Des Lyriums très minces
eBook - ePub

Des Lyriums très minces

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Des Lyriums très minces

À propos de ce livre

Courir après l'amour d'une insaisissable Alexandra, est-ce bien raisonnable? Surtout lorsqu'elle court après elle-même tout au long du récit, tour à tour star, souillon, femme fatale ou prude exagérée, romantique ou agressive et néanmoins souvent provocante à l'extrême. L'auteur nous livre ainsi des fantasmes quelquefois très crus mais lève en parallèle un voile sur sa propre vie, sur notre vie en fait, notre vie rêvée ou déçue, nos peurs, nos espoirs, nos angoisses. Dans un roman à l'humour décalé en jeux de mots et jeux de maux, d'amour et d'eau fraîche, vous vous laisserez bousculer avec plaisir par cette histoire ébouriffante.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Des Lyriums très minces par Jean-Michel Reboul en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Literatura et Ficción histórica. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2020
Imprimer l'ISBN
9782322253425
ISBN de l'eBook
9782322215768

DILATATION DE L’ESPACE-TANT

Durant tout le temps de ma liaison avec Alexandra, très long d’un certain point de vue et très peu d’un autre, je travaillais chaque jour, laissant ma voiture dans l’espèce de terrain vague du faubourg de Nîmes et remontant les rues vers les bureaux de l’agence. À la boulangerie j’achetais de la boulange et du riz. Pour la radis-nerie qui était à côté je n’avais donc plus un radis mais on me souriait toujours gentiment. La plomberie un peu plus loin était fermée à cause de son affichette « pas de porte à vendre » qui avait peu à peu fait fuir ses clients. Mais à côté, le portier était dans l’escalier.
Ma promenade quotidienne continuait ainsi jour après jour, sans aucun lustre pendant des lustres, aller-retour et retour-aller, chaque jour les sens-pas jusqu’à mon lieu de travail. La porte d’entrée était à côté du bar, dernier sursis avant l’abattoir. Un franc cinquante, et puis direction l’ascenseur, arrêt à l’étage, porte ouvrant sur le vide.
À l’intérieur, un monde fou, des tas de gens agglutinés autour de ma table, discutant, bourdonnant, caquetant, faisant un bruit de fond de soixante-dix décibels, et m’alpaguant à l’atterrissage : « Ah te voilà, mon vieux, ça ne va pas du tout ! »
Depuis la veille au soir j’avais eu mille occasions d’oublier ce pour quoi on me payait, mais eux n’ont pensé qu’à ça pendant toute votre absence, penchés qu’ils sont restés sur votre calque la nuit durant. Ils ont pris vos feutres, vos crayons, ont bousillé trois pinceaux et une boîte de mines bleues, mais n’ont réussi à faire que du gâchis. Tout ce que vous avez péniblement élaboré la veille est réduit en poussière et taches maculées sur la table. Quelque chose n’allait pas. Ce pouvait être une virgule, une couleur, n’importe quoi qui les froissait, et votre travail se trouve mis en pièces, déchiqueté en lambeaux informes qui traînent, épars, çà et là.
« Ah, te voilà, mon vieux ! Ça ne va pas du tout ! »
…Ils sont douze, au moins, dans mon brouillard. Ils caquettent comme des poules qui se discutent un œuf. Je tire à hue et à dia pour ramener à moi tous les fils de mon standard en détresse. Il faut se concentrer. Il faut me concentrer. Au prix d’un effort terrible, j’atterris. Les Petits Pois Gropair ? Super De Super ! Voilà le sujet.
C’est presque toujours une histoire de petits pois, c’est tout ce qu’on a à se mettre sous l’Adam.
Si vous avez pensé un jour créer de belles et lumineuses affiches jamais vous ne pensiez que ce serait pour y emmailloter des petits pois. Le peintre ami d’Henry Miller à New York dessinait, lui, des bananes pour la publicité. Michel Ange peignait Dieu le Père au plafond de la Sixtine, aujourd’hui il peindrait des frites. Passe encore les frites. Mais les petits pois Gropair ?
