La seconde mère
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La seconde mère

  1. 227 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La seconde mère

À propos de ce livre

Un peu injuste, répéta-t-il. Ne comprenez-vous pas que ma vie est très occupée, très austère, souvent triste; que le barreau est une profession où l'on devient aisément misanthrope, à force de voir les mauvais côtés de la nature humaine; que la politique est toujours pénible, souvent écoeurante, et que j'ai besoin d'avoir dans ma maison une belle fleur épanouie, comme vous en avez sans cesse près de vous, dans un vase, pour reposer ma vie et mon coeur? Voudriez-vous vraiment me condamner à rentrer toujours seul dans un logis toujours désert? à ne jamais voir que des visages d'hommes autour de ma table, à vivre seul, ma mère aimée, et à mourir seul?

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Informations

Année
2019
ISBN de l'eBook
9782322151745

VI

Trois années s’étaient écoulées. Vaincue par la raison du plus fort, c’est-à-dire par la déraison de son petit-fils, Mme Brice s’était décidée à lui donner une institutrice.
C’était une personne très sage, qui avait fait plusieurs éducations déjà, et qui, en prenant de l’âge, avait choisi la mission difficile, mais flatteuse, de préparer les petits garçons pour le lycée. Elle avait jusque-là fort bien réussi, et on la déclarait très supérieure à tout gouverneur pour mener à bien les études des jeunes héritiers de grande famille. Cette réputation méritée devait attirer sur elle l’attention de Mme Brice mère, qui, décidément, trouvait Edme un peu récalcitrant.
Les choses marchèrent assez convenablement pendant dix-huit mois environ, puis le baromètre descendit aux Pignons, pour ne plus remonter ; – c’étaient, de la part de l’institutrice, des gronderies interminables, – de la part d’Edme, des éclats de colère qui faisaient présager une adolescence ingouvernable. À plusieurs reprises, Richard avait dû intervenir ; sa présence seule suffisait pour rétablir le calme et faire rentrer Edme dans le devoir, car le jeune garçon aimait son père avec un enthousiasme touchant. Rien n’était aussi beau, aussi bon que ce père absent ; en revanche, au nom de Mme Richard Brice, ses sourcils se fronçaient et sa physionomie revêtait une expression dure. N’était-ce pas à cause de sa belle-mère qu’Edme était privé de vivre avec son père ? Il avait tiré ses petites conclusions tout seul, – ce qui était fâcheux, car moins renfermé, plus expansif, il eût causé avec Jaffé, qui lui eût donné quelques saines notions de la vérité ; mais Jaffé avait perdu toute influence depuis l’entrée de l’institutrice, qui, fort intelligente et bonne cependant, avait en elle-même réprouvé la familiarité de ce domestique, avant d’avoir pu se rendre compte de la différence qu’il y avait entre celui-là et tous les autres. Il s’était trouvé peu à peu écarté de son jeune maître, et, sous un prétexte ou sous un autre, les occasions de causer avec lui avaient disparu. Mme Brice mère estimait fort Jaffé, sans lequel elle n’eût pu se tirer de la gérance de son bien ; mais elle connaissait la franchise de son langage, quoique entortillée dans d’inextricables politesses lorsqu’il avait quelque chose de particulièrement désagréable à dire, et elle redoutait instinctivement cette franchise pour son petit-fils.
Un jour de la fin de septembre, au moment où Odile ouvrait ses malles, au retour d’un séjour de quelques semaines chez son père, dans la Creuse, Jaffé fut annoncé par la femme de chambre, un peu effarée.
– C’est le domestique des Pignons qui veut parler à monsieur tout de suite ! dit-elle.
Richard était absent. Odile fit venir l’honnête serviteur dans la bibliothèque.
– Qu’y a-t-il, Jaffé ? demanda-t-elle. Mme Brice n’est pas malade ?... ni Edme ?
– Non, madame, répondit Jaffé tout d’une haleine ; les santés sont bonnes ; c’est le caractère qui ne va pas. Mme Brice m’envoie chercher monsieur.
– Pourquoi faire ?
– Pour mettre M. Edme à la raison, et cette fois c’est sérieux.
Odile réprima un léger mouvement d’inquiétude. Ordinairement, son mari était prévenu par lettre, et avec des ménagements, des adoucissements qui excusaient les sottises du petit garçon.
– Vous n’avez pas de lettre ? dit-elle.
