Contes de la bécasse
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Contes de la bécasse

Guy de Maupassant

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  1. 142 pages
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Contes de la bécasse

Guy de Maupassant

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Citations

À propos de ce livre

Chez le vieux baron des Ravots qui ne pouvait plus chasser, une coutume existait, qu'on appelait le " conte de la bĂ©casse". Lorsque chaque convive avait dĂ©gustĂ© son oiseau, le cĂ©rĂ©monial voulait qu'aprĂšs avoir graissĂ© toutes les tĂȘtes, le maĂźtre de maison tirĂąt au sort celui qui seul aurait le privilĂšge de s'en rĂ©galer. "L'Ă©lu du hasard croquait le crĂąne suiffĂ© en le tenant par le nez et en poussant des exclamations de plaisir. Et chaque fois les dĂźneurs, levant leurs verres, buvaient Ă  sa santĂ©. Puis, quand il avait achevĂ© le dernier, il devait sur l'ordre du baron, conter une histoire pour indemniser les dĂ©shĂ©ritĂ©s." Ce sont ces rĂ©cits normands que Maupassant rĂ©unit ici. Histoires savoureuses sans doute Ă  l'image du dĂźner, facĂ©tieuses aussi, mais pourtant cruelles: la drĂŽlerie s'assombrit de noirceur, le tragique se lie Ă  la farce, et le pessimisme Ă  la bouffonnerie.

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Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2018
ISBN
9782322160747
Édition
1

Ce cochon de Morin

À M. Oudinot.