« Ah, te voilà ? Ça ne va du tout ! »
Je le sais. Depuis le temps que je fais ce métier, je sais que ça ne va jamais. J’étais parti pour la flamboyance des couchers de soleil sur le Pacifique sud, je me retrouve sur le radeau de la Méduse. Les petits pois Gropair, Supère de Supère, que voulez-vous faire avec ça ? J’essaie bien de me dire que ça peut être marrant, qu’il peut y avoir un clin d’œil, un truc amusant, une référence graphique, culturelle, artistique mais impossible, ils sont trop bornés je suppose, ou bien c’est moi qui ne suis décidément pas comme tout le monde, il va falloir me faire une raison je le crains si je ne veux pas vivre toute ma vie en explosant d’un pied sur l’autre. C’est supère, n’est-ce pas, les petits pois GROPAIR ? N’est-ce pas que ça vous donne envie de courir chez votre épicier pour qu’il vous en réserve une caisse ? N’est-ce pas que tout ce qui vous préoccupe, dans la vie, ce sont les petits pois ? Saviez-vous que le virtuel Jésus n’a pas multiplié les petits pains, mais les petits pois ? Qu’Adam et Ève dans le paradis terrestre n’ont pas croqué la pomme, mais une boîte de petit pois ? Saviez-vous que Maurice Chevalier chantait en réalité « Mes petits poi-a c’est moi-a-a-a », que ce qu’il faut au peuple, c’est du beurre et des canons à petits pois, que Marx a dit de ses yeux dit : La religion, c’est le petit pois du peuple ? En tout cas, moi je le sais. Qu’est-ce donc qui t’intéresse dans la vie à part les petits pois me demande mon patron en me scrutant au fond des yeux. N’est-ce pas ?
…Je pense à Alexandra, qui haïssait les petits pois. C’est pour cela que je l’aimais, sans doute. Elle n’aimait que les haricots verts et les épinards en branche. Les poivrons rouges mais d’une lumineuse couleur jaune également, et les tomates noires de Crimée un peu mûres ; en tout cas, elle détestait les petits pois et également la publicité, le petit pois du peuple ! Elle n’aimait pas qu’on essaie de lui vendre quelque chose., elle préférait choisir elle-même comme une grande. Et un jour, elle m’avait choisi, moi, pour Dieu sait quelle étrange raison. Nous avions fait l’amour, en nous promettant de ne plus jamais rien nous promettre, et nous avions été si heureux !… Surtout le mercredi des Cendres…
Ah, oui, les petits pois Gropair !… J’oubliais…
Je sors un feutre de ma poche droite, je tire ma chaise, m’assois. Je prends un bout de la feuille, je trace des trucs et des machins, j’écris n’importe quoi pour me donner une contenance, pour leur faire croire que leur foutu problème m’intéresse. Tout ce qui me passe par la tête est bon pour eux, c’est comme le lion qui au coup de fouet saute à travers le cercle de feu. Il a compris que ça amuse, alors faire ça ou recevoir une claque sur le derrière il a vite compris… Chaque fois qu’il saute à travers le cerceau des biles, il repense à sa jungle natale et à la panthère des neiges sur le plateau du Tibet. Chaque fois qu’il a quitté le sol, il se souvient, il revoit les magnifiques photos de Vincent Munier ou le clair-obscur des grands arbres de la forêt vierge, celui qu’on a peint sur les affiches du cirque collées sur sa cage à roulettes. Il revoit sa Normandie sénégalaise, sa cabane au Congo belge, ses petits minous de lionceaux qui n’arrêtaient pas de l’emmerder pendant sa sieste, et puis Bagheera la panthère, la panthère noire celle-là, qu’ils ont tuée d’un coup de fusil au moment de sa capture. Il aimerait bien bouffer du dompteur, même si ça ne vaut pas de la bonne antilope, mais il sait que le pétard est dans l’étui, et l’étui détaché, et qu’il y a une balle dans le canon, alors il saute à travers le damné cercle de feu, pour amuser la foule.
