Sonia
eBook - ePub

Sonia

  1. 235 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Le « charmant enfant » de madame Goréline, son fils Eugène, était un enfant terrible pareil à tous les autres, ni plus ni moins intelligent, mais d'une impertinence adorable avec son père, comme du reste on aurait pu le conclure sans le voir, rien qu'à la façon dont madame Goréline parlait à son mari en présence de leurs enfants. Le dîner, mesquin et prétentieux, était exactement ce que promettait le salon grenat. Il y avait un poisson délicat, mais trop petit pour le nombre des convives, dont deux ou trois n'eurent en partage que quelques bribes noyées dans un flot de mayonnaise. La salade était faite avec de l'huile rance achetée au plus près et du vinaigre aqueux, produit de fabrication domestique; ainsi du reste. Le repas s'écoula d'ailleurs sans encombre. La maîtresse du logis comblait Boris de prévenances et de bons morceaux; Eugène, encore intimidé par la présence du nouveau venu, se tenait d'une façon satisfaisante, et le général était si fort absorbé qu'il n'ouvrit pas la bouche après le premier compliment expédié en quatre mots: - Enchanté de vous voir.

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Informations

Année
2019
ISBN de l'eBook
9782322151929

XIX

Les premiers mois furent terribles pour Boris. À peine arrivé à Pétersbourg, il se sentit pris de nostalgie, la nostalgie de son cher village, et surtout des êtres aimés qu’il avait laissés derrière lui. Les lettres hebdomadaires de sa mère et celles de Lydie, beaucoup plus courtes et plus rares, ne faisaient qu’accroître son désir insensé de retourner près d’elles.
Son travail était attrayant cependant, et celui qui employait le jeune étudiant était le meilleur des hommes ; mais la raison n’avait guère de prise sur les sentiments exaltés jusqu’à la souffrance du pauvre garçon désespéré.
Quand le jour de son départ pour l’étranger fut fixé, Boris éprouva un nouveau déchirement : n’était-ce pas assez dur de se voir condamné à vivre loin des siens sans augmenter la distance qui le séparait d’eux ? Cependant, il sut se maîtriser : l’avenir dépendait de sa persévérance, Lydie lui conseillait de partir, sa mère était résignée... Une idée lui vint. En demandant trois jours de congé, il pouvait aller embrasser sa mère et voir Lydie en passant ; mais il fallait s’entendre avec celle-ci. Sans perdre un moment, il écrivit et reçut au plus tôt cette réponse :
– « Cher Boris, ne viens pas, nous partons demain pour aller voir une de mes tantes, qui est très malade ; je ne sais combien de temps nous resterons là-bas, tout l’été peut-être, et peut-être aussi quelques jours seulement. Nous n’emmenons pas Dounia, qui a trouvé une autre place ; je ne sais plus du tout comment je pourrai avoir tes lettres, mais écris-moi toujours poste restante à Moscou : je trouverai bien un moyen quelconque de les faire retirer quand nous serons revenus. Envoie-moi ton adresse de l’étranger pour que je t’écrive. N’oublie pas
« Ta fidèle Lydie. »
Boris ne se sentit pas satisfait de cette lettre ; cependant, que pouvait-il exiger de plus ? Mademoiselle Goréline n’était pas maîtresse de ses actions, il le savait ; elle promettait de lui écrire ; – et pourtant le cœur du jeune homme se serrait de plus en plus à l’idée qu’elle allait être trois ou quatre mois sans nouvelles de lui : « Elle n’en souffrira peut-être pas beaucoup », se dit-il avec amertume.
Au moment du départ, comme il montait en voiture pour se rendre au chemin de fer, il reçut une lettre de sa mère.
