S'ouvrir à la grâce
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S'ouvrir à la grâce

  1. 252 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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S'ouvrir à la grâce

À propos de ce livre

Adyashanti nous demande de laisser aller nos luttes avec la vie et de nous ouvrir à la promesse entière de la pleine conscience et de l'éveil spirituel: la fin des illusions et la découverte de notre être fondamental. Au cours de ses nombreuses années en tant que mentor spirituel, Adyashanti a appris que plus l'enseignement est simple, plus il a le pouvoir d'enclencher cet éveil. Dans S'ouvrir à la grâce, il partage ce qu'il considère être des idées fondamentales qui déclencheront une révolution dans la façon dont nous percevons la vie – par une enquête progressive qui explore le concept d'un soi distinct et le choix d'arrêter de croire les pensées qui perpétuent la souffrance; par le fait de faire un pas vers l'arrière, vers le potentiel pur du moment présent; par la raison pour laquelle le procédé de pleine conscience et d'éveil spirituel peut être troublant; par l'union absolue avec chaque parcelle de notre expérience et de notre autonomie véritable – l'expression unique de notre propre sens de liberté.

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Informations

Année
2019
ISBN de l'eBook
9782898035487

1

Le dilemme humain

Quand j’étais enfant, vers sept ou huit ans, en observant les grandes personnes de mon entourage, j’ai remarqué quelque chose qui m’a donné matière à réflexion : le monde adulte est sujet à la souffrance, à la peine et au conflit. Même si j’ai grandi dans un foyer relativement sain, entouré de parents aimants et de deux sœurs, et même si mon enfance a été plutôt merveilleuse et heureuse, je voyais tout de même beaucoup de souffrance autour de moi. En examinant ce monde des adultes, je me demandais pourquoi les gens entrent-ils en conflit ?
Enfant, j’avais aussi une grande capacité d’écoute, certains m’auraient même qualifié d’écornifleur. J’écoutais toutes les conversations qui se tenaient dans la maison. En fait, une blague circulait dans la famille comme quoi rien ne m’échappait. J’aimais bien être au courant de tout ce qui se passait dans mon environnement et j’ai donc passé une bonne partie de mon enfance à écouter les adultes converser, aussi bien chez moi que dans la parenté. La plupart du temps je trouvais leurs propos assez intéressants. J’ai également constaté que leurs discussions suivaient certaines fluctuations : frôlant le conflit, pour s’en éloigner et s’en rapprocher à nouveau, avant de finalement l’éviter. Parfois, une dispute surgissait ou quelqu’un était blessé, et les gens se sentaient incompris. Tout cela me paraissait très étrange et je ne comprenais vraiment pas pourquoi les adultes se comportaient ainsi. Leur mode de communication et les rapports qu’ils entretenaient entre eux me déroutaient vraiment. J’ignorais ce qui se jouait exactement, mais quelque chose me semblait anormal.