I

« Ça, mon ami, dis-je Ă  Labarbe, tu viens encore de prononcer ces quatre mots, « ce cochon de Morin ». Pourquoi, diable, n’ai-je jamais entendu parler de Morin sans qu’on le traitĂąt de « cochon » ?
Labarbe, aujourd’hui dĂ©putĂ©, me regarda avec des yeux de chat-huant. « Comment, tu ne sais pas l’histoire de Morin, et tu es de La Rochelle ? »
J’avouai que je ne savais pas l’histoire de Morin. Alors Labarbe se frotta les mains et commença son rĂ©cit.
« Tu as connu Morin, n’est-ce pas, et tu te rappelles son grand magasin de mercerie sur le quai de La Rochelle ?
– « Oui, parfaitement.
– « Eh bien, sache qu’en 1862 ou 63 Morin alla passer quinze jours Ă  Paris, pour son plaisir, ou ses plaisirs, mais sous prĂ©texte de renouveler ses approvisionnements. Tu sais ce que sont, pour un commerçant de province, quinze jours de Paris. Cela vous met le feu dans le sang. Tous les soirs des spectacles, des frĂŽlements de femmes, une continuelle excitation d’esprit. On devient fou. On ne voit plus que danseuses en maillot, actrices dĂ©colletĂ©es, jambes rondes, Ă©paules grasses, tout cela presque Ă  portĂ©e de la main, sans qu’on ose ou qu’on puisse y toucher. C’est Ă  peine si on goĂ»te, une fois ou deux, Ă  quelques mets infĂ©rieurs. Et l’on s’en va, le cƓur encore tout secouĂ©, l’ñme Ă©moustillĂ©e, avec une espĂšce de dĂ©mangeaison de baisers qui vous chatouillent les lĂšvres.
Morin se trouvait dans cet Ă©tat, quand il prit son billet pour La Rochelle par l’express de 8 h 40 du soir. Et il se promenait plein de regrets et de trouble dans la grande salle commune du chemin de fer d’OrlĂ©ans, quand il s’arrĂȘta net devant une jeune femme qui embrassait une vieille dame. Elle avait relevĂ© sa voilette, et Morin, ravi, murmura : « Bigre, la belle personne ! »
Quand elle eut fait ses adieux à la vieille, elle entra dans la salle d’attente, et Morin la suivit ; puis elle passa sur le quai, et Morin la suivit encore ; puis elle monta dans un wagon vide, et Morin la suivit toujours.
Il y avait peu de voyageurs pour l’express. La locomotive siffla ; le train partit. Ils Ă©taient seuls.
Morin la dĂ©vorait des yeux. Elle semblait avoir dix-neuf Ă  vingt ans ; elle Ă©tait blonde, grande, d’allure hardie. Elle roula autour de ses jambes une couverture de voyage, et s’étendit sur les banquettes pour dormir.
Morin se demandait : « Qui est-ce ? » Et mille suppositions, mille projets lui traversaient l’esprit. Il se disait : « On raconte tant d’aventures de chemin de fer. C’en est une peut-ĂȘtre qui se prĂ©sente pour moi. Qui sait ? une bonne fortune est si vite arrivĂ©e. Il me suffirait peut-ĂȘtre d’ĂȘtre audacieux. N’est-ce pas Danton qui disait : « De l’audace, de l’audace, et toujours de l’audace. » Si ce n’est pas Danton, c’est Mirabeau. Enfin, qu’importe. Oui, mais je manque d’audace, voilĂ  le hic. Oh ! Si on savait, si on pouvait lire dans les Ăąmes ! Je parie qu’on passe tous les jours, sans s’en douter, Ă  cĂŽtĂ© d’occasions magnifiques. Il lui suffirait d’un geste pourtant pour m’indiquer qu’elle ne demande pas mieux... »
Alors, il supposa des combinaisons qui le conduisaient au triomphe. Il imaginait une entrĂ©e en rapport chevaleresque, des petits services qu’il lui rendait, une conversation vive, galante, finissant par une dĂ©claration qui finissait par... par ce que tu penses.
Mais ce qui lui manquait toujours, c’était le dĂ©but, le prĂ©texte. Et il attendait une circonstance heureuse, le cƓur ravagĂ©, l’esprit sens dessus dessous.
La nuit cependant s’écoulait et la belle enfant dormait toujours, tandis que Morin mĂ©ditait sa chute. Le jour parut, et bientĂŽt le soleil lança son premier rayon, un long rayon clair venu du bout de l’horizon, sur le doux visage de la dormeuse.
Elle s’éveilla, s’assit, regarda la campagne, regarda Morin et sourit. Elle sourit en femme heureuse, d’un air engageant et gai. Morin tressaillit. Pas de doute, c’était pour lui ce sourire-lĂ , c’était bien une invitation discrĂšte, le signal rĂȘvĂ© qu’il attendait. Il voulait dire, ce sourire : « Êtes-vous bĂȘte, ĂȘtes-vous niais, ĂȘtes-vous jobard, d’ĂȘtre restĂ© lĂ , comme un pieu, sur votre siĂšge depuis hier soir.
« Voyons, regardez-moi ; ne suis-je pas charmante ? Et vous demeurez comme ça toute une nuit en tĂȘte-Ă -tĂȘte avec une jolie femme sans rien oser, grand sot. »
Elle souriait toujours en le regardant ; elle commençait mĂȘme Ă  rire ; et il perdait la tĂȘte, cherchant un mot de circonstance, un compliment, quelque chose Ă  dire enfin, n’importe quoi. Mais il ne trouvait rien, rien. Alors, saisi d’une audace de poltron, il pensa : « Tant pis, je risque tout » ; et brusquement, sans crier « gare », il s’avança, les mains tendues, les lĂšvres gourmandes, et, la saisissant Ă  pleins bras, il l’embrassa.
D’un bond elle fut debout, criant : « Au secours », hurlant d’épouvante. Et elle ouvrit la portiĂšre ; elle agita ses bras dehors, folle de peur, essayant de sauter, tandis que Morin Ă©perdu, persuadĂ© qu’elle allait se prĂ©cipiter sur la voie, la retenait par sa jupe en bĂ©gayant : « Madame... oh !... madame. »
Le train ralentit sa marche, s’arrĂȘta. Deux employĂ©s se prĂ©cipitĂšrent aux signaux dĂ©sespĂ©rĂ©s de la jeune femme qui tomba dans leurs bras en balbutiant : « Cet homme a voulu... a voulu... me... me... » Et elle s’évanouit.
On Ă©tait en gare de MauzĂ©. Le gendarme prĂ©sent arrĂȘta Morin.
Quand la victime de sa brutalitĂ© eut repris connaissance, elle fit sa dĂ©claration. L’autoritĂ© verbalisa. Et le pauvre mercier ne put regagner son domicile que le soir, sous le coup d’une poursuite judiciaire pour outrage aux bonnes mƓurs dans un lieu public.

