Le Pays de Retz dans les années 50
Depuis 1790, année de création des départements français, la Loire Inférieure numérotée 44 était le département du cours inférieur de la Loire près de son embouchure sur l’océan atlantique.
Le nom avait une connotation dévalorisante. En 1957 il lui fut donné le nom bien plus ambitieux de Loire Atlantique, qui du coup, rompait la numérotation selon la liste alphabétique du nom des départements.
Néanmoins le découpage administratif du royaume par département était basé sur le principe d’un temps de déplacement maximum d’une journée pour aller à cheval à la ville chef-lieu. Peut-on imaginer aujourd’hui qu’il faille un jour pour se rendre à la ville principale de la région. Maintenant en avion en ces mêmes 24 heures, on y fait quasiment le tour de la planète.
Dans ce département, le Pays de Retz est resté quant à lui la partie sud de l’estuaire de la Loire formé par le triangle élargi et très approximatif des villes de Nantes et St Nazaire, et de l’ile de Noirmoutier.
Au 15ème siècle, disciple de Jeanne d’Arc, le seigneur Gilles de Retz (que l’on écrivait alors Gilles de Rais) était le maître des lieux dans son château de Machecoul. Il était bien connu pour son goût prononcé pour les petits enfants ce qui lui valut l’échafaud.
Bien que situé au sud de la frontière naturelle qu’est la Loire, le pays de Retz est à la confluence des influences de la Bretagne et de l’Anjou. Ce pays bocager de marais et de zones humides a été une terre d’accostage pour les pirates Vikings et les marchands de la Hanse en quête du sel de la baie de Bourgneuf. C’est donc un pays varié issu de multiples identités.
Au centre de ce pays de Retz, éloigné de la côte atlantique et des villes centres telles que Nantes ou Saint Nazaire, la bourgade de St Père en Retz était au siècle dernier une contrée majoritairement paysanne comptant 2500 habitants. C’était un carrefour marchand pour les animaux et les produits agricoles, la tradition de la foire subsiste d’ailleurs encore de nos jours.
En ce temps-là, cette population rurale vivait quasiment en autarcie, du fruit de son élevage et de ses cultures.
Les fermes de l’époque étaient loin de gérer les centaines d’hectares nécessaires à la viabilité d’une exploitation agricole d’aujourd’hui.
Comme ses voisines, l’exploitation de La Garnière couvrait tout au plus 21 ha. Pour y faire vivre les deux grands parents, les deux parents et les cinq enfants, on y trouvait le cheval de trait, le cheptel de 5 à 6 vaches, 3 à 4 cochons, et la dizaine de poules minimum pour satisfaire le gros appétit du coq de la basse-cour.
Les terrains étaient quant à eux couverts de prairies, ensemencés de 4 à 5 ha de blé et d’autant de champs de pommes de terre, de choux et betteraves pour la nourriture des animaux et des hommes. Un modeste jardin potager faisait l’appoint sur les autres légumes.
La vie était rude, cadencée par les travaux au fil des saisons : labours et semailles des céréales en automne, travaux d’entretien et coupe du bois de chauffage pendant l’hiver, activités printanières pour les légumes, récoltes en été.
A longueur d’année et chaque jour, sans possibilité de souffler un moment, la vie était inlassablement rythmée par la traite des vaches deux fois par jour quelle que soit la météorologie, tôt le matin à 7h, et le soir vers 18h.
La maison familiale regroupait sous un même toit les trois générations. Cette maison m’a vu naitre et passer les premières années de ma vie.
Il est important de ne pas oublier d’où l’on vient pour comprendre où l’on veut aller.
Proverbe africain
Nos ancêtres les paysans 1
Afin de mieux comprendre la vie en milieu rural, il peut être utile de revenir sur l’environnement et la hiérarchie de nos aïeuls paysans dans l’Ouest de la France.
Cette partie occidentale de la France est une terre de bocage entourée de haies. Autrefois, les parcelles avaient une surface de quelques centaines de mètres carrés, elles étaient accessibles par des chemins creux, les habitations isolées étaient dissimulées et entourées de saules têtards un peu têtus.