Croire en nos pensées

Tandis que j’écoutais et observais, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, et même année après année, un jour j’ai eu une révélation : « Oh la ! Les adultes croient ce qu’ils pensent ! Voilà pourquoi ils souffrent. Voilà pourquoi ils entrent en conflit. Voilà pourquoi ils se comportent étrangement, de manière que je ne comprends pas. Ils croient vraiment leurs pensées. » Pour un jeune enfant, c’était vraiment une notion singulière. Cela m’était tout à fait étranger comme idée. Bien sûr, il y avait des idées dans ma tête, mais quand j’étais enfant, il n’y avait pas dans mon esprit de commentaires récurrents qui défilaient continuellement comme chez les adultes. Essentiellement, j’étais trop occupé à m’amuser ou à écouter, à m’émerveiller ou à m’étonner de quelque aspect de la vie. Je me suis rendu compte que les adultes passaient beaucoup de temps à penser et, encore plus important — et plus bizarre, me semblait-il — ils croyaient ce qu’ils pensaient. Ils croyaient aux pensées dans leur tête.
Tout à coup, j’ai saisi ce qui arrivait quand les adultes communiquaient entre eux : en réalité, ils transmettaient leurs pensées, et chacun croyait que ce qu’il pensait était vrai. Le problème, c’était que chaque personne avait des idées différentes sur ce qu’elle tenait pour la vérité. Ainsi, les communications impliquaient une négociation tacite, une tentative de convaincre les autres et de défendre ses idées et ses opinions.
À mesure que je constatais ce phénomène chez les adultes, cela m’a frappé : « Ils sont dingues ! Je comprends maintenant : ils sont fous. Il est insensé de croire les pensées qui occupent notre tête. » Curieusement, cette découverte en tant qu’enfant m’a procuré un grand soulagement. J’étais soulagé de commencer au moins à comprendre cet étrange monde des adultes, même s’il m’apparaissait plutôt insensé.
En relatant cette expérience au fil des ans, je me suis aperçu que d’autres personnes avaient fait cette même constatation au sujet du monde adulte durant leur jeunesse. Toutefois, plutôt que de se sentir soulagés, de nombreux enfants s’étaient mis à se poser des questions, à se demander s’il y avait chez eux quelque chose d’anormal. C’est une expérience effrayante pour un enfant de penser que les adultes qui lui sont chers, qu’il aime et dont dépend sa survie, pourraient bien être aliénés.

Le dilemme de la souffrance humaine

De mon côté, pour une raison qui m’échappe, cette révélation ne m’a pas amené à craindre le monde des adultes. J’étais plutôt content de pouvoir enfin au moins comprendre leurs agissements. À mon insu, j’étais en fait en train d’acquérir des connaissances au sujet de l’un des grands dilemmes de l’être humain : les causes de la souffrance. Bouddha s’est interrogé sur cette question il y a plus de 2 500 ans : quelle est la cause de la souffrance chez l’être humain ?
