Récits de Sébastopol
eBook - ePub

Récits de Sébastopol

La guerre de Crimée

  1. 172 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Récits de Sébastopol

La guerre de Crimée

À propos de ce livre

Les Récits de Sébastopol (1855-1856) ont été écrits par Léon Tolstoï pour raconter ses expériences lors du siège de Sébastopol (1854) pendant la guerre de Crimée. La Russie venant de déclarer la guerre à la Turquie, Léon Tolstoï rejoint le régiment en Bessarabie. Il y est dirigé en Crimée, où il connaît le danger, qui l'exalte et le scandalise à la fois. La mort révolte l'homme pressé. Cette impatience est soulagée par la chute de Sébastopol, qui le dégoûte définitivement du métier militaire. Tolstoï en composa trois récits, Sébastopol en décembre 1854, Sébastopol en mai 1855, Sébastopol en août 1855, qui émeuvent l'impératrice, et sont traduits en français à la demande d'Alexandre II.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Récits de Sébastopol par Léon Tolstoï en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Histoire et Première Guerre mondiale. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
e-artnow
Année
2019
ISBN de l'eBook
9788027302284

Sébastopol en août 1855

Table des matières


Contenu
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI

I

Table des matières

À la fin du mois d’août, sur la grande route rocheuse de Sébastopol, entre Douvanka[1] et Baktchisaraï, avançait au pas, au milieu d’une épaisse et chaude poussière, une télègue d’officier de forme particulière, inconnue ailleurs, qui tenait le milieu entre un panier, une britchka juive et une charrette russe.
Dans cette voiture, ramassé sur ses talons, un brosseur en habit de toile, coiffé d’une casquette d’officier molle et déformée, tenait les rênes. Derrière lui était assis, sur des paquets et des sacs recouverts d’une capote de soldat, un officier en manteau d’été, de petite taille, autant que l’on pouvait en juger par sa posture, et qui frappait moins par sa carrure massive d’épaule à épaule que par l’épaisseur de sa personne entre la poitrine et le dos ; sa nuque, son cou gros et fort étaient également très développés en largeur, et les muscles en étaient fortement tendus. Ce qu’on est convenu d’appeler la taille n’existait pas, le ventre non plus, car avec cela il était loin d’être obèse, et sa figure, sur laquelle s’étendait une couche de hâle jaunâtre et maladif, se faisait remarquer par sa maigreur ; elle aurait pu passer pour jolie sans une certaine bouffissure des chairs et une peau plissée marquée de rides profondes qui, en se confondant, en effaçaient les traits, lui enlevaient toute fraîcheur et lui donnaient une expression grossière ; celle de ses yeux, petits, bruns, extraordinairement vifs, frisait l’impudence ; sa moustache très épaisse, qu’il avait l’habitude de mordiller, ne s’étendait guère en largeur ; ses pommettes et son menton, qu’il n’avait pas rasés depuis deux jours, étaient couverts d’un poil noir et fourni. Blessé le 10 mai d’un éclat d’obus à la tête, qu’entourait encore un bandeau, il se sentait néanmoins complètement remis et sortait de l’hôpital de Symphéropol pour rejoindre son régiment, posté quelque part par là dans la direction où s’entendaient les coups de feu ; mais il n’avait encore pu découvrir s’il était à Sébastopol même, à la Sévernaïa ou à Inkerman. La canonnade s’entendait distinctement et semblait très rapprochée quand les montagnes n’en interceptaient pas le bruit apporté par le vent ; tantôt une formidable explosion ébranlait l’air et vous faisait tressaillir malgré vous, tantôt des sons moins violents, pareils à la batterie d’un tambour, se suivaient à courtes distances, traversés par un grondement assourdissant, ou bien tout se confondait dans un fracas à roulements prolongés, semblables à des coups de tonnerre au plus fort de l’orage quand la pluie commence à tomber. Chacun disait, et on l’entendait bien, que la violence du bombardement était épouvantable. L’officier pressait son brosseur pour arriver plus vite : à leur rencontre venait une file de chariots conduits par des paysans russes qui avaient apporté des vivres à Sébastopol et qui s’en retournaient en emmenant de là des malades et des blessés, soldats en capotes grises, matelots en paletots noirs, volontaires en fez rouges et miliciens barbus ; la voiture de l’officier fut obligée de s’arrêter, et lui-même, tout en grimaçant et en clignotant dans ce nuage de poussière impénétrable et immobile soulevé par les chariots et qui s’introduisait partout dans ses yeux, dans ses oreilles, examinait les figures qui défilaient.
