Nature et économie : un regard sur les écosystèmes du Québec

Jérôme Dupras, Jean-Pierre Revéret

• Éditeur: Presses de l'Université du Québec
• Année: 2015
• ISBN de l'eBook: 9782760542259
• Sujet: Sciences biologiques
• Sujet: Science environnementale

Les services rendus par les écosystèmes contribuent autant au bien-être des individus et des collectivités qu'à l'activité économique. Mais quelle est la valeur de ces actifs naturels non marchands? Une demande sociale, entrepreneuriale et institutionnelle croissante se manifeste pour de nouveaux indicateurs économiques permettant la mesure et le suivi des variations dans l'état des écosystèmes. Cette demande se traduit par une intégration des services écosystémiques à des processus de prise de décisions publics ou privés, à l'élaboration de politiques publiques ou à des outils de mise en œuvre du développement durable et d'adaptation aux changements climatiques.C'est dans ce contexte que s'est développé cet ouvrage, qui vise à partager les recherches sur la valeur des services écosystémiques propres au Québec. Si le terrain des études porte sur ce territoire, il n'en demeure pas moins que les questions soulevées et les réponses apportées s'appliquent à d'autres contextes et à d'autres échelles. Après un tour d'horizon du concept de services écosystémiques, l'ouvrage propose une série d'études de cas d'évaluation économique de ces services. Il montre aussi la façon dont les indicateurs économiques des services écosystémiques peuvent intégrer les processus décisionnels. Il s'adresse autant aux étudiants qu'aux décideurs et analystes en entreprise qui s'intéressent à l'évaluation économique de la biodiversité et de ses bénéfices.

PARTIE
UN	UNE INTRODUCTION AU CONCEPT DE SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES
DEUX
DEUX

CHAPITRE
	Bernard Chevassus-au-Louis
UN	L’évaluation des services écologiques dans les milieux anthropisés Enjeux, concepts, méthodes, usages
DEUX
TROIS
QUATRE
CINQ
SIX
SEPT
HUIT
NEUF
DIX
ONZE
DOUZE
TREIZE
QUATORZE
QUINZE
SEIZE

Depuis les premières réflexions de Westman (1977) et la première synthèse à l’échelle planétaire de Costanza et al. (1997), les travaux sur l’estimation de la valeur économique des services écologiques se sont multipliés. Ils conduisent cependant à des résultats d’une extrême dispersion : même standardisées dans une même unité (dollars ou euros par hectare et par an), les estimations vont, selon les auteurs, de quelques dollars à plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Outre le fait que ces études sont rarement exhaustives et s’attachent à des ensembles de services variables d’une étude à l’autre, l’origine de cette diversité tient bien sûr à la nature même des écosystèmes étudiés : les zones humides, les massifs coralliens, les forêts tropicales viennent au premier rang, alors que les milieux cultivés conduisent à des chiffres beaucoup plus modestes. Cette diversité tient également à la localisation des écosystèmes : les méthodes d’évaluation sont sensibles au pouvoir d’achat des habitants du pays concerné et certains services, liés à la fréquentation du milieu, refléteront la proximité d’un centre urbain.

De telles variations, dont on peut trouver une synthèse dans Brander, Florax et Vermaat (2006) pour les zones humides ou dans Chevassus-au-Louis et Pirard (2011) pour les forêts tempérées, peuvent être considérées comme « réelles », c’est-à-dire reflétant effectivement des fluctuations de la valeur accordée, par une société donnée à un moment donné, à ces services.

On constate cependant que, même si l’on se limite à un écosystème bien défini dans un contexte socioéconomique lui-même précis – par exemple les forêts tempérées d’Europe ou d’Amérique du Nord –, on observe encore une dispersion importante des résultats. Parmi les facteurs explicatifs de cette dispersion, nous nous proposons de nous concentrer dans cet article sur ceux qui relèvent d’options méthodologiques ou de choix conceptuels insuffisamment définis.

Nous en examinerons plus particulièrement quatre :

la distinction à opérer entre services écologiques et services environnementaux ;

la manière de prendre en compte la contribution humaine à la production des services ;

l’intégration ou non de la biodiversité dans la liste des services ;

la délimitation de l’entité spatiale productrice des services.