« Je t’envoie ma bénédiction, écrivait la pauvre femme sur un papier taché de larmes ; que Dieu t’accompagne dans ton voyage, mon cher fils, et qu’il te ramène sain et sauf. J’ai fait dire des prières pour toi, à la maison, l’autre jour ; Sonia pleurait si fort que nous avons été obligés de lui faire boire un verre d’eau pour la calmer. Elle me charge de te dire qu’elle ne s’est plus battue ni querellée avec personne depuis ton départ, « pas même avec le chien », m’enjoint-elle de te mander. Elle est là, derrière moi, qui regarde comment je t’écris, et qui me répète de ne pas oublier son message. Nous parlerons de toi, ensemble, cette fillette et moi, et nous tâcherons d’avoir de la patience. Sois heureux, mon cher fils, et pense tous les jours, en te levant, à ta mère qui priera pour toi. »
Boris partit, et les mois s’écoulèrent. Vainement il attendait une lettre de Lydie ; – rien n’était plus facile que de jeter une lettre à la boîte, se disait-il, et il avait eu la précaution de lui donner son adresse bureau restant ; mais cette mesure de prudence ne paraissait pas avoir influé sur les actions de sa fiancée. Il écrivait tous les huit jours de longues lettres pleines de tendresse, de reproches, d’espérances..., mais tout cela restait sans réponse. Il se consumait dans cette vaine attente, et croyait déjà Lydie malade, morte, peut-être..., il ne songea point qu’elle pourrait l’avoir trahi.
À la fin du quatrième mois, il reçut enfin la lettre tant attendue et courut s’enfermer dans sa chambre pour la lire.
« Cher Boris, disait Lydie, Dounia est venue me voir aussitôt après mon retour de la campagne ; je l’ai tant suppliée qu’elle est allée me chercher tes lettres. Elle désire beaucoup rentrer chez nous, parce que la place qu’elle a maintenant ne lui convient pas, et elle n’a pas osé me refuser. J’ai lu tout ce que tu m’as écrit, cher Boris, et je te remercie de tant penser à moi. Ne m’écris pas si souvent : l’employé qui a remis le paquet à Dounia s’est mis à rire et lui a dit : On voit que le monsieur qui a fait la cour à votre demoiselle a du temps à perdre.
« Ce n’est qu’un employé, j’en conviens, mais c’est désagréable tout de même, et j’ai horriblement peur que cela ne finisse par arriver aux oreilles de maman. Si tu m’écris une fois par mois, ce sera assez, et encore je ne sais pas comment je pourrai avoir cette lettre, car maman ne veut pas reprendre Dounia ; elle dit qu’elle est très grossière (ces deux mots étaient en français), et je n’aurai personne pour faire mes commissions. Adieu, cher Boris ; je t’écrirai aussi souvent que je le pourrai. Aime-moi toujours, et pense à
« Ta Lydie. »
Les bras tombèrent à Boris. Il se laissa aller dans son fauteuil, et des larmes de découragement lui vinrent aux yeux. Après quatre mois de silence, après une séparation de dix mois, c’est là tout ce qu’elle trouvait à lui dire ?
Furieux, il se mit à marcher de long en large, puis peu à peu sa fureur tomba. Certes, Lydie n’était pas éloquente, elle n’avait guère parlé dans leurs entretiens ; son éducation frivole ne lui avait point enseigné l’art de développer sa pensée ! Elle assurait Boris de sa tendresse ; que fallait-il de plus ?
Boris se mit à son bureau et écrivit aussitôt une lettre de remerciements, accompagnée de mille protestations de fidélité. La lettre partit, et six mois s’écoulèrent sans qu’il reçût de réponse.
Il pria, il supplia Lydie de lui donner de ses nouvelles ; il la menaça d’un esclandre, puis se radoucit et recommença à supplier : tout fut inutile. Exaspéré un jour, il lui posa une question définitive :
« M’aimes-tu, écrivit-il, ou ne m’aimes-tu pas ? Si notre engagement te pèse, si quelque autre a su se faire aimer de toi, dis-le-moi franchement, je t’aime assez pour te rendre ta liberté ; mais tant que tu ne m’auras pas fait savoir que tu ne veux plus de moi, je te considérerai comme ma fiancée et je te poursuivrai de mes lettres. »
