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Correspondance de George Sand et d'Alfred de Musset
lettres d'amour et autres écrits
- 100 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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Correspondance de George Sand et d'Alfred de Musset
lettres d'amour et autres écrits
Ă propos de ce livre
RĂSUMĂ :
La "Correspondance de George Sand et d'Alfred de Musset" est un recueil fascinant qui nous plonge au coeur de l'une des relations amoureuses les plus emblĂ©matiques du XIXe siĂšcle. Ă travers une sĂ©rie de lettres passionnĂ©es, les deux auteurs partagent leurs sentiments, leurs doutes et leurs espoirs, offrant un aperçu intime de leur vie personnelle et de leur Ă©poque. Ce recueil ne se contente pas de rĂ©vĂ©ler les tumultes de leur liaison ; il tĂ©moigne Ă©galement de la richesse intellectuelle et Ă©motionnelle de leurs Ă©changes. Chaque lettre est un fragment de leur histoire, une piĂšce du puzzle complexe de leur relation. Les lecteurs dĂ©couvriront comment leur amour a influencĂ© leur Ă©criture et comment leurs oeuvres littĂ©raires, en retour, ont nourri leur passion. Ce livre est une invitation Ă explorer la profondeur de l'Ăąme humaine Ă travers les mots de deux gĂ©ants de la littĂ©rature française. En lisant ces lettres, on perçoit non seulement l'intensitĂ© de leur attachement, mais aussi les dĂ©fis et les dilemmes auxquels ils ont dĂ» faire face, tant sur le plan personnel que professionnel. Cette correspondance rĂ©vĂšle Ă©galement l'Ă©volution de leurs pensĂ©es et de leurs sentiments au fil du temps, offrant un tĂ©moignage poignant de leur quĂȘte d'amour et de comprĂ©hension. Une lecture incontournable pour ceux qui s'intĂ©ressent Ă la littĂ©rature romantique et Ă l'histoire culturelle du XIXe siĂšcle.
L'AUTEUR :
George Sand, née Amantine Aurore Lucile Dupin en 1804, est l'une des figures littéraires les plus influentes de son temps. Elle a défié les conventions sociales de son époque, non seulement par son écriture prolifique et variée, mais aussi par son mode de vie indépendant. Sand a écrit plus de soixante-dix romans, des piÚces de théùtre et des essais, abordant des thÚmes sociaux et politiques avec une perspective avant-gardiste. Alfred de Musset, né en 1810, est un poÚte et dramaturge romantique dont les oeuvres capturent les émotions et les dilemmes de l'ùme humaine. Connu pour ses piÚces de théùtre et ses poÚmes, Musset a laissé une empreinte indélébile sur la littérature française. Leur relation, bien que tumultueuse, a été une source d'inspiration mutuelle. Les lettres échangées entre Sand et Musset témoignent de leur passion intense et de leur influence réciproque. Sand, avec son esprit libre et sa plume incisive, et Musset, avec sa sensibilité et son lyrisme, ont chacun contribué à enrichir le paysage littéraire de leur époque.
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Informations
DEUXIĂME SĂRIE
1834
1re. â DE LUI.
Sans date. â Ecrit de Venise Ă Venise.
Adieu, mon enfant â Je pense que tu resteras ici. â Quelle que soit ta haine ou ton indiffĂ©rence pour moi, si le baiser dâadieu que je tâai donnĂ© aujourdâhui est le dernier de ma vie, il faut que tu saches quâau premier pas que jâai fait dehors avec la pensĂ©e que je tâavais perdue pour toujours, jâai senti que jâavais mĂ©ritĂ© de te perdre, et que rien nâest trop dur (pour) moi. Sâil tâimporte peu de savoir si ton souvenir me reste ou non, il mâimporte Ă moi, aujourdâhui que ton spectre sâefface dĂ©jĂ et sâĂ©loigne devant moi, de te dire que rien dâimpur ne restera dans le sillon de ma vie oĂč tu as passĂ©, et que celui qui nâa pas su tâhonorer quand il te possĂ©dait, peut encore y voir clair Ă travers ses larmes et tâhonorer dans son cĆur, oĂč ton image ne mourra jamais. â Adieu mon enfant.
