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PhĂšdre
Version DĂ©couverte
Christophe Noël
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Christophe Noël
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Ă propos de ce livre
VERSION ALLEGEE, en Français uniquement.PhÚdre ( en latin Caius Julius Phaedrus ou Phaeder), né vers14 avant JC et mort vers 50 aprÚs JC, est un fabuliste latin d'origine thrace, affranchi de l'emprereur Auguste. A peu prÚs le tiers de son oeuvre est repris d'Esope dont il adapte les fables. Les deux autres tiers sont de son invention. Tout comme son prédécesseur, PhÚdre raconte des histoires d'animaux, mais il met en scÚne aussi des personnages humains, et parmi ceux-ci, Esope. Au total, il composera 5 livres de fables.Traduit du latin par Ernest Panckoucke.
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Informations
Livre 1
PROLOGUE
Câest Ăsope qui, le premier, a trouvĂ© ces matĂ©riaux : moi, je les ai façonnĂ©s en vers iambiques. Ce petit livre a un double mĂ©rite : il fait rire et il donne de sages conseils pour la conduite de la vie. A celui qui viendrait me reprocher injustement de faire parler non seulement les animaux, mais mĂȘme les arbres, je rappellerai que je mâamuse ici Ă de pures fictions.
FABLE PREMIĂRE - LE LOUP ET LâAGNEAU
Un Loup et un Agneau, pressĂ©s par la soif, Ă©taient venus au mĂȘme ruisseau. Le Loup se dĂ©saltĂ©rait dans le haut du courant, lâAgneau se trouvait plus bas ; mais, excitĂ© par son appĂ©tit glouton, le brigand lui chercha querelle. « Pourquoi, lui dit-il, viens-tu troubler mon breuvage ? » LâAgneau rĂ©pondit tout, tremblant : « Comment, je vous prie, puis-je faire ce dont vous vous plaignez ? cette eau descend de vous Ă moi. » Battu par la force de la vĂ©ritĂ©, le Loup reprit : « Tu mĂ©dis de nous, il y a six mois. â Mais je nâĂ©tais pas nĂ©, » rĂ©pliqua lâAgneau. « Par Hercule ! ce fut donc ton pĂšre, sâajouta le Loup. Et, dans sa rage, il le saisit et le met en piĂšces injustement.
Cette fable est pour ceux qui, sous de faux prétextes, oppriment les innocents.
FABLE II - LES GRENOUILLES QUI DEMANDENT UN ROI
LorsquâAthĂšnes florissait sous de justes lois, la libertĂ©, dans ses excĂšs, bouleversa le gouvernement, et la licence rompit ses vieilles entraves. Alors les partis factieux conspirĂšrent, et Pisistrate, usurpa le pouvoir et la citadelle. Les AthĂ©niens dĂ©ploraient leur triste esclavage, non que Pisistrate fĂ»t cruel, mais parce quâun joug auquel on nâest pas accoutumĂ© paraĂźt toujours pesant. Comme ils se plaignaient, Ăsope leur raconta cette fable:
Les Grenouilles, errant en libertĂ© dans leurs marais, priĂšrent Ă grands cris Jupiter de leur envoyer un roi dont lâĂ©nergie rĂ©primĂąt leurs mĆurs dĂ©rĂ©glĂ©es. Le pĂšre des dieux se mit Ă rire, et leur jeta un soliveau qui, en tombant tout Ă coup et bruyamment dans leur Ă©tang, Ă©pouvanta tout ce peuple timide. Comme il restait longtemps enfoncĂ© dans la vase, une Grenouille lĂšve doucement la tĂȘte hors de lâeau, examine le monarque, puis appelle ses compagnes. BientĂŽt elles dĂ©posent toute crainte ; et toutes de nager Ă lâenvi, et la troupe peu respectueuse de sauter sur le bois immobile. AprĂšs lâavoir souillĂ© par tous les outrages, elles dĂ©putĂšrent, vers Jupin, pour lui demander un autre roi, puisque celui quâil leur avait donnĂ© Ă©tait inutile. Il leur envoya une hydre, qui, dâune dent cruelle, les dĂ©vora les unes aprĂšs les autres. Câest en vain quâelles cherchent Ă se soustraire Ă la mort ; elles sont sans force, la frayeur Ă©touffe leurs cris. Alors elles chargĂšrent secrĂštement Mercure de prier Jupiter dâavoir pitiĂ© dâelles ; mais le dieu rĂ©pondit : « Puisque vous nâavez pas voulu garder votre bon roi, il faut maintenant en souffrir un mĂ©chant. »
Et vous aussi, ĂŽ mes concitoyens, ajouta Ăsope, supportez vos maux, de peur quâil ne vous en arrive de pires.