Lorsque Lydie reçut cet ultimatum, elle venait de subir un fâcheux échec. Un officier de la garde, après l’avoir courtisée assidûment pendant six semaines, était brusquement parti pour son régiment, laissant en guise d’adieu des excuses très vagues. Presque en même temps, un journal de Moscou reproduisait une note du savant ami de Boris, annonçant la découverte de documents inédits d’une grande importance, « due en grande partie, disait-on, aux travaux d’un jeune homme de talent, M. Grébof, qui, s’il continue ainsi, se fera un nom dans la science ».
Lydie se trouva prise entre l’ennui que lui inspirait Boris et le désir de le garder au bout de sa ligne, dans le cas où elle ne pourrait se procurer un plus gros poisson.
Après avoir bien calculé, lu et relu la dernière lettre de son fiancé, elle eut une inspiration merveilleuse.
« Quand on s’aime, écrivit-elle, on n’a pas besoin de se le répéter sans cesse ; les soupçons m’outragent, et j’en suis cruellement blessée. Si tu as confiance en moi, tu sauras attendre sans douter de mon attachement. Je ne t’écrirai plus, c’est trop dangereux. Nous verrons bien à ton retour si c’est moi qui ai cessé d’être fidèle. »
Boris répondit par un torrent de reproches et de serments qui ne tenait pas moins de seize pages, – mais Lydie tint bon et ne répondit pas. Par cette manœuvre habile, elle avait engagé Boris et s’était réservé sa liberté, – non sans quelque jésuitisme, – mais on ne fait pas d’omelette, dit le proverbe, sans casser des œufs.
Boris commença par souffrir horriblement : une douleur aiguë lui traversait le cœur à tout moment, au souvenir de son bonheur passé ; il en voulait à Lydie, il s’en voulait à lui-même et se consumait dans une sorte de rage impuissante. Le savant qu’il accompagnait s’aperçut de ces luttes intérieures, et, lui posant un soir la main sur l’épaule, il lui dit :
– Mon jeune ami, vous ne cherchez pas la paix où elle se trouve. Je ne sais ce qui vous fait souffrir, mais votre souffrance est visible. Accoutumez-vous à l’idée de l’irréparable, et cherchez dans l’étude des consolations plus hautes que la simple distraction de chaque jour.
Boris profita du conseil, et peu à peu sa douleur s’engourdit. « Si elle m’a trompé, se dit-il, elle en aura la honte ; j’attendrai, moi, et je lui rapporterai mon cœur tel que je l’ai emporté. Si elle m’est restée fidèle... »
À l’idée de cette joie encore possible, son cœur débordait ; mais il sut se contraindre à n’y penser que rarement, et sa vie entra dès lors dans cet austère sentier du travail où l’esprit dompté recueille tant de trésors.
Cette fidélité à l’aveuglette semblera bien étrange aux lecteurs de nos pays, mais il ne faut pas oublier que la Russie touche à l’Allemagne et à la Suède, et que ces deux pays partagent avec l’Angleterre le privilège des longues fidélités. Il n’est pas rare de voir des fiancés s’aimer et attendre les noces pendant huit, dix ans et plus. Ce qui nous ferait rire, nous autres, Français, que ces peuples appellent « légers », leur paraît tout naturel, et Boris, en agissant ainsi, n’était ni meilleur ni plus sot que beaucoup d’autres.
D’ailleurs, il venait de se donner tout entier à l’étude, et l’étude est une maîtresse jalouse.
Dans la société de l’homme austère et bon qui l’avait appelé près de lui, pendant ses longues veilles sur d’indéchiffrables manuscrits, il découvrit les mille joies intimes et durables que le travail utile et désintéressé peut seul donner. Il visita les plus célèbres parmi les villes de science, et fouilla les recoins ignorés de leurs bibliothèques ; et s’il avait beaucoup plus vu que réellement appris, il rassembla des matériaux utiles pour l’avenir, et son esprit subit dans cette tension continuelle une excellente préparation pour ses travaux futurs.