« Voilà un soldat malade de notre compagnie », dit le domestique, qui se tourna vers son maître et indiqua de la main un blessé.
Sur le devant, assis de côté, un paysan russe portant toute sa barbe, un bonnet de feutre sur la tête, faisait un nœud à un énorme fouet qu’il retenait par le manche en le maintenant avec le coude. Il tournait le dos à quatre ou cinq soldats secoués et cahotés dans la charrette : l’un d’eux, le bras bandé, sa capote jetée sur sa chemise, assis droit et ferme, quoique pâle et maigre, occupait le milieu ; en apercevant l’officier, il porta instinctivement la main à son bonnet, mais, se souvenant de sa blessure, il fit semblant de vouloir se gratter ; un autre était couché à côté de lui dans le fond de la télègue : on ne voyait de lui que ses deux mains cramponnées aux barres de bois et ses deux genoux relevés, ballant sans résistance comme deux torchons de tille ; un troisième, la figure enflée, la tête entourée d’un linge sur lequel était posé son bonnet de soldat, assis de côté, les jambes pendantes en dehors et frôlant la roue, sommeillait, ses mains appuyées sur ses genoux.
« Doljikoff ! lui cria le voyageur.
— Présent ! » répondit celui-ci, ouvrant les yeux et ôtant son bonnet ; sa voix de basse était si pleine, si formidable, qu’elle semblait sortir de la poitrine de vingt soldats réunis.
« Depuis quand es-tu blessé ?
Salut à Votre Noblesse[2] ! cria-t-il de sa forte voix, ses yeux vitreux et gonflés s’animant à la vue de son supérieur.
— Où est le régiment ?
— À Sébastopol, Votre Noblesse ; on pensait s’en aller de là mercredi !
— Pour aller où ?
— On ne savait pas,… à la Sévernaïa, bien sûr, Votre Noblesse… À présent, poursuivit-il en traînant la voix, il tire à travers tout ! avec des bombes surtout, jusque dans la baie,… il en tire que c’est affreux !… » Et il ajouta des mots qui restèrent incompréhensibles ; mais, à sa figure et à sa pose, on devinait qu’avec le ressentiment de l’homme qui souffre il disait des choses peu consolantes.
Le sous-lieutenant Koseltzoff, qui venait de le questionner, n’était ni un officier à la douzaine, ni du nombre de ceux qui vivent et agissent d’une certaine façon, parce que les autres vivent et agissent ainsi. Sa nature avait été richement douée de qualités inférieures : il chantait et pinçait agréablement de la guitare, parlait et écrivait avec facilité, la correspondance officielle surtout, à laquelle il s’était fait la main pendant son service d’aide de camp du bataillon. Son énergie était remarquable, mais cette énergie ne recevait son impulsion que de l’amour-propre, et, bien que greffée sur cette capacité de second ordre, elle formait à elle seule un trait saillant et caractéristique de sa nature. Ce genre d’amour-propre qui se développe le plus communément parmi les hommes, les militaires surtout, s’était si bien infiltré dans son existence, qu’il ne concevait de choix possible qu’entre « primer ou s’annihiler » ; l’amour-propre était donc le moteur de ses élans les plus intimes ; même seul en face de lui-même, il aimait à se donner de l’avantage sur ceux auxquels il se comparait.
« Allons ! ce n’est pas moi qui écouterai le bavardage de « Moscou » [3] ! » murmura le sous-lieutenant, dans les pensées duquel la rencontre du convoi de blessés avait jeté du trouble, et les paroles du soldat, dont l’importance était accrue et confirmée à chaque pas par le bruit de la canonnade, pesaient lourdement sur son cœur. « Ils sont drôles, ces « Moscou ». — Voyons, Nicolaïeff, en avant ! tu dors, je crois ? » cria-t-il, de mauvaise humeur, à son domestique en ramenant les pans de son manteau.
Nicolaïeff secoua les rênes ; ses lèvres émirent un petit son d’encouragement, et la charrette partit au trot.
« Nous ne nous arrêterons que pour leur donner à manger, lui dit l’officier, et puis en route, en avant ! »