Quiconque d’entre nous jette un regard sur le monde y voit, bien sûr, une indescriptible beauté et un grand mystère. Il y a tant de choses à apprécier et à admirer. Toutefois, nous ne pouvons réellement considérer l’humanité sans reconnaître qu’il y existe aussi beaucoup de souffrance et d’insatisfaction. Il y a beaucoup de violence, de haine, d’ignorance et de cupidité. Pourquoi, nous les humains, souffrons-nous autant ? Pourquoi semblons-nous tenir à la souffrance comme à un bien précieux ?
Ayant grandi avec des chats et des chiens, j’ai remarqué qu’un chien pouvait se fâcher contre nous — il peut être déçu, se sentir blessé et nous en vouloir — mais en quelques minutes ou secondes parfois, il oublie tout. Il délaisse la souffrance pour retrouver son état naturel de bonheur en très peu de temps. Je me suis posé cette question : « Pourquoi les humains ont-ils tant de difficulté à se débarrasser de leur souffrance ? Pourquoi portons-nous ce fardeau en nous ? » D’une certaine manière, la vie de nombreuses personnes se définit par les événements qui les ont fait souffrir ; elles souffrent à cause de circonstances ayant eu lieu il y a très, très longtemps. Et même si la situation a maintenant changé, en un sens, la personne revit ces événements, si bien qu’elle entretient sa souffrance. Que se passe-t-il donc ?
Cette découverte que j’ai faite quand j’étais enfant, même si à l’époque j’ignorais sa portée, a constitué la prémisse de ma compréhension de la souffrance humaine. Il m’est apparu de plus en plus clair que l’une des principales causes de la souffrance était le fait de croire ce que nous pensons. Les pensées dans notre tête s’immiscent dans notre conscience à notre insu, s’incrustent, et nous nous y attachons. Plus nous nous identifions à elles, plus nous nous y raccrochons. Cette idée que j’ai découverte durant l’enfance était plus significative que je ne le croyais. Il m’a fallu de nombreuses années, sans doute plusieurs décennies, avant de me rendre compte que les causes de notre souffrance prenaient racine dans ce que j’avais perçu comme enfant. Nous souffrons principalement parce que nous croyons aux pensées dans notre tête.
Et pourquoi agissons-nous de la sorte ? Pourquoi accordons-nous foi aux pensées dans notre tête ? Pourtant, nous ne croyons pas aux pensées qui circulent dans la tête des autres quand elles nous sont adressées. Lorsque nous lisons un livre — en réalité la transcription des pensées d’une autre personne — nous en acceptons certaines et en délaissons d’autres. Pourquoi donc sommes-nous aussi enclins à nous emparer des pensées qui se produisent dans notre propre esprit, à nous y raccrocher et à les laisser nous définir ? Il semble que nous ne parvenions pas à nous en détacher même quand elles nous font beaucoup souffrir.

