La religion dans les limites de la simple raison
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La religion dans les limites de la simple raison

  1. 226 pages
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  4. Disponible sur iOS et Android
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La religion dans les limites de la simple raison

À propos de ce livre

La Religion dans les limites de la simple raison est Ă©crit en 1793 par Emmanuel Kant. Bien que le but et l'intention de l'auteur prĂȘtent Ă  discussion encore aujourd'hui, l'influence immense et durable du livre, sur la thĂ©ologie et la philosophie de la religion, est incontestable. Le livre est composĂ© de quatre parties ou "piĂšces" Ă©crites dans des revues et qui furent rĂ©unies par la suite. L'ouvrage tend Ă  distinguer les Ă©lĂ©ments d'une foi purement rationnelle, qui pour Kant constitue l'essentiel de la religion, des Ă©lĂ©ments institutionnels. Il propose une intense rĂ©flexion sur le mal moral.

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Informations

Éditeur
e-artnow
Année
2019
ISBN de l'eBook
9788027302611

QUATRIÈME PARTIE. — DU VRAI ET DU FAUX CULTE SOUS LA DOMINATION DU BON PRINCIPE.

OU
DE LA RELIGION ET DU SACERDOCE.

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

Table des matiĂšres
C’est l’aube de la domination du bon principe et un signe « que le rĂšgne de Dieu nous arrive » lorsque les principes de la constitution de ce rĂšgne commencent Ă  devenir publics ; car le rĂšgne de Dieu, quoique sa complĂšte apparition dans le monde sensible recule dans un lointain impĂ©nĂ©trable, existe dĂ©jĂ  dans le monde de l’esprit oĂč les principes propres Ă  le rĂ©aliser ont universellement pris racine. Nous avons vu que la formation d’une rĂ©publique morale constituait un devoir spĂ©cial (officium sui generis), et que de l’obĂ©issance aux devoirs individuels on peut lĂ©gitimement conclure l’accord contingent de toutes les volontĂ©s pour le bien social et gĂ©nĂ©ral sans que, pour cet accord, il ait Ă©tĂ© besoin d’une disposition particuliĂšre ; mais nous avons vu aussi que ce rĂ©sultat du simple accomplissement des devoirs individuels ne pouvait pourtant ĂȘtre espĂ©rĂ© si les hommes ne s’efforçaient de s’unir dans la pensĂ©e d’un but commun, et de fonder une rĂ©publique sous des lois morales pour rĂ©sister en masse et par consĂ©quent plus efficacement aux agressions du mauvais principe (auquel, sans cela, les hommes sont tentĂ©s de se livrer les uns les autres comme instruments). — Nous avons vu Ă©galement qu’une pareille rĂ©publique, en tant que rĂšgne de Dieu, ne peut ĂȘtre entreprise par les hommes qu’au nom de la religion, et qu’enfin, pour que cette rĂ©publique devienne publique (condition essentielle Ă  son existence), elle pouvait ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e sous la forme d’une Église dont l’organisation est par consĂ©quent une Ɠuvre abandonnĂ©e aux hommes et que l’on a le droit d’en exiger.
Mais la fondation d’une Église pu d’une rĂ©publique selon des lois religieuses paraĂźt exiger plus de sagesse (sous le rapport de la conception comme sous celui du sentiment) que l’on ne peut gĂ©nĂ©ralement en accorder aux hommes ; la bontĂ© morale que requiert une telle institution paraĂźt surtout ĂȘtre hypothĂ©tique et supposĂ©e Ă  cet effet dans leurs cƓurs. Au fait, il est contradictoire dans les termes, que les hommes fondent un rĂšgne de Dieu, bien qu’on puisse dire qu’ils peuvent Ă©lever le rĂšgne d’un monarque humain ; Dieu doit lui-mĂȘme Ă©tablir son rĂšgne. Mais comme nous ne savons pas ce que Dieu fait immĂ©diatement pour manifester en rĂ©alitĂ© l’idĂ©e de son