1. Ils ont osé !
En 1806, écrivant au roi de Naples, Napoléon avait
prévenu : « On ne change et réforme pas les Etats
avec une conduite molle ».
Le titre de ce chapitre est comme la senne dâun chalutier ; elle peut rĂ©colter le pire comme le meilleur mais lâeffet de surprise est rĂ©vĂ©lateur de lâaudace. La dĂ©finition du verbe oser extraite du Grand Larousse Universel en est la preuve.
Oser : v.t (bas latin ausare ; du lat. class. audere. avoir la hardiesse, le courage, lâaudace, ne pas craindre de faire qq. chose, prendre des risques : je nâose pas lui dire la vĂ©ritĂ©. Ose donc regarder la vĂ©ritĂ© en face. On ne lâen croyait pas capable, mais il a osĂ©.
Le Politique.
Il en va ainsi des hommes et femmes politiques dont les plus illustres se sont caractĂ©risĂ©s par un courage permanent, ne craignant pas dâĂȘtre dĂ©jugĂ©s lors dâun Ă©ventuel retour devant les Ă©lecteurs.
Parfois, on y croit, on rĂȘve de lâimpossible, et puis patatras, tout fout le camp.
Ainsi pour la rentrĂ©e scolaire 2014 â je suis encore en activitĂ© dans un lycĂ©e professionnel des Hautes Alpes â le ministĂšre de lâEducation nationale avait dĂ©cidĂ©, fait exceptionnel, dâavancer la date de reprise des cours. Cela avait pour consĂ©quence que les 800 000 enseignants français devaient faire leur prĂ©-rentrĂ©e le 29 AoĂ»t. Aussi, tout serait prĂȘt pour quâils puissent accueillir leurs Ă©lĂšves le lundi 1er septembre. Un totem pareil, y toucher, quelle infĂąmie ! Les syndicats dâenseignants nâont pas eu besoin de monter au crĂ©neau pour que le ministre recule. Ils ont seulement dĂ©posĂ© un prĂ©avis de grĂšve pour cette journĂ©e du 29 AoĂ»t. Lâinsignifiant ministre a justifiĂ© son recul par un pseudo-problĂšme dâinformatique qui ne pouvait pas prendre en compte lâarrivĂ©e dans les Ă©tablissements scolaires de 40 000 nouveaux enseignants.
Une fois de plus et comme tous ses prédécesseurs de gauche et de droite, il ne pouvait en fait que céder face au diktat du Snes-FSU et du SNALC, les 2 principaux syndicats de professeurs.
Triste affaire, pas seulement anecdotique. Mais elle est la dĂ©monstration la plus stupĂ©fiante de lâincapacitĂ© Ă faire bouger dâun pas le « Mammouth » de lâEducation Nationale. Consolons-nous en observant que ledit ministre BenoĂźt Hamon aura Ă©tĂ© le plus Ă©phĂ©mĂšre pensionnaire de la rue de Grenelle. DĂ©jĂ Claude AllĂšgre, Conseiller spĂ©cial de Lionel jospin, puis ministre lui-mĂȘme de ce grand ministĂšre, demandera que ce fameux pachyderme soit dĂ©graissĂ©, ce qui adviendra bien un jour par la force des choses. Il affirmera aussi : « LâE.N., câest le Gosplan qui uniformise et dĂ©moralise les meilleurs ». Le Gosplan : le mot Ă©tait lĂąchĂ© ! Le dĂ©but de la fin pour lui aussi, aprĂšs presque 3 annĂ©es de loyaux services, un long passage Ă ce poste. Un des plus bosseurs aussi, dâaprĂšs une amie infirmiĂšre au ministĂšre qui en a beaucoup vus dĂ©filer, certains ayant un poil dans la main plus long que le moindre cancre assignĂ© Ă rĂ©sidence dans un coin de sa salle de classe.