– Non, madame. Mme Brice était tellement en colère que sa main tremblait, et elle ne pouvait pas écrire. Elle m’a dit : « Prends le train, Jaffé, et va-t’en raconter ça à mon fils. » Monsieur n’est pas là ?
– Il ne reviendra que demain matin, Jaffé !
– Je vais l’attendre. Si nous pouvions prendre l’express...
Il regarda Odile avec beaucoup d’attention, de ses bons yeux bruns de chien fidèle, et après un instant d’examen :
– Je vais le dire à madame, fit-il ; peut-être bien que monsieur sera moins vexé que si je le lui disais à lui-même... J’ai bien vu que madame aimait le petit...
– Oui, Jaffé, fit Odile, en lui rendant regard pour regard. Je l’aime...
– Eh bien ! alors, je vais le dire... Car monsieur ne sera pas content. Aujourd’hui, pendant la leçon, M. Edme a giflé son institutrice.
– Vous dites ? fit Odile, qui n’en croyait pas ses oreilles.
– Il a giflé son institutrice, – il lui a donné une tape dans la figure, enfin...
Odile avait pris un air très grave ; Jaffé continua en baissant la voix :
– Et comme madame lui en faisait reproche, c’est vrai qu’elle le traitait rudement et que c’était difficile à supporter...
– Eh bien ? fit Odile, en devenant très pâle.
– Il a levé la main sur elle... il n’a pas frappé, non, madame, heureusement... car Mme Brice est colère, et je ne sais pas ce qu’elle aurait fait !
Odile, consternée, regardait sa robe sur ses genoux, et voyait avec les yeux de sa pensée l’enfant et la grand-mère, face à face, aussi furieux, aussi emportés l’un que l’autre.
– Et alors ? reprit-elle après un instant.
– M. Edme s’est sauvé dans sa chambre, où il s’est enfermé. Depuis lors, il n’a pas mangé et il n’a pas voulu sortir.
Le visage d’Odile exprimait une terreur si évidente, que Jaffé s’empressa d’ajouter :
– Je l’ai vu, madame. Je suis monté sur un arbre dans le jardin, en face de sa fenêtre, et je l’ai vu.
– Que faisait-il ?
Il était à son bureau et il écrivait. Je pense que c’était à sa grand-mère, ou peut-être à monsieur. Alors, je suis parti.
– Et s’il lui arrivait malheur ? demanda Odile tout bas, sans oser presque s’avouer ses craintes à elle-même.
– On le garde à vue, madame, il y a quelqu’un à sa porte, et quelqu’un dans l’arbre, avec une corde pour sonner la cloche en cas d’alarme. On a attaché ses persiennes par dehors, il ne pourra pas les fermer... Il a de la lumière, et l’on fait bien attention. Et puis, ajouta-t-il très bas, il n’a ni couteau ni pistolet...
Ils s’entre-regardèrent, effrayés de ces paroles. Ils avaient eu la même idée tous deux : ce fier garçon de onze ans, dans une rage d’humiliation, pouvait avoir songé au suicide... Odile frissonna et mit sa main devant ses yeux.
– Si j’osais, dit-elle enfin, j’irais tout de suite...
– Il n’y a plus de train ce soir, répondit Jaffé ; sans cela, j’aurai bien escorté madame...
– Nous partirons demain par le premier train ; je laisserai un mot à mon mari.
Après une nuit sans sommeil, où le poids des responsabilités de toute espèce s’abattit bien lourdement sur la pauvre Odile, elle partit. Jaffé, pensant ramener son maître, avait laissé la voiture à la station de Laroche, et le groom prévenu par un télégramme, les attendait avec l’équipage tout prêt.
La route parut interminable : enfin, les Pignons apparurent au dernier détour, et Odile franchit seule pour la première fois le seuil de la maison de sa belle-mère.
Mme Brice était descendue au bruit des roues ; en apercevant sa bru, elle fut très surprise, – et désagréablement. Son attitude contrainte, son regard froid semblaient dire : « Que venez-vous faire ici ? »
– Mon mari est absent, dit Odile, il ne pourra être ici que dans quelques heures, et je suis venue à la hâte...
– C’est fort aimable à vous, répondit Mme Brice, du ton dont elle eût exprimé tout le contraire ; mais tout est rentré dans l’ordre, et nous sommes parfaitement tranquilles. Voulez-vous vous débarrasser ?
Odile ôta son chapeau et son manteau de voyage, avec l’impression qu’elle venait de commettre une méprise considérable, une de ces méprises qui vous laissent tout penaud et dont le souvenir, vingt ans après, vous fait encore monter au front une rougeur d’humiliation.
Une fois son vêtement remis au domestique, elle ne sut plus que faire d’elle-même.
Mme Brice, après avoir fait quelques pas et remué quelques menus objets, s’excusa et retourna au premier étage, sans offrir à Odile de monter dans la chambre qu’elle habitait lors de ses séjours.