Le côté obscur du langage

En grande partie la programmation qui nous pousse à croire nos pensées s’amorce dans notre éducation et lors du processus tout à fait naturel de l’acquisition du langage. Pour un enfant, le langage est une découverte extraordinaire. C’est formidable de pouvoir nommer les choses. Il est très avantageux de pouvoir désigner un objet et dire : « Voici ce que je veux ! » « J’aimerais avoir un verre d’eau. » « Je voudrais de la nourriture. » « Je veux qu’on change ma couche. » Découvrir le langage et commencer à s’en servir constitue une grande avancée.
Notre propre nom est l’un des éléments les plus puissants du langage quand nous sommes jeunes. Je me rappelle ce moment où j’ai fait cette découverte. Je répétais sans cesse mon nom dans ma tête, car je trouvais cela très amusant. C’était une belle trouvaille : « Oh, voici qui je suis ! »
À mesure que nous grandissons, la plupart d’entre nous entretenons un certain engouement pour le langage. Le langage nous est utile pour communiquer des trucs surprenants ; c’est un outil efficace pour faire part de notre expérience et évoluer dans la vie. En vieillissant, il devient pour nous un moyen d’exprimer notre créativité et notre intelligence. Mais, comme toute chose, le langage a aussi un côté obscur. La pensée possède également un côté obscur et c’est précisément celui que nous méconnaissons. Personne ne nous enseigne qu’il est peut-être dangereux de croire les pensées de notre esprit. Nous apprenons exactement le contraire. En fait, dès l’enfance, nous sommes programmés — par nos parents, notre entourage et les autres — à peu près comme un ordinateur. Nous apprenons à penser en termes d’absolu. Une chose est soit ceci ou cela, bonne ou mauvaise, noire ou blanche. Cette programmation influe sur notre mode de pensée et notre perception du monde. Est-ce bleu ? Est-ce rouge ? Est-ce gros ? Est-ce grand ?
Le grand maître spirituel Krishnamurti a déjà dit ceci : « Quand vous apprenez à un enfant qu’un oiseau s’appelle ‘oiseau’, plus jamais il ne voit l’oiseau. » En effet, il ne voit plus que le mot « oiseau ». Voilà ce qu’il verra et percevra et quand il regardera dans le ciel et apercevra cet étrange être ailé en plein vol, il oubliera qu’en fait il est témoin d’un immense mystère, qu’il ne sait pas vraiment ce que c’est. Il oubliera que ce qui vole là-haut dans le ciel échappe aux mots, que c’est une expression de l’immensité de la vie. C’est en réalité une chose extraordinaire et merveilleuse qui vole dans le ciel. Toutefois, dès que nous lui donnons un nom, nous croyons savoir ce que c’est. Nous voyons « oiseau » et l’oublions presque aussitôt. Un « oiseau », un « chat », un « chien », un « humain », une « tasse », une « chaise », une « maison », une « forêt » — toutes ces choses ont reçu un nom et dès lors, toutes ont perdu une part de leur vitalité naturelle. Évidemment, il nous faut apprendre ces noms et créer des concepts à partir d’eux, mais si nous nous mettons à croire que ces noms et les concepts qui en découlent sont réels, nous sommes alors engagés dans un processus où nous devenons obnubilés par le monde des idées.
La capacité de penser et d’utiliser le langage comporte un aspect obscur ; sans notre vigilance et employée malencontreusement, elle peut provoquer de la souffrance et des conflits inutiles. Car après tout, c’est ce que fait la pensée : elle nous sépare. Elle classifie. Elle nomme. Elle divise. Elle explique. Par ailleurs, la pensée et le langage comportent un aspect fort utile, c’est pourquoi il est essentiel de les développer. L’évolution s’est déroulée très laborieusement pour que nous acquérions la capacité de penser avec cohérence et rationnellement, autrement dit, de manière à assurer notre survie. Toutefois, quand nous posons notre regard sur le monde, nous constatons que la seule chose qui a évolué pour nous aider à survivre est aussi devenue une forme d’emprisonnement. Nous avons été piégés dans un monde imaginaire, où nous vivons essentiellement dans notre esprit.
De nombreux enseignements spirituels anciens traitent de ce monde fantasmé. Quand beaucoup de saints et de sages ancestraux affirment : « Votre monde est un rêve. Vous vivez dans l’illusion », ils font référence à ce monde de l’esprit et à la croyance en nos pensées à propos de la réalité. Lorsque nous percevons le monde et les autres par l’intermédiaire de nos pensées, nous cessons de les appréhender tels qu’ils sont réellement. Quand j’ai une pensée à votre sujet, il s’agit d’une création de ma part. Je vous transforme en une idée. En un certain sens, en ayant sur vous une idée à laquelle je crois, je vous dégrade. Je fais de vous quelque chose de très petit. Voilà ce que les êtres humains se font les uns aux autres.
Pour comprendre réellement la cause de la souffrance humaine et comment nous pouvons potentiellement nous en libérer, il nous faut examiner de très près ses racines. Lorsque nous croyons ce que nous pensons, quand nous tenons nos pensées pour la réalité, nous souffrons. Il faut s’y arrêter pour s’en rendre compte : quand nous croyons nos pensées, nous vivons dès lors dans l’imaginaire, où notre esprit conceptualise tout un monde qui n’existe pas vraiment en dehors de lui-même. Nous commençons alors à éprouver un sentiment d’isolement ; nous ne nous sentons plus liés les uns aux autres dans une riche expérience humaine. Nous nous éloignons de plus en plus dans l’univers de notre esprit, dans un monde issu de notre propre création.