Quelques chiffres au passage lĂ©nifiants sur la capacitĂ© Ă se projeter sur le long terme pour le locataire de ce ministĂšre public. Sous la VĂš RĂ©publique, soit depuis le 8 Janvier 1959, 32 ministres de lâ E.N. se sont succĂ©dĂ©s, sous lâemprise de 39 gouvernements. Le calcul est dâune simplicitĂ© enfantine, ce que ne savent pas faire de nombreux collĂ©giens Ă lâentrĂ©e en 6Ăšme. En moyenne chaque ministre sera restĂ© 1 an et 9 mois Ă son poste. Pas de quoi lancer de grandes rĂ©formes !
Ainsi le SystĂšme Educatif Français est dirigĂ© par une techno-structure, pas par des hommes, dixit François Fillon*, ministre en 2004 et 2005. Une structure aveugle qui obĂ©it Ă des logiques internes, Ă des intĂ©rĂȘts corporatistes, qui ont peu de choses Ă voir avec lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Tous les rapports officiels, une somme astronomique de livres Ă©crits sur la question, sâaccordent sur la mĂȘme idĂ©e. La France doit impĂ©rativement repenser le logiciel global de ce qui constitue lâinstruction publique.
On a retrouvĂ© comme candidats Ă la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle 4 anciens ministres ou secrĂ©taires dâEtat Ă lâE.N. : MM. Fillon, Hamon, MĂ©lanchon et Peillon. Et que constatons-nous ? La place rĂ©servĂ©e Ă lâEcole dans leur programme est minimaliste, beaucoup trop discrĂšte. Il est vrai quâil y a de quoi ĂȘtre effarĂ© par le comportement de ces « bĂȘtes politiques », Ă en juger par des polĂ©miques rĂ©vĂ©latrices du raisonnement abscons de dirigeants hors-sol.
DerniĂšre en date : Le slogan, dĂ©voilĂ© dĂ©but fĂ©vrier 2017, de la candidature de Paris pour les J.O. de 2024, « Made for sharing » a Ă©tĂ© accueilli avec beaucoup de septicisme. Lorsquâil a Ă©tĂ© affichĂ© sur la Tour Eiffel, de nombreuses voix publiques se sont Ă©levĂ©es contre ce slogan dont la traduction en français est « Fait pour partager ». LâAcadĂ©mie française a exprimĂ© Ă©galement sa rĂ©probation devant la dĂ©cision du comitĂ© dâaccorder la prioritĂ© Ă la langue anglaise pour porter cette candidature. Certains doivent mĂ©connaĂźtre lâorigine de la rĂ©novation des Jeux par le baron Pierre de Coubertin, ce qui en fait la langue olympique prioritaire par excellence. De plus, ce slogan a dĂ©jĂ Ă©tĂ© utilisĂ© lors de campagnes publicitaires, notamment « pour des pizzas Ă dĂ©couper » a justifiĂ© lâinstitution .
Enfin, le coup de grĂące a Ă©tĂ© portĂ© le 17 fĂ©vrier, quand un collectif dâassociations de dĂ©fense de la langue française dĂ©cidait de dĂ©poser une assignation devant le tribunal administratif pour le retrait du slogan. Cette dĂ©marche Ă©voque une « insulte grave Ă la langue française » et « une violation de la constitution ». Et Bernard Pivot, prĂ©sident du prix Goncourt depuis 2014, dâen rajouter une couche : « Je trouve que ce slogan est une faute, une Ăąnerie, câest une erreur. Câest une Ăąnerie car mĂȘme dans la langue de Shakespeare ce slogan est dâune grande platitude et enfin câest une erreur car dans leur arrogance les pays anglophones vont trouver normal que les français sâexpriment en anglais alors que les pays francophones vont sâĂ©tonner, sâindigner que Paris, capitale de la Francophonie fasse la courbette devant la langue qui est aussi celle de Donald Trump » a-t-il fait remarquer, fustigeant le comitĂ© dâorganisation de lâolympiade.
Quant au respect indĂ©fectible de la langue de MoliĂšre, les exemples suivants dĂ©montrent que de nombreux hommes et femmes politiques ne sâembarrassent pas de fioritures.
