Les Oeuvres ComplĂštes de Virgile (Édition intĂ©grale)
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Les Oeuvres ComplĂštes de Virgile (Édition intĂ©grale)

Bucoliques + GĂ©orgiques + L'ÉnĂ©ide + Biographie

Virgile, Jacques Delille,Jean-Nicolas-Marie Deguerle,Jean-Marie Désiré Nisard

  1. 535 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Bucoliques + GĂ©orgiques + L'ÉnĂ©ide + Biographie

Virgile, Jacques Delille,Jean-Nicolas-Marie Deguerle,Jean-Marie Désiré Nisard

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Table des matiĂšres
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À propos de ce livre

Ce livre numĂ©rique prĂ©sente "Les Oeuvres ComplĂštes de Virgile (Édition intĂ©grale)" avec une table des matiĂšres dynamique et dĂ©taillĂ©e. Notre Ă©dition a Ă©tĂ© spĂ©cialement conçue pour votre tablette/liseuse et le texte a Ă©tĂ© relu et corrigĂ© soigneusement.Virgile, en latin Publius Vergilius Maro (70 av. J.-C. - 19 av. J.-C.), est un poĂšte latin contemporain de la fin de la RĂ©publique romaine et du dĂ©but du rĂšgne de l'empereur Auguste. Ayant acquis l'immortalitĂ© littĂ©raire grĂące Ă  son Ă©popĂ©e, Virgile va influencer nombre d'Ă©crivains du Moyen Âge et de la Renaissance, tel Ronsard, qui rĂ©dige La Franciade (inachevĂ©e) dans la volontĂ© de donner un Ă©quivalent français et de l'Ă©poque moderne Ă  l'ÉnĂ©ide. Contenu: "Les GĂ©orgiques" sont une Ɠuvre en quatre chants. L'Ɠuvre est divisĂ©e en quatre livres, qui traitent dans l'ordre: des cultures et des champs, de l'arboriculture et de la vigne, de l'Ă©levage des troupeaux, et de l'apiculture. L'ouvrage se prĂ©sente comme un traitĂ© sur l'agriculture, mais les thĂšmes abordĂ©s sont beaucoup plus vastes: guerre, paix, mort, rĂ©surrection. Il constitue surtout une cĂ©lĂ©bration de la vie paysanne traditionnelle."L'ÉnĂ©ide" est une Ă©popĂ©e, le plus cĂ©lĂšbre exemple de ce genre littĂ©raire en langue latine. L'ÉnĂ©ide est le rĂ©cit des Ă©preuves du Troyen ÉnĂ©e, ancĂȘtre mythique du peuple romain, fils d'Anchise et de la dĂ©esse VĂ©nus, depuis la prise de Troie, jusqu'Ă  son installation dans le Latium en HespĂ©rie."Les Bucoliques" (ou Églogues) sont de courts dialogues entre bergers, sur le modĂšle de la poĂ©sie pastorale grecque, quoiqu'Ă  ces imitations soient mĂȘlĂ©es quelques allusions aux Ă©vĂ©nements politiques contemporains: ainsi, dans la quatriĂšme Ă©glogue, le poĂšte compare le rĂšgne d'Auguste Ă  un nouvel Âge d'or, glorifiant l'empereur que soutient son ami MĂ©cĂšne. Table des matiĂšres: Bucoliques GĂ©orgiques L'ÉnĂ©ide Quelques recherches sur le tombeau de Virgile au mont Pausilipe - Gabriel Peignot Biographie

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Informations

Éditeur
e-artnow
Année
2015
ISBN
9788026846833

L’ÉnĂ©ide

Table des matiĂšres
LIVRE PREMIER.
LIVRE SECOND.
LIVRE TROISIÈME.
LIVRE QUATRIÈME.
LIVRE CINQUIÈME.
LIVRE SIXIÈME.
LIVRE SEPTIÈME.
LIVRE HUITIÈME.
LIVRE NEUVIÈME.
LIVRE DIXIÈME.
LIVRE ONZIÈME
LIVRE DOUZIÈME

LIVRE PREMIER.

