
- 226 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La religion dans les limites de la simple raison
Ă propos de ce livre
La Religion dans les limites de la simple raison est Ă©crit en 1793 par Emmanuel Kant. Bien que le but et l'intention de l'auteur prĂȘtent Ă discussion encore aujourd'hui, l'influence immense et durable du livre, sur la thĂ©ologie et la philosophie de la religion, est incontestable. Le livre est composĂ© de quatre parties ou "piĂšces" Ă©crites dans des revues et qui furent rĂ©unies par la suite. L'ouvrage tend Ă distinguer les Ă©lĂ©ments d'une foi purement rationnelle, qui pour Kant constitue l'essentiel de la religion, des Ă©lĂ©ments institutionnels. Il propose une intense rĂ©flexion sur le mal moral.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Ăcouter.
- IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin dâun accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Ăcouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement Ă des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Ăcouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Ăcouter lit le texte Ă haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser lâapplication Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă tout moment, nâimporte oĂč â mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Oui, vous pouvez accéder à La religion dans les limites de la simple raison par Emmanuel Kant, Jacques Trullard en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Philosophie et Philosophie de la religion. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Sujet
PhilosophieQUATRIĂME PARTIE. â DU VRAI ET DU FAUX CULTE SOUS LA DOMINATION DU BON PRINCIPE.
OU
DE LA RELIGION ET DU SACERDOCE.
CHAPITRE PRĂLIMINAIRE
Table des matiĂšres
Câest lâaube de la domination du bon principe et un signe « que le rĂšgne de Dieu nous arrive » lorsque les principes de la constitution de ce rĂšgne commencent Ă devenir publics ; car le rĂšgne de Dieu, quoique sa complĂšte apparition dans le monde sensible recule dans un lointain impĂ©nĂ©trable, existe dĂ©jĂ dans le monde de lâesprit oĂč les principes propres Ă le rĂ©aliser ont universellement pris racine. Nous avons vu que la formation dâune rĂ©publique morale constituait un devoir spĂ©cial (officium sui generis), et que de lâobĂ©issance aux devoirs individuels on peut lĂ©gitimement conclure lâaccord contingent de toutes les volontĂ©s pour le bien social et gĂ©nĂ©ral sans que, pour cet accord, il ait Ă©tĂ© besoin dâune disposition particuliĂšre ; mais nous avons vu aussi que ce rĂ©sultat du simple accomplissement des devoirs individuels ne pouvait pourtant ĂȘtre espĂ©rĂ© si les hommes ne sâefforçaient de sâunir dans la pensĂ©e dâun but commun, et de fonder une rĂ©publique sous des lois morales pour rĂ©sister en masse et par consĂ©quent plus efficacement aux agressions du mauvais principe (auquel, sans cela, les hommes sont tentĂ©s de se livrer les uns les autres comme instruments). â Nous avons vu Ă©galement quâune pareille rĂ©publique, en tant que rĂšgne de Dieu, ne peut ĂȘtre entreprise par les hommes quâau nom de la religion, et quâenfin, pour que cette rĂ©publique devienne publique (condition essentielle Ă son existence), elle pouvait ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e sous la forme dâune Ăglise dont lâorganisation est par consĂ©quent une Ćuvre abandonnĂ©e aux hommes et que lâon a le droit dâen exiger.