II

J’étais alors rĂ©dacteur en chef du Fanal des Charentes ; et je voyais Morin, chaque soir, au CafĂ© du commerce.
DĂšs le lendemain de son aventure, il vint me trouver, ne sachant que faire. Je ne lui cachai pas mon opinion : « Tu n’es qu’un cochon. On ne se conduit pas comme ça. »
Il pleurait ; sa femme l’avait battu ; et il voyait son commerce ruinĂ©, son nom dans la boue, dĂ©shonorĂ©, ses amis, indignĂ©s, ne le saluant plus. Il finit par me faire pitiĂ©, et j’appelai mon collaborateur Rivet, un petit homme goguenard et de bon conseil, pour prendre ses avis.
Il m’engagea Ă  voir le procureur impĂ©rial, qui Ă©tait de mes amis. Je renvoyai Morin chez lui et je me rendis chez ce magistrat.
J’appris que la femme outragĂ©e Ă©tait une jeune fille, Mlle Henriette Bonnel, qui venait de prendre Ă  Paris ses brevets d’institutrice et qui, n’ayant plus ni pĂšre ni mĂšre, passait ses vacances chez son oncle et sa tante, braves petits bourgeois de MauzĂ©.
Ce qui rendait grave la situation de Morin, c’est que l’oncle avait portĂ© plainte. Le ministĂšre public consentait Ă  laisser tomber l’affaire si cette plainte Ă©tait retirĂ©e. VoilĂ  ce qu’il fallait obtenir.
Je retournai chez Morin. Je le trouvai dans son lit, malade d’émotion et de chagrin. Sa femme, une grande gaillarde osseuse et barbue, le maltraitait sans repos. Elle m’introduisit dans la chambre en me criant par la figure : « Vous venez voir ce cochon de Morin ? Tenez, le voilĂ , le coco ! »
Et elle se planta devant le lit, les poings sur les hanches. J’exposai la situation ; et il me supplia d’aller trouver la famille. La mission Ă©tait dĂ©licate ; cependant je l’acceptai. Le pauvre diable ne cessait de rĂ©pĂ©ter : « Je t’assure que je ne l’ai pas mĂȘme embrassĂ©e, non, pas mĂȘme. Je te le jure ! »
Je rĂ©pondis : « C’est Ă©gal, tu n’es qu’un cochon. » Et je pris mille francs qu’il m’abandonna pour les employer comme je le jugerais convenable.
Mais comme je ne tenais pas Ă  m’aventurer seul dans la maison des parents, je priai Rivet de m’accompagner. Il y consentit, Ă  la condition qu’on partirait immĂ©diatement, car il avait, le lendemain dans l’aprĂšs-midi, une affaire urgente Ă  La Rochelle.
Et, deux heures plus tard, nous sonnions Ă  la porte d’une jolie maison de campagne. Une belle jeune fille vint nous ouvrir. C’était elle assurĂ©ment. Je dis tout bas Ă  Rivet : « Sacrebleu, je commence Ă  comprendre Morin. »
L’oncle, M. Tonnelet, Ă©tait justement un abonnĂ© du Fanal, un fervent coreligionnaire politique qui nous reçut Ă  bras ouverts, nous fĂ©licita, nous congratula, nous serra les mains, enthousiasmĂ© d’avoir chez lui les deux rĂ©dacteurs de son journal. Rivet me souffla dans l’oreille : « Je crois que nous pourrons arranger l’affaire de ce cochon de Morin. »
La niĂšce s’était Ă©loignĂ©e ; et j’abordai la question dĂ©licate. J’agitai le spectre du scandale ; je fis valoir la dĂ©prĂ©ciation inĂ©vitable que subirait la jeune personne aprĂšs le bruit d’une pareille affaire ; car on ne croirait jamais Ă  un simple baiser.
