Enseigner avec passion

À PARTIR DES CONDITIONS PROPICES À L'APPRENTISSAGE ET À L'ENSEIGNEMENT

Robert Durocher

• Éditeur: Les Éditions Crescendo!
• Année: 2021
• ISBN de l'eBook: 9782898310119
• Sujet: Education
• Sujet: Experimental Methods in Education

Robert Durocher partage son expérience et son vécu comme enseignant. Il fait une critique du système éducatif actuel du Québec, notamment de la réforme de l'Éducation, et propose quelques pistes de solution facilement applicables dans les écoles. Son livre est un véritable témoignage de terrain, car il raconte ses pratiques gagnantes aux enseignantes et enseignants.En outre, ses recommandations sont basées sur les données probantes et les méta-analyses en éducation.Quelques-uns de ses anciens élèves ont écrit un court témoignage de leur passage au secondaire, afin d'ajouter plus de crédibilité et d'intérêt à l'ouvrage.

Chapitre 2

Redonner l’autonomie
aux profs

La majorité des jeunes sont corrects. Plusieurs manquent, certes, de motivation. La plupart ignorent comment s’organiser adéquatement, beaucoup éprouvent des difficultés d’apprentissage, mais ils sont généralement sympathiques. Cependant, j’ai constaté que les élèves manquent de plus en plus de maturité, particulièrement les garçons. Je ne pense pas me tromper en affirmant que mes élèves de première secondaire étaient passablement plus autonomes lors de mes dix premières années d’enseignement. Par exemple, peu d’élèves venaient me voir pour me demander quoi faire lorsque le travail en classe était terminé. Lors de mes quinze dernières années de travail, c’était monnaie courante. Je devais tout prévoir.

—Monsieur, qu’est-ce que je fais ? J’ai terminé.

—Montre-moi ton travail, stp. Je veux vérifier si tu as bien travaillé.

Dans certains groupes, le travail était habituellement bien fait. En revanche, celui-ci était souvent incomplet, voire bâclé, dans les groupes plus faibles. Malheureusement, il y a de plus en plus de groupes faibles dans les écoles. J’ai entendu à maintes reprises des collègues de travail me dire que leurs élèves avaient beaucoup de difficultés d’apprentissage et/ou de comportement dans leurs groupes.

Je devais donc convaincre les élèves que leurs travaux étaient incomplets et en deçà de mes attentes. Certains retournaient à leur place afin de poursuivre les exercices à l’aide du manuel, mais pour d’autres, ce n’était pas aussi simple.

—J’comprends rien !

—Voyons, je suis certain que tu comprends plus que tu le penses ! Précise-moi où tu as de la difficulté ?

Je revoyais avec l’élève la matière vue durant le cours (avant les exercices à faire en classe). Je ne donnais pas la réponse, mais j’essayais de le guider, de l’orienter vers la solution. J’ouvrais son manuel de classe (qui ne devait pas être fermé), et j’allais directement à la page où l’élève pouvait lire le paragraphe expliquant le numéro à faire dans le cahier d’exercices. En somme, je me rendais compte que l’élève était en difficulté. Pourtant, j’avais expliqué les concepts correctement et je m’étais assuré auprès des élèves que mes explications étaient claires. De plus, les concepts étaient détaillés dans le manuel et dans le cahier d’exercices. Alors, c’était quoi le problème ?

L’apprentissage nécessite
un climat de classe favorable

La réponse est complexe. Tout d’abord, apprendre n’est pas facile, surtout apprendre et comprendre en peu de temps. Or, c’est une problématique importante dans nos écoles. Nous voulons que les élèves apprennent rapidement. Nous oublions que la compréhension de certains concepts a demandé des années, voire des siècles, pour se réaliser. À titre d’exemple, la photosynthèse a été comprise après plus de 200 ans d’observations, d’expérimentations et de recherches. Néanmoins, nos élèves devraient apprendre et comprendre ce phénomène naturel en quelques minutes.

Par ailleurs, plusieurs jeunes ont des difficultés importantes en lecture, car le vocabulaire de ces derniers est très limité. Je me souviens qu’un élève sur trois avait échoué son examen de lecture de sixième année du primaire à ma dernière année d’enseignement. Je ne critique nullement les profs du primaire, mais c’était un constat pour moi et mes collègues de première secondaire. Au début de l’année scolaire, nous avions donc en moyenne dix élèves ayant des difficultés en lecture dans nos classes. C’est beaucoup ! Un jour, une élève leva la main lors d’une évaluation :

—M. Durocher, je ne comprends pas la question !

—Pourtant, il me semble que la question est claire.

—Oui, mais je n’arrive pas à la comprendre.

Je me décidai à lui lire la question : Qui est le père de la génétique ?

Elle répondit immédiatement sur sa feuille de réponse : Gregor Mendel !

J’étais stupéfait ! Elle n’arrivait pas à saisir le sens de la question en la lisant. Pourtant, elle connaissait parfaitement la réponse. Ainsi, elle pouvait saisir mes explications en classe, mais elle avait de la difficulté à lire les renseignements du livre, du cahier d’exercices et des évaluations. Les problèmes des élèves en lecture expliquent, en partie, les faibles résultats de ceux-ci dans plusieurs cours du secondaire. Bien que certains jeunes s’améliorent dans ce domaine, plusieurs n’arrivent pas à combler leurs lacunes.

Ainsi, même lorsque le climat est calme dans la classe, le prof a devant lui plusieurs élèves fragiles ayant des difficultés importantes en français. À cela, il faut ajouter certains jeunes ayant des problèmes de comportement dans ces classes. Malheureusement, les difficultés d’apprentissage de quelques élèves sont souvent complexifiées par des problèmes de comportement de certains autres jeunes. En effet, l’enseignant doit non seulement apporter un soutien aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage, mais il doit aussi gérer les jeunes qui perturbent le cours de différentes façons : ils peuvent déranger les autres élèves en faisant délibérément des bruits divers ; ils peuvent bousculer certains camarades ; ils peuvent se lever inutilement dans le seul but d’attirer l’attention ; ils peuvent essayer de faire rire les autres élèves.

Comme je l’ai écrit dans le chapitre 1, j’essayais de responsabiliser les élèves perturbateurs en m’adressant à eux avec le plus grand respect possible. Cela fonctionnait généralement avec les élèves ayant été préparés aux contraintes et aux exigences scolaires par leur éducation familiale. Cependant, ce n’était pas suffisant pour certains autres jeunes. Ces derniers pouvaient avoir un plan d’intervention adapté (PIA), une feuille de route précisant quelques objectifs à atteindre au niveau du comportement pendant les cours, ou autres. De plus, il y a des élèves qui sont très malheureux, car ils vivent des situations très difficiles dans leur vie personnelle. Bref, il peut y avoir toute une panoplie de raisons expliquant les compo...

Table des matières

• Préface
• Introduction
• Enseigner, c’est convaincre
• Redonner l’autonomie aux profs