FABLE III - LE GEAI ORGUEILLEUX ET LE PAON
Ne vous glorifiez pas des avantages dâautrui, mais vivez plutĂŽt content de votre Ă©tat, dâaprĂšs cet exemple quâĂsope nous a laissĂ©.
EnflĂ© dâun vain orgueil, un Geai ramassa les plumes dâun Paon, et sâen fit une parure ; puis, mĂ©prisant ses pareils, il va se mĂȘler Ă une troupe de superbes Paons mais ils arrachent le plumage Ă lâoiseau imprudent, et le chassent Ă coups de bec. Tout maltraitĂ©, le Geai revenait tout confus vers les oiseaux de son espĂšce : repoussĂ© par eux, il eut encore Ă supporter cette honte. Un de ceux quâil avait autrefois regardĂ©s avec mĂ©pris, lui dit alors : « Si tu avais su vivre parmi nous, et te contenter de ce que tâavait donnĂ© la nature, tu nâaurais pas dâabord essuyĂ© un affront, et, dans ton malheur, tu ne te verrais point chassĂ© par nous. »
FABLE IV - LE CHIEN NAGEANT
On perd justement son bien, quand on convoite celui dâautrui.
Un chien traversait un fleuve avec un morceau de chair dans sa gueule : il aperçoit son image dans le miroir des eaux, et, croyant voir un autre chien portant une autre proie, il veut la lui ravir. Mais son aviditĂ© fut trompĂ©e il lĂącha la proie quâil tenait, et ne put nĂ©anmoins atteindre celle quâil avait convoitĂ©e.
FABLE V - LA GĂNISSE, LA CHĂVRE, LA BREBIS ET LE LION
Sâassocier avec un puissant nâest jamais sĂ»r ; cette fable va prouver ce que jâavance.
La GĂ©nisse, la ChĂšvre et la patiente Brebis firent dans les bois sociĂ©tĂ© avec le Lion. Ils prirent un cerf dâune grosseur prodigieuse ; les parts faites, le Lion parla ainsi : « Je prends la premiĂšre ; parce que je mâappelle Lion ; la seconde, vous me la cĂ©derez, parce que je suis vaillant ; la troisiĂšme mâappartient, parce que je suis le plus fort ; quant Ă la quatriĂšme, malheur Ă qui la touche ! » Câest ainsi que, par sa mauvaise foi, il resta seul maĂźtre du butin.
FABLE VI - LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES
Ăsope voyait les noces magnifiques dâun voleur, son voisin : il se mit aussitĂŽt Ă raconter cette fable :
Le Soleil voulut un jour prendre femme : les Grenouilles poussĂšrent de grands cris jusquâau ciel. Jupiter, assourdi de leurs clameurs, en demanda la cause. « Un Soleil, dit alors une habitante des Ă©tangs, suffit maintenant pour tarir nos marais, et nous faire pĂ©rir misĂ©rablement dans nos demeures dessĂ©chĂ©es : que sera-ce sâil lui vient des enfants ? »
FABLE VII - LE RENARD ET LE MASQUE DE TRAITRE
Un Renard vit par hasard un masque de thĂ©Ăątre : « Belle tĂȘte ! dit-il ; mais de cervelle point. »
Ceci sâapplique aux hommes que la fortune a comblĂ©s dâhonneurs et de gloire, mais privĂ©s de sens commun.
FABLE VIII - LE LOUP ET LA GRUE
Attendre des mĂ©chants la rĂ©compense dâun bienfait, câest double faute : dâabord, on a obligĂ© des indignes; ensuite, on risque de ne pas sâen tirer sain et sauf.
Un Loup avala un os qui lui resta dans le gosier. Vaincu par la douleur, il demandait secours, promettant une rĂ©compense Ă qui le dĂ©livrerait de son mal. La Grue se laisse enfin persuader par ses serments ; elle hasarde la longueur de son cou dans la gueule du Loup, et fait cette dangereuse opĂ©ration. Comme ensuite elle rĂ©clamait son salaire : « Ingrate, lui dit-il, tu as retirĂ© ta tĂȘte saine et sauve de mon gosier, et tu demandes une rĂ©compense ! »
FABLE IX - LE LIĂVRE ET LE PASSEREAU
Ne pas prendre garde Ă soi, et donner des conseils aux autres, câest folie. Nous allons le montrer en peu de mots.
