PARTIE I
CONCEPTS
Cette partie présente quelques concepts de base utiles à la compréhension de la suite du cahier. Ils complètent ceux qui ont été exposés dans le cahier n° 1.
Les symboles
Collection d’opinions que le lecteur remplacera avantageusement par les siennes
Ce chapitre présente une définition du symbole propre à ce cahier.
Qu’est-ce qu’un symbole ?
Wikipedia raconte ceci : « Le mot « symbole » est issu du grec ancien sumbolon (σύμβολον), qui dérive du verbe συμβάλλεσθαι (sumballesthaï) (de syn-, avec, et -ballein, jeter) signifiant « mettre ensemble », « apporter son écot », « comparer ».
Dans ce cahier, les concepts (Cf. cahier n°1) sont considérés comme des pensées organisées et complexes. Certains d’entre eux proviennent d’objets perçus, d’autres sont liés au sujet, c’est-à-dire à l’esprit lui-même, d’autres encore sont des abstractions purement intellectuelles reliées à divers autres concepts, et d’autres sont mixtes c’est-à-dire qu’ils se composent des trois catégories précédentes. On peut même considérer que tous les concepts sont mixtes, avec une dominante dans l’une des catégories précédemment citées.
Le mot « symbole » est utilisé avec diverses significations. Dans les voies spirituelles, il joue un rôle particulier très important, et il est utile de le comparer avec ce qu’on appelle un concept.
Le symbole est un nom associé à une expérience spirituelle intérieure profonde. L’étiquette, le nom, que l’on colle sur ce type d’expérience en embrasse certains aspects et permet d’y accéder.
La différence entre un concept et un symbole spirituel est que le premier demeure sur le plan horizontal, tandis que le second fait partie d’un chemin vertical. Chez les personnes où le symbole n’est associé à aucune expérience intérieure, il régresse à l’état de concept et perd son intérêt pour la réalisation spirituelle.
En dehors des symboles spirituels, il existe de nombreux symboles mondains qui peuvent être des étiquettes métaphoriques ou non dotées d’une certaine résonance collective. Ces symboles mondains impliquent parfois un aspect affectif de la personne, mais ne ramènent jamais à une expérience intérieure profonde.
Les symboles peuvent être représentés par des images, des sculptures, etc. Dans le cas d’une image, le symbole est l’ensemble de l’image et de la représentation intérieure que l’image permet de ramener à la conscience de la même manière que le nom.
Le symbole maçonnique de l’équerre par ex. renvoie à une expérience intérieure acquise par le travail du tailleur de pierres avec l’équerre. Ce symbole comporte ici un volet extérieur puisqu’il s’agit d’une initiation d’artisan, mais il en existe également de plus profonds utilisés à partir d’une expérience purement intérieure, comme par exemple la « vacuité » dans le bouddhisme.
S’agissant d’un travail intérieur, on ne dit pas « réfléchir à un symbole » mais « méditer sur un symbole » ou « méditer un symbole ».
Dans la spiritualité, la plupart des concepts sont en réalité des symboles, car ils représentent des vérités expérimentées dans la vie intérieure, inaccessibles à la pensée discursive.
Méditer sur un symbole
Il semble y avoir beaucoup de façons de méditer sur un symbole. Un jour, on a demandé à l’auteur encore enfant de méditer, sans autres explications. Ensuite, il a compris que le demandeur en ignorait le sens. Il existe certainement une multitude de personnes qui ont tenté cette pratique sans comprendre vraiment de quoi il s’agissait. Comment exprimer ce qui est au-delà des concepts ? La méditation a tellement de sens, dont certains dévoyés, qu’il en résulte une extrême confusion. Pour s’en sortir, l’unique solution consiste à méditer suivant des méthodes spirituelles authentiques.
Méditer, ce n’est pas rêver, car dans le rêve on passe d’une image à une autre, comme cela se produit dans des moments de distraction. Or dans la méditation, il y a beaucoup d’attention. Le symbole n’est certainement pas vu comme une image enfouie dans la pénombre d’un rêve.
La méditation sur un symbole a pour but de transformer le méditant sur un point particulier suscité par le symbole.
Les paragraphes suivants développent quelques amorces de compréhension de la méditation sur un symbole.
