Deuxième partie
LA PAIX VIENT…
Chapitre 6
LA PAIX VIENT…
… quand nous donnons vraiment
Quand nous pensons aux personnes que nous chérissons le plus — nos amis, nos oncles, nos tantes, nos frères et sœurs, nos mères adorées et nos merveilleux pères —, nous les aimons énormément et ce sont les personnes les plus belles au monde à nos yeux. Mais le fait de beaucoup les chérir ne veut pas automatiquement dire qu’elles sont dotées d’une sagesse remarquable. Elles possèdent peut-être l’intelligence, des connaissances et un brillant savoir-faire rompu aux usages du monde, mais ça n’équivaut pas à de la sagesse. Notre amour pour quelqu’un et sa bonté à notre égard ne veulent pas nécessairement dire qu’il ou elle est doté d’une sagesse supérieure ou de la sagesse d’un Bouddha.
Alors par amour pour ces personnes, nous faisons des choses qui peuvent être mauvaises. Elles sont peut-être bonnes sur le moment, mais pourraient leur causer du tort à long terme. Ce que nous devrions faire, c’est apprendre le dharma avec art et le leur apporter à travers nos actes, pas seulement nos explications.
Quand nous sommes dans le dharma depuis quelques années, nous entreprenons parfois d’essayer d’expliquer des choses à des personnes plus âgées, plus éduquées et plus expérimentées. Elles pourront avoir l’impression que nous les traitons comme des enfants, parce qu’elles ont l’habitude de nous voir dans une position semblable à celle d’un enfant. Donc, même si nous acquérons plus de sagesse et que nous nous mettons à leur parler, ce ne sera peut-être pas bénéfique sur-le-champ. Quoi qu’il en soit, nous pouvons faire connaître le dharma à nos amis, à nos enfants, à nos êtres chers et à ceux qui ont été très bons pour nous, en agissant en accord avec le dharma.
Vous vous demandez peut-être comment vous pouvez à ce stade mettre immédiatement en pratique un dharma profond et pénétrant. Agir en accord avec le dharma est très, très simple. Le dharma profond et pénétrant, ce n’est pas les tantras ni les divinités, porter des ornements des dieux ou des pendentifs, donner des millions de dollars et des cadeaux. Donner n’est pas une grosse affaire. Quand vous regardez le monde, une foule de vedettes de cinéma ont eu un succès fou parce qu’elles ont « donné » quelque chose et reçu autre chose en échange. Si vous êtes une belle femme vivant dans une grande ville cosmopolite, par exemple, vous réussirez probablement très bien. Vous avez donné quelque chose pour qu’on vous donne autre chose en échange. Ce n’est pas vraiment un don. En fait, c’est être âpre au gain, au fond.
Ce n’est pas la fortune qui détermine le don. N’utilisez jamais votre position financière comme critère pour donner ou déterminer si vous pouvez donner ou pas. Si vous pensez que ça équivaut à donner, vous avez absolument et complètement tort. Il y a une foule de manières de donner qui sont de beaucoup supérieures au don d’argent (cependant, nous ne devrions pas utiliser ça non plus comme excuse pour être avares et radins, ou parce que nous ne voulons tout simplement pas donner. Nous ne devons pas nous laisser manipuler par notre mental.)
Le vrai don est une chose très, très différente. Le vrai don n’est pas déterminé par qui donne et qui reçoit, ni par la manière dont il est fait ni l’endroit où il est fait. Le vrai don ne peut pas être jugé. Le vrai don ne peut pas être compris. Le vrai don a des avantages pour celui qui donne et celui qui reçoit, et ces avantages ne sont pas fugaces ; ils durent longtemps et se prolongent dans de nombreuses vies futures. Si le don est totalement juste au départ, il revient et n’arrête jamais jusqu’à ce que vous deveniez un Bouddha totalement illuminé.
La mère donnant une éducation à son enfant en l’envoyant à l’école ne donne pas vraiment, même si je sais que c’est un peu choquant à entendre pour vous. C’est une forme de don, mais ce n’est pas vraiment un vrai don. C’est un attachement, qui fait que la mère pense : « Moi, moi, moi, à moi, à moi, à moi, mon enfant, je veux ». Si vous vous souciez réellement des gens, pourquoi choisissez-vous votre enfant ? Je ne suis pas en train d’essayer de déboulonner des valeurs, de vous dire d’arrêter d’éduquer vos enfants. Je suis en train de vous donner la vérité. Vous devriez continuer de donner à ceux que vous aimez et de prendre soin d’eux, mais ne considérez pas que c’est exactement la même chose que le vrai don.