DĂ©but octobre 2012, CĂ©cile Duflot, ministre du Logement, sâest sentie blessĂ©e Ă lâAssemblĂ©e dans sa fĂ©minitĂ© parce que Bernard Accoyer sâest adressĂ© Ă elle en lui donnant du « madame le Ministre ». Il semble quâelle ignore que le mot « ministre », quand il dĂ©signe un membre du gouvernement, est, comme la plupart des mots qui dĂ©signent une fonction, un mot neutre ; dâailleurs, il y a eu en France, depuis les annĂ©es 30, des femmes ministres et aucune ne sâĂ©tait sentie offensĂ©e dâĂȘtre « madame le Ministre ». Mais le plus extravagant, câest que cette dame qui tient tant Ă fĂ©miniser son titre, appartient Ă un parti qui a lâintention de dĂ©fĂ©miniser les mĂšres, qui, dans le projet dit de « mariage pour tous », deviendraient le « parent N°X ⊠Je prĂ©fĂšre bien Ă©videmment quâune maman soit une femme, ce quâelle fut toujours depuis lâaube des temps. Mais le bon sens a prĂ©valu et madame ne reprĂ©sente plus grand-chose dans son parti dâorigine. Moi qui, Ă©tudiant, participa Ă quelques grandes manifestations au dĂ©but des annĂ©es 70 contre le nuclĂ©aire Ă La Hague et Plogoff oĂč les compagnies de C.R.S.
nous coursaient dans les landes bretonnes et face Ă cette splendide baie des TrĂ©passĂ©s, je nâai jamais pu comprendre pourquoi aucun parti Ă©cologique digne de ce nom avec un vrai programme mĂȘlant Ă©conomie et dĂ©fense de lâenvironnement nâa jamais pu percer dans le systĂšme politique français.
Autre Ă©lue fĂąchĂ©e avec lâorthographe : la sĂ©natrice Ă©cologiste (encore une) qui se vante dâĂȘtre directrice dâĂ©tudes Ă lâEcole pratique des hautes Ă©tudes et auteur dâune vingtaine dâouvrages et dont de rĂ©centes publications sur Twitter tĂ©moignent dâune rigueur toute relative en matiĂšre dâorthographe Ainsi, le 5 juin 2014, aprĂšs avoir reçu des fleurs, la sĂ©natrice Esther Benbassa Ă©crit: « Quâelles (et non « quelles », NDLA) magnifiques roses, les plus belles. Merci » Un instant aprĂšs, elle rĂ©cidive ,heureuse comme ValĂ©rie Trierweiler, « a (plutĂŽt que « de », NDLA) ne pas avoir a (sic) serrer la main de Poutine a (sic) lâElysee (sic). Pour elle les accents ne sâimposent pas. Par exemple dans la phrase suivante : « Si lâEurope avance câest grace (sic) a (sic) Daniel Cohn-Bendit ou encore celle-ci :
« Le cannabis câest (sic) dĂ©velopper (sic) dans notre sociĂ©tĂ©, Ă des niveaux de consommation importante (sic), câest 10 millions dâexpĂ©rimentateur (sic), 1,5 millions (sic) de consommateur (sic) rĂ©gulier (sic) en France on voit que la politique de prohibition Ă (sic) Ă©chouĂ© et ne fonctionne pas ». PrĂ©senter un tel texte dans une pĂ©tition citoyenne, bourrĂ© de fautes dâorthographe (quatorze en 3 phrases) dignes dâun mauvais collĂ©gien, nâĂ©tait peut-ĂȘtre pas le meilleur moyen de rassurer les sĂ©nateurs quant Ă lâinnocuitĂ© du cannabis . Mais tout se tient. La boĂźte noire de cette Ă©cologiste qui tire tout vers le bas est stricto sensu logique avec un terrible souci de sape. Il ne serait par consĂ©quent pas impossible vu ces faits quâelle ait pu appartenir au petit cercle dâinitiĂ©s qui aurait influencĂ© lâactuelle ministre sur la nĂ©cessitĂ© de rĂ©former lâorthographe, avec comme mesure phare la suppression de quelques accents bien embarrassants ! Simplifions, simplifions. Il en restera peut-ĂȘtre quelques bribes.