II

Table des matières

Au moment d’entrer dans la rue de Douvanka, où tout n’était que ruines, le sous-lieutenant Koseltzoff fut arrêté par un transport de boulets et de bombes dirigé sur Sebastopol, et qui stationnait au milieu du chemin.
Deux fantassins, assis dans la poussière sur les pierres d’un mur effondré, mangeaient une pastèque avec du pain.
« Allez-vous loin, pays ? » dit l’un d’eux en mâchant sa bouchée ; il s’adressait à un soldat debout à côté d’eux, un petit sac sur les épaules.
« Nous rejoignons notre compagnie, nous venons de la province, répondit le soldat, détournant les yeux de la pastèque et arrangeant son sac. Voilà trois semaines que nous étions à garder le foin de la compagnie ; mais maintenant on nous a appelés tous, et nous ne savons pas où se trouve aujourd’hui notre régiment. On dit que depuis la semaine dernière les nôtres sont à la Korabelnaïa. N’en savez-vous rien, messieurs ?
— Il est à la ville, frère, à la ville, répondit un vieux soldat du charroi, occupé à tailler avec un couteau de poche la chair blanche d’une pastèque non mûre. Nous en venons justement. Quelle épouvantable chose, frère !
— Quoi donc, messieurs ?
— N’entends-lu donc pas comme il tire, à présent ? Pas d’abri nulle part ! Ce qu’il en a tué, de nous autres, c’est effrayant ! » ajouta l’interlocuteur en faisant un geste et en redressant son bonnet.
Le soldat de passage secoua pensivement la tête, fit claquer sa langue, tira son brûle-gueule de sa botte, remua avec son doigt le tabac à moitié consumé, alluma un morceau d’amadou à la pipe d’un camarade qui fumait, et, soulevant son bonnet :
« Il n’y a personne que Dieu, messieurs, dit-il ; nous vous faisons nos adieux », et, remettant sou sac en place, il continua son chemin.
« Eh ! attends plutôt, cela vaudra mieux, dit le mangeur de pastèque d’un ton convaincu.
— C’est tout un ! » murmura le soldat, accommodant son sac sur son dos et se faufilant entre les roues des charrettes arrêtées.