Table des matiĂšres
Je chante les combats, et ce hĂ©ros, qui, long-temps jouet du Destin, aborda le premier des champs de Troie aux plaines d’Italus, aux rivages de Lavinie. Objet de la rigueur du Ciel et du long courroux de l’altiĂšre Junon, mille dangers l’assaillirent sur la terre et sur l’onde ; mille hasards Ă©prouvĂšrent sa valeur, avant qu’il pĂ»t fonder son nouvel empire, et reposer enfin ses dieux au sein du Latium : du Latium, noble berceau des Latins, des monarques d’Albe, et de la superbe Rome.
Muse, rĂ©vĂšle-moi les causes de ces grands Ă©vĂ©nements. Dis quelle divinitĂ© s’arma pour venger son offense ; pourquoi, dans sa colĂšre, la reine des dieux soumit Ă  de si rudes travaux, prĂ©cipita dans de si longs malheurs, un prince magnanime et religieux. Entre-t-il tant de haine dans l’ñme des immortels !
Sur le rivage que l’Afrique oppose Ă  l’Italie, loin des lieux oĂč le Tibre se jette dans les mers, s’élevait autrefois Carthage, antique colonie des enfants d’AgĂ©nor, citĂ© fameuse par ses richesses, citĂ© fĂ©conde en belliqueux essaims. Junon la prĂ©fĂ©rait, dit-on, au reste de la terre : Samos eut moins d’attraits pour elle. C’est lĂ  qu’étaient ses armes, c’est lĂ  qu’était son char : lĂ , si le sort l’eĂ»t permis, son amour eĂ»t transportĂ© le trĂŽne de l’univers. Mais les oracles l’avaient instruite que du sang Troyen sortirait une race illustre qui renverserait un jour les remparts de Carthage : qu’issu d’Assaracus, un peuple-roi, dominateur du monde, et fier arbitre des combats, viendrait briser le sceptre de la Libye : que les Parques filaient dĂ©jĂ  ces immuables destinĂ©es. Aux alarmes de la DĂ©esse se joint le souvenir de cette guerre implacable, que jadis elle alluma sous les murs d’Ilion pour ses Grecs favoris. Le temps n’a point encore effacĂ© de son Ăąme les causes de son dĂ©pit jaloux et ses cruels ressentiments : le jugement de PĂąris et l’injurieux arrĂȘt qui flĂ©trit sa beautĂ©, l’enlĂšvement de GanymĂšde, et les honneurs prodiguĂ©s Ă  ce sang qu’elle dĂ©teste, nourrissent au fond de son cƓur une Ă©ternelle blessure. Aigrie par ces noirs dĂ©plaisirs, sa fureur poursuit de mers en mers les restes de Pergame, Ă©chappĂ©s aux vengeances des Grecs et de l’implacable Achille. Sans cesse elle ferme l’Ausonie Ă  leurs nefs vagabondes ; et depuis sept hivers, ils erraient en butte aux tempĂȘtes sur la vaste Ă©tendue des eaux. Tant devait ĂȘtre pĂ©nible l’enfantement de la grandeur romaine !
À peine les Troyens, abandonnant les ports de la Sicile, dĂ©ployaient gaiement sur les ondes leurs voiles fugitives, et fendaient de leurs proues d’airain les vagues Ă©cumantes, quand Junon, couvant dans son Ăąme ses immortels chagrins : « Moi cĂ©der ! Moi vaincue ! Le chef d’une horde proscrite toucherait les champs du Latium ! Ainsi l’ordonnent les destins ! Quoi ! Pallas, pour l’erreur d’un moment, pour l’aveugle dĂ©lire du seul fils d’OĂŻlĂ©e, Pallas a pu mettre en feu les vaisseaux des Grecs, engloutir vivants leurs soldats ! Elle a pu, lançant elle-mĂȘme du sein des nues les traits brĂ»lants de Jupiter, exterminer leur flotte, et bouleverser les mers sous les vents conjurĂ©s ! Elle a pu saisir le coupable tout percĂ© des coups de la foudre et vomissant la flamme, l’envelopper dans un noir tourbillon, et le clouer mourant Ă  la pointe d’un rocher ! Et moi, qui marche l’égale du souverain des dieux ! moi, la sƓur et l’épouse du maĂźtre du tonnerre, je lutte en vain depuis tant d’annĂ©es contre une race sacrilĂšge ! Eh ! qui croira dĂ©sormais au pouvoir de Junon ? qui daignera porter encore Ă  mes autels son encens et ses vƓux ? »