Il y a beaucoup, beaucoup de degrés de don, extérieurement et intérieurement. La constance est une forme de don extrêmement bénéfique ; c’est une très, très grosse partie du fait de donner. La constance, c’est quand vous dites que vous allez faire quelque chose et que vous le faites, vous continuez de le faire et vous le faites jusqu’au bout. Vous avantagez les personnes autour de vous et celles que vous aimez. Dire que vous allez entreprendre un projet et le mener à terme — et le faire —, c’est donner.
Si vous vous offrez bénévolement pour certaines activités au centre de dharma, vous les faites, vous les menez à terme, vous continuez de les faire et vous ne les faites pas juste pour plaire aux gens, c’est donner. C’est une sorte de don où vous inspirez confiance aux gens. Vous vous donnez de la confiance. Vous reprenez l’habitude d’être autrement. Donner est très, très profond.
Si vous donnez avec constance — que ce soit en balayant votre maison pour votre partenaire ou en balayant le centre de dharma — et que vous le faites sans être relancé, surveillé et qu’on vous le demande, c’est donner. Vous donnez tellement parce que quand quelqu’un compte sur vous et que vous lui donnez, vous aidez les autres personnes qui comptent sur lui ou elle et les autres qui comptent sur elles et ainsi de suite. Vous donnez et ça se répand.
Par exemple, je pourrais promettre à un ami de l’emmener en voiture au travail tous les mardis. Je devrais le faire toutes les semaines et ne pas inventer d’excuses bidon ; si, pour une raison ou une autre, je ne peux pas l’emmener, je devrais prendre d’autres arrangements et l’en informer. Voyez-vous, il a peut-être d’autres arrangements de son côté — comme prêter sa voiture à ses parents ce jour-là ; ne pas demander à ses autres amis de l’emmener ; économiser un peu d’argent sur l’essence pour pouvoir mettre de l’argent de côté pour s’acheter une nouvelle statue de Bouddha. Ça a un effet sur beaucoup de gens.
En fait, nous sommes déjà constants en tout temps. Nous nous évaluons tous les jours. Si nous sommes des vedettes de cinéma ou des mannequins de mode, nous évaluons notre apparence physique. Si nous sommes courtiers immobiliers, nous nous évaluons ainsi que notre connaissance de la région. Si nous sommes rois ou reines, nous nous évaluons constamment à partir de ce que le public pense de nous — si nous nous vêtons correctement, ce que nous devrions faire, ce que devrait être notre protocole.
Nous sommes déjà tout le temps en train de faire ça. Ne voyez pas ça comme quelque chose d’étranger au dharma ; ne séparez pas le dharma de votre vie ordinaire. Le dharma n’est pas différent de votre vie ordinaire. Le dharma est la vie.
Quand nous donnons, il n’est pas nécessaire que ce soit de l’argent. Ça peut être une forme très profonde de don, comme le don intérieur. Le don est constance. L’amour vient de la constance. La constance, c’est quand vous dites que vous allez faire quelque chose et que vous le faites. Nous avons tous des mauvais jours et des jours horribles, mais nous ne pouvons pas nous servir de ça encore et encore pour être de mauvaise humeur, pour être indignes de confiance, méchants, déplaisants, malveillants et impolis, et le propager chez les autres. Ils pourront nous pardonner chaque fois, mais nous, sommes-nous capables de nous pardonner ? Et quand nous nous pardonnerons, les autres seront-ils toujours là ?
Ne me dites pas que vous n’avez pas d’argent. Vous n’auriez pas pu arriver à cette étape de votre vie si vous n’en aviez pas. Ne me dites pas que lorsque vous aurez un million de dollars, vous ferez ceci et cela. Si ce n’est pas pour se produire, ça ne se produira pas. Si vous n’avez pas l’attitude juste dès maintenant, vous ne l’aurez pas plus tard non plus quand l’argent viendra. Et même si l’argent vient, vous aurez une foule d’autres choses à faire avec.
Ne dites pas que vous n’avez pas les moyens financiers ni la capacité matérielle d’être constant, d’aimer les gens autour de vous et de leur montrer que vous les aimez. Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas de soutien matériel, mais qui sont très heureux avec leur entourage.
Il est très, très important d’être constant dans ce que vous faites et de vous défaire de vos mauvaises habitudes. Si vous êtes motivé par le dharma et pensez : « Je veux faire grandir le centre, je vais faire preuve de constance en étant bon, je ne vais pas élever la voix, je vais nettoyer, je vais balayer, je vais faire des offrandes, je ne vais pas me plaindre », et que vous vous engagez face aux Bouddhas, à votre professeur, à vous-même, et que vous le faites avec constance, vous mettez le dharma en pratique.
