CHAPITRE 1 /
La communication : les réseaux sociaux électroniques et les médias sociaux électroniques
Les réseaux sociaux électroniques (e-RS) et les médias sociaux électroniques (e-MS) appartiennent au monde de la communication virtuelle, catégorisée comme un phénomène regroupant deux ou plusieurs personnes en ligne qui échangent des propos, partagent des informations, construisent des liens et, souvent, influencent ou tentent d’influencer l’auditoire virtuel. Toutefois, la communication virtuelle, comme la communication en général, se vit collectivement et, de ce fait, suppose l’existence de règles, de conventions, de normalisations constitutives devant être partagées par les membres d’un groupe, les membres d’autres groupes et les groupes entre eux.
En ce sens, lors d’une communication virtuelle ou traditionnelle, il ne s’agit pas uniquement de l’ancien modèle communicationnel constitutif, comme le modèle de l’information médiatique (radio, télévision), c’est-à-dire de l’envoi d’un message de A vers B, mais plutôt d’une relation interactive entre les individus et les groupes. Par conséquent, afin de bien s’inscrire au sein de cette communication électronique, il est essentiel que les internautes adhèrent à des groupes virtuels afin de pouvoir s’y exprimer ou de recueillir les informations communiquées sur le Web. Ainsi, la communication virtuelle met en lien l’information transmise et l’internaute afin que celui-ci puisse la décoder et en définir le sens selon le contexte social ambiant et le groupe social auquel il appartient. Les e-RS et les e-MS permettent cette communication interactive instantanée et universelle. Tous peuvent dorénavant se rejoindre et participer à ce mode de communication qui véhicule beaucoup d’informations vraies ou fausses, mais qui fournissent peu de preuves de leur véritable notification, c’est-à-dire de l’assurance que ces informations écrites ou visuelles sont porteuses d’un sens précis transmis lors de la communication.
Dans ce cadre de l’utilisation des e-RS et des e-MS, la communication symbolique sur le Web devient donc porteuse de valeurs et de sens en fonction de la personne-réceptrice. On constate paradoxalement que, plus l’individu a accès à de l’information, plus le besoin d’information grandit (Charest et Bédard, 2009). On assiste donc à la confirmation de l’intérêt des individus à consacrer de plus en plus de temps à la communication virtuelle, tout en appréhendant le danger de développer une dépendance à un véhicule communicationnel virtuel gratuit et accessible (Dagnaud, 2013).
1 / Qu’est-ce qu’un e-RS et un e-MS ? Similarités et différences
Au cœur même de cette révolution numérique orientée par une communication tous azimuts, il est important d’éviter les amalgames populaires trop nombreux et souvent trompeurs entre l’Internet et le Web, ainsi qu’entre les e-RS et les e-MS. Ces amalgames amènent ainsi à les associer et souvent à les confondre. En dépit du fait établi que les distinctions que l’on répertorie soient peu essentielles à l’appropriation et l’utilisation du Web et d’Internet et, par conséquent, des e-RS et des e-MS, il apparaît à propos d’établir certaines distinctions, car chacun d’eux repose sur des fondements structurels, procéduraux et sociologiques différents.
Nous devons rappeler que les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ou les technologies de l’information de la communication (TIC) se situent sur le plan de l’électronique, de l’informatique (ordinateurs) et des télécommunications, et que le numérique s’est inscrit à l’intérieur du champ technologique. Le numérique est dans son sens étymologique et technique « un secteur associé au calcul, au nombre et surtout aux dispositifs opposés à l’analogique » (Doueihi, 2013, p. 5). Toutefois, Doueihi (2013, p. 6) souligne « la transformation culturelle induite par le numérique ».
Le numérique se conjugue au plan technologique : il offre des représentations différentes selon les secteurs économique, informatique et culturel, en partageant de nouvelles pratiques sociales et de nouvelles conceptions de l’information, qui sont alimentées par l’« intelligence inventive dont font preuve les jeunes générations immergées dans le numérique » (Serres, 2012, dans Rieffel, 2014, p. 12).
L’humanisme numérique émerge : « L’humanisme numérique est, dans ce contexte, un effort pour penser la transformation culturelle du calcul et de l’informatique en général en ce que l’on a choisi de désigner en français par le nom de “numérique” ». (Doueihi, 2013, p. 7)
Cardon (2019), dans son ouvrage intitulé Culture numérique, aborde ces distinctions sous un angle généalogique. Internet est né vers 1960 et a pris une véritable forme vers 1983, à titre de « protocole de communication TPC/IP : TPC pour transmission control protocol et IP pour Internet protocol » (Cardon, 2019, p. 27). C’est en fait Vinton Cerf et Robert Kahn qui ont conçu cet outil technologique « qui permet de mettre en communication des ordinateurs en utilisant différentes infrastructures réseaux » (Cardon, 2019, p. 27). Ces infrastructures sont nées de l’émergence de réseaux distribués, c’est-à-dire décentralisés, en remplacement de réseaux centralisés, qui deviendront la réalité opérationnelle d’Internet. Tim Berners-Lee en 1990 a quant à lui inventé le Web, défini comme « un protocole de communication qui permet de relier entre elles des pages, via un système d’adresse bien connu : http://www. » (Cardon, 2019, p. 28). Ainsi, « [l]e web est contenu dans internet, mais internet contient beaucoup d’autres choses que le web » (Cardon, 2019, p. 28).