Méditation sur un symbole
Un symbole est un nom associé à une expérience intérieure. Le symbole que l’on médite est comme la main qui tient la torche, tandis que la conscience en est la lumière. L’expérience à laquelle le symbole est rattaché s’effectue grâce à certaines facultés mentales ; il n’y a rien à voir, et pourtant cette expérience dans le non visible transforme la conscience. La conscience est comme posée dans la matrice proposée par le symbole.
Effet des expériences répétées
Dans cette vue, c’est de notre expérience qu’il s’agit, nous l’avons maintes fois répétée, et à chaque répétition, la matrice devient plus stable, la lumière plus assurée.
Participation d’un être éveillé
À présent, nous considérons le cas où notre esprit est uni à celui d’un être éveillé. Une hypothèse parmi d’autres consiste à penser que celui-ci a réalisé le symbole avant nous et ce faisant a construit la matrice. Notre conscience, par son union à l’esprit de cet être, accède alors également à cette matrice. Nous retrouvons les conditions de son expérience. En conclusion, quand nous sommes unis à un être éveillé, notre expérience s’effectue beaucoup plus facilement et sans erreur. Le symbole utilisé n’est pas indifférent, il est en relation avec l’activité développée par des êtres éveillés sur leur chemin*.
Dans cet aspect, l’être éveillé est semblable au grimpeur qui escalade pour la première fois un versant et laisse des points d’ancrage que d’autres pourront utiliser.
Un maître éveillé enseigne avec des mots, mais aussi silencieusement, par sa présence. La matrice mentionnée précédemment est une métaphore de cet enseignement silencieux.
Composition symbolique
Le paragraphe précédent montrait l’avantage de l’union à un être éveillé, mais négligeait la façon dont elle se réalise. Il arrive que l’on utilise une composition symbolique pour représenter un être éveillé, dans ses qualités transcendantes. Cette composition est constituée de multiples symboles. Par exemple elle représente un personnage en deux ou trois dimensions qui porte des objets symboliques représentant des qualités transcendantes. Son corps est symbolique. On peut d’abord analyser conceptuellement ces objets symboliques, voir les qualités qu’ils représentent. On mémorise ces qualités, de sorte que leur signification devienne spontanée. On n’a alors plus besoin de donner un nom à l’image, celle-ci renvoie directement à une qualité. Ensuite, lorsqu’on se concentre sur le personnage symbolique, toutes les qualités sont ressenties simultanément, le mode de pensée discursif n’est plus nécessaire. En les ressentant de manière correcte, on s’unit aux qualités de l’être représenté par le personnage symbolique. On s’unit à son esprit, et on acquiert ainsi des qualités authentiques au lieu des amorces de qualités que nous avions fabriquées dans la première phase de la méditation. Cette pratique demande de longs moments de concentration.
Les qualités transcendantes n’appartiennent pas à l’esprit dualiste mais à la sagesse dont elles sont des aspects.
Transmission de l’influence spirituelle
S’unir à l’esprit du maître pourrait être facile en sa présence, même si dans la réalité le disciple doit être doté de certaines capacités et d’une qualité d’ouverture extraordinaire. Le problème est que le maître n’est pas auprès de nous physiquement. Son enseignement conceptuel peut être transmis oralement ou par écrit, mais il existe également un enseignement transmis silencieusement, par sa seule présence. On appelle influence spirituelle l’actuation de cette présence chez un être réceptacle. L’influence spirituelle se transmet d’un maître à son disciple qui deviendra ensuite lui-même le transmetteur de l’influence spirituelle à son disciple, et ainsi de suite sans coupure. Une lignée est une chaîne ininterrompue de transmission de maître à disciple. Ainsi peut-on s’unir à l’esprit d’un maître. On parle parfois d’ésotérisme lorsque la transmission de maître à disciple est silencieuse, mais ce mot est source de nombreuses confusions.
L’autre côté du symbole
Imaginons que nous méditons sur un symbole. Nous vivons une expérience intérieure liée à celui-ci. Nous avons peut-être commencé par réfléchir sur ce symbole, par lui trouver des qualités conceptuelles, puis nous sommes restés silencieux. Cette expérience nous éclaire.
