
- 163 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Clair de lune
À propos de ce livre
Clair de Lune est une nouvelle de Guy de Maupassant publié en 1882, qui raconte la vie de l'abbé Marignan, dont la profonde religion ne lui a jamais failli d'accepter sans doute les plans de Dieu et les enseignements de l'Église, jusqu'au soir où, sous la douce lumière de la lune, il rencontre finalement le vraix Esprit de Dieu
Foire aux questions
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Informations
L’enfant
On parlait, après le dîner, d’un avortement qui venait d’avoir lieu
dans la commune. La baronne s’indignait : Était-ce possible
une chose pareille ! La fille, séduite par un garçon boucher,
avait jeté son enfant dans une marnière ! Quelle
horreur ! On avait même prouvé que le pauvre petit être
n’était pas mort sur le coup.
Le médecin, qui dînait au château ce soir-là, donnait des détails
horribles d’un air tranquille, et il paraissait émerveillé du
courage de la misérable mère, qui avait fait deux kilomètres à
pied, ayant accouché toute seule, pour assassiner son enfant. Il
répétait : « Elle est en fer, cette femme ! Et
quelle énergie sauvage il lui a fallu pour traverser le bois, la
nuit, avec son petit qui gémissait dans ses bras ! Je demeure
éperdu devant de pareilles souffrances morales. Songez donc à
l’épouvante de cette âme, au déchirement de ce cœur ! Comme la
vie est odieuse et misérable ! D’infâmes préjugés, oui,
madame, d’infâmes préjugés, un faux honneur, plus abominable que le
crime, toute une accumulation de sentiments factices,
d’honorabilité odieuse, de révoltante honnêteté poussent à
l’assassinat, à l’infanticide, de pauvres filles qui ont obéi sans
résistance à la loi impérieuse de la vie. Quelle honte pour
l’humanité d’avoir établi une pareille morale et fait un crime de
l’embrassement libre de deux êtres ! »
La baronne était devenue pâle d’indignation.
Elle répliqua : « Alors, docteur, vous mettez le vice
au-dessus de la vertu, la prostituée avant l’honnête femme !
Celle qui s’abandonne à ses instincts honteux vous paraît l’égale
de l’épouse irréprochable qui accomplit son devoir dans l’intégrité
de sa conscience ! »
Le médecin, un vieux homme qui avait touché à bien des plaies, se
leva, et, d’une voix forte :
– Vous parlez, madame, de choses que vous ignorez, n’ayant
point connu les invincibles passions. Laissez-moi vous dire une
aventure récente dont je fut témoin.
Oh ! madame, soyez toujours indulgente, et bonne, et
miséricordieuse ; vous ne savez pas ! Malheur à ceux à
qui la perfide nature a donné des sens inapaisables ! Les gens
calmes, nés sans instincts violents, vivent honnêtes, par
nécessité. Le devoir est facile à ceux que ne torturent jamais les
désirs enragés. Je vois des petites bourgeoises au sang froid, aux
mœurs rigides, d’un esprit moyen et d’un cœur modéré, pousser des
cris d’indignation quand elles apprennent les fautes des femmes
tombées.
Ah ! vous dormez tranquille dans un lit pacifique que ne
hantent point les rêves éperdus. Ceux qui vous entourent sont comme
vous, préservés par la sagesse instinctive de leurs sens. Vous
luttez à peine contre des apparences d’entraînement. Seul, votre
esprit suit parfois des pensées malsaines, sans que tout votre
corps se soulève rien qu’à l’effleurement de l’idée tentatrice.
Mais chez ceux-là que le hasard a faits passionnés, madame, les
sens sont invincibles. Pouvez-vous arrêter le vent, pouvez-vous
arrêter la mer démontée ? Pouvez-vous entraver les forces de
la nature ? Non. Les sens aussi sont des forces de la nature,
invincibles comme la mer et le vent. Ils soulèvent et entraînent
l’homme et le jettent à la volupté sans qu’il puisse résister à la
véhémence de son désir. Les femmes irréprochables sont les femmes
sans tempérament. Elles sont nombreuses. Je ne leur sais pas gré de
leur vertu, car elles n’ont pas à lutter. Mais jamais,
entendez-vous, jamais une Messaline, une Catherine ne sera sage.