1re. â RĂPONSE DâELLE.
(Réponse au crayon sur le verso.)
AL SIGNOR A. DE MUSSET,
In gondola, alla Piazzetta.
Non ! ne pars pas comme ça. Tu nâes pas assez guĂ©ri.
Je ne veux pas que tu partes seul. Pourquoi se quereller, mon Dieu ? Ne suis-je pas toujours le frĂšre George, lâami dâautrefois ?
2me. â DE LUI.
Tu mâas dit de partir, et je suis parti ; tu mâas dit de vivre, et je vis. Nous nous sommes arrĂȘtĂ©s Ă Padoue ; il Ă©tait huit heures du soir et jâĂ©tais fatiguĂ©. Ne doutes pas de mon courage. Ecris-moi un mot Ă Milan, frĂšre chĂ©ri, George bien-aimĂ© !
2me â RĂPONSE DâELLE.
Dimanche
A M. ALFRED DE MUSSET,
Poste restante, Ă Milan.
Je voulais te suivre de loin, mon enfant. En rentrant Ă Venise je devais partir pour Vicence avec Pagello et savoir comment tu as passĂ© ta premiĂšre et triste journĂ©e. Mais jâai senti que je nâaurais pas le courage de passer la nuit dans la mĂȘme ville que toi sans aller tâembrasser encore le matin. Jâen mourais dâenvie mais jâai craint de renouveler pour toi les souffrances et lâĂ©motion de la sĂ©paration. Et puis jâĂ©tais si malade en rentrant chez moi que je craignais de nâen avoir pas la force moi-mĂȘme. M. Rebizzo, est venu me chercher et mâa emmenĂ©e malgrĂ© moi coucher chez lui. Ils ont Ă©tĂ© trĂšs bons pour moi et mâont parlĂ© de toi avec beaucoup dâintĂ©rĂȘt ce qui mâa fait un peu de bien. A prĂ©sent je tâĂ©cris de TrĂ©vise. Je suis partie de Venise ce matin Ă six heures. Je veux absolument ĂȘtre Ă Vicence ce soir et aller Ă lâauberge oĂč tu as couchĂ©. Jây dois trouver une lettre dâAntonio Ă qui jâai recommandĂ© de me laisser de tes nouvelles. Je suis forcĂ©e de mâarrĂȘter ici une heure ou deux parce que Pagello a une visite Ă faire et mâa priĂ©e de prendre cette route qui nâest pas plus longue que lâautre Ă ce quâil dit. Je ne serai tranquille que ce soir, et encore quelle tranquillitĂ© ! Un voyage si long, et toi si faible encore ! Mon Dieu, mon Dieu ! Je prierai Dieu du matin au soir. JâespĂšre quâil mâentendra. Je trouverai ta lettre demain Ă Venise. Jâarriverai presque en mĂȘme temps quâelle. Ne tâinquiĂšte pas de moi. Je suis forte comme un cheval, mais ne me dis pas dâĂȘtre gaie et tranquille. Cela ne mâarrivera pas de sitĂŽt. Pauvre ange, comment auras-tu passĂ© cette nuit ? JâespĂšre que la fatigue tâaura forcĂ© de dormir. Sois sage et prudent et bon comme tu me lâas promis. Ecris-moi de toutes les villes oĂč tu coucheras, ou fais-moi au moins Ă©crire par Antonio, si cela tâennuie. Moi je tâĂ©crirai Ă GenĂšve ou Ă Turin selon la route que tu prendras et dont tu mâinformeras, Ă Milan.