Vous devez vous exercer à la constance si vous voulez plaire aux Bouddhas, à vos lamas, à vos frères et sœurs dans le dharma, et si vous voulez mourir en toute confiance. C’est le nouvel âge. C’est le bouddhisme. C’est la vie. C’est vrai. C’est attirant pour tout le monde, partout. Si vous voulez voir ça du point de vue de la constance selon les bouddhistes, vous êtes un adepte du bouddhisme. Si vous voulez le faire du point de vue de votre amour pour quelqu’un, c’est le véritable amour. Si vous voulez le faire pour vous améliorer, c’est la véritable amélioration de soi.
Donner commence dès maintenant, par votre esprit qui se défait de ses habitudes. Ce n’est pas mal d’avoir ces habitudes. Personne n’est mauvais. C’est la programmation culturelle que nous avons reçue tout au long de nos vies. En partant de cultures très fortes (comme les cultures chinoise, européenne et américaine) qui accordent beaucoup de valeur à l’argent, à la famille, à l’éducation, au statut et le reste, nous pouvons entièrement transformer tous ces éléments pour les utiliser à des fins encore plus grandes. L’attitude est là. C’est notre façon d’user de cette attitude pour faire de plus grandes choses qui nous sera profitable ainsi qu’aux autres.
Alors, l’application du dharma commence maintenant. Ne prenez pas 20 engagements. Prenez-en juste deux ou trois. Et ne jurez pas à la planète entière, à toutes les créatures conscientes que vous allez faire ça. Nous ne sommes pas Guanyin17. Acceptons-le. Ce que j’accepte à la place, c’est que « je suis Tsem Rinpoché, j’ai des capacités mentales limitées et une constance limitée, mais je vais la faire grandir ».
Le but de la vie est d’être heureux. Ne parlez même pas d’Illumination pour l’instant, parce que vous aurez aussi des excuses pour ça ! Vous dites : « Je n’ai pas à me soucier de ça. C’est trop loin. Ne vous en faites pas pour moi. » C’est bien, je suis de votre avis en ce moment. Mais… et vos parents, vos êtres chers, votre mari, votre femme, vos enfants et vos amis ? Que diriez-vous de les aimer et de le leur montrer ? Vous pouvez le faire en étant constant.
Alors, si vous promettez quelque chose à vos parents, faites-le ! Faites-le quel qu’en soit le prix — pour vous, votre rapport avec vos amis, vos plaisirs personnels et votre temps. Faites-le ! Si vous promettez quelque chose à votre fille ou à votre fils, faites-le. Si vous promettez quelque chose à vos clients et à vos amis, faites-le. Si vous promettez quelque chose à un centre de dharma, faites-le. Et faites-le avec constance. C’est extrêmement important d’être constant. Il est très important d’être constant avec ceux que vous aimez. Quand nous cultivons la constance, elle s’étend à d’autres.
De façon plus large, nous pourrons nous sentir impuissants à aider les autres, sachant que nous ne pouvons rien faire directement pour eux en ce moment. Cependant, nous pouvons entreprendre d’être constants et de tenir nos promesses au prix de notre vie. Je n’ai pas l’intention d’être dramatique à ce point, mais c’est la somme d’efforts que nous devrions investir dans notre discipline. Nous devrions être constants dans ce que nous faisons pour aider les gens, peu importe ce que c’est, et dans les promesses que nous avons faites, quelles qu’elles soient.
Je vous donnerai un yidam de très haut niveau, une excellente application « tantrique secrète » : faites en sorte qu’on n’ait jamais à courir après vous. Faites en sorte qu’on n’ait jamais à vous rafraîchir la mémoire. C’est la pratique la plus élevée de la divinité tantrique. C’est mieux que les pratiques de Tsongkhapa18, de Vajrayoginī ou de Jambāla19. Faites en sorte qu’on n’ait jamais à courir après vous de quelque manière et pour quelque raison que ce soit.
N’attendez pas que quelqu’un vous rafraîchisse la mémoire. Ne parlons même pas de la souffrance que vous avez créée dans un autre esprit ; dès que vous laissez quelqu’un vous rafraîchir la mémoire, vous êtes perdant parce que vous revenez à l’habitude de la négativité, et la mauvaise attitude en vous devient plus forte. Pourquoi voudriez-vous faire ça ? Ça ne fait que créer plus de malheur.