Faire ça ou peigner la girafe…
– Ça y est ! Excellent ! Tu tiens le truc, mon vieux !
Je refais surface. Quoi, qu’est-ce qui se passe ?
Ils se regardent, se sourient, s’extasient sur le carton portant les morceaux de calque, diapositives, scotch collé, se congratulent à coups de grandes tapes dans le dos. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire de miraculeux, mystère, mais ça a pourtant l’air d’être ça ! Je parcours les images sous ma main, j’ai laissé échapper quelque chose qui leur va, c’est quoi ? Les petits pois Gropair, supaire de supaire, un gris-fouillis… Bravo, c’est ça !
…Ils sont contents de moi… Tout à l’heure ils me crucifiaient comme un malpropre ah te voilà, mon vieux ça ne va pas du tout et maintenant ils sont sûrs que j’allais trouver, les tirer de là, déboucher sur le compromis entre la plate-forme marketing, le médiaplanning, le brainstorming, la strategy-copying et le merdaying. Ils me font des sourires qu’est-ce que tu fais à midi, tu viens bouffer avec nous, ils se sourient comme des singes devant une glace aux alouettes, trois petits tours et puis s’en vont, adieu le plancher des vaches… Euh midi… j’ai un rendez-vous.
Ça y est, l’ouragan est passé. Je suis seul à nouveau dans mon bureau plein de couleurs. Je reprends possession de mon univers, même s’il n’est qu’artifices. Tout à l’heure, pendant qu’ils seront devant leur steak pommes frites, j’aurai rejoint ma machine à écrire…
* *
*
Midi et demie. Je sors de mon sac deux œufs durs, des yaourts, un fruit… Je prends, j’ouvre la chemise verte, je vais à l’avant-dernière page, je relis. J’en étais où, déjà ? Le temps de faire place nette, et au boulot !
…Sous mon bureau, il y a ma machine à écrire… Sous mon bureau se trouve ma machine à écrire… Je me souviens de mes cours de français au lycée : remplacez « il y a » et « se trouve » par des formules équivalentes, Exemple : « Ma machine à écrire se prélasse sous mon bureau ».
Allons-y.
…Ma machine à écrire attend sagement sous mon bureau.
…Sous mon bureau, ma machine à écrire me fait de l’œil.
…Sous mon bureau, il se trouve qu’il y a ma machine à écrire.
…Sous mon bureau, ma machine à écrire se fait reluire la bonbonnière en me toisant de son œil torve.
…Ma machine à écrire a foutu caractère.
…Les caractères de ma machine à écrire sont foutus.
…J’ai une grammaire française, une grammaire tchécoslovaque, une grand-mère autrichienne, j’ai une machine à écrire qui se trouvait il y a peu de temps sous mon bureau…
…Il y a une machine à écrire qui se trouve sous mon bureau, elle s’y trouve bien, mais il y a de la poussière, je trouve que ma machine à écrire il y a peu de temps se trouvait bien d’être sous mon bureau, mais il y a un hic, une extrémité où l’on se trouve acculée, il y a un vrai problème, si ça se trouve…
Il y a que ma machine à écrire se trouve sous mon bureau, et il n’y a qu’à la prendre pour la trouver, comme ça se trouve !
Il y a qu’il se trouve…
Il se trouve qu’il y a…
…Ma machine à écrire…
…Sous mon bureau…
…Et puis Alexandra qui ne vient toujours pas… Mais qu’est-ce que je fous devant ce bureau à jouer avec les mots, au lieu de jouer avec ses lèvres, qu’est-ce que je fais à triturer des personnages sans queue ni tête, des personnages de papier, de feuille blanche garantie sans vertige, des gens de paille et de taille et personne qui ne vienne à moi, ouvre ma porte, entre dans mon bureau et puis jette par la fenêtre tout ce beau papier et ma machine avec pour enfin commencer à vivre d’une manière un peu plus… un peu moins… d’une autre manière, en tout cas, une manière neuve et intelligente, une manière folle, amusante, drôle, toujours différente. Qu’est-ce qui m’a foutu un monde pareil, Bon Dieu !