Adieu, adieu, mon ange. Que Dieu te protĂšge, te conduise et te ramĂšne un jour ici, si jây suis. Dans tous les cas, certes, je te verrai aux vacances. Avec quel bonheur, alors ? Comme nous nous aimerons bien, nâest-ce pas, nâest-ce pas, mon petit frĂšre, mon enfant ? Ah ! qui te soignera, et qui soignerai-je ? Qui aura besoin de moi et de qui voudrai-je prendre soin dĂ©sormais ? Comment me passerai-je du bien et du mal que tu me faisais ? Puisses-tu oublier les souffrances que je tâai causĂ©es et ne te rappeler que les bons jours ! Le dernier surtout qui me laissera un baume dans le cĆur et en soulagera la blessure. Adieu, mon petit oiseau. Aime toujours ton pauvre vieux George.
Je ne te dis rien de la part de Pagello, sinon quâil te pleure presque autant que moi et que quand je lui ai redit tout ce dont tu mâavais chargĂ©e pour lui, il a fait comme avec sa femme aveugle. Il sâest enfui en colĂšre et en sanglottant.
Datée de Trévise, 30 Mars.
3me. â DE LUI.
Portant le timbre de GenĂšve 5 avril 1834.
Vendredi, 4 avril.
Mon George chĂ©ri, je suis Ă GenĂšve. Je suis parti, de Milan sans avoir trouvĂ© de lettre de toi Ă la poste. Peut-ĂȘtre mâavais-tu Ă©crit ; mais jâavais retenu mes places tout de suite en arrivant et le hasard a voulu que le courrier de Venise, qui arrive toujours deux heures avant le dĂ©part de la diligence de GenĂšve, sâest trouvĂ© en retard cette fois. Je tâen prie, si tu mâas Ă©crit Ă Milan, Ă©cris au directeur de la poste de me faire passer ta lettre Ă Paris ; je la veux, nâeĂ»t-elle que deux lignes. Ecris-moi Ă Paris, mon amie, je tâai laissĂ©e bien lasse, bien Ă©puisĂ©e de ces deux mois de chagrin ; tu me lâas dit dâailleurs, tu as bien des choses Ă me dire. Dis-moi surtout que tu es tranquille, que tu seras heureuse. Tu sais que jâai trĂšs bien supportĂ© la route. Antonio doit tâavoir Ă©crit. Je suis fort, bien portant, presque heureux. Te dirai-je que je nâai pas souffert, que je nâai pas pleurĂ© bien des fois dans ces tristes nuits dâauberge ? Ce serait me vanter dâĂȘtre une brute, et tu ne me croirais pas.
Je tâaime encore dâamour, George. Dans quatre jours,il y aura trois cents lieues entre nous, pourquoi ne parlerais-je pas franchement ? A cette distance lĂ il nây a plus ni violences ni attaques de nerfs ; je tâaime, je te sais auprĂšs dâun homme que tu aimes, et cependant je suis tranquille. Les larmes coulent abondamment sur mes mains tandis que je tâĂ©cris, mais ce sont les plus douces, les plus chĂšres larmes que jâaie versĂ©es. Je suis tranquille ; ce nâest pas un enfant Ă©puisĂ© de fatigue qui te parle ainsi. Jâatteste le soleil que jây vois aussi clair dans mon cĆur, que lui dans son orbite. Je nâai pas voulu tâĂ©crire avant dâĂȘtre sĂ»r de moi ; il sâest passĂ© tant de choses dans cette pauvre tĂšte ! De quel rĂȘve Ă©trange je mâĂ©veille !
