Je ferme les yeux pour couvrir l'obscurité
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Je ferme les yeux pour couvrir l'obscurité

  1. 192 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Je ferme les yeux pour couvrir l'obscurité

À propos de ce livre

Il y a si peu de livres traduits en français venus du Groenland que le lecteur – par ailleurs peut-être déjà familier avec les œuvres écrites par des étrangers sur ce pays et l'esprit rempli des images de pureté, de grandeur, de blancheur et de froid qu'ils ont véhiculées – se trouvera décontenancé en--- lisant ce petit recueil de nouvelles. Il aura l'impression d'entrer dans un monde jusqu'à ce jour occulté, loin des paysages grandioses dans lesquels des personnages se perdent dans les glaces et meurent de faim et de froid. Lorsqu'il fermera ce livre, le lecteur mesurera la distance qui sépare «?l'imaginaire du Nord et de l'Arctique?», construit depuis des siècles par les cultures européennes et nord-américaines, et les propos urgents et désespérants de cet écrivain groenlandais sur son pays, propos rongés de pensées noires, de haine, de révolte et d'un profond désarroi moral et social.Avec une introduction et une chronologie de Daniel Chartier, titulaire de la Chaire de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique et professeur à l'Université du Québec à Montréal.Traduction du danois par Inès Jorgensen et validation linguistique à partir du texte original groenlandais par Jean-Michel Huctin.