Travail, travail !… Je relis mon livre, un traité sur la culture des asphodèles femelles en pays d’économie libérale. J’analyse le croisement d’une Asphodèle mâle, c’est moi, et une Asphodèle femelle, variété INRA 07-356 B, nom de guerre Alexandra, dont l’une doit féconder l’autre et l’autre doit dévorer l’une à condition qu’elles se rencontrent au hasard d’une dissémination naturelle. Mais la rencontre est très longue à se produire comme parfois dans la nature. Seraient-ce les conditions de l’expérience, puisque l’asphodèle mâle ne vit que dans le midi de la France, et l’autre dans la région parisienne, mais ce n’est pas sûr. D’une part les asphodèles peuvent très facilement prendre le train, à ce qu’il paraît. Et d’autre part, elles peuvent téléphoner, à condition de s’y prendre comme il faut. Le problème est donc ailleurs, apparemment, et c’est cet ailleurs qui fait sujet, entre midi et deux. Je reçois des Telex des quatre coins de l’hexagone, ou des six coins du carré, ça ne va pas très fort à ce qu’il semble. Mauvaise année pour les asphodèles, et bonne année pour les rutabagas. Et quel horrible nom, rutabaga !
Bref, le livre avance, même s’il ne s’emplit que de vide, ce fameux vide de l’absence… « Je t’aime encore plus quand tu n’es pas là… » disait une chanson, qu’est-ce que je dois l’aimer, Alexandra ! Ce matin, j’ai rencontré au coin du pâté d’alouettes de maisons une jeune femme à en faire pâlir de stupéfaction l’humble auteur de ces humbles lignes qui était très humble etc… humble. Bref, à qui ressemblait-elle, vous tous qui m’écoutez ?
À Germaine, ma cousine germaine…
Je regarde, d’un faible regard même pas amusé ces terribles feuilles qui s’empilent bien sagement dans leur chemise. Ce n’est pas ce que je voulais écrire hélas. Je voulais mettre : Alexandra, viens ! Viens me voir, entre midi et deux, je t’offrirai un jambon beurre et un demi au bistrot du coin. Viens me déranger dans mon travail, m’empêcher de bosser, tout simplement en restant adossée à l’embrasure de la porte à me regarder sans rien dire, me faire perdre mes moyens déjà si moyens, et puis sourire doucement en te moquant de moi de ta voix si billine qu’elle me fait mal dans tout mon corps, viens et demande-moi l’heure des cinémas et puis ce qu’on y joue, on doit y aller ensemble ce soir, n’est-ce pas ? Viens et viens m’attendre à l’heure de la fermeture, et on ira faire les magasins et puis descendre la place de l’œuf en bateau-mouche, et puis on dînera en cinq minutes parce que le film aura commencé, et on s’en ira par les chemins jusque vers chez toi, et ta maison sera chaude et vivante. On parlera du film, on se déshabillera bien sagement et on se lavera les dents, et puis ça fera un bordel monstre partout dans mes veines qui ne savent plus se tenir tranquilles en ce moment, et tout à coup on deviendra aussi foutrement graves comme deux jeunes idiots de dix-huit ans, viens et puis on n’arrivera même plus à parler, même pas à faire l’amour, seulement à se toucher du bout des doigts, où on sentira passer le 220 alternatif cinquante hertz, et si on fait l’amour même notre vésicule biliaire ne saura plus où elle en est à compter les matières grasses… Viens et on dormira toute la nuit sans dormir l’un contre l’autre, et au matin on aura la gorge toute nouée comme si on avait pris froid pendant la nuit…