Autre « erreur de casting » au poste de ministre de la Culture : Fleur Pellerin, dâorigine sud-corĂ©-Ă©nne, dont lâimage a Ă©tĂ© Ă©cornĂ©e par plusieurs gaffes que lâon pourrait qualifier dâinsuffisances intellectuelles. En effet, en DĂ©cembre 2014, au lendemain de lâattribution du prix Nobel de littĂ©rature Ă Patrick Modiano, elle est incapable de citer un de ses ouvrages et surtout, elle admet ne pas avoir ouvert un livre depuis 2 ans. Mais, comme souvent dans ce cas, elle persiste et campe sur ses positions, peu dĂ©fendables pour quelquâun dont lâĂ©tendard porte en exergue la dĂ©fense de la culture française. « Etre ministre nâest pas un concours gĂ©nĂ©ral, je ne me force pas Ă lire. Ceux Ă qui ça ne plaĂźt pas ont une idĂ©e un peu datĂ©e de ce que doit ĂȘtre un ministre de la Culture ». Cette rĂ©ponse aura Ă©tĂ© tout le contraire de ce que le citoyen lambda est en droit dâattendre de ce type de personnel Ă qui on ne peut que conseiller de retourner Ă ses chĂšres Ă©tudes.
Un autre ministre de la Culture, FrĂ©dĂ©ric Mitterrand, interrogĂ© sur Canal + le 2 septembre 2009, est incapable de dĂ©velopper le sigle Hadopi (Haute autoritĂ© pour la diffusion des oeuvres et la protection des Droits sur Internet). Il sâen tire par une pirouette : « Ce nâest pas le nom dâune tribu indienne ».
Je dois signaler au passage que jâavais pendant plusieurs annĂ©es choisi ce thĂšme Ă mon sens trĂšs sensible, en cours dâEducation Civique, Juridique et Sociale afin de sensibiliser mes Ă©lĂšves sur le respect de la notion de propriĂ©tĂ© intellectuelle. Et de citer Ă©galement lâusage par le philosophe Alain Finkielkraut de lâexpression « Français de souche ». Lors de lâĂ©mission Des paroles et des actes, du 6 fĂ©vrier 2014, celui-ci explique que Manuel Valls, David Pujadas et lui-mĂȘme avaient tous trois des origines Ă©trangĂšres et que câĂ©tait tout Ă lâhonneur de la France, Ă©tant les symboles dâune parfaite intĂ©gration. Mais le philosophe dâajouter quâil « ne fallait pas oublier les Français de souche ». Cela vaut Ă 2 membres du PS, et rien que leurs noms en dit long sur leur volontĂ© de dĂ©truire lâidentitĂ© française, de saisir le CSA par une lettre adressĂ©e Ă son prĂ©sident, dans laquelle ils qualifient lâintervention dâAlain Finkielkraut « dâinacceptable et dangereuse ». Comme il le dira par la suite :
« LâidĂ©e quâon ne puisse plus nommer ceux qui sont Français depuis trĂšs longtemps me paraĂźt complĂštement dĂ©lirante. Lâantiracisme devenu fou nous prĂ©cipite dans une situation oĂč la seule origine qui nâaurait pas de droit de citĂ© en France, câest lâorigine française ». Cela mâa rappelĂ© lâintervention dâune principale adjointe dâorigine italienne, dans un lycĂ©e marseillais, ceci au cours dâun dĂ©jeuner auquel je participais. « Nous sommes tous dâorigine Ă©trangĂšre » lança-t-elle soudainement. Je ne rĂ©agis pas sur le coup, Ă©berluĂ© par tant dâaudace et bien sĂ»r dâinexactitude, moi qui, notamment a des ancĂȘtres poitevins depuis lâorigine. Laissons Ă cette partie de la gauche qui a perdu la raison et la mĂ©moire, la responsabilitĂ© de son incommensurable bĂȘtise !