Elle ne le peut pas. Elle est créée pour la caresse furieuse !
Ses organes ne ressemblent point aux vôtres, sa chair est
différente, plus vibrante, plus affolée au moindre contact d’une
autre chair ; et ses nerfs travaillent, la bouleversent et la
domptent alors que les vôtres n’ont rien ressenti. Essayez donc de
nourrir un épervier avec les petits grains ronds que vous donnez au
perroquet ! Ce sont deux oiseaux pourtant qui ont un gros bec
crochu. Mais leurs instincts sont différents.
Oh ! les sens ! Si vous saviez quelle puissance ils ont.
Les sens qui nous tiennent haletants pendant des nuits entières, la
peau chaude, le cœur précipité, l’esprit harcelé de visions
affolantes ! Voyez-vous, madame, les gens à principes
inflexibles sont tout simplement des gens froids, désespérément
jaloux des autres, sans le savoir.
Écoutez-moi :
Celle que j’appellerai Mme Hélène avait des sens. Elle les avait
eus dès sa petite enfance. Chez elle ils s’étaient éveillés alors
que la parole commence. Vous me direz que c’était une malade.
Pourquoi ? N’êtes-vous pas plutôt des affaiblis ? On me
consulta lorsqu’elle avait douze ans. Je constatai qu’elle était
femme déjà et harcelée sans repos par des désirs d’amour. Rien qu’à
la voir on le sentait. Elle avait des lèvres grasses, retournées,
ouvertes comme des fleurs, un cou fort, une peau chaude, un nez
large, un peu ouvert et palpitant, de grands yeux clairs dont le
regard allumait les hommes.
Qui donc aurait pu calmer le sang de cette bête ardente ? Elle
passait des nuits à pleurer sans cause. Elle souffrait à mourir de
rester sans mâle.
À quinze ans, enfin, on la maria. Deux ans plus tard, son mari
mourait poitrinaire. Elle l’avait épuisé. Un autre en dix-huit mois
eut le même sort. Le troisième résista trois ans, puis la quitta.
Il était temps.
Demeurée seule, elle voulut rester sage. Elle avait tous vos
préjugés. Un jour enfin elle m’appela, ayant des crises nerveuses
qui l’inquiétaient. Je reconnus immédiatement qu’elle allait mourir
de son veuvage. Je le lui dis. C’était une honnête femme,
madame ; malgré les tortures qu’elle endurait, elle ne voulut
pas suivre mon conseil de prendre un amant.
Dans le pays on la disait folle. Elle sortait la nuit et faisait
des courses désordonnées pour affaiblir son corps révolté. Puis
elle tombait en des syncopes que suivaient des spasmes effrayants.
Elle vivait seule en son château proche du château de sa mère et de
ceux de ses parents. Je l’allais voir de temps en temps ne sachant
que faire contre cette volonté acharnée de la nature ou contre sa
volonté à elle.
Or, un soir, vers huit heures, elle entra chez moi comme je
finissais de dîner. À peine fûmes-nous seuls, elle me dit :
– Je suis perdue. Je suis enceinte !
Je fis un soubresaut sur ma chaise.
– Vous dites ?
– Je suis enceinte.
– Vous ?
– Oui, moi.
Et brusquement, d’une voix saccadée, en me regardant bien en
face :
– Enceinte de mon jardinier, docteur. J’ai eu un commencement
d’évanouissement en me promenant dans le parc. L’homme, m’ayant vue
tomber, est accouru et m’a prise en ses bras pour m’emporter.
Qu’ai-je fait ? Je ne sais plus ! L’ai-je étreint,
embrassé ? Peut-être. Vous connaissez ma misère et ma honte.