Mais la fondation dâune Ăglise pu dâune rĂ©publique selon des lois religieuses paraĂźt exiger plus de sagesse (sous le rapport de la conception comme sous celui du sentiment) que lâon ne peut gĂ©nĂ©ralement en accorder aux hommes ; la bontĂ© morale que requiert une telle institution paraĂźt surtout ĂȘtre hypothĂ©tique et supposĂ©e Ă cet effet dans leurs cĆurs. Au fait, il est contradictoire dans les termes, que les hommes fondent un rĂšgne de Dieu, bien quâon puisse dire quâils peuvent Ă©lever le rĂšgne dâun monarque humain ; Dieu doit lui-mĂȘme Ă©tablir son rĂšgne. Mais comme nous ne savons pas ce que Dieu fait immĂ©diatement pour manifester en rĂ©alitĂ© lâidĂ©e de son rĂšgne sous lequel nous trouvons en nous la dĂ©termination morale de nous ranger ; comme dâautre part, nous savons positivement ce que nous avons Ă faire pour nous rendre dâutiles citoyens sous le rĂšgne de Dieu, lâidĂ©e de ce rĂšgne, quâelle ait Ă©tĂ© suscitĂ©e et rendue publique parmi lâespĂšce humaine, soit par la raison, soit par lâĂcriture, nous oblige Ă lâĂ©tablissement dâune Ăglise ; Dieu lui-mĂȘme, dans le cas oĂč lâidĂ©e de son rĂšgne procĂ©derait de lâĂcriture, est, en tant que fondateur, lâauteur de la constitution de cette Ăglise, et les hommes, dans tous les cas, sont, en tant que soumis au rĂšgne de Dieu, les auteurs de son organisation ; car ceux dâentre les hommes qui administrent selon lâĂcriture les affaires publiques, constituent lâadministration proprement dite de lâĂglise, comme en Ă©tant les serviteurs ou les prĂȘtres ; et le reste des hommes constitue une association soumise aux lois des premiers, câest-Ă -dire la sociĂ©tĂ©.
Comme la religion rationnelle pure, en tant que croyance religieuse publique, accorde seulement lâidĂ©e pure dâune Ăglise (invisible), et comme lâĂglise visible qui est fondĂ©e sur des dogmes a seule besoin et est seule susceptible dâune organisation de la part des hommes, le culte, sous la domination du bon principe, dans lâĂglise invisible, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme culte ecclĂ©siastique, et la religion rationnelle pure nâa point de prĂȘtres lĂ©gaux comme fonctionnaires au service dâune rĂ©publique morale : chaque membre dâun pareille sociĂ©tĂ© reçoit immĂ©diatement du lĂ©gislateur suprĂȘme sa mission. Mais comme, en accomplissant nos diffĂ©rents devoirs, que nous devons regarder comme, des ordres divins, nous servons constamment Dieu, la religion rationnelle a pour prĂȘtres (non pour fonctionnaires)tous les hommes bien pensants ; mais ils ne pourront pas pour cela sâappeler les serviteurs de lâĂglise (visible, la seule dont il sera ici question). â Cependant, comme toute Ăglise fondĂ©e sur des lois positives ne peut ĂȘtre lâĂglise vĂ©ritable quâautant quâelle renferme en elle une tendance essentielle Ă sâapprocher constamment de la croyance rationnelle pure comme de celle qui, pratique, constitue proprement dans les cĆurs la religion ; et Ă sâefforcer de se passer de la croyance ecclĂ©siastique (de lâĂ©lĂ©ment historique de cette croyance), nous pourrons, malgrĂ© les lois positives de cette Ăglise, malgrĂ© les fonctions sacerdotales que cette Ăglise comporte, reconnaĂźtre un culte ecclĂ©siastique, Ă la condition que les enseignements et les ordonnances des prĂȘtres tendent vers le but dâune croyance religieuse publique. â Au contraire, les prĂȘtres dâune Ăglise, qui ne prennent point ce but en considĂ©ration, qui regardent plutĂŽt les maximes en vertu desquelles on en approche continuellement, comme condamnables, et qui proclament la soumission Ă la partie historique et positive comme seule sanctifiante, peuvent ĂȘtre lĂ©gitimement accusĂ©s du faux culte de lâĂglise ou (de ce qui est reprĂ©sentĂ© par lâĂglise) de la rĂ©publique morale sous la domination du bon principe. â Par faux culte (cultus spurius), il faut entendre la persuasion oĂč lâon est que lâon sert lâĂtre suprĂȘme par des actes auxquels lâintention nâa rĂ©ellement aucune part. Le faux culte a lieu dans une rĂ©publique morale lorsque ce qui nâa que la valeur dâun moyen propre Ă satisfaire la volontĂ© de Dieu nâest point prĂ©sentĂ© comme tel, et que lâon considĂšre ce moyen comme nous rendant immĂ©diatement agrĂ©ables Ă la DivinitĂ© : les vues de la DivinitĂ© sont alors dĂ©jouĂ©es.
CHAPITRE PREMIER. â Du Culte de Dieu dans une religion quelconque.