Ainsi la fille de Saturne roulait dans son cƓur enflammĂ© ses sinistres projets. Soudain elle vole aux plages Éoliennes, sombre patrie des orages, mugissante demeure des impĂ©tueux autans. C’est lĂ  que rĂšgne Éole : lĂ , dans un antre immense, il asservit Ă  son pouvoir les vents tumultueux et les tempĂȘtes grondantes : lĂ  son bras les enchaĂźne, et les tient enfermĂ©s sous des voĂ»tes profondes. En vain ils frĂ©missent indignĂ©s autour de leurs barriĂšres, et font retentir la montagne de leur bruyant murmure : assis, le sceptre en main, sur une roche escarpĂ©e, l’austĂšre Éole contient leur fougue, et tempĂšre leur courroux. Sans le frein qui les maĂźtrise, ils entraĂźneraient dans leur course rapide la terre, les mers, et les cieux confondus, et les emporteraient dans les airs en affreux tourbillons ; mais craignant ces ravages, le souverain de l’univers les relĂ©gua dans des cavernes tĂ©nĂ©breuses, entassa d’énormes montagnes sur leurs noirs cachots, et leur choisit un roi, qui, rĂ©gi lui-mĂȘme par des lois immuables, sĂ»t au grĂ© d’un dieu plus puissant, ou leur serrer les rĂȘnes, ou les lĂącher Ă  leur furie. Devant lui Junon suppliante abaisse en ces mots son orgueil :
« Éole, toi que l’arbitre suprĂȘme des mortels et des dieux chargea de gouverner les vents, de soulever les flots, ou d’apaiser leur rage ! un peuple ennemi de ma gloire fend les mers de TyrrhĂšne, portant au sein du Latium llion et ses PĂ©nates vaincus. DĂ©chaĂźne l’aquilon ; disperse, abĂźme leurs poupes odieuses, et couvre au loin les ondes de leurs dĂ©bris Ă©pars. Quatorze Nymphes remplies d’attraits font l’ornement de ma cour : la plus aimable est DeĂŻopĂ©e : si tu sers mes vengeances, je l’unis pour toujours Ă  ton sort par un doux hymĂ©nĂ©e. Compagne de ta couche immortelle, elle te rendra pĂšre d’une brillante postĂ©ritĂ©. »
« Reine auguste, rĂ©pond Éole, c’est Ă  vous d’ordonner, Ă  moi d’obĂ©ir. Si j’ai quelque empire en ces lieux, si le sceptre ennoblit mes mains, si Jupiter m’honore de sa faveur, je ne le dois qu’à vous. Par vous je siĂšge aux banquets de l’Olympe ; par vous les vents et les tempĂȘtes grondent ou se taisent Ă  ma voix. »
Il dit ; et d’un revers de sa lance, il frappe le flanc de la roche caverneuse. Elle s’ouvre : aussitĂŽt l’essaim turbulent se prĂ©cipite en foule de sa prison bĂ©ante, et souffle au loin sur la terre le trouble et le ravage. L’ouragan fond sur les mers : l’Auster, l’Eurus, et les vents de l’Afrique, si fĂ©conds en orages, bouleversent l’OcĂ©an dans ses profonds abĂźmes, et roulent d’énormes vagues sur la plage Ă©cumante. Soudain se confondent et les cris des matelots et le sifflement des cordages. D’épaisses tĂ©nĂšbres ont dĂ©robĂ© le jour aux regards des Troyens : une nuit affreuse se rĂ©pand sur les eaux : les cieux tonnent, l’air en feu brille de mille Ă©clairs : tout prĂ©sente aux nochers tremblants la mort prĂȘte Ă  les frapper.