rĂšgne sous lequel nous trouvons en nous la dĂ©termination morale de nous ranger ; comme d’autre part, nous savons positivement ce que nous avons Ă  faire pour nous rendre d’utiles citoyens sous le rĂšgne de Dieu, l’idĂ©e de ce rĂšgne, qu’elle ait Ă©tĂ© suscitĂ©e et rendue publique parmi l’espĂšce humaine, soit par la raison, soit par l’Écriture, nous oblige Ă  l’établissement d’une Église ; Dieu lui-mĂȘme, dans le cas oĂč l’idĂ©e de son rĂšgne procĂ©derait de l’Écriture, est, en tant que fondateur, l’auteur de la constitution de cette Église, et les hommes, dans tous les cas, sont, en tant que soumis au rĂšgne de Dieu, les auteurs de son organisation ; car ceux d’entre les hommes qui administrent selon l’Écriture les affaires publiques, constituent l’administration proprement dite de l’Église, comme en Ă©tant les serviteurs ou les prĂȘtres ; et le reste des hommes constitue une association soumise aux lois des premiers, c’est-Ă -dire la sociĂ©tĂ©.
Comme la religion rationnelle pure, en tant que croyance religieuse publique, accorde seulement l’idĂ©e pure d’une Église (invisible), et comme l’Église visible qui est fondĂ©e sur des dogmes a seule besoin et est seule susceptible d’une organisation de la part des hommes, le culte, sous la domination du bon principe, dans l’Église invisible, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme culte ecclĂ©siastique, et la religion rationnelle pure n’a point de prĂȘtres lĂ©gaux comme fonctionnaires au service d’une rĂ©publique morale : chaque membre d’un pareille sociĂ©tĂ© reçoit immĂ©diatement du lĂ©gislateur suprĂȘme sa mission. Mais comme, en accomplissant nos diffĂ©rents devoirs, que nous devons regarder comme, des ordres divins, nous servons constamment Dieu, la religion rationnelle a pour prĂȘtres (non pour fonctionnaires)tous les hommes bien pensants ; mais ils ne pourront pas pour cela s’appeler les serviteurs de l’Église (visible, la seule dont il sera ici question). — Cependant, comme toute Église fondĂ©e sur des lois positives ne peut ĂȘtre l’Église vĂ©ritable qu’autant qu’elle renferme en elle une tendance essentielle Ă  s’approcher constamment de la croyance rationnelle pure comme de celle qui, pratique, constitue proprement dans les cƓurs la religion ; et Ă  s’efforcer de se passer de la croyance ecclĂ©siastique (de l’élĂ©ment historique de cette croyance), nous pourrons, malgrĂ© les lois positives de cette Église, malgrĂ© les fonctions sacerdotales que cette Église comporte, reconnaĂźtre un culte ecclĂ©siastique, Ă  la condition que les enseignements et les ordonnances des prĂȘtres tendent vers le but d’une croyance religieuse publique. — Au contraire, les prĂȘtres d’une Église, qui ne prennent point ce but en considĂ©ration, qui regardent plutĂŽt les maximes en vertu desquelles on en approche continuellement, comme condamnables, et qui proclament la soumission Ă  la partie historique et positive comme seule sanctifiante, peuvent ĂȘtre lĂ©gitimement accusĂ©s du faux culte de l’Église ou (de ce qui est reprĂ©sentĂ© par l’Église) de la rĂ©publique morale sous la domination du bon principe. — Par faux culte (cultus spurius), il faut entendre la persuasion oĂč l’on est que l’on sert l’Être suprĂȘme par des actes auxquels l’intention n’a rĂ©ellement aucune part. Le faux culte a lieu dans une rĂ©publique morale lorsque ce qui n’a que la valeur d’un moyen propre Ă  satisfaire la volontĂ© de Dieu n’est point prĂ©sentĂ© comme tel, et que l’on considĂšre ce moyen comme nous rendant immĂ©diatement agrĂ©ables Ă  la DivinitĂ© : les vues de la DivinitĂ© sont alors dĂ©jouĂ©es.

CHAPITRE PREMIER. — Du Culte de Dieu dans une religion quelconque.

