Au-delà des mots

Le trouble développemental du langage

Annik Arsenault, Tamara Bachelet, Isabelle Meilleur, Annick Proulx

• Éditeur: Éditions du CHU Sainte-Justine
• Année: 2019
• ISBN de l'eBook: 9782896199259

Votre enfant souffre d'un trouble neurodéveloppemental du langage, qu'on appelle aussi dysphasie? Grâce à son approche multidisciplinaire, Au-delà des mots vous permettra d'aider votre enfant dans sa réadaptation et le développement de ses habiletés, à la maison comme à l'école.

Partie 1

COMPRENDRE
le trouble développemental du langage

Chapitre 1

TOUR D’HORIZON
du trouble développemental du langage

La plupart des enfants apprennent à parler sans effort apparent. La rapidité avec laquelle ils acquièrent les mots et la manière de les combiner est d’ailleurs un sujet d’émerveillement pour leurs parents. Toutefois, cet apprentissage qui semble si facile pour la majorité des tout-petits ne l’est pas pour tous.

Pour diverses raisons, certains enfants tarderont à développer leur langage. Pour une partie d’entre eux, ce problème sera passager et n’aura plus de répercussions visibles après l’âge de 5 ans. Mais lorsque des difficultés de langage persistent sans raison évidente et qu’elles ont un impact significatif sur son fonctionnement quotidien, on pourra conclure que l’enfant a un trouble développemental du langage. On estime que 7% des enfants de 5 ans présentent cette condition, soit d’un à deux enfants par classe de maternelle.

Il est important de souligner d’entrée de jeu que l’enfant qui a un trouble développemental de langage a le potentiel de faire des apprentissages malgré ses difficultés, surtout si on lui donne les outils nécessaires et que l’on exploite ses forces. Son langage n’est pas «brisé» en tant que tel, mais l’enfant est moins habile et rapide que ses pairs pour acquérir certains éléments de celui-ci. Par exemple, il pourrait avoir du mal à apprendre de nouveaux mots, à élaborer ses phrases et à retenir les informations pour réaliser les consignes. De plus, il faut retenir que l’enfant avec un trouble développemental de langage a souvent des forces relatives dans d’autres aspects de son développement sur lesquelles il pourra compter.

Trouble développemental de langage, dysphasie ou trouble primaire de langage?

Dans les dernières années, différents termes ont été utilisés pour parler des enfants ayant des difficultés persistantes de langage. Au Québec et en Europe, le mot «dysphasie» a certainement été le plus répandu. Pendant quelques années «trouble primaire de langage», «trouble spécifique de langage» et «trouble de développement du langage» ont aussi été employés. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le terme specific language impairment prédominait jusqu’à tout récemment avec une myriade d’autres termes utilisés par les spécialistes et les chercheurs. Ceci a entraîné beaucoup de confusion et a certainement contribué au manque de reconnaissance de cette problématique, pourtant très répandue.

C’est pourquoi un groupe de spécialistes a entrepris une démarche visant à identifier un terme qui ferait consensus. En 2017, les résultats de l’étude nommée CATALISE¹, effectuée auprès d’un groupe de 57 experts internationaux en trouble de langage, étaient publiés. Les auteurs y recommandent d’adopter le terme developmental language disorders. Celui-ci a été traduit par trouble développemental du langage (TDL) au Québec.

Il est important de retenir que les termes «trouble développemental du langage», «dysphasie», «trouble spécifique de langage» et «trouble primaire de langage», réfèrent tous à la même condition. Chacun d’eux marque simplement une époque et une façon de concevoir ce trouble, celles-ci reflétant elles-mêmes l’état des connaissances du moment. Le lecteur qui veut en savoir plus long peut se référer à la capsule Un peu d’histoire présentée en fin de ce chapitre.

Afin d’alléger le texte, nous privilégierons souvent les mots «trouble de langage» et l’abréviation «TDL» pour parler de cette condition. Précisons que cela ne correspond aucunement, de notre part, à une vision simpliste ou réductrice de l’enfant qui présente un trouble développemental de langage.

Le trouble développemental du langage en bref

L’étude CATALISE nous permet de dégager les éléments sur lesquels la majorité des experts s’accordent présentement:

›L’enfant qui a un trouble développemental du langage a des difficultés importantes à acquérir et maîtriser certains éléments de la langue à laquelle il est majoritairement exposé. Elles surviennent sans explication évidente, c’est-à-dire que l’enfant est normalement encouragé à parler par ses parents, il veut interagir et son audition, sa motricité et son développement intellectuel ne peuvent être mis en cause. Il est hautement probable que ces difficultés persistent au-delà de l’âge de 5 ans. Celles-ci ont des impacts significatifs sur le fonctionnement quotidien de l’enfant, par exemple sur son comportement, ses interactions sociales et ses apprentissages. Des interventions spécialisées sont généralement nécessaires pour les contourner.

›Le TDL est l’un des troubles de l’enfance les plus fréquents. Il affecte plus de garçons que de filles. Son origine est en partie héréditaire, mais s’y mêlent aussi des facteurs environnementaux. Même si c’est le langage qui amène généralement les parents à consulter, des difficultés dans d’autres aspects du développement peuvent être rencontrées. Les manifestations sont variables d’un enfant à l’autre: chaque enfant est donc unique.

›Le trouble développemental du langage ne vient pas d’une cause connue, telle que le trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle. Toutefois il est tout à fait probable que les enfants qui ont ces conditions aient des difficultés de langage. Dans ces situations, on dira alors que l’enfant a un trouble de langage associé à cette condition. Ces jeunes auront aussi besoin d’une intervention adaptée à leurs défis.

L’ensemble des caractéristiques du trouble développemental de langage seront approfondies dans ce chapitre ainsi que dans les chapitres suivants.