Ces terres peu riches étaient cultivées selon l’assolement triennal : la première année pour la culture du blé, la seconde pour les légumes et céréales de printemps et la dernière année la parcelle était laissée en jachère pour se régénérer.
Les baux étaient majoritairement signés selon une convention de métayage, la rémunération au propriétaire se réalisait en nature par la livraison d’une partie de la récolte.
Le bail par fermage propose le paiement d’un loyer fixe en argent, il a été adopté plus tardivement.
Au tout début du siècle dernier, l’échelle sociale était bien marquée :
- En bas de l’échelle un très petit nombre de paysans totalement démunis ne possédaient pas de biens, ils étaient réduits à la condition de mendiants. Ils ont disparu au cours du 20ème siècle.
- Un peu plus haut dans la hiérarchie, les paysans dépendants disposaient de micro parcelles, ils étaient ouvriers agricoles pour le compte de plus gros exploitants.
- Disposant d’une exploitation de moins de 10 ha sans matériel de labour, les petits paysans étaient en dessous de l’indépendance économique, ils devaient exercer un métier complémentaire.
- Les cultivateurs eux disposaient jusqu’à 20 ha. Possédant un train de labour, ils accédaient à l’indépendance économique et pouvaient même vendre quelques surplus.
- Avec 30 ha en fermage ou en métayage, les paysans aisés se faisaient aider par une main d’œuvre familiale.
- La catégorie la plus riche des paysans dominants pouvait exploiter plus de 100 ha en fermage avec des salariés.
On peut considérer que le seuil de dépendance économique pour faire vivre une famille complète nécessitait une surface cultivable d’environ 10 ha avec un cheval, sa charrue, le tombereau ainsi que le jardin et les animaux.
En Pays de Retz, la majorité des exploitations étaient des cultivateurs à la limite de l’autosuffisance.
Dans cette société rurale, ces différentes catégories paysannes étaient bien reconnaissables chacune par :
- Leur type d’habillement
- Leur type d’alimentation
- Leur place à l’église
- Et les marques de respect réciproques
Il était très difficile de s’extraire de sa condition de naissance pour s’élever socialement.
Le mariage et l’héritage étaient des moyens exceptionnels pour avancer. L’apprentissage, le départ pour la ville et la possibilité de payer des études aux enfants étaient d’autres voies d’évolution.
C’était déjà des moyens d’émancipation.
Il y a 120 ans nos ancêtres paysans représentaient 50% de la population active, de nos jours, ils ne pèsent guère que moins de 3 à 4%.
C’est donc l’environnement vécu par mes parents et grands-parents, cultivateurs à la ferme de La Garnière en Saint Père en Retz.
Oublier ses ancêtres, c'est être un ruisseau sans source et un arbre sans racine.
Proverbe chinois
Un jour de 19492
Au milieu du 20ème siècle, le niveau d’éducation était souvent limité au diplôme du Certificat d’Etudes Primaires.
Ce sésame permettait à chacun de savoir lire, écrire et compter.
Les personnalités du bourg avaient reçu un niveau d’éducation supérieur, c’étaient Monsieur le Maire, Monsieur l’Instituteur, Monsieur le Curé mais aussi le Notaire et le Médecin.
Le vieux docteur Mouillé soignait tant bien que mal les patients du Pays de Retz, il faisait partie de l’ancienne génération. Son principal outil de travail était son vieux stéthoscope limé par le temps, sinon c’était la prise de pouls et les seules palpations avec ses doigts noueux. Il avait appris que le sang était un élément primordial de la santé et qu’il fallait réguler son fonctionnement, il avait pour cela deux cordes à son arc : les sangsues et les ventouses.
Petit animal de la famille des vers annelés, la sangsue était utilisée depuis plus de 2 000 ans dans l’antiquité égyptienne. Collée à la peau, avec ses 240 dents elle mordait et aspirait le « mauvais sang » à l’endroit de la congestion, avantage supplémentaire sa salive était anti-inflammatoire et anticoagulante. Il était fortement conseillé de ne pas ôter l’animal au risque d’arracher la peau. Une fois bien gavé, son festin terminé, l’animal se détachait de lui-même. A son apogée, la France en importait chaque année plus de 57 millions d'Europe de l'Est.
La ventouse est un récipient en verre et en forme de cloche. On chauffai...