DĂ©chirĂ© par les serres dâun Aigle, un LiĂšvre poussait de longs gĂ©missements. Un Passereau lâinsultait : « Quâest devenue, lui disait-il, cette vitesse si vantĂ©e ? oĂč sont donc tes pieds agiles ? » Il parlait encore, lorsque soudain un Ă©pervier le saisit et le tue malgrĂ© ses plaintes et ses cris. Le LiĂšvre eut, en mourant, la consolation de lui dire « Toi qui naguĂšre te croyais en sĂ»retĂ©, et riais de mon malheur, tu dĂ©plores aussi ta triste destinĂ©e. »
FABLE X - LE LOUP ET LE RENARD JUGES PAR LE SINGE
Quiconque sâest fait connaĂźtre par de honteux mensonges perd toute crĂ©ance lors mĂȘme quâil dit la vĂ©ritĂ©. Ăsope le prouve dans cette petite fable.
Un Loup accusait un Renard de lâavoir volĂ© ; le Renard soutenait quâil Ă©tait Ă©tranger Ă une aussi mĂ©chante action ; le Singe alors fut appelĂ© pour juger leur querelle. Lorsque chacun eut plaidĂ© sa cause, on rapporte que le Singe prononça cette sentence : « Toi, tu ne me parais pas avoir perdu ce que tu rĂ©clames ; toi, je te crois coupable du vol que tu nies si bien. »
FABLE XI - LE LION ET LâĂNE CHASSANT
Le lùche qui se vante de hauts faits peut abuser qui ne le connaßt pas, mais il est la risée de ceux qui le connaissent.
Le Lion, voulant chasser en compagnie de lâĂne, le couvrit de feuillage, et lui recommanda de braire Ă Ă©pouvanter les animaux, plus que de coutume, tandis que lui les saisirait au passage. Le chasseur aux longues oreilles se met Ă crier de toutes ses forces, et, par ce nouveau prodige, effraye les animaux. Tremblants, ils cherchent Ă gagner les issues connues du bois ; mais le Lion dâun bond impĂ©tueux les terrasse. Las du carnage, il appelle lâĂne et lui ordonne de se taire. Alors celui-ci lui dit avec arrogance : « Comment trouvez-vous les effets de ma voix ? â Merveilleux, dit le Lion, et tellement, que, si je nâavais connu ton courage et ta race, jâaurais fui de peur comme les autres. »
FABLE XII - LE CERF PRES DâUNE FONTAINE
Ce quâon mĂ©prise est souvent plus utile que ce que lâon vante ; cette fable le fait voir.
Un cerf buvait Ă une fontaine : il sâarrĂȘte, et voit son image dans le miroir des eaux. LĂ , tandis quâil admire la beautĂ© de sa haute ramure, et dĂ©plore lâexiguĂŻtĂ© de ses jambes, Ă©pouvantĂ© tout Ă coup par les cris des chasseurs, il fuit Ă travers les champs, et par sa course rapide met les chiens en dĂ©faut. Alors il se jette Ă travers la forĂȘt ; mais, arrĂȘtĂ© par ses cornes qui sâembarrassent dans le taillis, il est dĂ©chirĂ© par la dent cruelle des chiens. On dit quâen expirant il prononça ces mots : « Malheureux que je suis ! je comprends maintenant lâutilitĂ© de ce que je mĂ©prisais, et combien ce que jâadmirais mâa Ă©tĂ© funeste. »
FABLE XIII - LE CORBEAU ET LE RENARD
Ceux qui aiment les artificieux en sont punis plus tard par un amer repentir.
Un Corbeau avait pris un fromage sur une fenĂȘtre, et allait le manger sur le haut dâun arbre, lorsquâun Renard lâaperçut et lui tint ce discours : « De quel Ă©clat, ĂŽ Corbeau, brille votre plumage ! que de grĂąces dans votre air et votre personne ! Si vous chantiez, vous seriez le premier des oiseaux. » Notre sot voulut montrer sa voix ; mais il laissa tomber le fromage, et le rusĂ© Renard sâen saisit aussitĂŽt avec aviditĂ©. Le Corbeau honteux gĂ©mit alors de sa sottise.
Cette fable prouve la puissance de lâesprit dâadresse lâemporte toujours sur la force.
FABLE XIV - LE CORDONNIER MĂDECIN
Un mauvais Cordonnier, perdu de misĂšre, mourant de faim, alla exercer la mĂ©decine dans un pays oĂč il nâĂ©tait pas connu.Il vendait un faux antidote, et son verbiage lui eut bientĂŽt fait un renom. Le roi de la ville, quâune grave maladie retenait au lit, voulut mettre son savoir Ă lâĂ©preuve. Il demanda une coupe, y versa de...