Enfin il m’a possédée. Je suis coupable, car je me suis encore
donnée le lendemain de la même façon et d’autres fois encore.
C’était fini. Je ne savais plus résister !...
Elle eut dans la gorge un sanglot, puis reprit d’une voix
fière :
– Je le payais, je préférais cela à l’amant que vous me
conseilliez de prendre. Il m’a rendue grosse. Oh ! je me
confesse à vous sans réserve et sans hésitations. J’ai essayé de me
faire avorter. J’ai pris des bains brûlants, j’ai monté des chevaux
difficiles, j’ai fait du trapèze, j’ai bu des drogues, de
l’absinthe, du safran, d’autres encore. Mais je n’ai point réussi.
Vous connaissez mon père, mes frères ? Je suis perdue. Ma sœur
est mariée à un honnête homme. Ma honte rejaillira sur eux. Et
songez à tous nos amis, à tous nos voisins, à notre nom..., à ma
mère...
Elle se mit à sangloter. Je lui pris les mains et je l’interrogeai.
Puis je lui donnai le conseil de faire un long voyage et d’aller
accoucher au loin.
Elle répondait : « Oui... oui... oui... c’est
cela... », sans avoir l’air d’écouter.
Puis elle partit.
J’allai la voir plusieurs fois. Elle devenait folle. L’idée de cet
enfant grandissant dans son ventre, de cette honte vivante lui
était entrée dans l’âme comme une flèche aiguë. Elle y pensait sans
repos, n’osait plus sortir le jour, ni voir personne de peur qu’on
ne découvrit son abominable secret. Chaque soir elle se dévêtait
devant son armoire à glace et regardait son flanc déformé ;
puis elle se jetait par terre, une serviette dans la bouche pour
étouffer ses cris. Vingt fois par nuit elle se relevait, allumait
sa bougie et retournait devant le large miroir qui lui renvoyait
l’image bosselée de son corps nu. Alors, éperdue, elle se frappait
le ventre à coups de poing pour le tuer, cet être qui la perdait.
C’était entre eux une lutte terrible. Mais il ne mourait pas ;
et sans cesse, il s’agitait comme s’il se fût défendu. Elle se
roulait sur le parquet pour l’écraser contre terre ; elle
essaya de dormir avec un poids sur le corps pour l’étouffer. Elle
le haïssait comme on hait l’ennemi acharné qui menace votre vie.
Après ces luttes inutiles, ces impuissants efforts pour se
débarrasser de lui, elle se sauvait par les champs, courant
éperdument, folle de malheur et d’épouvante.
On la ramassa un matin, les pieds dans un ruisseau, les yeux
égarés ; on crut qu’elle avait un accès de délire, mais on ne
s’aperçut de rien.
Une idée fixe la tenait. Ôter de son corps cet enfant maudit.
Or sa mère, un soir, lui dit en riant : « Comme tu
engraisses, Hélène ; si tu étais mariée, je te croirais
enceinte. »
Elle dut recevoir un coup mortel de ces paroles. Elle partit
presque aussitôt et rentra chez elle.
Que fit-elle ? Sans doute encore elle regarda longtemps son
ventre enflé ; sans doute, elle le frappa, le meurtrit, le
heurta aux angles des meubles comme elle faisait chaque soir. Puis
elle descendit, nu-pieds, à la cuisine, ouvrit l’armoire et prit le
grand couteau qui sert à couper les viandes. Elle remonta, alluma
quatre bougies et s’assit, sur une chaise d’osier tressé, devant sa
glace.
Alors, exaspérée de haine contre cet embryon inconnu et redoutable,
le voulant arracher et tuer enfin, le voulant tenir en ses mains,
étrangler et jeter au loin, elle pressa la place où remuait cette
larve et d’un seul coup de la lame aiguë elle se fendit le ventre.