Table des matiĂšres
La religion, subjectivement considĂ©rĂ©e, est la connaissance de tous nos devoirs en tant quâordres divins 60. La religion dans laquelle je dois savoir prĂ©alablement que quelque chose est ordre divin pour le reconnaĂźtre comme mon devoir est la religion rĂ©vĂ©lĂ©e (ou qui a besoin dâune rĂ©vĂ©lation). Au contraire, la religion dans laquelle je dois savoir prĂ©alablement que quelque chose est devoir avant de pouvoir le reconnaĂźtre comme un ordre divin, est la religion naturelle. â Celui qui ne reconnaĂźt que la religion naturelle de moralement nĂ©cessaire, câest-Ă -dire dâobligatoire, peut ĂȘtre Ă©galement nommĂ© rationaliste (en matiĂšre religieuse). Si le rationaliste nie la rĂ©alitĂ© de toute rĂ©vĂ©lation divine surnaturelle, il se nomme naturaliste ; mais sâil accorde la rĂ©vĂ©lation et quâil soutienne nĂ©anmoins que ni la connaissance ni lâadmission de la rĂ©vĂ©lation comme rĂ©elle ne sont essentielles Ă la religion, il peut alors ĂȘtre appelĂ© rationaliste pur. Enfin, regarde-t-il la croyance Ă la rĂ©vĂ©lation comme nĂ©cessaire Ă la religion universelle, on peut le nommer alors supernaturaliste pur en matiĂšre religieuse.
Le rationaliste, en vertu mĂȘme de ce titre, doit se tenir de lui-mĂȘme dans les limites du, point de vue humain. Il ne doit donc jamais dĂ©cider nĂ©gativement comme le naturaliste ; il ne doit contester ni la possibilitĂ© interne dâune rĂ©vĂ©lation quelconque, ni la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©vĂ©lation comme moyen divin pour introduire dans la vĂ©ritable religion ; car, la raison humaine, sur ces points, ne peut rien Ă©tablir. Ainsi la controverse ne peut concerner que les prĂ©tentions mutuelles du rationaliste pur et du supernaturaliste pur en matiĂšre religieuse, câest-Ă -dire uniquement ce que lâun ou lâautre admet comme nĂ©cessaire et suffisant ou comme purement accessoire Ă la vĂ©ritable et unique religion.
Si lâon ne divise pas la religion dâaprĂšs son origine primitive et sa possibilitĂ© interne (en naturelle et en rĂ©vĂ©lĂ©e), mais simplement dâaprĂšs le caractĂšre de sa transmission extĂ©rieure, la religion est alors ou naturelle, telle que, dĂšs quâelle existe, elle peut ĂȘtre persuadĂ©e Ă chacun par sa propre raison ; ou enseignĂ©e, dont on ne peut convaincre les autres quâau moyen de la science (dans laquelle et par laquelle ils doivent ĂȘtre conduits). â Cette distinction est de la plus haute importance, car on ne peut nullement conclure de lâorigine dâune religion quâelle peut Ou ne peut pas devenir universelle ; on ne peut infĂ©rer lâuniversalitĂ© de la religion que de son caractĂšre de communicabilitĂ© universelle. Lâuniverselle communicabilitĂ©, tel est le criterium essentiel de la religion obligatoire pour tout homme.
Ainsi, telle religion peut ĂȘtre naturelle, bien quâelle ait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e : il suffit quâelle soit de telle nature que les hommes aient pu et dĂ» y arriver dâeux-mĂȘmes par le simple usage de leur raison, quoique moins rapidement et dans une moins vaste circonscription. Une rĂ©vĂ©lation de cette religion, dans un temps et un lieu dĂ©terminĂ©s, pourrait ĂȘtre prudente et trĂšs-profitable au genre humain ; une fois que la religion ainsi introduite existerait et serait rĂ©pandue, chacun pourrait dĂšs lors se convaincre de sa vĂ©ritĂ© par soi-mĂȘme et par sa raison propre. Dans ce cas, la religion est objectivement une religion naturelle, quoique subjectivement elle soit une religion rĂ©vĂ©lĂ©e ; aussi la premiĂšre dĂ©nomination lui convient-elle plus proprement. Car, par la suite, on pourrait entiĂšrement oublier quâune rĂ©vĂ©lation surnaturelle lâa prĂ©cĂ©dĂ©e, et elle ne perdrait ni ne gagnerait en certitude, et son empire sur les esprits ne sâaffaiblirait pas. Mais pour la religion qui, Ă cause de son caractĂšre interne, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e que comme rĂ©vĂ©lĂ©e, il en est tout autrement. Si elle nâeĂ»t pas Ă©tĂ© conservĂ©e par une tradition trĂšs-fidĂšle ou dans les livres sacrĂ©s, elle aurait disparu du monde ; et alors il faudrait ou de temps en temps la rechercher dans les souvenirs publics ou quâune rĂ©vĂ©lation super naturelle et incessante la prĂ©cĂ©dĂąt au cĆur de lâhomme, sans quoi lâextension et la transmission dâune telle croyance ne serait pas possible.