Table des matiĂšres
La religion, subjectivement considĂ©rĂ©e, est la connaissance de tous nos devoirs en tant qu’ordres divins 60. La religion dans laquelle je dois savoir prĂ©alablement que quelque chose est ordre divin pour le reconnaĂźtre comme mon devoir est la religion rĂ©vĂ©lĂ©e (ou qui a besoin d’une rĂ©vĂ©lation). Au contraire, la religion dans laquelle je dois savoir prĂ©alablement que quelque chose est devoir avant de pouvoir le reconnaĂźtre comme un ordre divin, est la religion naturelle. — Celui qui ne reconnaĂźt que la religion naturelle de moralement nĂ©cessaire, c’est-Ă -dire d’obligatoire, peut ĂȘtre Ă©galement nommĂ© rationaliste (en matiĂšre religieuse). Si le rationaliste nie la rĂ©alitĂ© de toute rĂ©vĂ©lation divine surnaturelle, il se nomme naturaliste ; mais s’il accorde la rĂ©vĂ©lation et qu’il soutienne nĂ©anmoins que ni la connaissance ni l’admission de la rĂ©vĂ©lation comme rĂ©elle ne sont essentielles Ă  la religion, il peut alors ĂȘtre appelĂ© rationaliste pur. Enfin, regarde-t-il la croyance Ă  la rĂ©vĂ©lation comme nĂ©cessaire Ă  la religion universelle, on peut le nommer alors supernaturaliste pur en matiĂšre religieuse.
Le rationaliste, en vertu mĂȘme de ce titre, doit se tenir de lui-mĂȘme dans les limites du, point de vue humain. Il ne doit donc jamais dĂ©cider nĂ©gativement comme le naturaliste ; il ne doit contester ni la possibilitĂ© interne d’une rĂ©vĂ©lation quelconque, ni la nĂ©cessitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation comme moyen divin pour introduire dans la vĂ©ritable religion ; car, la raison humaine, sur ces points, ne peut rien Ă©tablir. Ainsi la controverse ne peut concerner que les prĂ©tentions mutuelles du rationaliste pur et du supernaturaliste pur en matiĂšre religieuse, c’est-Ă -dire uniquement ce que l’un ou l’autre admet comme nĂ©cessaire et suffisant ou comme purement accessoire Ă  la vĂ©ritable et unique religion.
Si l’on ne divise pas la religion d’aprĂšs son origine primitive et sa possibilitĂ© interne (en naturelle et en rĂ©vĂ©lĂ©e), mais simplement d’aprĂšs le caractĂšre de sa transmission extĂ©rieure, la religion est alors ou naturelle, telle que, dĂšs qu’elle existe, elle peut ĂȘtre persuadĂ©e Ă  chacun par sa propre raison ; ou enseignĂ©e, dont on ne peut convaincre les autres qu’au moyen de la science (dans laquelle et par laquelle ils doivent ĂȘtre conduits). — Cette distinction est de la plus haute importance, car on ne peut nullement conclure de l’origine d’une religion qu’elle peut Ou ne peut pas devenir universelle ; on ne peut infĂ©rer l’universalitĂ© de la religion que de son caractĂšre de communicabilitĂ© universelle. L’universelle communicabilitĂ©, tel est le criterium essentiel de la religion obligatoire pour tout homme.
Ainsi, telle religion peut ĂȘtre naturelle, bien qu’elle ait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e : il suffit qu’elle soit de telle nature que les hommes aient pu et dĂ» y arriver d’eux-mĂȘmes par le simple usage de leur raison, quoique moins rapidement et dans une moins vaste circonscription. Une rĂ©vĂ©lation de cette religion, dans un temps et un lieu dĂ©terminĂ©s, pourrait ĂȘtre prudente et trĂšs-profitable au genre humain ; une fois que la religion ainsi introduite existerait et serait rĂ©pandue, chacun pourrait dĂšs