À cette horrible image, ÉnĂ©e frissonne, glacĂ© d’effroi. Il gĂ©mit ; et les bras Ă©tendus vers la voĂ»te cĂ©leste, il exhale en ces mots sa douleur : « Heureux, hĂ©las ! heureux cent fois, ceux que le sort des batailles moissonna sous les yeux paternels, au pied des murs de la superbe Troie ! Ô le plus vaillant des Grecs, gĂ©nĂ©reux fils de TydĂ©e ! que n’ai-je succombĂ© sous tes coups, dans les champs d’Ilion ! que n’ai-je expirĂ© de ta main dans ces plaines, oĂč le fier Hector tomba percĂ© de la lance d’Achille ; oĂč pĂ©rit le grand Sarpedon ; oĂč le SimoĂŻs roule entassĂ©s dans ses ondes et les boucliers, et les casques, et les corps de tant de hĂ©ros ! »
Comme il parlait ainsi, l’Aquilon siffle, la tempĂȘte frappe de front la voile, et soulĂšve les flots jusqu’aux nues. La rame crie, et se rompt : la proue tremblante se dĂ©tourne ; et son flanc reste en butte Ă  la violence des eaux. Soudain les vagues s’enflent en liquides montagnes ; les uns pĂąlissent, suspendus au sommet des flots ; les autres, Ă  travers l’onde qui s’entrouvre, dĂ©couvrent avec terreur le fond des mers : l’arĂšne agitĂ©e bouillonne sous les eaux. EmportĂ©s par l’Autan, trois vaisseaux Ă©chouent sur des rocs invisibles, vastes Ă©cueils de l’onde, fameux sous le nom d’Autels, et dont le dos immense s’étend et se cache Ă  fleur d’eau. Trois autres, dĂ©plorable spectacle ! lancĂ©s contre les Syrtes par l’impĂ©tueux Eurus, s’enfoncent dans leurs sables perfides, et s’engloutissent dans la vase. Un septiĂšme portait les Lyciens et le fidĂšle Oronte : sous les yeux mĂȘme d’ÉnĂ©e, une lame Ă©norme fond sur la poupe, la submerge ; et le pilote entraĂźnĂ© par le flot qui retombe, roule la tĂȘte baissĂ©e au fond de l’abĂźme. Vain jouet de l’onde en furie, trois fois la nef a tournĂ© sur elle-mĂȘme, et l’avide tourbillon dĂ©vore enfin sa proie. On aperçoit de loin en loin quelques infortunĂ©s, luttant sur le gouffre immense : autour d’eux flottent, confusĂ©ment Ă©pars, et les armures des guerriers, et les bancs des rameurs, et les richesses de Troie. DĂ©jĂ  le puissant navire d’IlionĂ©e, dĂ©jĂ  celui du gĂ©nĂ©reux Achate, c’était la nef qui portait le vaillant Abas, et celle que montait le vĂ©nĂ©rable AlĂ©tĂšs, vont succombant sous l’effort de la tourmente : leurs flancs entrouverts boivent par torrents l’onde ennemie ; et leurs ais dĂ©sunis Ă©clatent de toutes parts.
Cependant le bruit de l’OcĂ©an qui gronde, le choc affreux des vents dĂ©chaĂźnĂ©s et des mers bondissantes, parvient jusqu’à Neptune. ProfondĂ©ment Ă©mu, le dieu s’élance de son trĂŽne d’azur, et lĂšve au-dessus des ondes sa tĂȘte majestueuse. Il voit les vaisseaux d’ÉnĂ©e dispersĂ©s au loin sur les flots ; il voit les Troyens Ă©perdus, assaillis par les vagues et foudroyĂ©s par les carreaux cĂ©lestes. À sa colĂšre, Ă  sa vengeance, Neptune reconnaĂźt sa sƓur. Il appelle Eurus et ZĂ©phyre, et son courroux les gourmande en ces termes : « Race insolente ! qui vous inspira tant d’audace ? Quoi ! sans mon ordre, troubler le ciel et la terre, soulever l’OcĂ©an, bouleverser mon empire ! TĂ©mĂ©raires ! je devrais