Mais toute religion, mĂȘme la religion rĂ©vĂ©lĂ©e, doit renfermer certains principes de la religion naturelle. Car une rĂ©vĂ©lation ne peut ĂȘtre comprise dans, lâidĂ©e de religion que par lâintermĂ©diaire de la raison, attendu que celte idĂ©e, dĂ©rivĂ©e de la soumission obligatoire Ă la volontĂ© dâun lĂ©gislateur moral, est une idĂ©e rationnelle pure. Nous considĂ©rerons donc une religion rĂ©vĂ©lĂ©e dâune part comme naturelle, dâune autre part comme enseignĂ©e, et nous pourrons dĂ©mĂȘler ce qui dĂ©coule et tout ce qui dĂ©coule dans son sein de lâune ou de lâautre source.
Mais, comme nous nous proposons de parler de religion rĂ©vĂ©lĂ©e (du moins tenue pour telle), nous ne pouvons faire autrement que dâen prendre un exemple dans lâhistoire ; si dans le but de prĂ©ciser notre pensĂ©e nous choisissions des exemples imaginaires, on pourrait toujours nous en contester la possibilitĂ©. Or nous ne pouvons mieux faire que dâouvrir un livre qui renferme une religion rĂ©vĂ©lĂ©e, mais un livre tel quâil soit intimement liĂ© aux principes moraux, par consĂ©quent aux principes rationnels et pratiques, et de nous en servir comme moyen dâexplication de notre idĂ©e de religion rĂ©vĂ©lĂ©e en gĂ©nĂ©ral. Nous le prendrons comme celui dâentre les diffĂ©rents livres traitant de religion et de vertu sous lâautoritĂ© dâune rĂ©vĂ©lation, qui est un modĂšle de la conduite avantageuse en soi ; et nous rechercherons avec son aide quelle peut ĂȘtre une religion rationnelle pure et par consĂ©quent universelle, sans empiĂ©ter sur le domaine de ceux Ă qui lâinterprĂ©tation de ce livre, comme dâun recueil des enseignements dâune rĂ©vĂ©lation positive, est confiĂ©e, et sans vouloir par lĂ attaquer leur interprĂ©tation fondĂ©e sur la science. Les interprĂštes de lâĂcriture gagneront plutĂŽt Ă notre fait : comme ils marchent avec les philosophes vers un seul et mĂȘme but, vers le bien moral, ils seront au contraire aidĂ©s par les principes rationnels Ă arriver lĂ oĂč ils pensaient parvenir par une autre voie. â Ce livre sera le Nouveau Testament, comme source de la croyance chrĂ©tienne. DâaprĂšs notre point de vue, nous considĂ©rerons le christianisme dâabord comme religion naturelle, et ensuite comme religion enseignĂ©e, dans sa nature et dans ses principes constitutifs.
CHAPITRE II. â Le Christianisme considĂ©rĂ© comme religion naturelle.