lors se convaincre de sa vĂ©ritĂ© par soi-mĂȘme et par sa raison propre. Dans ce cas, la religion est objectivement une religion naturelle, quoique subjectivement elle soit une religion rĂ©vĂ©lĂ©e ; aussi la premiĂšre dĂ©nomination lui convient-elle plus proprement. Car, par la suite, on pourrait entiĂšrement oublier qu’une rĂ©vĂ©lation surnaturelle l’a prĂ©cĂ©dĂ©e, et elle ne perdrait ni ne gagnerait en certitude, et son empire sur les esprits ne s’affaiblirait pas. Mais pour la religion qui, Ă  cause de son caractĂšre interne, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e que comme rĂ©vĂ©lĂ©e, il en est tout autrement. Si elle n’eĂ»t pas Ă©tĂ© conservĂ©e par une tradition trĂšs-fidĂšle ou dans les livres sacrĂ©s, elle aurait disparu du monde ; et alors il faudrait ou de temps en temps la rechercher dans les souvenirs publics ou qu’une rĂ©vĂ©lation super naturelle et incessante la prĂ©cĂ©dĂąt au cƓur de l’homme, sans quoi l’extension et la transmission d’une telle croyance ne serait pas possible.
Mais toute religion, mĂȘme la religion rĂ©vĂ©lĂ©e, doit renfermer certains principes de la religion naturelle. Car une rĂ©vĂ©lation ne peut ĂȘtre comprise dans, l’idĂ©e de religion que par l’intermĂ©diaire de la raison, attendu que celte idĂ©e, dĂ©rivĂ©e de la soumission obligatoire Ă  la volontĂ© d’un lĂ©gislateur moral, est une idĂ©e rationnelle pure. Nous considĂ©rerons donc une religion rĂ©vĂ©lĂ©e d’une part comme naturelle, d’une autre part comme enseignĂ©e, et nous pourrons dĂ©mĂȘler ce qui dĂ©coule et tout ce qui dĂ©coule dans son sein de l’une ou de l’autre source.
Mais, comme nous nous proposons de parler de religion rĂ©vĂ©lĂ©e (du moins tenue pour telle), nous ne pouvons faire autrement que d’en prendre un exemple dans l’histoire ; si dans le but de prĂ©ciser notre pensĂ©e nous choisissions des exemples imaginaires, on pourrait toujours nous en contester la possibilitĂ©. Or nous ne pouvons mieux faire que d’ouvrir un livre qui renferme une religion rĂ©vĂ©lĂ©e, mais un livre tel qu’il soit intimement liĂ© aux principes moraux, par consĂ©quent aux principes rationnels et pratiques, et de nous en servir comme moyen d’explication de notre idĂ©e de religion rĂ©vĂ©lĂ©e en gĂ©nĂ©ral. Nous le prendrons comme celui d’entre les diffĂ©rents livres traitant de religion et de vertu sous l’autoritĂ© d’une rĂ©vĂ©lation, qui est un modĂšle de la conduite avantageuse en soi ; et nous rechercherons avec son aide quelle peut ĂȘtre une religion rationnelle pure et par consĂ©quent universelle, sans empiĂ©ter sur le domaine de ceux Ă  qui l’interprĂ©tation de ce livre, comme d’un recueil des enseignements d’une rĂ©vĂ©lation positive, est confiĂ©e, et sans vouloir par lĂ  attaquer leur interprĂ©tation fondĂ©e sur la science. Les interprĂštes de l’Écriture gagneront plutĂŽt Ă  notre fait : comme ils marchent avec les philosophes vers un seul et mĂȘme but, vers le bien moral, ils seront au contraire aidĂ©s par les principes rationnels Ă  arriver lĂ  oĂč ils pensaient parvenir par une autre voie. — Ce livre sera le Nouveau Testament, comme source de la croyance chrĂ©tienne. D’aprĂšs notre point de vue, nous considĂ©rerons le christianisme d’abord comme religion naturelle, et ensuite comme religion enseignĂ©e, dans sa nature et dans ses principes constitutifs.