Émerger de la matrice de la souffrance

Comment y échapper ? Comment éviter de nous perdre dans nos pensées, nos hypothèses, nos croyances et nos opinions ? Comment parvenir à nous échapper de cette matrice de la souffrance ?
Nous devons faire en premier lieu une observation toute simple mais très puissante : toutes pensées — bonnes ou mauvaises, bienveillantes ou méchantes — se produisent à l’intérieur de quelque chose. Toutes les pensées émergent et disparaissent dans un vaste espace. En prêtant attention à votre esprit, vous constaterez qu’une pensée se produit simplement par elle-même ; elle émerge sans aucune intention de votre part. En réaction, nous apprenons à nous l’approprier et à nous y identifier. Toutefois, si nous pouvions, juste un instant, renoncer à cette fâcheuse tendance à s’accrocher à nos pensées, nous remarquerions quelque chose de très profond : les pensées émergent et passent par elles-mêmes, spontanément, à l’intérieur d’un vaste espace. En réalité, notre esprit agité existe à l’intérieur d’un lieu de tranquillité très, très profond.
Ce n’est peut-être pas apparent à prime abord parce que nous sommes habitués à concevoir le silence et la tranquillité comme appartenant à l’environnement extérieur. Mon foyer est-il tranquille ? Le chien des voisins a-t-il cessé d’aboyer ? La télé est-elle éteinte ? Ou encore, nous y pensons comme des états internes. Mon esprit est-il agité? Mes émotions se sont-elles calmées ? Est-ce que je me sens détendu ? Toutefois, le silence et la tranquillité dont je parle ne sont pas relatifs. Ce n’est pas une absence de bruit, ni même d’agitation mentale. Il s’agit plutôt de prendre conscience qu’il existe un silence toujours présent, et que du bruit se produit à l’intérieur de ce silence, même le bruit mental. Vous pouvez commencer à voir que chaque pensée apparaît sur la toile de fond du silence absolu. La pensée émerge littéralement d’un monde sans pensée, et chaque idée apparaît dans ce vaste espace.
À mesure que nous considérons la nature de la pensée et que nous nous demandons quoi ou qui est conscient de cette pensée, la plupart de nous sommes convaincus : « Eh bien, c’est moi qui remarque la pensée. » C’est ce que nous avons appris et tenons naturellement pour acquis : « vous » et « moi » sont des individus différents, qui « pensent » leurs pensées. Qui d’autre le pourrait ? Cependant, tout bien réfléchi, vous vous rendez compte que ce n’est pas tout à fait vrai que vous êtes celui qui pense. La pensée se produit simplement. Elle se produit, que vous le vouliez ou non. À mesure que vous percevez ce processus, ce peut être un choc de constater que votre esprit produit sa propre pensée et y met fin par lui-même. Si vous arrêtez d’essayer de contrôler votre esprit, vous remarquez que la pensée se produit dans un espace très vaste. C’est une découverte extraordinaire, qui nous révèle qu’il y a autre chose que la pensée, que nous ne nous résumons pas simplement aux pensées qui circulent dans notre esprit.
Quand nous croyons nos pensées, quand au niveau le plus profond, nous croyons qu’elles sont vraiment la réalité, nous constatons que cela nous mène directement à la frustration, à l’insatisfaction et finalement à toutes sortes de souffrances. Cette prise de conscience est un premier pas vers la libération de la souffrance. Il faut toutefois comprendre un autre point encore plus fondamental. Cette compréhension plus profonde survient longtemps après que nous avons formé nos opinions, nos croyances et notre capacité de créer des concepts. Pourquoi, même après avoir compris que c’est notre esprit qui nous fait souffrir, nous accrochons-nous encore si fortement et si intensément à lui ? Pourquoi tenons-nous tant à cette identification, au point d’avoir parfois l’impression d’en être prisonniers ? Nous le faisons, entre autres, parce que nous croyons que le contenu de notre esprit — nos croyances, nos idées, nos opinions — est ce qui nous définit. C’est l’illusion première : je suis ce que je pense, je suis ce que je crois, je suis un point de vue particulier. Pour nous aider à dépasser cette illusion, il faut faire un examen plus profond pour voir ce qui nous pousse à concevoir le monde de cette façon.

Que cherchons-nous ?