III

Table des matières

Arrivé au relais, Koseltzoff y trouva une foule de gens, et la première figure qu’il y aperçut fut celle du maître de poste en personne, très jeune et très maigre, en train de se quereller avec deux officiers.
« Ce n’est pas vingt-quatre heures, mais dix fois vingt-quatre heures que vous attendrez ; les généraux attendent bien ! leur disait-il avec le désir évident de les piquer au vif, et ce n’est pas moi, vous comprenez, qui m’attellerai !…
— Si c’est ainsi, s’il n’y a pas de chevaux, on n’en donne à personne… Pourquoi alors en donnez-vous à un domestique qui transporte des bagages ? » criait l’un des deux militaires, qui tenait un verre de thé à la main.
Bien qu’il évitât soigneusement l’emploi des pronoms, on pouvait aisément deviner qu’il aurait volontiers tutoyé son interlocuteur.
« Comprenez bien, monsieur le maître de poste, dit avec hésitation l’autre officier, que nous ne voyageons pas pour notre plaisir ; si l’on nous a fait demander, c’est que nous sommes nécessaires ! Vous pouvez être sûr que je le dirai au général,… car vraiment… il semblerait que vous n’avez aucun respect pour le rang d’officier.
— Vous me gâtez chaque fois la besogne et vous me gênez, repartit son camarade avec humeur ; que lui parlez-vous de respect ? Il faut lui parler autrement… Des chevaux ! cria-t-il soudain, des chevaux à l’instant !…
— Je n’aurais pas mieux demandé que de vous en donner, mais où les prendre ?… Je le comprends très bien, batiouchka, reprit le maître de poste après un moment de silence et s’échauffant par degrés en gesticulant,… mais que voulez-vous que j’y fasse ? Laissez-moi seulement — la figure des officiers exprima aussitôt l’espoir — vivoter jusqu’à la fin du mois, et puis on ne me verra plus… J’aime mieux aller au Malakoff que de rester ici, vrai Dieu ! Faites ce qu’il vous plaira,… mais je n’ai pas une seule britchka en bon état, et depuis trois jours les chevaux n’ont pas vu une poignée de foin !… »
Sur ces mots, il s’éclipsa. Kosellzoff et les deux officiers entrèrent dans la maison.
« Eh bien ! dit l’ancien au plus jeune, d’un ton calme qui contrastait vivement avec sa colère de tout à l’heure. Voilà trois mois que nous sommes en route ; attendons, ce n’est pas un malheur, rien ne presse ! »
Koseltzoff trouva avec peine dans la chambre de la maison de poste, enfumée, malpropre, remplie d’officiers et de malles, un coin libre près de la fenêtre. Il s’y assit et se prit, tout en roulant une cigarette, à examiner les visages et à écouter les conversations. Le groupe principal se tenait à droite de la porte d’entrée, autour d’une table boiteuse et graisseuse sur laquelle bouillaient deux samovars eu cuivre, plaqués çà et là de petites taches de vert-de-gris ; du sucre en morceaux y était étalé dans plusieurs enveloppes de papier. Un jeune officier sans moustache, en arkhalouk[4] neuf, versait de l’eau dans une théière ; quatre autres, de son âge à peu près, étaient dispersés dans les différents coins de la chambre ; l’un d’eux, la tête posée sur une pelisse qui lui servait d’oreiller, dormait sur un divan ; un autre, debout auprès d’une table, découpait en petites bouchées du mouton rôti pour un camarade auquel il manquait un bras. Deux officiers, l’un en capote d’aide de camp, l’autre en capote d’infanterie en drap fin et porteur d’une sacoche, étaient assis à côté du poêle, et l’on devinait facilement, à la façon dont ils regardaient les autres, à celle dont fumait l’homme à la sacoche, qu’ils n’étaient pas des officiers de la ligne, et qu’ils en étaient fort contents. Leur manière d’être ne trahissait point le mépris, mais un certain contentement d’eux-mêmes, fondé en partie sur leurs relations avec des généraux et sur un sentiment de supériorité, développé au point qu’ils tenaient à le cacher à autrui. Il y avait là aussi un médecin aux lèvres charnues et un artilleur à la physionomie allemande, presque assis sur les pieds du dormeur, occupés à compter de l’argent ; puis quatre brosseurs, les uns sommeillant, les autres fouillant dans les malles et les paquets entassés près de la porte, complétaient le nombre des personnes présentes, parmi lesquelles Koseltzoff ne découvrit aucune figure de connaissance. Les jeunes officiers lui plurent ; il devina tout de suite à leur apparence qu’ils venaient de sortir de l’école, ce qui lui rappela que so...

Table des matières

  1. Récits de Sébastopol
  2. Table des matières
  3. Sébastopol en décembre
  4. Sébastopol en mai
  5. Sébastopol en août 1855