CHAPITRE II. — Le Christianisme considĂ©rĂ© comme religion naturelle.

Table des matiĂšres
La religion naturelle, insĂ©parable, comme morale (en ce qui touche la libertĂ© du sujet), de l’idĂ©e de ce qui peut rĂ©aliser sa fin derniĂšre (de l’idĂ©e de Dieu comme auteur moral du monde), et s’accordant avec la durĂ©e de l’homme, laquelle est selon cette fin (avec l’immortalitĂ©), est une idĂ©e rationnelle pure pratique, quoique la fĂ©conditĂ© infinie de cette idĂ©e prĂ©suppose jusqu’à certain point la facultĂ© rationnelle thĂ©orĂ©tique ; en sorte que l’on peut convaincre tout homme qu’elle est pratiquement suffisante, en rĂ©clamer du moins la pratique comme un devoir pour chacun. La religion naturelle satisfait complĂ©tement Ă  la haute exigence de la vĂ©ritable Église, c’est-Ă -dire qu’elle est tout Ă  fait appropriĂ©e Ă  l’universalitĂ© de cette Église, en tant que par l’universalitĂ© on comprend ici la valabilitĂ© de cette religion pour chacun (unipersitas vel omnitudo distributiva), ou l’unanimitĂ© de tous les esprits Ă  se rattacher Ă  elle. Pour la propager et la maintenir comme religion du monde, il est assurĂ©ment besoin du ministĂšre d’une Église, mais simplement d’une Église invisible, et non de fonctionnaires (officielles) ; il est besoin d’hommes instruits qui enseignent la religion, et non de prĂ©posĂ©s ; attendu que par le fait de la religion rationnelle professĂ©e individuellement, il n’existe pas encore d’Église ou d’association universelle (omnitudo collectiva), que mĂȘme l’établissement de cette Église n’est proprement rĂ©solu dans l’intention de personne. — Mais comme l’unanimitĂ© des esprits ne pourrait se maintenir de soi-mĂȘme ; comme, sans l’établissement d’une Église visible, l’universalitĂ© des adhĂ©sions ne pourrait se soutenir ; comme cela n’est possible qu’autant qu’une universalitĂ© collective, c’est-Ă -dire l’union des fidĂšles en une Église (visible) selon les principes d’une religion rationnelle pure, vienne Ă  son secours’ ; et comme cette union ne peut naĂźtre de l’adhĂ©sion mĂȘme ; comme, lorsqu’elle eĂ»t Ă©tĂ© fondĂ©e, elle n’aurait pu ĂȘtre constituĂ©e par les adhĂ©rents libres (nous l’avons dĂ©montrĂ©) en un Ă©tat durable, en une association des fidĂšles (attendu qu’aucun des adeptes ne croit avoir besoin pour ses sentiments religieux de la communion des autres Ă  cette religion) ; alors, si aux lois naturelles, connaissables par la simple raison, ne sont point ajoutĂ©es certaines dispositions positives et en mĂȘme temps appuyĂ©es sur une autoritĂ© lĂ©gislatrice, il manquera toujours ce qui constitue pour les hommes un devoir spĂ©cial, Ă  savoir, le moyen d’atteindre leur fin suprĂȘme, c’est-Ă -dire leur union stable en une Église visible, universelle :l’autoritĂ© nĂ©cessaire pour fonder cette union prĂ©suppose un factum et pas seulement une idĂ©e rationnelle pure.
Or, si nous admettons, selon l’histoire, ou du moins selon une tradition universelle incontestable pour le fond, qu’un homme a proposĂ© une religion pure, accessible Ă  tout le mondes naturelle, par consĂ©quent convaincante, et dont nous puissions critiquer les enseignements en tant qu’ils nous sont destinĂ©s ; et qu’il l’a proposĂ©e tout d’abord publiquement, malgrĂ© l’opposition d’une croyance ecclĂ©siastique qui, incapable d’atteindre seulement sa fin morale, dominait pourtant par son culte extĂ©rieur sur les autres croyances positives et Ă©tait universellement admise dans ce temps ; si nous reconnaissons que cet homme a fait de la religion rationnelle universelle qu’il a proposĂ©e la condition suprĂȘme et nĂ©cessaire de toute croyance religieuse, et y a ajoutĂ© certains statuts consistant dans des formes et des observances qui doivent servir, Ă  titre de moyens, Ă  Ă©tablir une Église fondĂ©e sur le principe de la religion rationnelle ; alors on peut, malgrĂ© la contingence et l’arbitraire des dispositions, Ă  l’aide desquelles il rĂ©alise ce but, accorder Ă  cette Église le nom de vĂ©ritable Église universelle, et Ă  son fondateur le mĂ©rite d’avoir appelĂ© les hommes Ă  se rĂ©unir dans le sein de cette Église, sans accompagner la croyance de nouvelles et nombreuses formes gĂȘnantes, et sans la faire consister en des actions spĂ©ciales, dĂ©terminĂ©es Ă  son grĂ© et proclamĂ©es saintes et obligatoires en soi, comme Ă©lĂ©ments de la religion.