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JE FERME LES YEUX POUR COUVRIR L’OBSCURITÉ
I
QASAPI1
La souffrance
On dit que nous, les Groenlandais, nous avons eu beaucoup de chance d’avoir été colonisés par les Danois. On dit que nous n’avons qu’à regarder les autres colonisés. On dit que nous sommes beaucoup plus heureux qu’eux.
Ce sont de telles paroles que, devenu adulte, j’entends souvent lorsque je commence à parler de notre identité groenlandaise. Mais j’ai aussi ma propre identité groenlandaise.
Quand j’étais enfant, ma grand-mère avait l’habitude de me parler de nos ancêtres. Une ancienne coutume groenlandaise veut que les familles s’entraident, et il était donc tout à fait naturel que ma grand-mère s’occupe de moi pendant que mes parents travaillaient. Et, perpétuant ce qu’elle-même avait vécu dans sa jeunesse, elle observait une autre coutume, celle de me parler de nos ancêtres pour que je n’oublie pas mes racines.
Depuis que je suis devenu adulte, je me suis souvent demandé pourquoi il serait si important de connaître ses racines. Et j’ai eu la grande chance de pouvoir me rendre dans un autre pays et y vivre longtemps. Là-bas, j’ai compris combien il est important de connaître ses racines. Les racines donnent au peuple une unité. Les racines contiennent les coutumes observées par ce peuple au fil des ans. En cas d’adversité, les individus trouvent de la force dans ces coutumes et, si toute la société a des problèmes, ils y trouvent une cohésion. C’est ainsi chez tous les peuples que je connais. Ils ont une unité qui les rend forts et des coutumes qu’ils valorisent beaucoup et qu’ils suivent lorsqu’ils ont des crises personnelles.
C’est la même chose pour nous, les Groenlandais. Nous avons quelque chose à quoi nous tenons beaucoup et nous avons d’anciennes coutumes. Mais, au nom de la civilisation, ces anciennes coutumes sont en train de disparaître, et les choses à quoi nous tenons sont en train d’être remplacées par des choses étrangères. Comment cela va-t-il finir ! Elles sont remplacées par quelque chose que nous n’avons pas compris et que nous ne savons pas utiliser. C’est ainsi que nous voyons et entendons parler de gens qui, ayant perdu leurs fondements, se suicident.
Comment transmet-on alors de personne à personne ces choses que l’on valorise et ces anciennes coutumes ? On le fait par l’entremise de la langue. C’est grâce à la langue que depuis l’enfance nous explorons notre monde. Et c’est grâce à la langue que nous percevons notre environnement, acquérons de la compréhension, sommes capables de nous entraider et de parler ensemble.
Aujourd’hui, quand nous allumons la radio, nous entendons discuter des gens qui n’ont pas appris correctement notre langue. Il suffit d’entendre le premier ministre essayer de parler le groenlandais, mais ne parler que de « choses sans importance », qui ne sont peut-être pas comprises par les personnes âgées. On a de la peine aussi pour les soi-disant journalistes qui n’ont pas appris notre langue et se déshonorent eux-mêmes. Et il est caractéristique des Groenlandais d’accepter cela et de ne pas vouloir se plaindre, de peur de blesser ces gens.
On admet donc à présent une indifférence envers notre langue, qui doit pourtant nous servir à transmettre notre savoir et les choses que nous valorisons.
Alors comment tout cela va-t-il finir et que puis-je bien faire ? Que puis-je faire pour contribuer à la conservation des savoirs que nous avons développés durant tant d’années ?
Puis, j’ai entendu dire qu’en l’an 2000 on allait organiser des festivités2 au Groenland du Sud. On veut célébrer des gens qui ont vécu dans notre pays il y a très, très longtemps, à savoir les Vikings. On veut fêter le fils du premier chef scandinave, alors qu’on a déjà organisé des festivités pour l’arrivée de Hans Egede3 et bien d’autres, pour d’autres peuples. À présent ils veulent donc célébrer des gens avec qui nos ancêtres ont vécu, et pas seulement en termes amicaux, et qui ont donné leur nom à nos rues et nos villes.
On nous oublie comme d’habitude. Encore une fois, il ne s’agit pas de célébrer nos ancêtres. On organise des festivités pour d’autres, alors que je m’efforce de conserver nos anciennes coutumes, qui nous ont maintenus en vie durant plusieurs centaines d’années. Ces efforts sont-ils donc vains ? N’y a-t-il aucune justice au monde ? Veut-on nous éliminer, nous, les Groenlandais ?
Les Groenlandais ne seront jamais éliminés ! Cette phrase, je l’entends souvent. Nous ne serons jamais éliminés, tant qu’il existera des Groenlandais ! Et à présent nous avons obtenu l’autonomie ; à présent nous avons nous-mêmes la responsabilité de notre pays !
C’est le droit de tout peuple d’avoir sa souveraineté ! Tout peuple doit pouvoir se débrouiller seul et, s’il faut qu’il se débrouille seul, il doit avoir sa souveraineté !
Mais, pour un peuple, se débrouiller seul n’est pas synonyme d’avoir une identité ! Tout peuple doit se débrouiller seul. Et voilà tout ! Cessez de vous servir de l’autonomie comme un signe que notre identité de Groenlandais survivra !
C’est notre identité qui doit être notre fondement en tant que peuple. C’est elle qui nous donne notre cohésion, c’est en elle que nous devons chercher la force quand nous rencontrons de l’adversité dans notre vie !
Je suis tellement furieux que j’ai envie de crier ma colère à mes concitoyens.
Alors je me suis mis à réfléchir à ce que je devais faire. Et j’ai eu une idée ! Dans l’ancien temps, Qasapi a mené une guerre. Il voulait venger le meurtre de son frère et il a gagné la guerre. Et à présent on veut célébrer les ennemis de Qasapi. Mais moi je mènerai une guerre en l’honneur de Qasapi. Ils veulent faire des festivités pour leurs ancêtres, mais moi je veux faire une fête pour la guerre de mes ancêtres.
La guerre pour la domination de ce pays n’est sans doute pas encore terminée. Nous avions appris par nos ancêtres que la guerre était terminée et que nous l’avions gagnée. Mais la guerre n’est donc pas encore terminée ! L’an prochain, on veut organiser des festivités pour le chef des ennemis de nos ancêtres. Et les restes des ennemis de nos ancêtres se trouvent encore ici.
Nous ne pouvons pas comme ça franchement les considérer comme nos ennemis. Mais si nous voulons nous battre pour notre mode de vie et le sauver, alors nous devons considérer tous ceux qui manquent de respect envers notre mode de vie comme des ennemis !
J’ai donc résolu de mener une guerre, coûte que coûte. Je ne veux pas faire ce qu’ont fait nos ancêtres, car je ne veux pas commettre de meurtre, mais cela m’est égal de perdre ce que j’ai acquis de respect et de considération. Je veux faire la guerre pour la plus importante des questions, à savoir l’identité groenlandaise !
Mais ce sera une guerre difficile ! Le gouvernement autonome souscrit totalement aux festivités et en sera l’organisateur. Je serai donc un traître pour la société ! Je dois mener la guerre contre le gouvernement autonome, contre les représentants de la société, y compris le gratin des citoyens de ce pays. Et qui participera à cette guerre ? Y aura-t-il quelqu’un qui voudra être considéré comme faisant la guerre à sa propre société ?
Je ne peux pas faire la guerre tout seul !
Mais si je me prépare avec sérieux, je trouverai peut-être des gens qui ont le même état d’esprit que moi. Peut-être y a-t-il des gens qui ont la même démarche de pensée que moi, mais ne savent pas qu’ils ont des frères. Ceux qui se préparent aux festivités ont annoncé au monde qu’ils allaient célébrer le fils du chef des ennemis de nos ancêtres. Alors j’annonce au monde que je vais célébrer nos ancêtres, célébrer leur victoire.
Voici donc ce que j’annonce au monde :
« Honorés compatriotes ! Nous avons tous habité ce pays durant de nombreuses années ! Vous avez des coutumes que vous observez ! Je les respecte ! Même vos ancêtres, qui sont arrivés ici et y ont introduit leurs coutumes, nous leur souhaitons la bienvenue et nous les respectons. Même aujourd’hui nous les respectons !
Nous espérons que vous respecterez notre volonté d’être groenlandais. Nous vivons dans ce pays et nous l’avons habité pendant des milliers d’années en respectant nos coutumes. Nous vivons de la chasse. De même que vous avez vos moyens de subsistance, nous avons les nôtres. Et nous vous prions de nous écouter maintenant !
Respectez notre volonté de conserver la langue de notre peuple.
Respectez le fait que nous vivons de la chasse, vous qui jugez que c’est tellement dommage pour ces animaux. Respectez le fait que nous les chassons. De même que vous respectez vos animaux domestiques, nous respectons nos animaux de chasse et ne voulons pas leur faire de mal. Car nous sommes des hommes comme vous ! Allons, respectez le fait que ces animaux sont notre moyen de subsistance et ce pays notre territoire de chasse !
Nous vous demandons instamment de ne pas nous interdire de les chasser ! C’est notre seul moyen de survie ! La seule exigence que nous vous posons !
Je vous transmets ici le cri des Groenlandais : lorsque vous commencerez à célébrer vos festivités, nous voulons nous aussi faire la fête. Nous...

Table des matières

  1. Couverture
  2. TABLE DES MATIÈRES
  3. INTRODUCTION : « DU NORD NOUS VIENT LA NOIRCEUR »
  4. JE FERME LES YEUX POUR COUVRIR L’OBSCURITÉ
  5. CHRONOLOGIE CULTURELLE DU GROENLAND
  6. BIBLIOGRAPHIE