Table des matiĂšres
La religion naturelle, insĂ©parable, comme morale (en ce qui touche la libertĂ© du sujet), de lâidĂ©e de ce qui peut rĂ©aliser sa fin derniĂšre (de lâidĂ©e de Dieu comme auteur moral du monde), et sâaccordant avec la durĂ©e de lâhomme, laquelle est selon cette fin (avec lâimmortalitĂ©), est une idĂ©e rationnelle pure pratique, quoique la fĂ©conditĂ© infinie de cette idĂ©e prĂ©suppose jusquâĂ certain point la facultĂ© rationnelle thĂ©orĂ©tique ; en sorte que lâon peut convaincre tout homme quâelle est pratiquement suffisante, en rĂ©clamer du moins la pratique comme un devoir pour chacun. La religion naturelle satisfait complĂ©tement Ă la haute exigence de la vĂ©ritable Ăglise, câest-Ă -dire quâelle est tout Ă fait appropriĂ©e Ă lâuniversalitĂ© de cette Ăglise, en tant que par lâuniversalitĂ© on comprend ici la valabilitĂ© de cette religion pour chacun (unipersitas vel omnitudo distributiva), ou lâunanimitĂ© de tous les esprits Ă se rattacher Ă elle. Pour la propager et la maintenir comme religion du monde, il est assurĂ©ment besoin du ministĂšre dâune Ăglise, mais simplement dâune Ăglise invisible, et non de fonctionnaires (officielles) ; il est besoin dâhommes instruits qui enseignent la religion, et non de prĂ©posĂ©s ; attendu que par le fait de la religion rationnelle professĂ©e individuellement, il nâexiste pas encore dâĂglise ou dâassociation universelle (omnitudo collectiva), que mĂȘme lâĂ©tablissement de cette Ăglise nâest proprement rĂ©solu dans lâintention de personne. â Mais comme lâunanimitĂ© des esprits ne pourrait se maintenir de soi-mĂȘme ; comme, sans lâĂ©tablissement dâune Ăglise visible, lâuniversalitĂ© des adhĂ©sions ne pourrait se soutenir ; comme cela nâest possible quâautant quâune universalitĂ© collective, câest-Ă -dire lâunion des fidĂšles en une Ăglise (visible) selon les principes dâune religion rationnelle pure, vienne Ă son secoursâ ; et comme cette union ne peut naĂźtre de lâadhĂ©sion mĂȘme ; comme, lorsquâelle eĂ»t Ă©tĂ© fondĂ©e, elle nâaurait pu ĂȘtre constituĂ©e par les adhĂ©rents libres (nous lâavons dĂ©montrĂ©) en un Ă©tat durable, en une association des fidĂšles (attendu quâaucun des adeptes ne croit avoir besoin pour ses sentiments religieux de la communion des autres Ă cette religion) ; alors, si aux lois naturelles, connaissables par la simple raison, ne sont point ajoutĂ©es certaines dispositions positives et en mĂȘme temps appuyĂ©es sur une autoritĂ© lĂ©gislatrice, il manquera toujours ce qui constitue pour les hommes un devoir spĂ©cial, Ă savoir, le moyen dâatteindre leur fin suprĂȘme, câest-Ă -dire leur union stable en une Ăglise visible, universelle :lâautoritĂ© nĂ©cessaire pour fonder cette union prĂ©suppose un factum et pas seulement une idĂ©e rationnelle pure.
Or, si nous admettons, selon lâhistoire, ou du moins selon une tradition universelle incontestable pour le fond, quâun homme a proposĂ© une religion pure, accessible Ă tout le mondes naturelle, par consĂ©quent convaincante, et dont nous puissions critiquer les enseignements en tant quâils nous sont destinĂ©s ; et quâil lâa proposĂ©e tout dâabord publiquement, malgrĂ© lâopposition dâune croyance ecclĂ©siastique qui, incapable dâatteindre seulement sa fin morale, dominait pourtant par son culte extĂ©rieur sur les autres croyances positives et Ă©tait universellement admise dans ce temps ; si nous reconnaissons que cet homme a fait de la religion rationnelle universelle quâil a proposĂ©e la condition suprĂȘme et nĂ©cessaire de toute croyance religieuse, et y a ajoutĂ© certains statuts consistant dans des formes et des observances qui doivent servir, Ă titre de moyens, Ă Ă©tablir une Ăglise fondĂ©e sur le principe de la religion rationnelle ; alors on peut, malgrĂ© la contingence et lâarbitraire des dispositions, Ă lâaide desquelles il rĂ©alise ce but, accorder Ă cette Ăglise le nom de vĂ©ritable Ăglise universelle, et Ă son fondateur le mĂ©rite dâavoir appelĂ© les hommes Ă se rĂ©unir dans le sein de cette Ăglise, sans accompagner la croyance de nouvelles et nombreuses formes gĂȘnantes, et sans la faire consister en des actions spĂ©ciales, dĂ©terminĂ©es Ă son grĂ© et proclamĂ©es saintes et obligatoires en soi, comme Ă©lĂ©ments de la religion.