On ne peut, d’aprĂšs cette explication, blĂąmer le personnage qui est lĂ©gitimement honorĂ© comme fondateur non de cette religion pure de tout dogme, de tout statut, et inscrite dans le cƓur de tous les hommes (car elle n’est pas une invention arbitraire), mais de la premiĂšre vĂ©ritable Église. — Comme preuves de ce mĂ©rite justement apprĂ©ciĂ© et de la mission divine de celui Ă  qui nous le reconnaissons, nous allons rapporter quelques-uns de ses prĂ©ceptes qui sont des principes certains de toute religion. Peu importe l’histoire Ă  laquelle ils sont mĂȘlĂ©s ; car, en tant qu’idĂ©es, ils emportent avec eux leur titre Ă  l’acceptation, et il ne saurait y avoir d’autres prĂ©ceptes rationnels purs : ce sont eux qui se prouvent eux-mĂȘmes et qui soutiennent spĂ©cialement la foi aux autres prĂ©ceptes.
D’abord, selon lui, le sentiment moral pur et non l’observation des devoirs ecclĂ©siastiques extĂ©rieurs, civils ou positifs, peut rendre agrĂ©able Ă  Dieu (Matth. V, 20-48) ; les pĂ©chĂ©s par pensĂ©e sont rĂ©putĂ©s des actes devant Dieu (V, 28), et, en gĂ©nĂ©ral, la saintetĂ© est le but auquel il faut tendre (V, 48) ; c’est ainsi que la haine dans le cƓur Ă©quivaut au meurtre (V, 22) ; une injustice commise envers le prochain ne peut ĂȘtre rĂ©parĂ©e que par la justification envers le prochain lui-mĂȘme, et non par des actes de culte divin (V, 24) ; et Ă  l’endroit de la vĂ©racitĂ©, le moyen civil d’arracher la vĂ©ritĂ© (1), le serment est une violation du respect dĂ» Ă  la vĂ©ritĂ© mĂȘme (V, 34-37) ; — le mauvais penchant naturel du cƓur humain doit tout Ă  fait ĂȘtre mĂ©tamorphosĂ© ; le sentiment trop doux de la vengeance doit ĂȘtre changĂ© en rĂ©signation (V, 39-40) et la haine de ses ennemis en bienfaisance Ă  leur Ă©gard. Il pense qu’il faut se pleinement conformer Ă  la loi judaĂŻque (V, 17), dont l’interprĂšte ne doit visiblement pas ĂȘtre la science de l’Écriture, mais la religion rationnelle pure : car, prise Ă  la lettre, elle autorise prĂ©cisĂ©ment le contraire des prescriptions prĂ©cĂ©dentes. — Il fait en outre remarquer par les dĂ©nominations de porte Ă©troite, de chemin Ă©troit, la fausse interprĂ©tation que les hommes se permettent de donner Ă  la loi pour transgresser leurs vĂ©ritables devoirs moraux et se croire absous de cette transgression par l’accomplissement de devoirs ecclĂ©siastiques VII, 13) 61. Tous ces sentiments purs, il exige, toutefois, qu’ils soient traduits en actes (V, 16), et il dĂ©nie l’espĂ©rance aux hommes rusĂ©s qui pensent supplĂ©er Ă  ces sentiments par des priĂšres et des hommages adressĂ©s au lĂ©gislateur suprĂȘme dans la personne de son envoyĂ©. Ces Ɠuvres doivent ĂȘtre accomplies publiquement (V, 21), afin de servir d’exemple Ă  la postĂ©ritĂ© (v, 16), et les actions doiven...

Table des matiĂšres

  1. La religion dans les limites de la simple raison
  2. Table des matiĂšres
  3. AVANT-PROPOS.
  4. PREMIÈRE PARTIE. DE LA COEXISTENCE DU MAUVAIS ET DU BON PRINCIPE DANS L’HOMME.
  5. SECONDE PARTIE. — DE LA LUTTE DU BON ET DU MAUVAIS PRINCIPE POUR LA DOMINATION DANS L’HOMME.
  6. TROISIÈME PARTIE. — VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS ; AVÉNEMENT DU RÈGNE DE DIEU SUR LA TERRE.
  7. QUATRIÈME PARTIE. — DU VRAI ET DU FAUX CULTE SOUS LA DOMINATION DU BON PRINCIPE.