La culture générale expliquée
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La culture générale expliquée

Les clés pour comprendre

  1. 364 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La culture générale expliquée

Les clés pour comprendre

À propos de ce livre

La culture générale est une nécessité, à la fois face à l'ignorance et à la spécialisation.Encore faut-il éviter le catalogue et la juxtaposition, proposer des modèles d'intelligibilité de ce que l'on décrit. Ce livre le fait, en proposant une démarche et une exploration des choses basées sur la psychologie. On peut appliquer à la culture le mot que Vinci appliquait à la peinture: la culture est une chose mentale, "cosa mentale".La culture devrait être compréhensible au plus grand nombre. Les schémas d'interprétation qui sont ici proposés se veulent accessibles à tous. "Il n'y a pas de choses simples, disait Valéry, mais il y a une façon simple de voir les choses."

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Informations

1
Définitions

Que serions-nous, sans le secours
de ce qui n’existe pas ?
(Paul Valéry)

Nature et culture

La culture est ce qui, en l’homme, s’oppose à la nature.
Cela est sûrement vrai pour la vie de chaque homme, pris en particulier. Mais cela est vrai, aussi, de la vie en société. La culture est ce qui s’oppose, en chaque groupe, à la vie de la nature, à la vie selon les lois naturelles.
De quelle sorte sont ces lois ? Que veut la nature, en vérité ?
Dans la vie personnelle de l’individu, la nature le pousse à assouvir immédiatement ses instincts, à réaliser ses pulsions, bref, à faire, tout de suite, tout ce dont il a envie.
La culture se dresse peut-être moins contre les instincts que contre l’adhésion immédiate, ou par réflexe, aux instincts.

Les lois de la nature

La nature n’est jamais répressive. Elle ignore l’exclusivité et le choix. Cela se voit dans les œuvres marginales, anomiques au sens de Durkheim, où la nature, par défi contre la culture environnante, est réhabilitée, parfois avec impertinence. On le voit bien dans Les Liaisons dangereuses, de Laclos :
On se lasse de tout, mon ange, c’est une loi de la nature, ce n’est pas ma faute... (lettre CXLI)
Don Juan disait, en substance, la même chose. Voyez sa profession de foi au début de la pièce de Molière (I, 1). En fait il est moins un séducteur qu’un homme constamment séduit (« La beauté me séduit partout où je la trouve... »), et donc condamné au nomadisme perpétuel (« Si tôt qu’on en est maître une fois, tout le beau de la passion est fini, etc. »).
Dans la vie amoureuse, la nature est donc complètement amorale. Elle ignore la monogamie, la fixation unique, le choix ou l’élection, en quelque sens que ce soit. Monogamie : Monotonie... Il n’y a rien à répondre à la lettre de Valmont : elle est un modèle de cynisme, de muflerie, et, dans son ordre, de vérité.
« L’amour, disait Chamfort, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes ». La nature tyrannise nos corps, nous ôte toute liberté. « Madame, la nature a parlé ! », disaient, pressant leur belle, les libertins du XVIIIe siècle. On s’éprend, on se méprend, on se reprend. La sagesse populaire le dit bien. Tout passe, tout lasse, tout casse. Si l’amour fait passer le temps, le temps fait passer l’amour, etc.
Tout cela est hors de notre pouvoir. Lorsque la passion nous quitte, nous nous flattons de la croyance que c’est nous qui la quittons : les constatations du moraliste rejoignent les remarques du psychologue sur les « intermittences du cœur ». Tel est l’ordre de la nature. « Comme il n’est jamais en notre pouvoir d’aimer ou de cesser d’aimer, dit La Rochefoucauld, l’amant ne peut se plaindre à bon droit de la légèreté de sa maîtresse, ni celle-ci de l’inconstance de son amant. » Tout au plus peut-on exiger des autres, sinon une fidélité qui ne dépend pas d’eux, la lucidité sur eux-mêmes et au moins la sincérité, l’aveu de leurs sentiments. La nature cependant est tragique : l’effort même que l’on fait pour demeurer fidèle à quelqu’un que l’on n’aime plus est pire qu’une infidélité. Adolphe, de Benjamin Constant, illustre cela.
Ces lois biologiques ou physiologiques sont la part naturelle de notre destin. Peut-être parce que quelque chose, en nous, de plus grand que nous se manifeste, ainsi que le dit Phèdre :
C’est Vénus toute entière à sa proie attachée. (I, 3)
Plus grand, peut-être, mais anonyme... Nous pensons dans l’amour choisir notre partenaire librement. Mais c’est une illusion : nous croyons poursuivre des fins individuelles, nous ne poursuivons que des fins génériques. Schopenhauer le montre dans sa Métaphysique de l’amour : la nature se sert de nous comme de pantins ou de marionnettes, ou d’esclaves, pour à travers nous perpétuer l’espèce.
Mais Lucrèce l’a dit avant lui, dans son De natura rerum. Vénus ou la libido fait en sorte que poussés par le désir les hommes se reproduisent de génération en génération : Efficis ut cupide genaratim saecla propagent (I, 20). Évoquant la vie des premiers hommes, vivant sous l’ordre de la nature, il écrit : « Et Vénus dans les forêts unissait les corps des amants » – Et Venus in silvis jungebat corpora amantum (V, 961). Esclaves de Vénus, les amants ne sont donc pas libres de s’aimer : notez bien que ce in silvis (dans les forêts) renvoie à la vie sauvage (silvatica), la forêt incarnant un monde et un milieu traditionnellement à l’opposé de la vie de la culture.
Finalement, quand on aime on ne compte pas. Ce n’est pas de nous qu’il est question, mais de la continuation de la vie. Non du corps individuel ou du soma, qui est périssable, mais de la semence de la vie, qui est immortelle : le germen. Nous aimons pour autre chose que nous-mêmes. L’être qui vit, transmet la vie, puis meurt. Les vagues passent, mais la mer ne passe pas. L’enjeu nous dépasse ; le jeu est grandiose et ridicule à la fois. Le vouloir-vivre générique l’emporte sur tous nos projets. La comédie nous asservit. Et comme des coureurs, les hommes se passent le flambeau de la vie : Et quasi cursores vitae lampada tradunt (II, 79).
Voyez la description tout à fait cruelle que donne le même Lucrèce de l’amour : « Au milieu des délices de l’amour surgit quelque chose d’amer qui prend à la gorge » – Surgit amari aliquid quod in ipsis floribus angat... (IV, 1133-1134). Peut-être en effet l’impression de tristesse qui suit l’accouplement vient-elle de là : de l’impression d’avoir été trompé, dupé, par la nature, qui ignore l’individualité de chacun. Voilà pourquoi la chair est triste, comme on dit, tout animal est triste après l’union amoureuse : omne animal post coïtum triste.
Le déterminisme de la nature a certes sa grandeur. On y vibre à l’unisson du cosmos, comme dit Saint-John Perse dans Amers : « Ces larmes, mon amour, n’étaient point larmes de mortelle... J’ai cru hanter la fable même et l’interdit. » Mais aussi, si l’on ne se contente pas de vivre immédiatement ces instants, mais si l’on y réfléchit à froid, le déterminisme naturel qui les commande a toute son ironie. Nous y sommes manipulés. Valéry écrit dans « Le Cimetière marin » :
Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