Voilà ce que je voudrais dire, dans mon livre à la gomme arabique, à la gomme de Cadix. Voilà ce que je voudrais écrire, et puis aussi des tas d’autres choses que j’ai oubliées, pour faire un livre pour elle seule, un livre tout exprès concocté dans ma tête qui pense à elle, qui lui conterait des histoires, qui lui montrerait le pourquoi du comment. Un livre qu’on lui livrerait à domicile, tous les exemplaires, qui ne servirait à personne d’autre, dont on parlerait dans le Lagarde et Michard de l’an deux mille en expliquant que je n’étais qu’un marginal, un propre à rien, et que mon livre plein de vices ne valait pas un clou… Qui serait tellement beau, tellement je ne sais pas quoi, ou peut-être qui serait vilain et moche, ou qui ne serait rien, comme tous les livres qui voudraient vivre à la place de la vie…
Si vous saviez… Si vous saviez quel livre merveilleux il y a dans ma tête, vous l’achèteriez d’avance sans le lire. Vous m’enverriez des cartes postales, des billets d’opéra, ou seulement un œuf de votre poule préférée, une poussière de votre balai, un ticket de parking usagé. Si vous saviez quel mal je me donne…
Je recommence, sans cesse. J’ai écrit mille pages, jusqu’à ce jour, et je compte bien en avoir écrit mille autres d’ici quelque temps. Les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf premières sont au panier, début encore et encore recommencé, début amer toujours recommencé, début débile et infernal mais jamais ne me décourageant. Aujourd’hui, d’ailleurs, je sens que ça va marcher. Mais jusque-là, les mots n’étaient jamais assez brillants, assez déchirés, assez brûlants. J’attends une nouvelle livraison, soit dit en passant. Je voulais des mots de feu et de sang, des mots d’air, des mots de terre, des mots terribles et gesticulants, des mots sauvages et indomptables, des mots ayant eu la diphtérie-tétanos et le Covid-19, 20, 30 et lui ayant réchappé, des mots qu’on ne trouve nulle part, et surtout pas dans le dictionnaire de l’Académie. Et puis je voulais écrire pour elle comme nul n’eût pu écrire avant moi, un langage à la fois indéchiffrable et limpide, un épouvantable galimatias – là, peut-être y suis-je un peu arrivé – un code indéchiffrable pour le lecteur désemparé mais qui malgré tout s’en empare et le prenne aux tripes, aux boyaux, au cœur, à la rate, au gésier, qui le fasse gémir de douleur et bâiller d’aise, s’endormir comme sous l’effet d’une potion lénifiante, et s’électriser comme lorsque tu es pris au cœur d’un orage d’éclairs, qui parent à ton air comme aurait dit Benjamin Franklin. J’aurais besoin d’une machine à écrire toute d’or massif, touches de diamant cerclées de nickel-chrome et d’arséniure de gallium, caractères sculptés un à un dans de la pierre de Mars et du platine irridié par Calder et César, pas Jules l’empereur mais celui qui concasse les bagnoles. De papier pur chiffon à la cuve du Moulin rouge Richard de Bas filigrané et estampillé comme les billets de la Banque de France tout exprès pour moi, et frappé à mes armes blanches qui sont l’épluche-patates et la gomme à remollir, sur chaque feuille Alexandra aurait déposé un baiser invisible et laissé sa marque parfumée pour me donner de l’inspiration.
Ainsi pourvu, assis dans un fauteuil de roi Dogon, j’écrirais le livre le plus court jamais écrit, qui ne comporterait qu’un seul mot, peut-être même un...

Table des matières

  1. Dédicace
  2. Sommaire
  3. Préface
  4. Ouverture
  5. Maintenant
  6. Introduction
  7. Promenade des onglées…
  8. Enfin voilà le début
  9. Chapitre énième
  10. 1946 et des poussières
  11. Chapitre précédent
  12. SUITE EN RÉ
  13. Où est le commencement ?
  14. Et maintenant ? Quelques minutes d’entracte
  15. Chapitre de la voix
  16. Chat-pitre
  17. Un Chapitre au hasard
  18. Où tout cent chaînes
  19. GARDEN PARTIE
  20. Un chapitre qui en dit long…
  21. La rencontre
  22. Chapitre suivant
  23. Chapitre suivant le chapitre suivant
  24. ..................
  25. Dilatation de l’espace-tant
  26. Course contre la montre
  27. Walking on the moon
  28. Avant de refermer ce livre
  29. Con-clusion, un livre didoctique
  30. Page de copyright