, au milieu de millions d’autres qui n’en sont point affectĂ©s, et que nous voyons rĂ©apparaĂźtre cette dĂ©viation chez le descendant, la seule thĂ©orie des probabilitĂ©s nous force presque Ă  attribuer cette rĂ©apparition Ă  l’hĂ©rĂ©ditĂ©. Qui n’a entendu parler des cas d’albinisme, de peau Ă©pineuse, de peau velue, etc., hĂ©rĂ©ditaires chez plusieurs membres d’une mĂȘme famille ? Or, si des dĂ©viations rares et extraordinaires peuvent rĂ©ellement se transmettre par hĂ©rĂ©ditĂ©, Ă  plus forte raison on peut soutenir que des dĂ©viations moins extraordinaires et plus communes peuvent Ă©galement se transmettre. La meilleure maniĂšre de rĂ©sumer la question serait peut-ĂȘtre de considĂ©rer que, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, tout caractĂšre, quel qu’il soit, se transmet par hĂ©rĂ©ditĂ© et que la non-transmission est l’exception.
Les lois qui rĂ©gissent l’hĂ©rĂ©ditĂ© sont pour la plupart inconnues. Pourquoi, par exemple, une mĂȘme particularitĂ©, apparaissant chez divers individus de la mĂȘme espĂšce ou d’espĂšces diffĂ©rentes, se transmet-elle quelquefois et quelquefois ne se transmet-elle pas par hĂ©rĂ©ditĂ© ? Pourquoi certains caractĂšres du grand-pĂšre, ou de la grand’mĂšre, ou d’ancĂȘtres plus Ă©loignĂ©s, rĂ©apparaissent-ils chez l’enfant ? Pourquoi une particularitĂ© se transmet-elle souvent d’un sexe, soit aux deux sexes, soit Ă  un sexe seul, mais plus ordinairement Ă  un seul, quoique non pas exclusivement au sexe semblable ? Les particularitĂ©s qui apparaissent chez les mĂąles de nos espĂšces domestiques se transmettent souvent, soit exclusivement, soit Ă  un degrĂ© beaucoup plus considĂ©rable au mĂąle seul ; or, c’est lĂ  un fait qui a une assez grande importance pour nous. Une rĂšgle beaucoup plus importante et qui souffre, je crois, peu d’exceptions, c’est que, Ă  quelque pĂ©riode de la vie qu’une particularitĂ© fasse d’abord son apparition, elle tend Ă  rĂ©apparaĂźtre chez les descendants Ă  un Ăąge correspondant, quelquefois mĂȘme un peu plus tĂŽt. Dans bien des cas, il ne peut en ĂȘtre autrement ; en effet, les particularitĂ©s hĂ©rĂ©ditaires que prĂ©sentent les cornes du gros bĂ©tail ne peuvent se manifester chez leurs descendants qu’à l’ñge adulte ou Ă  peu prĂšs ; les particularitĂ©s que prĂ©sentent les vers Ă  soie n’apparaissent aussi qu’à l’ñge correspondant oĂč le ver existe sous la forme de chenille ou de cocon. Mais les maladies hĂ©rĂ©ditaires et quelques autres faits me portent Ă  croire que cette rĂšgle est susceptible d’une plus grande extension ; en effet, bien qu’il n’y ait pas de raison apparente pour qu’une particularitĂ© rĂ©apparaisse Ă  un Ăąge dĂ©terminĂ©, elle tend cependant Ă  se reprĂ©senter chez le descendant au mĂȘme Ăąge que chez l’ancĂȘtre. Cette rĂšgle me paraĂźt avoir une haute importance pour expliquer les lois de l’embryologie. Ces remarques ne s’appliquent naturellement qu’à la premiĂšre apparition de la particularitĂ©, et non pas Ă  la cause primaire qui peut avoir agi sur des ovules ou sur l’élĂ©ment mĂąle ; ainsi, chez le descendant d’une vache dĂ©sarmĂ©e et d’un taureau Ă  longues cornes, le dĂ©veloppement des cornes, bien que ne se manifestant que trĂšs tard, est Ă©videmment dĂ» Ă  l’influence de l’élĂ©ment mĂąle.