Ce matin, je courais les rues de GenĂšve, en regardant les boutiques ; un gilet neuf, une belle Ă©dition dâun livre anglais, voilĂ ce qui attirait mon attention. Je me suis aperçu dans une glace, jâai reconnu lâenfant dâautrefois. Quâavais-tu donc fait, ma pauvre amie ? CâĂ©tait lĂ lâhomme que tu voulais aimer ! Tu avais dix ans de souffrance dans le cĆur, tu avais, depuis dix ans, une soif inextinguible de bonheur, et câĂ©tait lĂ le roseau sur lequel tu voulais tâappuyer ! Toi mâaimer ! mon pauvre George ! Cela mâa fait frĂ©mir. Je tâai rendue si malheureuse ! et quels malheurs plus terribles nâai-je pas encore Ă©tĂ© sur le point de te causer ! Je le verrai longtemps, mon George, ce visage pĂąli par les veilles qui sâest penchĂ© dix-huit nuits sur mon chevet ! Je te verrai longtemps dans cette chambre funeste oĂč tant de larmes ont coulĂ©.
Pauvre George ! Pauvre chĂšre enfant ! Tu tâĂ©tais trompĂ©e ; ta tâes crue ma maĂźtresse, tu nâĂ©tais que ma mĂšre ; le ciel nous avait fait lâun pour lâautre ; nos intelligences, dans leur sphĂšre Ă©levĂ©e, se sont reconnues comme deux oiseaux des montagnes, elles ont volĂ© lâune vers lâautre, mais lâĂ©treinte a Ă©tĂ© trop forte ; câest un inceste que nous commettions.
Eh bien, mon unique amie, jâai Ă©tĂ© presque un bourreau pour toi, du moins dans ces derniers temps ; je tâai fait beaucoup souffrir, mais Dieu soit louĂ©, ce que je pouvais faire de pis encore, je ne lâai pas fait. Oh mon enfant, tu vis, tu es belle, tu es jeune, tu te promĂšnes sous le plus beau ciel du monde, appuyĂ©e sur un homme dont le cĆur est digne de toi. Brave jeune homme ! Dis-lui combien je lâaime, et que je ne puis retenir mes larmes en pensant Ă lui. Eh bien, je ne tâai donc pas dĂ©robĂ©e Ă la Providence, je nâai donc pas dĂ©tournĂ© de toi la main quâil te fallait pour ĂȘtre heureuse ! jâai fait peut-ĂȘtre en te quittant, la chose la plus simple du monde, mais je lâai faite, mon cĆur se dilate malgrĂ© mes larmes. Jâemporte avec moi deux Ă©tranges compagnes, une tristesse et une joie sans fin. Quand tu passeras le Simplon, pense Ă moi, George ; câĂ©tait la premiĂšre fois que les spectres Ă©ternels des Alpes se levaient devant moi, dans leur force et dans leur calme. JâĂ©tais seul dans le cabriolet, je ne sais comment rendre ce que jâai Ă©prouvĂ©. Il me semblait que ces gĂ©ants me parlaient de toutes les grandeurs sorties de la main de Dieu. Je ne suis quâun enfant, me suis-je Ă©criĂ©, mais jâai deux grands amis, et ils sont heureux.
Ecris-moi, mon George. Sois sĂ»re que je vais mâoccuper de tes affaires. Que mon amitiĂ© ne te soit jamais importune. Respecte-la, cette amitiĂ© plus ardente que lâamour, câest tout ce quâil y a de bon en moi, pense Ă cela, câest lâouvrage de Dieu. Tu es le fil qui me rattache Ă lui ; pense Ă la vie qui mâattend.
3me. â RĂPONSE DâELLE.
DatĂ©e, en tĂȘte, du 15 avril, et, Ă la fin, du 17.