La part du féminin

Il semble pourtant que les femmes ne connaissent pas cette dépression, qui vient pour elles non pas post coïtum (où elles sont plus dopées que dupées), mais parfois post conubium (après les noces, le weeding blues), et surtout post partum (après l’accouchement, le baby blues). Peut-être est-ce donc elles qui ont inventé la contextualisation affective de l’amour, face à l’abstraction dépersonnalisante de la nature, façon de voir qui serait plutôt masculine. À elles convient bien alors la phrase de Rousseau : « Les sensations sont ce que le cœur les fait être. » Au Viagra, une femme préférera toujours le coup de téléphone du lendemain. À l’aventure d’un soir, la parole et l’échange, aussi le rêve et le fantasme qui dure : y penser toute la semaine...
Pensons aux Précieuses du XVIIe siècle, que Molière a injustement condamnées : ce sont elles qui ont voulu civiliser les hommes, leur apprendre politesse et bonnes manières, les initier aux méandres de la psychologie, tels qu’on les voit exposés dans la Carte du Tendre. De ce point de vue ce pourrait être les femmes qui, contre le déterminisme naturel dont l’acceptation fait parfois bien l’affaire des hommes, ont initié en regard et face à lui, un autre espace, celui de la culture, qui s’est progressivement imposé à tous les êtres humains.