Le bonhomme semblait indĂ©cis ; mais il ne pouvait rien dĂ©cider sans sa femme qui ne rentrerait que tard dans la soirĂ©e. Tout Ă  coup il poussa un cri de triomphe : « Tenez, j’ai une idĂ©e excellente. Je vous tiens, je vous garde. Vous allez dĂźner et coucher ici tous les deux ; et, quand ma femme sera revenue, j’espĂšre que nous nous entendrons. »
Rivet rĂ©sistait ; mais le dĂ©sir de tirer d’affaire ce cochon de Morin le dĂ©cida ; et nous acceptĂąmes l’invitation.
L’oncle se leva, radieux, appela sa niĂšce, et nous proposa une promenade dans sa propriĂ©tĂ©, en proclamant : « À ce soir les affaires sĂ©rieuses. »
Rivet et lui se mirent à parler politique. Quant à moi, je me trouvai bientÎt à quelques pas en arriÚre, à cÎté de la jeune fille. Elle était vraiment charmante, charmante !
Avec des prĂ©cautions infinies, je commençai Ă  lui parler de son aventure pour tĂącher de m’en faire une alliĂ©e.
Mais elle ne parut pas confuse le moins du monde ; elle m’écoutait de l’air d’une personne qui s’amuse beaucoup.
Je lui disais : « Songez donc, mademoiselle, Ă  tous les ennuis que vous aurez. Il vous faudra comparaĂźtre devant le tribunal, affronter les regards malicieux, parler en face de tout ce monde, raconter publiquement cette triste scĂšne du wagon. Voyons, entre nous, n’auriez-vous pas mieux fait de ne rien dire, de remettre Ă  sa place ce polisson sans appeler les employĂ©s ; et de changer simplement de voiture ? »
Elle se mit Ă  rire. « C’est vrai ce que vous dites ! mais que voulez-vous ? J’ai eu peur ; et, quand on a peur, on ne raisonne plus. AprĂšs avoir compris la situation, j’ai bien regrettĂ© mes cris ; mais il Ă©tait trop tard. Songez aussi que cet imbĂ©cile s’est jetĂ© sur moi comme un furieux, sans prononcer un mot, avec une figure de fou. Je ne savais mĂȘme pas ce qu’il me voulait. »
Elle me regardait en face, sans ĂȘtre troublĂ©e ou intimidĂ©e. Je me disais : « Mais c’est une gaillarde, cette fille. Je comprends que ce cochon de Morin se soit trompĂ©. »
Je repris, en badinant : « Voyons, mademoiselle, avouez qu’il Ă©tait excusable, car, enfin, on ne peut pas se trouver en face d’une aussi belle personne que vous sans Ă©prouver le dĂ©sir absolument lĂ©gitime de l’embrasser. »
Elle rit plus fort, toutes les dents au vent. « Entre le dĂ©sir et l’action, monsieur, il y a place pour le respect. »
La phrase Ă©tait drĂŽle, bien que peu claire. Je demandai brusquement : « Eh bien, voyons, si je vous embrassais, moi, maintenant ; qu’est-ce que vous feriez ? »
Elle s’arrĂȘta pour me considĂ©rer du haut en bas, puis elle dit, tranquillement : « Oh, vous, ce n’est pas la mĂȘme chose. »
Je le savais bien, parbleu, que ce n’était pas la mĂȘme chose, puisqu’on m’appelait dans toute la province « le beau Labarbe ». J’avais trente ans, alors, mais je demandai : « Pourquoi ça ? »
Elle haussa les épaules, et répondit : « Tiens ! parce qu...

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