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Jules CĂ©sar
William Shakespeare
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- 124 pages
- French
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Jules CĂ©sar
William Shakespeare
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Ă propos de ce livre
Cette piÚce relation le complot et l'assassinat de Jules César, et ses conséquences. Le dramaturge s'est largement inspiré de Plutarque et d'Appien, mais a su donner à Brutus, héros de la piÚce bien plus que Jules César, qui disparaßt à l'acte III, une stature qui annonce les héros tragiques de la maturité.
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Informations
SCĂNE III. 4
LâintĂ©rieur de la tente de Brutus. â Lucius et Titinius Ă une certaine distance.
Entrent BRUTUS ET CASSIUS.
CASSIUS. â Que vous ayez des torts envers moi, cela est manifeste en ceci : vous avez condamnĂ© et notĂ© Lucius Pella[1] pour sâĂȘtre ici laissĂ© corrompre par les Sardiens, et nâavez ainsi tenu aucun compte des lettres que je vous Ă©crivais en sa faveur parce que je le connaissais.
BRUTUS. â CâĂ©tait vous faire tort Ă vous-mĂȘme que dâĂ©crire pour une pareille affaire.
CASSIUS. â Dans le temps oĂč nous sommes, il nâest pas Ă propos que la plus lĂ©gĂšre faute entraĂźne ainsi ses consĂ©quences.
BRUTUS. â Mais vous, Cassius, vous-mĂȘme, souffrez que je vous le dise : on vous reproche dâavoir une main avide, de trafiquer des emplois qui dĂ©pendent de vous, et de les vendre pour de lâor Ă des hommes sans mĂ©rite.
CASSIUS. â Moi une main avide !⊠Vous savez bien que vous ĂȘtes Brutus lorsque vous me parlez ainsi ; ou, par les dieux, ce discours eĂ»t Ă©tĂ© pour vous le dernier.
BRUTUS. â La corruption sâhonore ainsi du nom de Cassius, et le chĂątiment est obligĂ© de cacher sa tĂȘte.
CASSIUS. â Le chĂątiment !
BRUTUS. â Souvenez-vous du mois de mars, souvenez-vous des ides de mars. Le sang du grand CĂ©sar ne coula-t-il pas au nom de la justice ? Parmi ceux qui portĂšrent la main sur lui, quel Ă©tait le scĂ©lĂ©rat qui lâeĂ»t poignardĂ© pour une autre cause que la justice ? Quoi ! nous qui nâavons frappĂ© le premier homme de lâUnivers que pour avoir protĂ©gĂ© des voleurs, nous souillerons aujourdâhui nos doigts de prĂ©sents infĂąmes ? nous vendrons la magnifique carriĂšre quâouvrent les honneurs les plus Ă©levĂ©s, nous la vendrons pour cette poignĂ©e de vils mĂ©taux que peut contenir ma main ? Jâaimerais mieux ĂȘtre un chien et aboyer Ă la lune, que dâĂȘtre un pareil Romain.
CASSIUS. â Brutus, ne vous mĂȘlez pas de me gourmander, je ne lâendurerai point : vous vous oubliez vous-mĂȘme ; vous me poussez Ă bout. Je suis un soldat, moi, plus ancien que vous dans le mĂ©tier, plus capable que vous de faire des conditions.
BRUTUS. â Allons donc ! vous ne lâĂȘtes nullement, Cassius.
CASSIUS. â Je le suis.
BRUTUS. â Je vous dis que vous ne lâĂȘtes pas.
CASSIUS. â Ne continuez pas Ă mâirriter ainsi, ou je mâoublierai. Songez Ă votre vie ; ne me tentez pas davantage.
BRUTUS. â Laissez-moi, homme sans consistance.
CASSIUS. â Est-il possible ?
BRUTUS. â Ăcoutez-moi, car je veux parler. Suis-je obligĂ© de laisser un libre cours Ă votre fougueuse colĂšre ? Serai-je effrayĂ© parce quâun fou me regarde ?
CASSIUS. â Ă dieux ! Ă dieux ! me faudra-t-il endurer tout cela ?
BRUTUS. â Oui, tout cela, et plus encore. Agitez-vous jusquâĂ ce que votre cĆur orgueilleux en Ă©clate. Allez montrer Ă vos esclaves combien vous ĂȘtes colĂ©rique, et faire trembler vos vilains. Faudra-t-il que je mâĂ©carte ? Faudra-t-il que je vous observe ? Faudra-t-il que je subisse en rampant les caprices de votre humeur maussade ? Par les dieux, vous dĂ©vorerez tout le fiel de votre bile, dussiez-vous en crever, car dĂ©sormais je veux que vos accĂšs de fureur servent Ă mâĂ©gayer, oui, Ă me faire rire.
CASSIUS. â Quoi ! nous en sommes lĂ !
BRUTUS. â Vous dites que vous ĂȘtes un meilleur soldat, faites-le voir ; justifiez votre bravade, et ce sera me faire un vrai plaisir. Je serai bien aise, pour mon compte, de mâinstruire Ă lâĂ©cole des hommes supĂ©rieurs.
CASSIUS. â Vous me faites injure sur tous les points ; vous me faites injure, Brutus ! Jâai dit un plus ancien soldat, et non un meilleur. Ai-je dit meilleur ?
BRUTUS. â Quand vous lâauriez dit, peu mâimporte.
CASSIUS. â CĂ©sar, lorsquâil vivait, nâeĂ»t pas osĂ© mâirriter Ă ce point.
BRUTUS. â Paix, paix ; vous nâauriez pas osĂ© le provoquer ainsi.
CASSIUS. â Je nâeusse pas osĂ© ?
BRUTUS. â Non.
CASSIUS. â Quoi ! pas osĂ© le provoquer ?
BRUTUS. â Non, sur votre vie, vous ne lâeussiez pas osĂ©.
CASSIUS. â Ne prĂ©sumez pas trop de mon amitiĂ© ; je pourrais faire ce quâaprĂšs je serais fĂąchĂ© dâavoir fait.
BRUTUS. â Vous lâavez fait ce que vous devriez ĂȘtre fĂąchĂ© dâavoir fait. Cassius, il nây a point pour moi de terreur dans vos menaces ; je suis si solidement armĂ© de ma probitĂ©, quâelles passent prĂšs de moi comme le vain souffle du vent, sans que jây fasse attention. Je vous ai envoyĂ© demander quelques sommes dâor que vous mâavez refusĂ©es ; car moi, je ne puis me procurer dâargent par dâindignes moyens. Par le ciel, jâaimerais mieux monnayer mon cĆur, et livrer chaque goutte de mon sang pour en faire des drachmes que dâextorquer, par des voies illĂ©gitimes, de la main durcie des paysans, leur misĂ©rable portion de vil mĂ©tal. Je vous ai envoyĂ© demander de lâor pour payer mes lĂ©gions ; vous me lâavez refusĂ©. Cette action Ă©tait-elle de Cassius ? Quand Marcus Brutus deviendra assez sordide pour tenir sous clĂ© ces misĂ©rables jetons et les interdire Ă ses amis, soyez prĂȘts, vous dieux, Ă le rĂ©...