Par ailleurs, il faut reconnaĂźtre que trop souvent les politiques ne sont pas de modĂšles de comportement pour notre jeunesse. Le mĂȘme Alain Finkielkraut sâindigne du bruit qui a couvert les propos de Manuel valls pendant son discours de politique gĂ©nĂ©rale dĂ©but avril 2014. « Comment demander Ă nos enfants de se conduite convenablement dans une classe si les dĂ©putĂ©s se conduisent comme des abrutis devant tous les français ? Et de sâen prendre au monde politique : « Câest indigne, dĂ©gradant, littĂ©ralement consternant. Cela me rappelle toutes les raisons pour lesquelles jâai quittĂ© ce monde politique dĂ©risoire, mal Ă©levĂ©, dĂ©nuĂ© dâintelligence, de culture, de civilitĂ©, bref dâhumanité⊠» a-t-il Ă©crit sur son compte Facebook. Tout est dit, lâayant moi-mĂȘme constatĂ© dans de nombreuses rĂ©unions auxquelles participaient des responsables politiques. Dieu merci, certains sauvent tout de mĂȘme la face !
Autre sujet de polĂ©mique, le refus par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, de chanter lâhymne national Ă lâoccasion de la cĂ©lĂ©bration de lâabolition de lâesclavage, le 10 Mai. Un silence remarquĂ© et dĂ©noncĂ©. Câest une erreur dâapprĂ©ciation caractĂ©ristique dâune Ă©poque qui mĂ©prise lâhistoire et ne sait plus resituer dans son contexte un signe dâadhĂ©sion et de reconnaissance dans une nation Ă©clatĂ©e. Le trĂšs rĂ©publicain Jean-Pierre ChevĂšnement, alors ministre de lâE.N., lâavait rĂ©introduit Ă lâĂ©cole. Cependant, comme le font savoir les professeurs dâhistoire, les Ă©lĂšves ne connaissent pas la Marseillaise. Il y a sept couplets Ă apprendre et il est rare quâun tel effort de mĂ©morisation, comme nous le verrons dans un autre chapitre, leur soit demandĂ©. Et lâexcuse Ă©voquĂ©e par lâarchĂ©o-guyanaise âprĂ©fĂ©rer les silences du recueillement- nâest pas recevable, accolĂ©e Ă lâexpression « karaokĂ© dâestrade » qui tĂ©moigne dâune dĂ©sinvolture injurieuse. Je me souviens des heures passĂ©es Ă lâEcole Primaire de ChĂąteauneuf sur Sarthe Ă apprendre et chanter cet hymne, mais aussi « le Chant du dĂ©part » ou « le Chant des partisans ». A cette Ă©poque, fin des annĂ©es 60, galvanisĂ©s par une maĂźtresse possĂ©dĂ©e par lâHistoire Nationale et ses temps forts, nous ne nous posions pas la question de lâutilitĂ© de ces moments de rassemblement et de communion. LâĂ©vidence devrait encore lâĂȘtre aujourdâhui.
Oser, Najat Vallaud-Belkacem le fera encore en fĂ©vrier 2015 en souhaitant que lâon supprime la notation chiffrĂ©e au primaire. Mais une volte-face salutaire plutĂŽt politique intervenait, mettant tout le monde dâaccord. OrganisĂ©e du 11 au 13 dĂ©cembre 2014, la ConfĂ©rence nationale sur lâĂ©valuation des Ă©lĂšves, dont lâidĂ©e avait Ă©tĂ© lancĂ©e par lâancien ministre BenoĂźt Hamon, rendait son rapport le 13 fĂ©vrier suivant. Que dit ce document ? PrĂ©cisant que la note est affectĂ©e par plusieurs biais, que lâobjectivitĂ© apparente quâelle confĂšre Ă lâĂ©valuation a Ă©tĂ© relativisĂ©e par diverses Ă©tudes scientifiques, que le rĂ©sumĂ© sous forme de chiffre que toute note reprĂ©sente, ne traduit quâimpar-faitement la rĂ©alitĂ© des compĂ©tences effectivement maĂźtrisĂ©es, quâenfin la note vient Ă renforcer une tendance naturelle et spontanĂ©e des Ă©lĂšves Ă se comparer et Ă se mettre en compĂ©tition, le jury suggĂ©rait de « gĂ©nĂ©raliser lâabandon de la notation chiffrĂ©e tout au long des cycles 1, 2 et 3, classe de sixiĂšme comprise, et de la remplacer par un autre type de codage reflĂ©tant la situation de lâĂ©lĂšve dans le cadre dâune Ă©valuation formative de ses compĂ©tences » en utilisant par exemple « des Ă©chelles de performance ». Des souvenirs personnels du passage dans lâĂ©cole ci-dessus mentionnĂ©e contredisent parfaitement ce projet de pseudo-docimologie. La lutte pour les premiĂšres places Ă lâissue de chaque trimestre faisait rage dans ma classe. Le challenge de se mesurer aux autres nous faisait largement progresser. La honte nous envahissait de devoir cĂ©der notre rang Ă un, une camarade en lâoccurrence. Ma Tatoune (Marie-Christine) et ma Claudette bataillaient durement pour me piquer ma place. Mais on ne se prenait pas pour autant pour des intouchables !