 Mais calmons les flots agitĂ©s. À l’avenir, un autre chĂątiment saura punir vos attentats. Fuyez, et portez ces paroles Ă  votre roi : Ce n’est point Ă  lui qu’appartient le sceptre des mers, le redoutable trident : c’est Ă  moi seul que le sort l’a remis. Éole a pour domaines les rocs immenses dont vous habitez les cavernes : qu’il domine, j’y consens, dans ce palais sauvage : mais que son pouvoir s’arrĂȘte au seuil de vos prisons. »
Il dit ; et d’un mot il apaise les vagues irritĂ©es, dissipe les nuages, et rend aux cieux les doux rayons du jour. CymothoĂ©, Triton, unissant leurs efforts, dĂ©gagent les navires de leurs roches aiguĂ«s. Le dieu lui-mĂȘme les soulĂšve de son trident, et ouvre devant eux les vastes bancs de sable qui les arrĂȘtent. Il aplanit les eaux ; et d’une roue lĂ©gĂšre, son char effleure Ă  peine la surfaces des ondes. Ainsi, quand la discorde Ă©clate au sein des citĂ©s populeuses, et souffle ses fureurs Ă  la tourbe mutinĂ©e ; soudain volent en sifflant les brandons et les pierres : tout fournit des armes Ă  leur aveugle rage. Mais si, dans l’ardeur du tumulte, un personnage, dont la sagesse et les services commandent le respect, se prĂ©sente aux sĂ©ditieux ; les factions se taisent, on s’arrĂȘte, et, l’oreille, attentive, on Ă©coute : il parle ; et sa voix imposante calme les esprits et subjugue les cƓurs. Ainsi tomba tout-Ă -coup ce long fracas des mers, sitĂŽt que le Dieu, promenant ses regards sur les flots, et rasant l’onde azurĂ©e sous un ciel sans nuages, eut abandonnĂ© les rĂȘnes Ă  ses coursiers, et fait voler son char sur la plaine humide.
ÉpuisĂ©s de fatigues, les Troyens dirigent pĂ©niblement leur course vers les plages voisines ; et les vents les conduisent aux rivages de la Libye. Au sein d’une baie profonde s’ouvre un bassin immense.. Une Ăźle en dĂ©fend les approches, et forme un port naturel. Ses flancs battus des mers brisent la vague mugissante ; et l’onde qu’ils partagent, fuit Ă  l’entour par deux gorges Ă©troites. Sur l’un et l’autre bord se prolongent des rochers Ă©normes, dont la cime sourcilleuse semble menacer le ciel : sous leur vaste abri, le flot dort immobile. Au penchant de ces monts, d’épaisses forĂȘts se dĂ©ploient en double amphithĂ©Ăątre ; et leur noir ombrage prolonge au loin sur les eaux sa tĂ©nĂ©breuse horreur. Au fond du golfe, sous des roches pendantes, un antre frais offre un rĂ©duit paisible : des sources limpides l’arrosent en murmurant, et des siĂšges taillĂ©s dans le roc invitent au doux repos : c’est la retraite des nymphes. LĂ , pour braver la tempĂȘte, la nef n’attend point que le cĂąble l’enchaĂźne : l’ancre Ă  la dent recourbĂ©e n’y mord point le rivage.
C’est dans ces lieux tranquilles que le hĂ©ros se rĂ©fugie : sept vaisseaux l’accompagnent, seul dĂ©bris de sa nombreuse flotte. EnchantĂ©s de revoir la terre, les Troyens s’élancent des navires, embrassent avec transport la rive implorĂ©e si longtemps, et se reposent sur l’arĂšne, tout trempĂ©s encore de l’écume des mers. À l’instant mĂȘme Achate, frappant les veines d’un caillou, en fait jaillir une Ă©tincelle ; un lit de feuilles la reçoit : le feu s’allume ; il s’étend, il dĂ©vore son aride aliment, et s’élĂšve en flamme ondoyante. On tire alors des vaisseaux et les instruments de CĂ©rĂšs et ses trĂ©sors qu’a souillĂ©s l’onde amĂšre. Le besoin pressant ranime leurs forces Ă©puisĂ©es ; et le grain sauvĂ© du naufrage pĂ©tille Ă  l’ardeur des brasiers, ou crie sous la pierre qui le broie.