JâĂ©tais dans une affreuse inquiĂ©tude, mon cher ange, je nâai reçu aucune lettre dâAntonio. Jâavais Ă©tĂ© Ă Vicence, exprĂšs pour savoir comment tu aurais passĂ© cette premiĂšre nuit. Jâavais appris seulement que tu avais traversĂ© la ville dans la matinĂ©e. Jâavais donc pour toutes nouvelles de toi les deux lignes que tu mâas Ă©crites de Padoue et je ne savais que penser. Pagello me disait que certainement au cas oĂč tu serais malade, Antonio nous Ă©crirait, mais je sais que les lettres se perdent ou restent six semaines en route dans ce pays-ci. JâĂ©tais au dĂ©sespoir. Enfin jâai reçu ta lettre de GenĂšve. Oh ! que je tâen remercie mon enfant ! Quâelle est bonne et quâelle mâa fait de bien. Est-ce bien vrai que tu nâes pas malade, que tu es fort, que tu ne souffres pas ? Je crains toujours que par affection, tu ne mâexagĂšres cette bonne santĂ©. Oh ! que Dieu te la donne et te la conserve ! mon cher petit. Cela est aussi nĂ©cessaire Ă ma vie dĂ©sormais que ton amitiĂ©. Sans lâune ou sans lâautre, je ne puis pas espĂ©rer un seul beau jour pour moi.
Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse ĂȘtre heureuse avec la pensĂ©e dâavoir perdu ton cĆur. Que jâaie Ă©tĂ© ta maĂźtresse ou ta mĂšre, peu importe. Que je tâaie inspirĂ© de lâamour ou de lâamitiĂ© ; que jâaie Ă©tĂ© heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change rien Ă lâĂ©tat de mon Ăąme Ă prĂ©sent. Je sais que je tâaime et câest tout. (Ici trois lignes rayĂ©es.) Veiller sur toi, te prĂ©server de tout mal, de toute contrariĂ©e, tâentourer de distractions et de plaisirs, voilĂ le besoin et le regret que je sens depuis que je tâai perdu.
Pourquoi cette tĂąche si douce et que jâaurais remplie avec tant de joie, est-elle devenue peu Ă peu si amĂšre et puis tout Ă coup impossible ? Quelle fatalitĂ© a changĂ© en poison les remĂšdes que je tâoffrais ? Pourquoi, moi qui aurais donnĂ© tout mon sang pour te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour toi un tourment, un flĂ©au, un spectre ? Quand ces affreux souvenirs mâassiĂšgent (et Ă quelle heure me laissent-ils en paix !) je deviens presque folle. Je couvre mon oreiller de larmes. Jâentends ta voix mâappeler dans le silence de la nuit. Quest-ce (sic) qui mâappellera, Ă prĂ©sent ? Qui est-ce qui aura besoin de mes veilles ? Ă quoi emploierai-je la force que jâai amassĂ©e pour toi, et qui maintenant se tourne contre moi-mĂȘme ? Oh ! mon enfant, mon enfant ! que jâai besoin de ta tendresse et de ton pardon ! Ne parle pas du mien, ne me dis jamais que tu as eu des torts envers moi. Quâen sais-je ? Je ne me souviens plus de rien, sinon que nous avons Ă©tĂ© bien malheureux et que nous nous sommes quittĂ©s. Mais je sais, je sens que nous nous aimerons toute la vie avec le cĆur, avec lâintelligence, que nous tĂącherons, par une affection sainte (ici un mot rayĂ©) de nous guĂ©rir mutuellement du mal que nous avons souffert lâun pour lâautre.