Puisque j’ai fait allusion au retour vers les caractĂšres primitifs, je puis m’occuper ici d’une observation faite souvent par les naturalistes, c’est-Ă -dire que nos variĂ©tĂ©s domestiques, en retournant Ă  la vie sauvage, reprennent graduellement, mais invariablement, les caractĂšres du type originel. On a conclu de ce fait qu’on ne peut tirer de l’étude des races domestiques aucune dĂ©duction applicable Ă  la connaissance des espĂšces sauvages. J’ai en vain cherchĂ© Ă  dĂ©couvrir sur quels faits dĂ©cisifs ou a pu appuyer cette assertion si frĂ©quemment et si hardiment renouvelĂ©e ; il serait trĂšs difficile en effet, d’en prouver l’exactitude, car nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper, que la plupart de nos variĂ©tĂ©s domestiques les plus fortement prononcĂ©es ne pourraient pas vivre Ă  l’état sauvage. Dans bien des cas, nous ne savons mĂȘme pas quelle est leur souche primitive ; il nous est donc presque impossible de dire si le retour Ă  cette souche est plus ou moins parfait. En outre, il serait indispensable, pour empĂȘcher les effets du croisement, qu’une seule variĂ©tĂ© fĂ»t rendue Ă  la libertĂ©. Cependant, comme il est certain que nos variĂ©tĂ©s peuvent accidentellement faire retour au type de leurs ancĂȘtres par quelques-uns de leurs caractĂšres, il me semble assez probable que, si nous pouvions parvenir Ă  acclimater, ou mĂȘme Ă  cultiver pendant plusieurs gĂ©nĂ©rations, les diffĂ©rentes races du chou, par exemple, dans un sol trĂšs-pauvre (dans ce cas toutefois il faudrait attribuer quelque influence Ă  l’action dĂ©finie de la pauvretĂ© du sol), elles feraient retour, plus ou moins complĂštement, au type sauvage primitif. Que l’expĂ©rience rĂ©ussisse ou non, cela a peu d’importance au point de vue de notre argumentation, car les conditions d’existence auraient Ă©tĂ© complĂštement modifiĂ©es par l’expĂ©rience elle-mĂȘme. Si on pouvait dĂ©montrer que nos variĂ©tĂ©s domestiques prĂ©sentent une forte tendance au retour, c’est-Ă -dire si l’on pouvait Ă©tablir qu’elles tendent Ă  perdre leurs caractĂšres acquis, lors mĂȘme qu’elles restent soumises aux mĂȘmes conditions et qu’elles sont maintenues en nombre considĂ©rable, de telle sorte que les croisements puissent arrĂȘter, en les confondant, les petites dĂ©viations de conformation, je reconnais, dans ce cas, que nous ne pourrions pas conclure des variĂ©tĂ©s domestiques aux espĂšces. Mais cette maniĂšre de voir ne trouve pas une preuve en sa faveur. Affirmer que nous ne pourrions pas perpĂ©tuer nos chevaux de trait et nos chevaux de course, notre bĂ©tail Ă  longues et Ă  courtes cornes, nos volailles de races diverses, nos lĂ©gumes, pendant un nombre infini de gĂ©nĂ©rations, serait contraire Ă  ce que nous enseigne l’expĂ©rience de tous les jours.
CARACTÈRES DES VARIÉTÉS DOMESTIQUES ; DIFFICULTÉ DE DISTINGUER ENTRE LES VARIÉTÉS ET LES ESPÈCES ; ORIGINE DES VARIÉTÉS DOMESTIQUES ATTRIBUÉE À UNE OU À PLUSIEURS ESPÈCE.
Quand nous examinons les variĂ©tĂ©s hĂ©rĂ©ditaires ou les races de nos animaux domestiques et de nos plantes cultivĂ©es et que nous les comparons Ă  des espĂšces trĂšs voisines, nous remarquons ordinairement, comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, chez chaque race domestique, des caractĂšres moins uniformes que chez les espĂšces vraies. Les races domestiques prĂ©sentent souvent un caractĂšre quelque peu monstrueux ; j’...

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