Cependant ÉnĂ©e gravit le sommet d’un roc ; et de lĂ , ses regards inquiets parcourent au loin l’immensitĂ© des mers : heureux, s’il pouvait dĂ©couvrir ses nefs Ă©garĂ©es par l’orage, les galĂšres phrygiennes ou la birĂšme d’AnthĂ©e, la voile de Capys ou la poupe que dĂ©corent les armes de CaĂŻcus ! Rien ne s’offre Ă  ses yeux
. rien ! Mais il aperçoit Ă  ses pieds trois cerfs errant sur le rivage : derriĂšre eux marche un nombreux troupeau, paissant Ă  travers les vallĂ©es. À cette vue, le hĂ©ros s’arrĂȘte : il saisit son arc et ses flĂšches rapides, ses flĂšches que portait le fidĂšle Achate ; et soudain, malgrĂ© l’orgueil de leur antique ramure, ces chefs au front superbe tombent sous ses coups. Ensuite, volant sur leur timide escorte, ses traits poursuivent la troupe agile Ă  travers les taillis Ă©pais ; et l’arc vainqueur ne se repose, qu’aprĂšs avoir immolĂ© sept Ă©normes victimes, dont le nombre Ă©gale celui des vaisseaux. Alors ÉnĂ©e revient au port, et partage entre ses guerriers le tribut des forĂȘts. Il y joint les flots d’un vin pur, dont le gĂ©nĂ©reux Aceste avait enflĂ© leurs outres sur le bord Sicilien, lorsqu’ils s’éloignĂšrent de ce monarque hospitalier. Puis sa voix paternelle console en ces mots leurs ennuis :
« Chers compagnons ! nous avons fait depuis long-temps l’apprentissage du malheur. De plus rudes assauts n’ont pas lassĂ© notre constance : les dieux mettront un terme Ă  cette nouvelle Ă©preuve. Vous avez affrontĂ© la rage de Scylla, et ses gouffres mugissants ; vous avez vu, sans pĂąlir, l’antre affreux des Cyclopes : rappelez votre courage, et bannissez de sinistres terreurs ; un jour peut-ĂȘtre ces souvenirs auront pour vous des charmes. C’est Ă  travers mille hasards, Ă  travers d’éternels orages, que nous cherchons le Latium ; mais les destins nous y promettent des demeures paisibles : lĂ  doit ressusciter l’empire d’Ilion. Armez-vous de persĂ©vĂ©rance ; et rĂ©servez-vous, amis, pour des temps plus prospĂšres. »
Tels Ă©taient ses discours ; mais de mortels soucis le dĂ©vorent en secret : ses yeux feignent l’espoir ; son Ăąme renferme une douleur profonde. Toutefois le peuple s’empresse autour de son butin, et le banquet s’apprĂȘte. La biche dĂ©pouillĂ©e montre Ă  nu ses entrailles ; ici, le fer tranchant la divise en larges quartiers ; lĂ , des axes mobiles en tournent sur le feu les chairs encore palpitantes. Plus loin fume sur le rivage l’airain bouillant des chaudiĂšres, et la flamme attisĂ©e l’embrasse en pĂ©tillant. BientĂŽt la joie du festin ranime les convives ; et couchĂ©s sur la molle verdure, ils savourent Ă  loisir la liqueur de Bacchus, et les prĂ©sents de la chasse. Quand l’abondance a fait taire le cri du besoin, quand les tables sont desservies, chacun donne de longs regrets aux compagnons qu’il a perdus. On espĂšre, on craint tour-Ă -tour. Respirent-ils encore ? ou, dĂ©jĂ  couverts des ombres du trĂ©pas, n’entendent-ils plus la voix qui les appelle ? ÉnĂ©e surtout, ÉnĂ©e gĂ©mit : tantĂŽt il pleure en secret le puissant Amycus, ou le vaillant Oronte ; tantĂŽt il redemande aux dieux l’infortunĂ© Lycus, et le brave Gyas, et le valeureux Cloanthe.