On ne peut, dâaprĂšs cette explication, blĂąmer le personnage qui est lĂ©gitimement honorĂ© comme fondateur non de cette religion pure de tout dogme, de tout statut, et inscrite dans le cĆur de tous les hommes (car elle nâest pas une invention arbitraire), mais de la premiĂšre vĂ©ritable Ăglise. â Comme preuves de ce mĂ©rite justement apprĂ©ciĂ© et de la mission divine de celui Ă qui nous le reconnaissons, nous allons rapporter quelques-uns de ses prĂ©ceptes qui sont des principes certains de toute religion. Peu importe lâhistoire Ă laquelle ils sont mĂȘlĂ©s ; car, en tant quâidĂ©es, ils emportent avec eux leur titre Ă lâacceptation, et il ne saurait y avoir dâautres prĂ©ceptes rationnels purs : ce sont eux qui se prouvent eux-mĂȘmes et qui soutiennent spĂ©cialement la foi aux autres prĂ©ceptes.
Dâabord, selon lui, le sentiment moral pur et non lâobservation des devoirs ecclĂ©siastiques extĂ©rieurs, civils ou positifs, peut rendre agrĂ©able Ă Dieu (Matth. V, 20-48) ; les pĂ©chĂ©s par pensĂ©e sont rĂ©putĂ©s des actes devant Dieu (V, 28), et, en gĂ©nĂ©ral, la saintetĂ© est le but auquel il faut tendre (V, 48) ; câest ainsi que la haine dans le cĆur Ă©quivaut au meurtre (V, 22) ; une injustice commise envers le prochain ne peut ĂȘtre rĂ©parĂ©e que par la justification envers le prochain lui-mĂȘme, et non par des actes de culte divin (V, 24) ; et Ă lâendroit de la vĂ©racitĂ©, le moyen civil dâarracher la vĂ©ritĂ© (1), le serment est une violation du respect dĂ» Ă la vĂ©ritĂ© mĂȘme (V, 34-37) ; â le mauvais penchant naturel du cĆur humain doit tout Ă fait ĂȘtre mĂ©tamorphosĂ© ; le sentiment trop doux de la vengeance doit ĂȘtre changĂ© en rĂ©signation (V, 39-40) et la haine de ses ennemis en bienfaisance Ă leur Ă©gard. Il pense quâil faut se pleinement conformer Ă la loi judaĂŻque (V, 17), dont lâinterprĂšte ne doit visiblement pas ĂȘtre la science de lâĂcriture, mais la religion rationnelle pure : car, prise Ă la lettre, elle autorise prĂ©cisĂ©ment le contraire des prescriptions prĂ©cĂ©dentes. â Il fait en outre remarquer par les dĂ©nominations de porte Ă©troite, de chemin Ă©troit, la fausse interprĂ©tation que les hommes se permettent de donner Ă la loi pour transgresser leurs vĂ©ritables devoirs moraux et se croire absous de cette transgression par lâaccomplissement de devoirs ecclĂ©siastiques VII, 13) 61. Tous ces sentiments purs, il exige, toutefois, quâils soient traduits en actes (V, 16), et il dĂ©nie lâespĂ©rance aux hommes rusĂ©s qui pensent supplĂ©er Ă ces sentiments par des priĂšres et des hommages adressĂ©s au lĂ©gislateur suprĂȘme dans la personne de son envoyĂ©. Ces Ćuvres doivent ĂȘtre accomplies publiquement (V, 21), afin de servir dâexemple Ă la postĂ©ritĂ© (v, 16), et les actions doiven...
Table des matiĂšres
- La religion dans les limites de la simple raison
- Table des matiĂšres
- AVANT-PROPOS.
- PREMIĂRE PARTIE. DE LA COEXISTENCE DU MAUVAIS ET DU BON PRINCIPE DANS LâHOMME.
- SECONDE PARTIE. â DE LA LUTTE DU BON ET DU MAUVAIS PRINCIPE POUR LA DOMINATION DANS LâHOMME.
- TROISIĂME PARTIE. â VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS ; AVĂNEMENT DU RĂGNE DE DIEU SUR LA TERRE.
- QUATRIĂME PARTIE. â DU VRAI ET DU FAUX CULTE SOUS LA DOMINATION DU BON PRINCIPE.