Cinquante ans plus tard, alors que je suis de lâautre cĂŽtĂ© du miroir, professeur, je peux certifier avec quel bonheur je pouvais attribuer une trĂšs bonne note Ă un Ă©lĂšve qui rĂ©ussissait merveilleusement lâexercice de rĂ©daction du rĂ©sumĂ© de texte, aprĂšs une sĂ©quence dâapprentissage longue, fastidieuse mais indispensable dans sa progression. La sanction par la note est nĂ©cessaire pour qualifier les progrĂšs dâun apprenant, mĂȘme et surtout en dĂ©but de scolaritĂ©.
Encore une affaire bien mal gĂ©rĂ©e par une ministre, dĂ©cidĂ©ment en mal dâinspiration et qui plus est ne sâoffusque pas de devoir contredire un rapport dâexperts. A moins que ce ne soit une façon de briser le thermomĂštre pour masquer que le malade a de la fiĂšvre. MĂ©thode Ă©prouvĂ©e par moults ministres.
Ils ont osĂ© aussi Ă la FacultĂ© des langues de Nantes distribuer les corrigĂ©s dâun examen Ă la place des sujets de lâĂ©preuve. France Bleu Loire-OcĂ©an a parlĂ© dâun fait « rare ». Pas si sĂ»r car souvent ces erreurs grossiĂšres ne font pas les « Unes » des quotidiens ou des radios locales. Toujours est-il que 500 Ă©tudiants en auront Ă©tĂ© quitte pour repasser lâĂ©preuve reprogrammĂ©e le 14 janvier 2017.
Osons, osons toujours, aurait pu scander ce professeur en T.Z.R. (Titulaire en zone de remplacement) dans le dĂ©partement de Seine-St Denis. Il tĂ©moigne le 5 janvier 2017 dans lâĂ©mission C Ă vous sur France 5 Ă une heure de grande Ă©coute, sur ses difficultĂ©s Ă retourner dans sa Bretagne natale, ce quâil espĂšre au bout de 5 annĂ©es passĂ©es Ă batailler dans des banlieues difficiles. Jusque lĂ rien dâextraordinaire puisque lot commun de milliers de jeunes enseignants envoyĂ©s au casse-pipe.
Mais le hic, et qui me fit bondir sur mon fauteuil, est que lâolibrius avance masquĂ©, au sens premier du terme, la camĂ©ra le filmant toujours de face pour ne rien discerner de son visage. Son livre « Monsieur le Prof », dont il est venu la promo, ne mĂ©rite pas que lâon sâattarde sur son cas. En effet, combien de fois jâai pu rĂ©pĂ©ter Ă mes Ă©lĂšves que tĂ©moigner sous lâanonymat nâĂ©tait que lĂąchetĂ©, sauf dans le cas oĂč lâon sâexpose Ă des dangers graves imminents, ce qui dans 95% des situations nâest pas vrai. La tĂ©lĂ©vision ne donne quâun triste spectacle de ces gens floutĂ©s, filmĂ©s dans lâombre tels des zombis. Jâai aussi souvent Ă©tĂ© scandalisĂ© de voir certains articles de presse non signĂ©s. Cela est vrai Ă©galement pour les pseudos utilisĂ©s par les accros de Facebook dans leurs commentair...