1.1. Des services écologiques, écosystémiques ou environnementaux ?

Si l’on définit globalement un service comme un flux de matière, d’énergie ou d’information issu d’un système producteur et capté puis utilisé par un groupe humain à son profit – cette notion de profit étant prise au sens large de bien-être –,on peut distinguer en première analyse deux situations. La première est celle où le système producteur est lui-même un groupe humain, identique au groupe utilisateur ou distinct. C’est par exemple le cas de l’éducation ou de la justice, et l’on parlera alors de services anthropiques (on pourrait utiliser aussi les termes de services manufacturés ou d’artéfacts). La seconde situation concerne l’utilisation de flux issus de l’environnement naturel : c’est par exemple la production de stocks de poissons marins pour la pêche commerciale ou récréative, de produits de cueillette dans des forêts primaires, de stocks de granulats issus de l’érosion par les rivières ou de la possibilité de contempler la mer ou un ciel étoilé. C’est ce vaste ensemble, issu du fonctionnement de divers processus naturels actuels ou passés, que nous qualifierons de « services environnementaux ».

Pour introduire la notion de services écologiques, nous proposons tout d’abord de considérer cette notion dans une acception plus large que celle de services écosystémiques au sens où elle ne préjuge pas de l’entité qui sera analysée comme étant à l’origine de ces services. Cette entité peut, en effet, être un écosystème au sens strict du terme ou une mosaïque d’écosystèmes tant terrestres qu’aquatiques en interaction sur un territoire donné.

Il convient ensuite de distinguer deux sous-ensembles au sein des services environnementaux. Le premier est celui qui résulte uniquement de processus physicochimiques. On peut prendre comme exemple, dans le domaine de l’eau, l’énergie potentielle des fleuves, qui permet notamment la production d’énergie hydroélectrique, ou la poussée d’Archimède, qui permet la navigation. On pourra qualifier ces services de services « abiotiques ». Le second ensemble est celui qui fait également appel à des processus biologiques, en interaction bien sûr avec des processus physicochimiques. La production de bois ou la fixation de carbone par les sols forestiers en sont des exemples évidents. Nous proposons donc de réserver le qualificatif de services « écologiques » aux seuls services impliquant de manière notable l’ensemble de l’écosystème et, en particulier, le fonctionnement actuel du compartiment biologique et de considérer ces services comme faisant partie d’un ensemble plus vaste de services environnementaux.

Cette restriction au fonctionnement actuel du compartiment biologique est une option qui peut être discutée et n’est pas sans conséquence sur le périmètre de la no...

Table des matières

• Couverture
• Préface
• Remerciements
• Avant-propos
• Table des matières
• Liste des tableaux
• Introduction
• Partie 1 - UNE INTRODUCTION AU CONCEPT DE SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES
• Chapitre 1 L’évaluation des services écologiques dans les milieux anthropisés
• Chapitre 2 La biodiversité et les services écosystémiques comme fondements d’un développement durable
• Chapitre 3 L’inclusion des services écosystémiques dans le discours des ONG environnementales
• Chapitre 4 La vraie valeur des arbres et des bois urbains et périurbains
• Chapitre 5 Le projet de paysage
• Chapitre 6 Des outils et des méthodes pour une évaluation économique des services écosystémiques
• Partie 2 - L’ÉVOLUTION ET L’ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES : Application de cas pratiques dans un contexte québécois
• Chapitre 7 Une méta-analyse pour le transfert d’avantages économiques des biens et services écosystémiques FOURNIS PAR LES MILIEUX HUMIDES AU QUÉBEC Méta-analyse pour le transfert d’avantages économiques des BSE fournis par les MH au Québec
• Chapitre 8 L’ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES PRODUITS PAR LES SYSTÈMES AGROFORESTIERS INTERCALAIRES EN MILIEU TEMPÉRÉL’évaluation économique des SE produits par les systèmes agroforestiers intercalaires en milieu tempéré
• Chapitre 9 La valeur des terres agricoles et son intégration dans le système des comptes nationaux du Canada
• Chapitre 10 Les biais hypothétiques et leurs conséquences
• Chapitre 11 Le transfert d’avantages et l’analyse spatiale
• Partie 3 - LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES DANS LES OUTILS DE MISE EN ŒUVRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
• Chapitre 12 L’analyse coûts-avantages et la prise de décision publique
• Chapitre 13 La comptabilité environnementale, sociale et de développement durable
• Chapitre 14 Le compte des terres au Québec
• Chapitre 15 Le développement d’un indicateur intégré fondé sur les services écosystémiques POUR L’ÉVALUATION DES IMPACTS DU CYCLE DE VIE DE L’UTILISATION DES TERRES Un indicateur intégré fondé sur les SE pour évaluer les impacts du cycle de vie de l’utilisation des terres
• Chapitre 16 L’intégration des services écosystémiques dans des dispositifs politiques au Québec
• Conclusion
• Notices biographiques