On peut se demander quelle est la source de cet éclairage, savoir en premier lieu s’il vient de l’intérieur ou de l’extérieur de notre esprit. Lorsque nous méditons sur un symbole, il n’y a rien qui soit en dehors de l’esprit, nous pouvons donc considérer que l’éclairage vient de l’intérieur.
L’esprit est très vaste. Il contient tous les univers, tous les êtres ordinaires et éveillés… La méditation sur le symbole va nous mener dans une intelligence particulière de l’esprit, propre au symbole. C’est cette lumière ciblée qui est une condition de l’efficacité de la méditation symbolique. Nous « verrons » donc plus profondément à l’aide de cette matrice d’intelligence.
Il y a autant de méditations symboliques que de symboles, et ces méditations diffèrent suivant les traditions. Un symbole est considéré comme efficace pour un méditant s’il reçoit une bénédiction, mot qui désigne une transformation réelle de l’esprit. Il s’agit le plus souvent de transformations partielles, ce qui oblige à reprendre souvent sa méditation. La méditation sur la vacuité par exemple demande beaucoup de temps pour aboutir à la libération de la souffrance.
Il y a donc une grande quantité de symbolismes (spirituels). Certains sont liés à la connaissance, comme la vacuité. D’autres recherchent l’union avec la réalisation d’un être éveillé, pour avancer vers sa propre réalisation, comme dans le cas des méditations sur des déités, symboles de qualités transcendantes. La méditation sur les déités va permettre d’unir l’esprit du méditant aux qualités d’un esprit éveillé.
Il y a bien d’autres types de symboles. Chacun peut essayer d’y comprendre quelque chose par lui même. La plupart du temps, on ne sait pas vraiment pourquoi cela fonctionne, mais cela fonctionne, c’est un fait, et c’est le but recherché. Les limitations de l’esprit dualiste ne permettent d’appréhender qu’un petit début conceptuel d’une activité qui ne l’est pas.
Exemples de symboles
Croyance et foi
Pour distinguer entre un concept et un symbole à partir d’exemples, on va examiner la différence entre la croyance et la foi, sans oublier que la variété des sens attribués à ce dernier terme est porteuse de confusion. La croyance est conceptuelle, il s’agit d’une certitude à propos d’un concept (la croyance en un dieu par exemple). On croit en quelque chose, en quelqu’un, en une vérité, en un idéal, etc. Par contre, la foi n’a pas d’objet, elle n’appartient pas au système conceptuel mais est reliée à une expérience intérieure, parfois une réalisation. Dans la foi, c’est l’expérience intérieure qui dicte la certitude. On peut aussi considérer que c’est l’expérience intérieure qui se manifeste avec une qualité de certitude, ou bien encore que l’expérience intérieure est la certitude. Il n’y a aucun expérimentateur qui soit le sujet de cette certitude, mais l’expérience elle-même est certitude. Ceci oblige l’expérimentateur de s’effacer dans la non-dualité de l’étage supérieur. Aussi lorsqu’une personne déclare « j’ai la foi », elle triche un peu, car elle disparaît (en tant que sujet) au moment où la foi s’élève ; ce n’est donc pas elle qui a la foi.
Si la foi est certitude, c’est parce qu’elle est connaissance en soi, tandis que la croyance ne s’applique qu’à la dualité. Lorsque nous sommes plongés dans l’eau, nous avons la certitude d’être plongés dans l’eau, il n’y a pas besoin d’arguments pour valider cette certitude. L’eau elle-même se passe d’arguments pour être de l’eau. Il en est de même de la foi.
Le travail intérieur est stérile lorsque le pratiquant est en mode croyance, il est beaucoup plus fertile avec l’expérience de la foi. En mode croyance, la tendance est à fabriquer ce que dicte un idéal, tandis qu’en mode foi, cette tendance n’existe plus, puisque tout est là. La foi peut se transformer en une réalisation spirituelle libératrice, et non la croyance.
Le symbole de la vacuité
Le symbole de la vacuité du bouddhisme est un nom donné à l’absence de nature propre. Dire qu’un phénomène est vacuité, c’est dire qu’il n’existe pas en dehors de ses dépendances, qu’il n’est pas autonome, qu’il n’est pas substantiel. On médite donc sur la vacuité, parce que c’est dan...