Dans l’évangile selon Thomas, écrit peu après la mort de Jésus, se trouve une citation qui lui est attribuée : « Que celui qui cherche ne cesse de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et quand il aura trouvé, il sera troublé; quand il sera troublé, il sera émerveillé. Alors, il régnera sur le Tout. » Ce sont les premières paroles de Jésus dans cet évangile et, sous plusieurs aspects, c’est l’enseignement le plus troublant de tout le recueil. « Que celui qui cherche ne cesse de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. » Que cherche celui qui cherche ? Que cherchez-vous ? Que cherchent réellement les êtres humains ? Nous le nommons de multiples façons — Dieu, argent, approbation, pouvoir, contrôle — mais en réalité, ce que nous recherchons c’est le bonheur. Nous recherchons ces choses extérieures parce que nous croyons qu’en les atteignant nous serons heureux. Ainsi, peu importe ce que nous disons chercher — Dieu, argent, pouvoir, prestige — fondamentalement, ce que nous cherchons c’est le bonheur. Si nous ne croyions pas que notre quête puisse nous apporter le bonheur, nous ne la poursuivrions pas.
Dans cette citation, Jésus commence avec des encouragements et des directives en enjoignant celui qui cherche à ne pas s’arrêter tant qu’il n’a pas trouvé — le bonheur, la paix, ou la réalité elle-même. Et en vérité, tant que la réalité n’est pas clairement perçue, telle qu’elle est, aucun bonheur ou aucune paix durable ne peut exister. Nous devons donc trouver d’abord ce qui est réel, qui nous sommes et ce qu’est essentiellement la vie. Nous sommes encouragés à continuer de le faire, à aller toujours plus loin, jusqu’à ce que nous trouvions. Cela s’avère un défi puisque la plupart d’entre nous ignorons comment chercher. Pour la majorité, chercher n’est qu’une autre forme de cupidité et de réussite. Mais ce n’est pas ce dont Jésus parle ici.
Jésus fait référence à une sorte de quête qui a été révélée il y a fort longtemps : la quête intérieure. Tout bien considéré, quoi que nous puissions acquérir de l’extérieur finira par disparaître. C’est la loi du caractère éphémère, qu’a enseignée le Bouddha, il y a quelques milliers d’années. Que ce soient le pouvoir, le contrôle, l’argent, les gens, la santé, tout ce que vous voyez autour de vous est en processus d’émergence, puis de décomposition. Tout comme vos poumons aspirent puis expirent de l’air, il est nécessaire que les choses déclinent pour que la vie reprenne un second souffle. C’est l’une des lois de l’univers : tout ce que vous voyez, goûtez, touchez et sentez finira par retourner à sa source originelle, afin de renaître et réapparaître, avant de s’évanouir à nouveau dans la source.
Toute la puissance de cette citation est révélée dans la deuxième phrase : « Et quand il aura trouvé, il sera troublé. » Il nous est indiqué ici pourquoi la plupart des gens ne trouvent pas un bonheur durable : la plupart des gens ne veulent pas être troublés. La plupart de nous ne voulons pas être perturbés. Nous ne souhaitons pas que notre quête de bonheur comporte des difficultés. En fait, nous voulons que le bonheur nous soit servi sur un plateau d’argent. Cependant, pour découvrir le véritable bonheur, il faut accepter d’être perturbés, surpris, de nous tromper et d’explorer un puits très profond d’ignorance.
Que signifie « être perturbé » et pourquoi serions-nous prêts à l’être ou le souhaiterions-nous d’une manière ou d’une autre ? Pour le comprendre, nous devons étudier de très près notre esprit, les choses auxquelles nous croyons, les pensées auxquelles nous nous accrochons. Nous devons examiner notre dépendance au contrôle, au pouvoir, au prestige et à l’approbation — toutes ces choses qui, en fin de compte, nous font souffrir. Ces choses qui existent dans le monde, extérieures à nous, peuvent nous procurer un certain bonheur et une satisfaction temporaire, mais pas l’épanouissement profond que nous désirons tous. Elles échouent à donner une réponse aux causes de la souffrance et, au final, ell...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Préface de l’éditeur
  5. Introduction
  6. 1 Le dilemme humain
  7. 2 Élucider nos souffrances
  8. 3 S’éveiller de la transe de l’ego
  9. 4 Renoncer à la lutte
  10. 5 L’énergie brute des émotions
  11. 6 La stabilité intérieure
  12. 7 L’intimité et la disponibilité
  13. 8 La fin de la souffrance
  14. 9 L’autonomie véritable
  15. 10 Au-delà du monde des dualités
  16. 11 S’ouvrir à la grâce
  17. Au sujet de l’auteur