Combien de temps pensez-vous que les gens que vous aimez peuvent vous endurer et endurer votre façon de parler ? Ils vous aiment probablement, mais ils ne veulent peut-être pas être avec vous. Ils se soucient probablement de vous, mais ils ne sont peut-être pas capables de vivre avec vous ou de vous encadrer. Ils vous aideront probablement tout le reste de votre vie et ils seront toujours là pour vous, mais ils ne peuvent pas être avec vous physiquement parce que vous vous créez beaucoup de souffrances et ça leur fait mal.
Vous attirerez qui vous ressemble. Regardez autour de vous : les amis que vous avez, les gens qui vous entourent et leur niveau, et vous saurez ce que vous attirez. Si vous fréquentez des gens qui vous trompent, c’est ce que vous attirez et c’est l’énergie que vous émettez. Si vous êtes constamment avec des gens déprimés et d’humeur changeante, qui ne veulent rien faire ni rien accomplir, vous devez réfléchir pour savoir si c’est vous qui êtes ainsi et si c’est ce que vous attirez.
Si nous attirons cette énergie toxique — visages revêches, sourcils froncés, personnes qui nous ignorent —, nous devons penser : « Oui, je comprends, ils me font ça, mais est-ce que je fais ça aussi ? » Ne restez pas assis sur vos lauriers à vous justifier et à expliquer de long en large. Faites quelque chose.
Chapitre 7
LA PAIX VIENT…
… quand nous regardons au-delà de l’autel de notre moi
Quand vous avez la conscience, vous faites moins souffrir les gens autour de vous.
La constance naît de la conscience, laquelle est à l’origine de tous les schémas de comportement. La conscience est une application humaine très puissante, un outil humain qui nous rendra heureux, harmonieux, aimants, attentionnés et vigilants. La conscience engendre la conscience. S’exercer à être « conscient », vigilant et constant apporte la pleine conscience. Nous apprenons petit à petit à voir les besoins des autres.
Voilà pourquoi les disciplines et les moines des traditions sacrées des formes de bouddhisme pratiquées dans le sud comme en Birmanie, au Cambodge, au Laos, au Sri Lanka et en Thaïlande, sont tous axés sur Vipassanā20. Je l’ai vu à Boddh Gayā. Ils marchent de long en large dans le temple, les yeux fermés ou à moitié fermés, en plaçant un pied devant l’autre et en se concentrant avec lenteur sur leur respiration. Ils se coupent entièrement de tout, mais ce faisant, tout se fait absorber parce que leur esprit devient concentré. Ils s’exercent ainsi durant des années. J’ai lu que de grands maîtres birmans et des maîtres thaïlandais du nord du pays s’adonnent à cette discipline de la conscience et atteignent des états exaltés.
Ce n’est pas pour les torturer. C’est pour apporter la conscience à leur esprit, de telle sorte qu’il n’est pas distrait par d’autres activités concurrentes. Grâce à la discipline de la conscience, le premier résultat est que le mal immédiat qu’ils font aux autres — faire tomber des choses, briser des choses, oublier des rendez-vous, des promesses et des engagements, et ne pas s’en soucier — devient moindre et finit par ne plus exister.
Au niveau suivant, ils sont capables d’absorber des connaissances très rapidement, parce que leur esprit est concentré. Les connaissances sont mises en œuvre, et ils n’ont plus besoin de personne pour veiller à leur application.
Ensuite, ils passent à une forme plus élevée de pratique qui les fait s’exercer assidûment et profondément à la conscience (ce qui ne veut pas dire qu’il faut des années, juste qu’ils concentrent leurs efforts). Ils commencent à se rappeler et à se remémorer des souvenirs enfouis venant de leur prime enfance ; ils commenceront même à se rappeler des choses survenues quand ils étaient dans l’utérus de leur mère. Si nous sommes capables de le faire par la thérapie régressive, nous pouvons certainement le faire en méditant, parce que la thérapie régressive n’a rien de nouveau. Quand la conscience devient encore plus sublime et subtile, ils commencent à voir différents types de lumières à différentes étapes ; leur concentration devient alors très profonde.
La méditation sur la conscience ne consiste pas à faire abstraction de tout, à tout bloquer et à rester simplement assis sans rien savoir. Aux premiers stades de cette méditation, vous faites abstraction des choses pas seulement pour en faire abstraction, mais pour fixer votre esprit. Et qu’est-ce que l’esprit ? La conscience.
Quand vous atteignez des états de conscience plus élevés, votre mémoire devient claire et vous êtes capable de vous remémorer facilement les choses ; ce que votre intellect absorbe n’est pas oublié. Vous pourriez avoir rencontré mille personnes et vous ne les oublieriez pas, ni leurs habitudes,...