Ainsi le jour s’écoule. Cependant Jupiter, assis sur le trĂŽne des cieux, contemplait l’immense OcĂ©an et ses lointains rivages, les vastes contrĂ©es de la terre et les citĂ©s nombreuses qui couvrent sa surface. Du haut de la voĂ»te Ă©thĂ©rĂ©e, ses regards s’arrĂȘtent sur la Libye, et considĂšrent les empires Ă©pars sur les bords Africains. Tandis que sa pensĂ©e pĂšse le sort des nations, VĂ©nus, belle de sa tristesse et des larmes touchantes qui baignent ses yeux divins, VĂ©nus l’aborde en soupirant : « Ô vous, dont l’éternelle sagesse rĂ©git la destinĂ©e des mortels et des dieux ! vous dont la foudre Ă©pouvante le monde ! quel si noir attentat peut vous armer contre mon fils ? Qu’ont pu faire les Troyens, pour mĂ©riter votre vengeance ? HĂ©las ! aprĂšs tant d’infortunes, faut-il Ă  cause de l’Ausonie leur fermer l’univers ? De leur sang devait sortir un jour un peuple de hĂ©ros ; un jour, dans le long cours des siĂšcles, les Romains triomphants, nobles rejetons de Teucer, devaient ranger la terre et l’onde sous leurs lois souveraines : telles Ă©taient vos promesses. Ô mon pĂšre ! qui vous a fait changer ? Du moins ce doux espoir me consolait du dĂ©sastre de Troie, et de sa chute lamentable ; Ă  ses malheurs passĂ©s, j’opposais sa gloire Ă  venir. Mais le sort, toujours inflexible, poursuit encore Pergame jusque dans ses dĂ©bris. Quel terme, dieu puissant, marquez-vous Ă  nos revers ? AntĂ©nor, Ă©chappĂ© Ă  la furie des Grecs, a pu s’ouvrir un passage au fond du golfe d’lllyrie, pĂ©nĂ©trer sans obstacles Ă  travers les champs des Liburnes, et franchir ces sources fameuses, d’oĂč le Timave roulant Ă  grand bruit des montagnes par neuf canaux divers, s’enfle en mer orageuse, et couvre au loin les campagnes de ses flots mugissants. Il a pu, malgrĂ© cent pĂ©rils, fonder sur les plages Italiques les remparts de Padoue, y fixer les Troyens vainqueurs, et dotant d’un nom impĂ©rissable sa nouvelle patrie, y suspendre en trophĂ©e les armes d’Ilion. Maintenant paisible, il goĂ»te au sein du calme les douceurs du repos. Et nous, nous vos enfants, nous que votre amour appelle aux honneurs de l’Olympe, on nous proscrit, ĂŽ honte ! l’abĂźme engloutit nos vaisseaux ; et victimes d’une aveugle haine, nous errons sans espoir loin des rivages du Latium. VoilĂ  donc le prix de nos hommages ! c’est donc ainsi qu’on remet le sceptre en nos mains ! »
Alors, avec ce front. serein qui chasse les tempĂȘtes et rend le calme Ă  la nature, l’auteur des hommes et des dieux sourit Ă  la belle VĂ©nus, effleure doucement ses lĂšvres d’un baiser paternel, et charme en ces mots ses douleurs : « Rassurez-vous, ĂŽ CythĂ©rĂ©e ! le sort de vos Troyens chĂ©ris demeure irrĂ©vocable. Oui, vous verrez les murs de Lavinie, ces murs promis par les oracles ; et conduit par vous-mĂȘme au sĂ©jour cĂ©leste, le grand ÉnĂ©e viendra s’asseoir parmi les Immortels ; mes dĂ©crets sont immuables. Mais si tant de soins vous agitent, je vais lever pour vous le voile de l’avenir, et dĂ©roulant Ă  vos yeux les pages du destin, vous en expliquer les mystĂšres. De sanglants combats Ă©prouveront en Italie la vaillance d’ÉnĂ©e. Maints peuples indomptables flĂ©chiront sous ses armes : maintes contrĂ©es barbares lui devront des mƓurs et des villes. Ainsi les Latins sous ses lois verront fleurir trois printemps : ainsi les Rutules sous son joug verront blanchir trois hivers. AprĂšs lui le jeune Ascagne, maintenant fier du nom d’Iule, et qu’on nommait Ilus aux jours de la gloire d’Ilion, Ascagne remplira de son rĂšgne le cours de trente annĂ©es. Fondateur d’Albe-la-Longue, il y transportera son trĂŽne, et ceindra de vastes