En se référant à la figure 1.1, il faut se rappeler que la création du Web (World Wide Web) a eu lieu en 1989 et que le langage HTML (Hypertext Markup Language) a constitué le Web informationnel entre les années 1990 et 20001. Ainsi, de 1990 à 2000, le Web 1.0, appelé Web informationnel ou Webmaster2, était utilisé par les compagnies et quelques sites Web particuliers pour fournir de l’information. Le Web 1.0 ne pouvait encore permettre aux utilisateurs d’ajouter des informations ou d’interagir.
De 2000 à 2010, succédant au Web 1.0, utilisé pour la mise en ligne des données, le Web 2.0, appelé Web social ou Web collaboratif3, établit une transition. Le Web social 2.0 se rapporte directement au « phénomène des transformations des plateformes interactives du Web » (Proulx, 2012, dans Proulx, Millette et Heaton, 2012, p. 10). Il fournit plus de données, et rend possibles le partage d’informations, la communication virtuelle et l’interaction, comme avec YouTube et Facebook. Il permet de traiter des contenus, de favoriser l’accessibilité, d’instaurer des modalités de collaboration, en s’appuyant sur « l’idéologie participative du Web social » (Proulx et al., 2012, p. 3).
De 2010 à 2020, le Web 3.0 ou Web sémantique, traité, entre autres, par Nova Spivak4, succéda au Web 2.0, en permettant des informations plus précises, des interactions plus faciles et de la navigation plus rapide. Ainsi, le Web sémantique se différencie du Web social, le premier référant aux experts, tandis que le second place les usagers au cœur du dispositif. Le Web 3.0 a été rapporté en premier par Markoff dans le New York Times en 20065 comme une génération de Web qui simplifie et qui organise ce qu’on nomme evolution of the World Wide Web (Kujur et Chhetri, 2015), en mettant l’accent sur l’utilisateur et la machine. Durant cette décennie, le Web 3.0, à la fois technique, économique et socioculturel, permet l’intégration des données personnalisées grâce à un contenu Web contextuel et contextualisé aux acteurs virtuels, soit les internautes. L’accent est dorénavant mis sur le lien intelligent entre les individus et la machine. L’Internet des choses, The Internet of Things, est né. Le site <www.postscapes.com> est un exemple de ces sites Web qui établissent des connexions, et reçoivent et envoient des données aux internautes6.
De 2020 à 2030 émerge le Web 4.0, appelé Web intelligent ou Web symbiotique (ou encore Meta Web)7, qui repose sur le développement de l’intelligence artificielle. Joël de Rosnay8 traite de Web symbiotique ou de l’infonuagique (cloud computing), car le Web 4.0 permet l’utilisation de la mémoire et des capacités de calcul des ordinateurs et des serveurs liés par Internet, et l’immersion dans l’Internet des objets. L’Internet mobile devient l’acteur central de ces réseaux de communication, tant en santé qu’en économie, prônant le partage de compétences et la compatibilité des produits comme SaaS (Software as a Service) ou l’utilisation de logiciels en tant que services, car les fonctionnalités le permettent. Il prendra son essor lors de cette décennie et sera, selon certains, comparable à l’intelligence humaine en ce qui concerne la communication du raisonnement et du comportement, afin d’assister les humains pour toute réalité virtuelle, comme les hologrammes. Toutefois, le Web 4.0 ouvre la voie au piratage des informations personnelles et professionnelles, et met en évidence l’éthique humaine9.
Annoncé dans un avenir rapproché, le Web 5.0, appelé Web télépathique, prévoit l’émergence de l’interconnexion entre l’humain et la technologie, basée sur la communication émotive et symbolique.
FIGURE 1.1 / La progression du Web 1.0 au Web 5.0
Source : Inspiré de <https://c-marketing.eu/du-web-1-0-au-web-4-0/>, de <https://www.zdnet.com/article/from-semantic-web-3-0-to-the-webos-4-0/>, de <http://myeltcafe.com/teach/evolution-of-web-from-1-0-to-5-0/> et de <https://networlding.com/the-advent-of-web-5-0/>, consultés le 10 mai 2021.
Vers 2030, Ray Kurzweil10 annonce que le Web 5.0 – Web O...