Les lettres de sa mère, toujours calmes et résignées, lui donnaient sans qu’elle le sût les leçons de la plus haute morale. Cette femme qui avait toujours vécu pour son fils, dont le rêve avait été de vieillir auprès de lui, demeurait solitaire, avec une santé chancelante ; elle amassait, au prix de menues privations, quelque argent pour le retour de son cher enfant ; elle occupait ses longs et tristes loisirs à lui préparer du linge, à faire filer de la toile pour son futur ménage, et jamais une plainte, jamais un regret ne se laissait deviner sous la mélancolie sereine de ces longues pages bien remplies. Le devoir commandait à Boris de vivre loin d’elle ; ainsi, il deviendrait un homme véritablement bon et utile, – c’en était assez pour qu’elle fût tranquille ; son cœur généreux et noble ne connaissait point d’autre loi.
Un soir de Noël pourtant, – il y avait alors deux ans que Boris l’avait quittée, – madame Grébof se sentit bien seule. La neige tombée en abondance cette année-là enterrait la maison presque jusqu’à la hauteur des volets ; tout, au dehors, était tranquille et froid ; la veuve s’approcha de la fenêtre et regarda en soulevant le coin du store. Sa pensée allait bien au-delà de la palissade noirâtre, à peine distincte au-dessus de la grande nappe blanche qui recouvrait tout ; elle songeait à son fils.
– Près de qui, se disait-elle, passe-t-il sa nuit de Noël ? Est-il content ? a-t-il à ses côtés un ami ou une amie ? Il est d’âge à aimer. Qui sera sa femme ? Sera-t-elle belle ? Sera-t-elle bonne ?
En pensant à sa future bru, madame Grébof laissa tomber le coin du store et poussa un soupir. Un autre soupir lui fit écho ; elle se retourna et vit Sonia qui, chaussée de neuf en l’honneur de la fête, entrait doucement en portant le samovar.
La bouilloire de cuivre bien poli reluisait comme un soleil à travers les nuages de vapeur que laissaient échapper les trous du couvercle ; la tasse de madame Grébof, posée sur le petit plateau, faisait vis-à-vis au pot à crème ; les petits pains dorés brillaient dans la corbeille, sur une serviette bien blanche.
– Comme tu as bien arrangé tout cela ! dit madame Grébof avec bonté.
Les yeux de Sonia brillèrent de satisfaction. La mère songea au repas de son fils, et elle soupira encore une fois.
– Oui, n’est-ce pas, maîtresse, dit Sonia, répondant à la pensée secrète de sa bienfaitrice, si le maître était aussi bien servi, là-bas, ce serait une consolation !
Surprise de se voir si bien devinée, madame Grébof regarda la petite fille, et sourit.
– Qui t’a dit que je pensais à mon fils ? dit-elle.
– Oh ! madame, répondit l’enfant, est-ce que nous n’y pensons pas toujours toutes les deux ? À quoi donc penserait-on, mon Dieu, si l’on ne pensait pas au maître !
Madame Grébof se versa une tasse de thé sans rien dire ; ces paroles étaient trop bien sa propre pensée pour qu’elle eût besoin de répondre. Sonia, debout près d’elle, la servait silencieusement sans attendre ses ordres.
– Puisque tu aimes tant le maître, dit la bonne dame au bout d’un moment, va te chercher une tasse, tu prendras le thé avec moi, et nous parlerons de lui.
Rouge de joie et d’orgueil, Sonia obéit, reçut son thé de la main de madame Grébof, qu’elle baisa délicatement en prenant la tasse, et s’assit sur le coin d’une chaise. Quel honneur ! Prendre le thé avec madame ! Pour la centième fois, la vieille dame se fit répéter comment Sonia avait été arrachée aux mains brutales de madame Goréline, et plus d’une larme roula sur leurs joues à toutes deux en pensant aux vertus de l’absent adoré.
Le te...

Table des matières

  1. Pages de titre
  2. I
  3. II
  4. III
  5. IV
  6. V
  7. VI
  8. VII
  9. VIII
  10. IX
  11. X
  12. XI
  13. XII
  14. XIII
  15. XIV
  16. XV
  17. XVI
  18. XVII
  19. XVIII
  20. XIX
  21. XX
  22. XXI
  23. XXII
  24. XXIII
  25. XXIV
  26. XXV
  27. XXVI
  28. Page de copyright