Oh ! elle opéra, certes, très vite et très bien, car elle le
saisit, cet ennemi qu’elle n’avait pu encore atteindre. Elle le
prit par une jambe, l’arracha d’elle et le voulut lancer dans la
cendre du foyer. Mais il tenait par des liens qu’elle n’avait pu
trancher, et, avant qu’elle eût compris peut-être ce qui lui
restait à faire pour se séparer de lui, elle tomba inanimée sur
l’enfant noyé dans un flot de sang.
Fut-elle bien coupable, madame ?
Le médecin se tut et attendit. La baronne ne répondit pas.
En voyage
Sainte-Agnès, 6 mai.
Ma chère amie,
Vous m’avez demandé de vous écrire souvent et de vous raconter surtout des choses que j’aurai vues. Vous m’avez aussi prié de fouiller dans mes souvenirs de voyages pour y retrouver ces courtes anecdotes qui, apprises d’un paysan qu’on a rencontré, d’un hôtelier, d’un inconnu qui passait, laissent dans la mémoire comme une marque sur un pays. Avec un paysage brossé en quelques lignes, et une petite histoire dite en quelques phrases, on peut donner, croyez-vous, le vrai caractère d’un pays, le faire vivant, visible, dramatique. J’essayerai, selon votre désir. Je vous enverrai donc, de temps en temps, des lettres où je ne parlerai ni de vous ni de moi, mais seulement de l’horizon et des hommes qui s’y meuvent. Et je commence.
Le printemps est une époque où il faut, me semble-t-il, boire et manger du paysage. C’est la saison des frissons, comme l’automne est la saison des pensées. Au printemps la campagne émeut la chair, à l’automne elle pénètre l’esprit.
J’ai voulu, cette année, respirer de la fleur d’oranger et je suis parti pour le Midi, à l’heure où tout le monde en revient. J’ai franchi Monaco, la ville des pèlerins, rivale de la Mecque et de Jérusalem, sans laisser d’or dans la poche d’autrui ; et j’ai gravi la haute montagne sous un plafond de citronniers, d’orangers et d’oliviers.
Avez-vous jamais dormi, mon amie, dans un champ d’orangers fleuris ? L’air qu’on respire délicieusement est une quintessence de parfums. Cette senteur violente et douce, savoureuse comme une friandise, semble se mêler à nous, nous imprègne, nous enivre, nous alanguit, nous verse une torpeur somnolente et rêvante. On dirait un opium préparé par la main des fées et non par celle des pharmaciens.
C’est ici le pays des ravins. Les croupes de la montagne sont tailladées, échancrées partout, et dans ces replis sinueux poussent de vraies forêts de citronniers. De place en place, quand le val rapide s’arrête à une espèce de marche, les hommes ont maçonné un réservoir qui retient l’eau des orages. Ce sont de grands trous aux murailles lisses, où rien de saillant ne s’offre à la main de celui qui tomberait là.
J’allais lentement par un des vallons montagneux, regardant à travers les feuillages les fruits brillants restés aux branches. La gorge enserrée rendait plus pénétrantes les senteurs lourdes des fleurs ; l’air, là-dedans, en semblait épaissi. Une lassitude me prit et je cherchai à m’asseoir. Quelques gouttes d’eau glissaient dans l’herbe ; je crus qu’une source était voisine, et je gravis un peu plus haut pour la trouver. Mais j’arrivai sur les bords d’un de ces grands et profonds réservoirs.
Je m’assis à la turque, les jambes croisées, et je restai rêvassant devant ce trou, qui paraissait rempli d’encre tant le liquide...
Table des matières
- Pages de titre
- Clair de lune
- Un coup d’État
- Le loup
- L’enfant
- Conte de Noël
- La reine Hortense
- Le pardon
- La légende du Mont-Saint-Michel
- Une veuve
- Mademoiselle Cocotte
- Les bijoux
- Apparition
- La porte
- Le père
- Moiron
- Nos lettres
- La nuit
- L’enfant - 1
- En voyage
- Le bûcher
- Page de copyright