HĂ©las non ! ce nâĂ©tait pas notre faute. Nous suivions notre destinĂ©e, et nos caractĂšres plus Ăąpres, plus violents que ceux des autres, nous empĂȘchaient dâaccepter la vie des amants ordinaires. Mais nous sommes nĂ©s pour nous connaĂźtre et pour nous aimer, sois-en sĂ»r. Sans ta jeunesse et la faiblesse que tes larmes mâont causĂ©e, un matin, nous serions restĂ©s frĂšre et sĆur. Nous savions que cela nous convenait. Nous nous Ă©tions prĂ©dit les maux qui nous sont arrivĂ©s. Eh bien quâimporte, aprĂšs tout ? Nous avons passĂ© par un rude sentier, mais nous sommes arrivĂ©s Ă la hauteur oĂč nous devions nous reposer ensemble. Nous avons Ă©tĂ© amants, nous nous connaissons jusquâau fond de lâĂąme. Tant mieux. Quelle dĂ©couverte avons-nous faite mutuellement qui puisse nous dĂ©goĂ»ter lâun de lâautre ? Oh ! malheur Ă nous, si nous nous Ă©tions sĂ©parĂ©s dans un jour de colĂšre, sans nous comprendre, sans nous expliquer ! Câest alors quâune pensĂ©e odieuse eĂ»t empoisonnĂ© notre vie entiĂšre ; câest alors que nous nâaurions jamais cru Ă rien. Mais aurions-nous pu nous sĂ©parer ainsi ? Ne lâavons-nous pas tentĂ© en vain plusieurs fois ? Nos cĆurs enflammĂ©s dâorgueil et de ressentiment ne se brisaient-ils pas de douleur et de regret, chaque fois que nous nous trouvions seuls ? Non, cela ne pouvait pas ĂȘtre. Nous devions, en renonçant Ă des relations devenues impossibles, rester liĂ©s pour lâĂ©ternitĂ©. Tu as raison, notre embrassement Ă©tait un inceste, mais nous ne le savions pas. Nous nous jetions innocemment et sincĂšrement dans le sein lâun de lâautre. Eh bien, avons-nous un seul souvenir de ces Ă©treintes qui ne soit chaste et saint ? Tu mâas reprochĂ©, dans un jour de fiĂšvre et de dĂ©lire, de nâavoir jamais su te donner les plaisirs de lâamour. Jâen ai pleurĂ© alors, et maintenant je suis bien aise quâil y ait quelque chose de vrai dans ce reproche. Je suis bien aise que ces plaisirs aient Ă©tĂ© plus austĂšres, plus voilĂ©s que ceux que tu retrouveras ailleurs. Au moins tu ne te souviendras pas de moi dans les bras des autres femmes. Mais quand tu seras seul, quand tu auras besoin de prier et de pleurer, tu penseras Ă ton George, Ă ton vrai camarade, Ă ton infirmiĂšre, Ă ton ami, Ă quelque chose de mieux que tout cela. Car le sentiment qui nous unit sâest formĂ© de tant de choses quâil ne se peut â comparer Ă aucun autre. Le monde nây comprendra jamais rien. Tant mieux. Nous nous aimerons, et nous nous moquerons de lui.
A propos de cela, je tâai Ă©crit une longue lettre sur mon voyage dans les Alpes, que jâai intention de publier dans la Revue si cela ne te contrarie pas. Je te lâenverrai, et si tu nây trouves rien Ă redire, tu la donneras Ă Buloz. Si tu veux y faire des corrections et des suppressions, je nâai pas besoin de te dire que tu as droit de vie et de mort sur tous mes manuscrits passĂ©s, prĂ©sents et futurs. Enfin, si tu la trouves entiĂšrement impubliable, jette-la au feu ou mets-la dans ton portefeuille ad libitum. Je te fais passer une lettre de ta mĂšre, que jâai reçue ces jours-ci, plus les vers que tu as oubliĂ©s dans mon buvard, et que je recopie pour quâils tiennent moins de place.
Quâest-ce que je te dirai de ma position ? Je suis encore sur un pied et ne sais prĂ©cisĂ©ment ce qui adviendra de moi. Je suis Ă Venise en attendant que jâaie lâargent et la libertĂ© nĂ©cessaires pour...
Table des matiĂšres
- Dédicace
- Montmorency, 30 mars 1903.
- Décembre 1903.
- Sommaire
- PREMIĂRE SĂRIE - PARIS â 1833
- 5. DEUXIĂME SĂRIE - 1834
- 6. TROISIĂME SĂRIE - PARIS ET BADEN 1834
- 7. QUATRIĂME SĂRIE - PARIS Hiver de 1834-1835
- 8. V. â VERS
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