remparts le nouveau siĂ©ge de son empire. LĂ , durant trois siĂšcles entiers, les neveux d’Hector commanderont Ă  l’Ausonie. Alors une reine-prĂȘtresse, Ilia, fĂ©condĂ©e par Mars, enfantera deux jumeaux. Ardent nourrisson d’une louve, dont il portera pour parure la dĂ©pouille sauvage, Romulus saisira le sceptre, bĂątira la citĂ© de Mars, et nommera les Romains de son nom glorieux. Les Romains ! je ne mets point de bornes, je ne mets point de terme Ă  leur puissance : leur empire doit ĂȘtre Ă©ternel. Junon mĂȘme, l’inflexible Junon, qui fatigue aujourd’hui de ses plaintes jalouses la terre, l’onde et les cieux, Junon dĂ©posera sa haine, et secondant mes desseins, protĂ©gera dans Rome la maĂźtresse de l’univers. Telle est ma volontĂ©. Un temps viendra dans la durĂ©e des Ăąges, oĂč les fils d’Assaracus renverseront les murs d’Achille, asserviront la superbe MycĂšnes, et domineront Ă  leur tour sur Argos humiliĂ©e. Enfin naĂźtra CĂ©sar, gĂ©nĂ©reux sang de Dardanus ; CĂ©sar, dont les conquĂȘtes s’étendront jusqu’à l’OcĂ©an, et dont la t renommĂ©e s’élĂšvera jusqu’aux astres ; le grand CĂ©sar, hĂ©ritier du grand nom d’Iule. Un jour, libre d’alarmes, vous le recevrez dans les cieux, chargĂ© des dĂ©pouilles de l’Orient ; et, nouveau demi-dieu, les vƓux des mortels monteront jusqu’à lui. Alors s’enfuira devant la douce paix le dĂ©mon sanglant des batailles. AstrĂ©e, Vesta, sous un nouveau Quirinus, sous un RĂ©mus nouveau, ramĂšneront l’ñge d’or. Le t temple de la guerre, ce temple au seuil redoutable, sera fermĂ© de cent cĂąbles de fer. Au-dedans, la Discorde impie, assise sur un amas de lances brisĂ©es, et les bras chargĂ©s de mille nƓuds d’airain, l’Ɠil horrible, et la bouche sanglante, rugira d’une impuissante rage. »
Il dit ; et du haut de l’Olympe, il envoie sur la terre le divin fils de MaĂŻa, pour disposer Carthage en faveur des Troyens, et leur ouvrir dans ses nouveaux remparts un asile hospitalier : Didon, ignorant le destin qui les conduit, pourrait leur fermer son empire. Soudain Mercure a pris son vol ; et sillonnant d’une aile rapide le vaste ocĂ©an des airs, il touche bientĂŽt le rivage Africain. DĂ©jĂ  sont accomplies les volontĂ©s de Jupiter : le fier Tyrien dĂ©pouille, Ă  la voix du Dieu, son farouche orgueil ; la reine surtout conçoit pour un peuple malheureux des sentiments de paix, et lui prĂ©pare un favorable accueil.
Cependant le sage ÉnĂ©e roulait dans la nuit silencieuse mille pensĂ©es diverses. À peine a lui la douce aurore, il s’arrache au repos, et songe Ă  visiter ces contrĂ©es nouvelles pour lui. Sur quels bords l’a jetĂ© la tempĂȘte ? Ces lieux, qu’il voit incultes, ont-ils pour hĂŽtes des humains ou des monstres sauvages ? Il brĂ»le de s’en instruire, et d’éclairer ses compagnons par un rapport fidĂšle. D’abord il met sa flotte Ă  couvert dans l’enfoncement des bois, sous un rocher caverneux, oĂč des chĂȘnes touffus la protĂšgent du noir rempart de leur ombre. Ensuite il s’avance lui-mĂȘme accompagnĂ© du seul Achate, et la main armĂ©e de deux javelots, munis d’un large fer. Soudain, au milieu de ces bois, VĂ©nus se prĂ©sente Ă  son fils. CachĂ©e sous les traits d’une vierge de Sparte, VĂ©nus en a les grĂąces, le port, et les armes : moins belle est Harpalice, fatigant un coursier rapide sur les monts de la Thrace, et devançant dans sa course le vol agile de l’Eurus. On voit flotter sur les Ă©paules de la DĂ©esse le carquois lĂ©ger des chasseurs : les vents se jouent dans ses cheveux Ă©pars ; et sa robe, que relĂšve un nƓud d’or, s’ouvre en plis ondoyants au-dessus d’un genou d’albĂą...

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