Ce manque d’usage, qui n’était peut-être pas tout à fait volontaire, car Mme Brice, malgré la belle apparence de son accueil, était fort loin d’être calme, acheva de bouleverser la pauvre Odile. Elle regarda machinalement autour d’elle, pensa que son mari, quelque diligence qu’il fit, ne saurait arriver avant plusieurs heures, et se dit que ces heures-là seraient les plus longues de sa vie. La matinée n’était pas encore assez avancée pour qu’on pût compter sur le déjeuner pour abréger le temps, et Odile regretta beaucoup l’impulsion généreuse qui l’avait entraînée aux Pignons.
Pour tromper son ennui, et aussi pour avoir des nouvelles, elle descendit dans le jardin et se dirigea vers les communs. Jaffé, prudemment, expédiait le phaéton à Laroche, afin que son maître le trouvât, s’il avait pu prendre le rapide de huit heures cinquante. En voyant Odile, il vint au-devant d’elle.
– Tout va bien, lui dit-il à demi-voix, comme s’il recevait d’elle un ordre sans importance : il s’est endormi vers neuf heures du soir si profondément qu’on a pu dévisser sa serrure ; en se réveillant, il a trouvé sa grand-mère au pied de son lit, ils se sont embrassés, et c’est fini. Je crois que madame est bien fâchée d’avoir fait prévenir M. Richard, et encore plus fâchée...
Il s’arrêta, sa casquette galonnée à la main, sûr d’avoir été compris.
– Jaffé, dit Odile, prévenez le cocher que je pars avec le phaéton ; je vais aller au-devant de mon mari.
– Que dira Mme Brice ? demanda le bon serviteur.
– Mon mari lui expliquera cela comme il voudra, répondit Odile. Voulez-vous aller chercher mon manteau et mon chapeau dans le hall ?
Jaffé disparut et revint à l’instant.
– Vous direz à Mme Brice que je suis allée au-devant de mon mari, fit Odile en posant son chapeau sur sa tête.
Jaffé appela le valet d’écurie.
– Tu diras à madame que Mme Richard est allée au-devant de son mari, fit-il ; c’est moi qui aurai l’honneur de la conduire.
– Soit, dit Odile.
Deux minutes après, Jaffé dirigeait vigoureusement ses trotteurs vers Laroche.
Odile, assise à côté de lui, méditait sur le danger des entraînements charitables, et ni l’un ni l’autre ne disaient rien. Enfin, Jaffé parla.
– Je regrette bien d’avoir demandé à madame de venir aux Pignons, dit-il avec l’abondance de précautions oratoires qui caractérisait ses discours importants. Si j’avais pu prévoir que la chose finirait d’une façon aussi simple, je ne me serais pas permis de déranger madame ; je ne me serais pas dérangé moi-même non plus. Et surtout si j’avais pu penser que Mme Brice ne voudrait pas laisser voir M. Edme. J’aurais dû songer à cela, car je connais bien...
Il ne dit pas quelle était la personne ou la chose qu’il connaissait si bien, mais il garda le silence pendant un instant. Odile attendait la suite.
– Je l’ai vu naître, M. Edme, reprit-il, et je connais ses qualités, – il a beaucoup de qualités, – comme ses défauts ; – il en a beaucoup aussi. Il a, comme nous disons, sauf le respect que je dois à madame, la tête près du bonnet ; – Mme Brice est de même ; et, de plus, il est très rancunier, comme M. Richard, qui est le meilleur homme de la terre, et qui ne pardonne que quand il le faut. J’avais cru que ça durerait plus longtemps, cette fois-ci ; je me suis trompé et j’en demande bien pardon à madame.
Odile ne disait rien ; pour tout au monde elle n’eût voulu interroger Jaffé, et cependant, en l’écoutant, elle sentait qu’elle remplissait un devoir.
– C’est Mme Brice qui a cédé, reprit Jaffé ; sans cela, ce ne serait pas fini ; quand il s’entête, notre jeune monsieur, c’est toujours sa grand-mère qui cède... Si l’on m’avait dit ça quand elle faisait l’éducation de M. Richard, on m’aurait bien étonné ! Dans ce temps-là, c’était lui qui cédait. Mais maintenant, madame est plus âgée, et puis... c’est une grand-mère...
Jaffé releva du bout de son fouet le trotteur de gauche, qui se faisait traîner par l’autre.
– Enfin, conclut-il, je crois que Mme Brice est désolée d’avoir fait avertir M. Richard, et qu’elle donnerait bien des choses pour qu’il ...

Table des matières

  1. Pages de titre
  2. I
  3. II
  4. III
  5. IV
  6. V
  7. VI
  8. VII
  9. VIII
  10. IX
  11. X
  12. XI
  13. XII
  14. XIII
  15. XIV
  16. XV
  17. XVI
  18. XVII
  19. XVIII
  20. XIX
  21. XX
  22. XXI
  23. XXII
  24. XXIII
  25. Page de copyright