Trouble persistant de langage ou retard passager

Tout d’abord, précisons que le langage ne se développe pas de la même façon chez tous les enfants. Des différences toutes naturelles peuvent être observées d’un enfant à l’autre. Si l’enfant ne franchit pas certaines étapes à l’âge habituel, cela ne signifie pas d’emblée qu’un trouble de langage est présent. D’autres facteurs doivent être considérés: ils seront présentés dans ce chapitre.

Noah et Félix ont tous deux été vus par un orthophoniste à l’âge de 2 ans et demi, car ils tardaient à développer leur vocabulaire et à élaborer leurs phrases. Six mois plus tard, lors d’un contrôle, l’orthophoniste qui les a évalués note que leur langage a évolué d’une façon bien différente. Noah continue d’avoir des retards tandis que Félix est en voie de rattraper le temps perdu. Pourtant, les deux garçons ont des contextes de vie très similaires et leurs parents ont adopté rapidement les stratégies de stimulation enseignées par l’orthophoniste.

En fait, on estime qu’environ 13% des enfants de moins de 3 ans tardent à développer leur langage (Zubrick et coll., 2007). Pour près de la moitié de ces enfants, appelés late talkers dans la littérature anglophone, ce retard se corrigera spontanément. Typiquement, le rattrapage se fera rapidement sur le plan du vocabulaire, tandis qu’un certain retard dans l’élaboration des phrases pourra persister parfois jusqu’à l’entrée à la maternelle. Pour ces jeunes, leur développement subséquent s’effectuera sans difficultés significatives sur le plan du langage oral ou écrit. Néanmoins, chez plusieurs d’entre eux, des différences subtiles continueront d’être observées dans des aspects plus exigeants du langage, trahissant une certaine fragilité. C’est le cas, par exemple, des habiletés à raconter des histoires, qui demeureront souvent un peu moins bonnes chez ces enfants.

La frontière entre le retard passager et le trouble persistant de langage n’est donc pas si franche qu’on le voudrait, surtout en bas âge. Ce sont l’ampleur des difficultés, l’évolution et les répercussions quotidiennes qui nous permettront de déterminer s’il s’agit d’un trouble ou non.

Les critères précis utilisés par l’orthophoniste pour estimer le risque de persistance et le degré de besoin de l’enfant sont nombreux et nécessitent une analyse approfondie: réponses de l’enfant aux stimulations, tentatives de communication, présence de régression, écart entre ce qui est attendu pour l’âge et ce que l’enfant arrive à comprendre et à exprimer, présence de prédispositions familiales, etc. Ces éléments sont autant d’indices qui peuvent indiquer la présence d’un trouble persistant.

Malgré les améliorations qui surviennent, l’enfant qui a un trouble du langage continuera donc d’éprouver des difficultés dans le temps, surtout en absence d’intervention. Par exemple, les lacunes sur le plan du vocabulaire et de l’élaboration des phrases limiteront l’enfant dans l’expression de ses idées et l’empêcheront de démontrer le même niveau de compréhension que ses pairs. L’acquisition des aspects les plus complexes du langage, tels que l’art d’expliquer, de raconter, d’argumenter se fera moins rapidement et le degré de maîtrise pourra être restreint. Ces difficultés auront souvent un impact d’ampleur variable sur le développement du langage écrit et les autres apprentissages scolaires.

Le trouble de langage n’est généralement confirmé qu’après une période d’évaluation permettant de recueillir l’information nécessaire pour s’assurer de la persistance du trouble et du besoin d’intervention à long terme. Dans ces conditions, il n’est pas rare qu’un diagnostic ne soit posé qu’après l’âge de 4 ans. C’est d’ailleurs à partir de cet âge qu’une conclusion fiable peut être posée pour la majorité des jeunes.

Fait important, qu’il s’agisse d’un trouble persistant ou d’un retard passager, il est pertinent de consulter en orthophonie dès que l’on s’inquiète, afin de s’assurer que l’enfant reçoit la stimulation dont il a besoin pour progresser.

Les particularités sur le plan linguistique

Les manifestations du TDL peuvent toucher différents aspects du langage: prononciation, apprentissage du vocabulaire, accès aux mots, composition des phrases et du discours, pour n’en nommer que quelques-uns. Les manifestations varient d’un enfant à l’autre. Par exemple, certains enfants auront des difficultés qui touchent uniquement leurs habiletés expressives: élaboration des phrases, utilisation des mots grammaticaux, accès difficile ou plus lent aux mots, formulation d’explications ou de récits d’événements. D’autres, en plus de difficultés expressives, auront aussi des difficultés à comprendre et à garder en mémoire les mots et les concepts nouveaux, à réaliser les consignes et à donner du sens aux explications ou aux récits plus longs. À l’âge scolaire, l’apprentissage du langage écrit pourra être plus laborieux.

En plus de ces différences interindividuelles, le type et l’intensité des difficultés peuvent varier dans le temps chez un même enfant. Pour cette raison, son profil tend généralement à changer au fur et à mesure qu’il se développe. Nous examinerons ces aspects de façon plus approfondie dans le chapitre 3.

L’impact du trouble de langage au quotidien

Le langage, et plus largement la communication, sont omniprésents dans nos activités courantes. C’est pourquoi le trouble de langage a généralement des répercussions sur le quotidien de l’enfant et de sa famille. Ainsi, des défis pourront se présenter tout au long de sa vie sur les plans pe...

Table des matières

• Couverture
• Page légale
• Table des matières
• PARTIE 1: Comprendre le trouble développemental du langage
• PARTIE 2: Aider l’enfant avec un trouble développemental du langage
• PARTIE 3: L’avenir de l’enfant ayant un trouble développemental du langage
• CONCLUSION
• RESSOURCES
• Quatrième de couverture