Éros et Agapè

En effet ces derniers ont finalement inventé face au monde des pulsions, ou au monde naturel, un autre univers. Dans bien des œuvres, ces deux mondes s’affrontent.
La Femme du Boulanger, de Pagnol, d’après Giono, est une admirable allégorie de la culture s’opposant à la nature : à l’incendie de la chair, de la pulsion, de la passion (adultère), s’oppose la tendresse (conjugale), où est toute la culture : comme on le voit dans l’admirable discours du boulanger à la fin du film ; de la même façon, au berger, nomade, s’opposent les villageois, sédentaires. Les deux univers s’opposent, les enjeux vont bien au-delà du cas personnel de l’héroïne.
Que dit le boulanger à sa femme ? Qu’il y a la beauté, évidemment, et le désir des sens ; mais aussi le don, l’offrande, le sacrifice de soi : cela n’est pas négligeable. « Et la tendresse, que fais-tu de la tendresse... ? » Ce n’est pas le berger qui se serait levé la nuit pour voir si elle dormait, était bien couverte, etc. ; ce n’est pas lui non plus qui lui aurait apporté le petit déjeuner au lit, aurait pris plaisir à la regarder manger, etc. Bref, on est là dans un tout autre monde que celui des pulsions naturelles ; on est dans le monde, non des sensations, mais des sentiments ; non de la passion, mais de l’action. C’est un monde substitutif, qui n’est pas un pis-aller ou le deuil du précédent. Évidemment ce monde est le contraire de la passion, et pour cette raison il paraît n’être pas passionnant. Mais on aurait tort de le mépriser. Par lui les hommes se sont élevés au-dessus des déterminismes, ou au moins ont-ils eu l’impression de le faire.
Ainsi il y a éros, ou la pulsion naturelle, et agapè, amour de don. Les théologiens opposent ici l’amour de désir ou de convoitise, captatif (amor concupiscientiae), et l’amour d’offrande, oblatif (amor benevolentiae). Pour comprendre la différence il suffit de penser au jugement de Salomon dans la Bible : de deux femmes qui se disputent un enfant Salomon s’apprêtant à le partager en deux choisit finalement comme sa vraie mère la seconde, qui préfère que l’enfant vive et soit à une autre, plutôt que d’avoir la moitié d’un enfant mort. Voyez aussi ce que dit Atalide dans Bajazet de Racine :
J’aime assez mon amant pour renoncer à lui.
La fidélité alors prend un sens, qu’elle n’avait pas tout à l’heure. Promettre fidélité à quelqu’un n’est pas s’engager à ne désirer que lui ou qu’elle, ce qui est absurde puisque le désir ne dépend pas de nous : je peux aimer ma femme, et désirer la première fille qui passe dans la rue. Mais c’est s’engager à rendre quelqu’un heureux. La fidélité, absurde dans une perspective de causalité, prend son sens dans une perspective de finalité. Si on promet à quelqu’un de lui être fidèle, ce n’est pas qu’on ne désirera personne d’autre : on s’engage simplement à s’intéresser à quelqu’un. Qu’on ne tienne pas sa promesse est une autre question : au moins a-t-on été capable de la faire.
Le mariage monogamique, qui est une absurdité naturelle, s’éclaire alors. On épouse quelqu’un non pas parce qu’on l’aime, mais pour l’aimer. Ils s’aiment, non pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils deviendront l’un par l’autre par cet engagement. « Aimer, dit Saint-Exupéry, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. » Ce n’est pas regarder ensemble la télévision, rituel où sombrent beaucoup de couples, et dans ce cas-là mieux vaut ne pas se marier, car c’est se mettre à deux pour résoudre des problèmes qu’on n’aurait pas si l’on était tout seul. Non, c’est se proposer un but commun, et y fixer son regard.
On voit bien cela dans la liturgie latine du mariage : Ego conjungo vos in matrimonium – Je vous unis pour le mariage. Il y a un accusatif, matrimonium, qui indique la destination, le lieu vers lequel on va, et non pas un ablatif, in matrimonio, qui n’indiquerait que le lieu où l’on se trouve. La formule française habituelle « Je vous unis en mariage » ne rend pas compte de cela. Preuve qu’il ne faudrait jamais perdre son latin...
Projet, perspective, futur, anticipation, on quitte par là le monde de la nature pour entrer dans un autre monde, celui de la culture.

Le naturalisme

Il y a une mode, assez répandue depuis le XVIIIe siècle, qui consiste à faire l’éloge de la nature. On parle de la belle nature, on fait l’éloge du naturel. Le naturalisme, ou culte de la nature, emplit les esprits et les bouches. Il nous envahit dans les slogans par exemple : « produit naturel », « soyez naturel », etc. Cependant cette position est assez courte.
En esthétique, par exemple, l’art consiste non pas à imiter la nature, mais à la réformer. Une prairie sauvage offre une profusion de fleurs, mais tout à fait désordonnée ; et parfois cette exubérance végétale nous submerge et nous inonde, par son absence manifeste de but ou d’intention, jusqu’au malaise et à la nausée. Une prairie sauvage n’est jamais une œuvre d’art. Un bouquet, au contraire, fait par art, met de l’ordre dans cette profusion. La nature ...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Avant-propos
  3. 1. Définitions
  4. 2. Destin des constructions symboliques
  5. 3. Le particulier et l’universel
  6. 4. Le langage symbolique
  7. 5. L’homme symbolique
  8. 6. Psychomachie, ou : le combat de l’âme
  9. Désymbolisation et unidimensionnalité
  10. 8. Culture et finitude
  11. 9. Typologie des constructions symboliques
  12. 10. Les représentations religieuses
  13. 11. Anthropologie de l’action
  14. 12. Psychologie politique
  15. 13. Esthétique de la modernité
  16. Épilogue
  17. Petit index des notions-clés
  18. Du même auteur
  19. Page de copyright